Histoires vraies
Un meuble de rêve
Résumé de la 2e partie :Riesener livre, enfin, le secrétaire qui, après deux déménagements, revient, grâce au Duc d’Orléans, au Palais des Tuileries…
Changement de dynastie : arrivée au pouvoir de Napoléon III et de son épouse, la belle Eugénie de Montijo. Elle a toujours eu une adoration pour Marie-Antoinette, et elle demande que le bureau de Louis XV soit installé au palais de Saint-Cloud, où elle l’utilise dans son cabinet de travail. Mais, en 1870, le bureau réintègre les Tuileries.
Œben, qui est mort avant de voir achever le chef-d’œuvre dont il a eu l’idée première, travaillait déjà à d’autres meubles du même style superbe et tout aussi ingénieux. L’un d’entre eux, plus petit que le «bureau du roi», devait être le bureau de Madame de Pompadour. Le succès du meuble livré par Riesener est tel que de toutes parts on réclame des copies de cette merveille. L’ébéniste, dans les années qui suivent, livre au moins quinze nouveaux exemplaires destinés à différentes résidences royales. Certains sont de mêmes dimensions, d’autres plus petits, comme celui destiné à Marie-Antoinette.
L’artisan sait s’adapter aux caprices de la mode ; plusieurs de ces meubles sont de style Louis XV mais avec l’évolution du goût, les autres vont adopter le style Louis XVI, moins souple, plus inspiré de l’Antiquité, plus sobre. Différences aussi dans les matières, qui vont de la simplicité du noyer à l’extravagance des marqueteries de nacre (pour Marie-Antoinette). Le «bureau du roi», qui fait date, va faire école. Roubo publie un Art du menuisier dans lequel ce meuble occupe une place d’honneur. Et cela stimule les ébénistes rivaux de Riesener, qui s’attaquent à la production de meubles concurrents. Cet engouement va traverser l’Empire pour continuer sous la Restauration. Louis-Philippe lui-même, roi bourgeois connu pour son parapluie, passe commande d’un «bureau du roi» qui respecte la tradition du meuble de Louis XV. Désormais, le bureau de Riesener va faire des petits. Outre-Atlantique, les ébénistes adoptent le système ingénieux de Riesener, qui bloque les tiroirs latéraux du bureau quand on ferme le cylindre principal… Puis on va passer aux copies du bureau le plus célèbre du monde. Wallace, le milliardaire créateur des fontaines parisiennes, philanthrope et ami de la France, en acquiert deux exemplaires qui sont toujours dans la collection qu’il a laissée. Un Anglais, Lord Hertford, obtient de l’impératrice Eugénie la permission de copier le meuble. Louis II de Bavière, le roi fou, veut avoir le sien. Celui-ci sera signé de l’ébéniste Zwiener qui, malgré son nom, travaille à Paris. On peut le voir dans le cabinet pseudo-Louis XV du château d’Herrenchiemsee. Mais la série ne s’arrête pas là.
1878 : le président Loubet en fait exécuter une copie et l’offre au grand-duc Paul de Russie. On la retrouvera en vente publique à Londres en 1937… C’est l’ébéniste Dasson qui l’a signée. Il ne sera pas le dernier. On copie encore le bureau du roi en 1910, en 1912, en 1922, et même en… 1945. Ils sont alors signés de la maison Linke. On exécute une copie miniature au 1/10e du meuble originel. Idée qui sera reprise plus tard par les professeurs de l’Ecole Boulle… Deux cents ans après les premiers dessins d’Œben.
Quant à Riesener, sa gloire du temps de Louis XV n’était que le prélude à bien des malheurs. Veuf de Françoise, remarié à une très jeune fille, il connaît des difficultés financières dues à la disparition de ses nobles et riches clients d’autrefois. Il meurt en 1806.
A suivre
D’après Pierre Bellemare
1 janvier 2010 à 10 10 38 01381
Histoires vraies
Fabuleuse princesse
Résumé de la 3e partie n Le corps datant de plus de 2500 ans, est celui d’une femme couverte de bijoux et avec un diadème sur la tête. Reste à présent à l’identifier…
Il y a deux mille cinq cents ans, les Grecs venaient de fonder Marseille. Ce sont d’ailleurs des Grecs qui arrivaient de Phocée, en Turquie. Ces Grecs deviennent alors les voisins des Ligures, qui vivent tout près, et des Celtes, qui donneront naissance aux Gaulois. Ces Celtes qui, selon les traditions orales, arrivaient des régions rhénanes. Certains se sont fixés sur le mont Lassois, qui offrait des commodités de défense.
La «dame de Vix» était-elle une prêtresse ? Rien, parmi les objets et ornements que l’on a découverts ne permet de l’affirmer. Ce devait probablement être une princesse, théorie appuyée par le fait qu’à la même époque certaines tribus celtes d’Angleterre étaient sous l’autorité de reines. Avait-elle un roi ? Est-il encore enseveli dans la région ? Nul ne le sait.
Cependant, on se pose la question de savoir comment cette princesse pouvait se trouver en possession de ces objets scythes, étrusques, grecs. Quelle était la monnaie d’échange qui permettait à sa tribu de se les procurer ?
On arrive à la piste de l’étain. Ce métal est indispensable pour la fabrication du bronze. Comme le cuivre. Mais si le cuivre est très présent dans tout le bassin méditerranéen, l’étain, fort rare, devait être importé d’aussi loin que les îles Cassitérides, du grec kassiteros, c’est-à-dire étain. Ces îles ne sont autres que les îles Sorlingues, au sud-ouest de la pointe de la Cornouailles, c’est-à-dire tout simplement le bout du monde connu, pour les Anciens.
Ils naviguent jusqu’à ces îles pour s’approvisionner et emporter les lingots d’étain jusqu’à l’embouchure de la Seine. Là, on les dépose sur des barques à fond plat que les riverains vont haler et qui arrivent jusqu’à Vix. Des Grecs de Marseille, de leur côté, remontent le Rhône, puis ils passent sur la Saône. Des convois formés par les bêtes qui ont halé leurs barques sont offerts, chargés de présents, aux Celtes ; ceux-ci donnent l’étain des Sorlingues en échange. Sans doute certains marchands, conscients du fait qu’une femme règne sur ces peuples, ont-ils apporté des cadeaux somptueux : le vase de Vix, démonté, des coupes grecques, des amphores de vin grec. Dès que l’échange est fait entre les Grecs, vêtus de vêtements clairs, et les Celtes, vêtus de peaux, portant des pantalons et armés de glaives inquiétants, les Grecs repartent vers le soleil. Ils n’ont plus qu’à se laisser descendre au fil du Rhône.
Après un séjour au Louvre, le vase de Vix, chef-d’œuvre unique de l’art grec, est revenu à Châtillon-sur-Seine.
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 10 10 46 01461
Histoires vraies
Un trône convoité
L’abbaye de Westminster possède un trône qui est utilisé, depuis des temps immémoriaux, pour le couronnement des souverains britanniques. Sous le siège est encastré un bloc de grès rapporté d’Ecosse par le roi Edouard 1er. On prétend que c’est sur ce bloc que le patriarche Jacob a reposé sa tête. Et, on ne sait par quel avatar, c’est sur cette même pierre que les rois d’Ecosse ont longtemps régné. Edouard 1er d’Angleterre, en s’emparant de cette pierre sacrée espérait ainsi asseoir – c’est le cas de le dire – sa légitimité sur le vieux peuple des Scotsmen.
Depuis l’époque de ce «rapt», à la fin du XIIIe siècle, certains Ecossais rêvent, de génération en génération, du retour de la pierre ancestrale. Et c’est ainsi qu’au cours de la nuit de Noël 1950, quatre patriotes écossais – trois hommes et une femme –, s’étant introduits par effraction dans l’abbaye de Westminster s’emparèrent de la «pierre du couronnement», où «pierre de Scone», du nom de cette ville dans le comté de Perth, et l’emportèrent en Ecosse…
Au retour de la Seconde Guerre mondiale, bon nombre de jeunes Ecossais rêvaient de voir les rapports entre Ecosse et Angleterre sous un jour nouveau. Oh, loin d’eux l’idée d’une indépendance absolue mais plutôt celle d’une nouvelle union. Après tout, les Ecossais considéraient, à juste titre, que les Anglais les avaient trompés, brimés et surtout qu’ils avaient réduit à néant leur indépendance millénaire.
A l’université de Glasgow, un étudiant en droit, Ian Hamilton, en vient à concevoir le vol de la pierre du couronnement comme l’action la plus susceptible d’avoir un retentissement mondial, la plus à même d’éclairer la volonté de changement des patriotes écossais.
Les Ecossais qui avaient, sous la direction de Robert Bruce, remporté une victoire longtemps espérée, avaient autrefois obtenu, en théorie, la restitution de la «pierre du destin». Mais cette restitution ne vint jamais, et c’est pourquoi Ian Hamilton décide de prendre les choses en main. Il commence par compulser tous les ouvrages disponibles à la bibliothèque Mitchell, à Glasgow, et étudie tous les documents se rapportant à l’abbaye. Le personnel de la bibliothèque note soigneusement tous les mouvements de livres empruntés ou consultés par l’étudiant. Celui-ci fait des plans, des calculs. Puis il s’attaque au financement de l’expédition. Un homme d’affaires écossais lui avance… cinquante livres sterling, et le présente à Robert Gray, ardent patriote et conseiller municipaI de Glasgow. Lui aussi est enthousiaste car, dans sa jeunesse, il a aussi tenté de récupérer la «pierre du destin». En vain.
Hamilton part pour Londres par le train. Il se sent comme investi d’une mission par tous les Ecossais des siècles précédents, qui ont tant voulu récupérer la pierre sacrée. Il se mêle à la foule des touristes qui visitent l’abbaye de Westminster, et flâne en essayant d’évaluer la robustesse des portes, la solidité des serrures.
Son cœur bat plus fort quand il arrive devant la fameuse pierre. Elle est encastrée dans une sorte de caisse ajourée, sous le siège du couronnement, dans la chapelle d’Edouard le Confesseur. Ce n’est pas un simple petit caillou : elle mesure 42 centimètres de large, sur 62 centimètres de long et 27 centimètres d’épaisseur. Ce qui en fait une masse de près de deux cents kilos. A chaque extrémité, des maillons de chaîne fixés dans la pierre permettent de la soulever le cas échéant. Hamilton constate que l’on pourrait la déplacer sans avoir à endommager le trône vénérable dans lequel elle est installée.
A suivre
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 11 11 00 01001
Histoires vraies
Un trône convoité
Résumé de la 1re partie n La pierre ancestrale est convoitée par les écossais qui envoient Hamilton repérer les lieux de l’abbaye de Westminster pour planifier sa récupération…`
Le jeune homme fait parler les gardiens :
«Comme tout est propre ici… Je suppose que, la nuit, des femmes de ménage entrent en action ?
— Pas du tout.»
Un dernier coup d’œil, pour repérer le petit local où se tient le gardien de nuit. Puis, avant de reprendre le train pour Glasgow, il passe encore un long moment à errer autour de l’abbaye, histoire d’observer d’éventuels mouvements de police. Il regagne l’Ecosse le cœur léger, car son projet fou lui semble désormais tout à fait réalisable.
Hamilton se confie à son ami Neil, lui aussi sympathisant de la cause écossaise. «Voilà, il faut que le soir de l’opération l’un de nous se laisse enfermer dans l’abbaye. Il suffit de se dissimuler dans les échafaudages d’une chapelle en cours de restauration. En tant qu’initiateur de ce projet, je réclame cet honneur. Je n’aurai qu’à rester tranquille jusqu’après la dernière ronde du veilleur de nuit, disons vers deux heures du matin. C’est à ce moment-là que j’entreprendrai de dévisser la serrure d’une des portes extérieures pour permettre au reste de l’équipe d’entrer. Il nous suffira de soulever la pierre grâce à une barre de fer et de la transporter au-dehors, jusqu’à une voiture discrète qui nous attendra non loin de là. Nous partirons, puis nous changerons de véhicule, par précaution, et nous transporterons la pierre jusqu’à Dartmoor (ville au nom sinistre, puisqu’il évoque une célèbre prison). La voiture, une fois vide, prendra la route… du pays de Galles, on ne sait jamais, au cas où elle aurait été repérée.
— Il faut à présent choisir une date.
— Tout bien réfléchi, la meilleure date serait sans doute la nuit de Noël. Les Anglais sont trop occupés à célébrer la fête pour penser à autre chose.»
Neil, son complice, émet des objections, car il a accepté une foule d’invitations pour cette semaine-là. Alors Hamilton déclare : «Si tu n’es pas disponible, j’irai seul !»
Mais cette solitude soudaine ne l’enchante pas. Un soir, dans une réunion, il remarque une jeune Ecossaise nommée Kay, dont les sentiments patriotiques ne font aucun doute. Une idée le frappe : «Rien de tel qu’une jeune femme pour se donner l’air innocent.» Hamilton lui fait part de son projet, sans chercher à finasser.
«Voulez-vous m’aider ?
— Euh, je ne sais pas. Enfin… que faudrait-il faire ?»
Quelques jours pus tard, un troisième patriote Gavin, jeune élève ingénieur se joint au projet. Il est très fort, très audacieux, et il loue une voiture, une Anglia, pour la nuit du «crime». Désormais, les trois complices passent tout leur temps libre à revoir leurs plans. Puis ils font l’acquisition d’une trousse de cambrioleur : une énorme pince-monseigneur, des limes, une scie à métaux, du fil d’acier. Hamilton installe toute cette panoplie de manière à ce qu’elle soit entièrement dissimulée par le grand manteau de laine qu’il compte revêtir cette nuit-là. Au dernier moment, l’équipe s’agrandit d’un grand garçon blond de vingt ans, nommé Alan. Tout semble prêt, le 22 décembre les conspirateurs prennent la route pour Londres, à bord de l’Anglia et d’une Ford.
A suivre
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 11 11 10 01101
Histoires vraies
Un trône convoité
Résumé de la 2e partie n Le cambriolage pour la récupération de la pierre, planifié pour la nuit de Noël, les quatre conspirateurs écossais prennent la route pour Londres le 22 décembre…
Aussitôt sur les lieux, Kay et Alan repèrent la route de Dartmoor. Hamilton, de son côté, se harnache avec tous les outils, qui lui donnent un peu l’air d’une femme enceinte. A cinq heures, il pénètre dans l’abbaye, suivi par Gavin qui le couvre. Hamilton repère un chariot, sous lequel il pense se dissimuler jusqu’au moment de l’action. Il s’étend et essaye de garder son sang-froid. Puis il risque un œil : l’abbaye s’est vidée et tout est calme. Gavin est ressorti avec les autres touristes. Hamilton se glisse enfin hors de sa cachette… juste à temps pour tomber nez à nez avec un gardien barbu qui fronce les sourcils.
«Que faites-vous là ?»
Le jeune Ecossais prend l’air penaud, explique qu’il a été enfermé par erreur et qu’il n’a pas appelé à l’aide par peur du ridicule. L’autre lui dit qu’il a eu de la chance de ne pas avoir été assommé par un gardien de nuit armé de sa matraque… On le reconduit jusqu’à la porte ; il rattrape de justesse la pince-monseigneur qui s’est détachée de sa bretelle ! Le gardien, bon bougre, prend Hamilton pour un sans-domicile et lui propose un peu d’argent.
«Alors, Joyeux Noël !»
Hamilton retrouve Gavin et lui raconte ses déboires. Il faut rejoindre Kay et Alan.
Les quatre jeunes gens envisagent de renouveler leur tentative, mais ils n’ont plus droit à l’erreur : un second échec serait lourd de conséquences psychologiques. Le peuple écossais tout entier serait couvert de ridicule. Ils décident alors de tenter une nouvelle effraction le lendemain soir. Ils passent le reste de la nuit à errer autour de l’abbaye, puis garent leurs deux voitures et se reposent un peu.
La journée du lendemain est entièrement consacrée à rôder autour et à l’intérieur de l’abbaye. Kay a pris froid et, toute grelottante, elle doit se reposer dans une chambre d’hôtel ; mais les compatriotes font le serment de la tenir au courant de tout événement nouveau.
Les garçons ont découvert que l’une des portes du sanctuaire, celle du «coin des poètes», était en pin, donc plus fragile que les portes de chêne. L’équipe s’inquiète un peu de la fréquence des rondes. Mais ils s’aperçoivent que l’accès à la «porte des poètes» peut être facilité par la présence d’un chantier, installé au bout d’une impasse qui mène à l’abbaye. Une foule joyeuse envahit déjà les rues avoisinantes…
A deux heures du matin, ils décident de passer à l’action mais, fidèles à leur promesse, ils vont d’abord récupérer Kay. Le patron de l’hôtel, intrigué par ces jeunes gens qui viennent chercher sa cliente en pleine nuit, intervient en… appelant la police !
Un inspecteur de la sûreté vient les contrôler. «En cette nuit de Noël, on vole des centaines de voitures…»
Il note soigneusement le nom et l’adresse de Hamilton. Mais celui-ci ignore le numéro de la voiture qu’il conduit et le nom du garage où elle a été louée par Gavin. Un car de police arrive. On va chercher Gavin qui attend un peu plus loin, dans la Ford. Dieu merci, il possède les documents de la location. Tout s’arrange, avec les excuses de la police. Quatre heures sonnent à Big Ben. Les garçons s’attaquent à la porte du «coin des poètes».
A suivre
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 11 11 26 01261
Histoires vraies
Un trône convoité
Résumé de la 3e partie n Le premier cambriolage ayant échoué, les 4 compères s’apprêtent à tenter une nouvelle expérience en s’attaquant, cette fois, à la porte du «coin des poètes» plus fragile que les autres…
Elle finit par céder, avec un fracas épouvantable… Les comploteurs entrent dans l’abbaye, entièrement noyée d’obscurité. A la lueur d’une lampe de poche, ils se retrouvent devant la pierre ; mais lorsqu’ils soulèvent la latte de bois prévue pour la déplacer, celle-ci se fend. Les trois garçons tirent, poussent, et la pierre bouge enfin. Hélas ! elle est si lourde qu’il est impossible de la porter à bout de bras. Il faut la déposer sur le manteau de Hamilton et la faire glisser sur le sol. Ça marche ! Un peu trop facilement, même : les conspirateurs comprennent alors que la pierre est cassée en deux et qu’ils n’en emportent qu’un tout petit fragment.
«Nous avons cassé la pierre !»
Heureusement non : la lumière révèle que la cassure est ancienne. Personne ne le savait. Hamilton attrape le fragment, de 45 kilos environ, et fonce tel un joueur de rugby qui veut marquer l’essai. Il jette la pierre dans la voiture où Kay attend, puis il repart en courant pour récupérer le reste. Kay, soudain, met l’Anglia en route et se rapproche de l’abbaye, bien trop tôt…
«J’ai été vue par un agent. Il arrive : tenez, le voilà !» Hamilton monte dans l’auto, jette son manteau sur le fragment de la pierre, et embrasse Kay à bouche que veux-tu.
«Qu’est-ce qui se passe ici ?», demande l’agent en prenant l’air farouche. Les «amoureux» n’ont pas besoin d’expliquer. Le bobby est gentil et il s’ennuie en cette nuit de fête. Le voilà qui pose son casque sur le toit de la voiture et allume une cigarette. Il a envie de bavarder un peu. Kay et Hamilton sont moites d’angoisse. Surtout que pendant ce temps-là, les deux autres garçons arrivent derrière la palissade du chantier, en traînant le reste de la pierre de Scone. Ils font un bruit du diable, et restent pétrifiés en apercevant l’agent qui fume à côté de la voiture.
A présent, la cigarette est terminée. Il faut se séparer. Kay démarre en zigzaguant. Hamilton réfléchit : «Mettons le premier morceau de la pierre dans la Ford. Ensuite, Kay, tu n’auras qu’à partir pour le pays de Galles. Impossible de revenir sur place avec l’Anglia.»
Mais au moment de procéder au transfert d’une voiture à l’autre, Hamilton se souvient que les clefs de la Ford, garée plus loin, sont restées dans la poche de son manteau… ce manteau qui, coincé sous le second morceau de la pierre, sert à le faire glisser vers la porte du «coin des poètes». On laisse donc le premier morceau dans l’Anglia, et Kay ramène Hamilton près de l’abbaye, avant de disparaître avec la voiture. Pourvu que l’agent soit allé ailleurs… Hamilton pénètre à nouveau dans le chantier, puis dans l’abbaye. Il heurte du pied le second fragment de la pierre, mais Gavin et Alan ont disparu… ainsi que le manteau.
Hamilton sort et réfléchit… Les clefs ! Où est le manteau qui contient les clefs ? Il repart en courant vers l’abbaye, mais en oubliant la lampe de poche. Il fait alors, à quatre pattes, le trajet entre la porte brisée et le trône. Il s’éclaire en craquant des allumettes et tâte le sol. Soudain, sa main touche… le trousseau de clefs !
A suivre
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 11 11 27 01271
Histoires vraies
Un trône convoité
Résumé de la 4e partie n Les 4 compères réussissent à forcer la porte et récupèrent une moitié de la pierre, mais Hamilton, après avoir échappé de justesse à un policier, constate qu’il a oublié les clés de la Ford…
Il fonce vers l’extérieur, rejoint la Ford. Quelle heure est-il ? Hamilton s’aperçoit alors qu’il a perdu son bracelet-montre dans l’aventure. Il fait reculer la voiture jusqu’au chantier, au fond de l’impasse. Puis, tout seul, avec une force décuplée par le désespoir, il traîne le second fragment de la pierre jusqu’au coffre, le redresse et le fait basculer à l’intérieur. Et il démarre. Sans qu’il le sache, le veilleur de nuit de l’abbaye est en train d’appeler la police pour signaler le vol.
Hamilton, ivre de la joie de la victoire, se dit qu’il a réussi et que désormais il va devenir un héros national écossais. Mais pour l’instant, il faut s’éloigner de Londres avant que la police n’établisse des barrages. Cependant, par fatigue et par énervement, il se perd dans les petites rues qui entourent l’abbaye, et tourne en rond. Jusqu’au moment où, dans la lumière de ses phares, au milieu d’une ruelle, il voit… Gavin et Alan ! Nouveau problème : avec la charge de la pierre de Scone, impossible de monter tous les trois dans le véhicule. Gavin devra prendre le train. «On se retrouve à la gare de Reading, vers seize heures.»
Alan explique alors que Gavin et lui ont aperçu une voiture de police et qu’ils se sont enfuis… en abandonnant le manteau de Hamilton sur les lieux. Son propriétaire ne l’a simplement pas vu dans l’obscurité. Un manteau d’étudiant organisé, avec une belle étiquette à son nom sur la poche intérieure… Alan et Hamilton partent cependant, un peu au hasard, en direction de Rochester. La Ford emprunte un chemin de terre et là, dans un fossé, les «ravisseurs» abandonnent le trésor national écossais.
Hamilton est persuadé qu’il est repéré, à cause de l’étiquette de son manteau. Il prévoit donc de déposer Alan à la gare de Reading, pour que celui-ci, seul, retrouve Gavin. Ils loueront tous deux une nouvelle voiture, récupéreront la pierre dans l’eau du fossé et l’emmèneront à Dartmoor. Hamilton, lui, filera vers le pays de Galles avec la Ford.
«Mais auparavant, tout de même, se dit Hamilton, il faut retourner à Londres et tenter de récupérer le manteau.» Et que voit-il en arrivant sur le parking ? Le manteau. Gavin et Alan l’ont bien abandonné dans la boue… il est toujours là, en piètre état, il faut l’avouer.
Hamilton dépose donc Alan à la gare de Reading, puis se met en route, pour le pays de Galles. Mais puisque la police n’a pas trouvé son manteau, il change d’avis et fait demi-tour pour rejoindre ses deux amis. Heureuse initiative. Car, à la gare de Reading, Alan attend en vain Gavin, qui a raté le train.
Hamilton téléphone à Neil, son complice en Ecosse. L’autre est fou de joie : «La presse et la radio n’arrêtent pas de parler de vous. La frontière entre l’Ecosse et l’Angleterre est fermée. Voilà quatre cents ans que nous attendions ça !»
Hamilton et Alan prennent la route qui mène au fossé où ils ont abandonné la pierre, la récupèrent et passent une partie de la nuit à la recherche d’une cachette définitive et sûre.
A suivre
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 11 11 44 01441
Histoires vraies
Un trône convoité
Résumé de la 5e partie n Les 4 compères sont fous de joie car ils font la une de la presse et de la radio, mais Hamilton et Alan vont récupérer la pierre dans le fossé…
Vers minuit, ils aperçoivent une rangée d’arbres, visibles depuis la route. Ces arbres bordent une sorte de ravin, sans rien à signaler, sauf des papiers gras et de la paille… Les deux garçons creusent un trou dans lequel ils font glisser leur précieux dépôt. Un peu de paille par-dessus, et voilà.
Puis ils foncent vers l’Ecosse. Il y a quatre-vingt-dix heures que Hamilton n’a pas fermé l’œil. Parfois ils s’arrêtent au bord de la route, pour un petit somme. Ils sont fous de joie et chantent à tue-tête. Mais vers le milieu de l’après-midi, Alan annonce : «Voilà la police !»
Les policiers les contrôlent, notent leur identité et les informent :
«C’est à cause du vol de la pierre du couronnement. Vous ne l’auriez pas vue, par hasard ?
— Non ! Mais on aurait dû faire ça plus tôt.»
Les policiers anglais ne sont pas du même avis et parlent de l’unité nationale…
Enfin, à dix heures du matin, nos «héros» franchissent la frontière entre Ecosse et Angleterre. Désormais, tous les Ecossais sont là pour les aider. Ils commencent par aller chez les parents d’Alan et racontent tous les détails de l’histoire. On leur annonce que Kay est rentrée chez elle sans encombre. Mais elle aussi a connu des problèmes : à peine venait-elle de quitter Hamilton avec l’Anglia qu’elle a entendu un fracas épouvantable. Le fragment de la pierre qu’elle transportait venait de tomber sur la chaussée car le coffre avait été mal fermé… Kay, malgré sa grippe et sa taille toute menue, a saisi le bloc de pierre, l’a remis dans le coffre et a refermé soigneusement celui-ci. Puis elle a emmené l’Anglia chez des amis… anglais, à Birmingham. Sans rien leur dire. Et elle est rentrée en Ecosse par le train.
Dès lors la joyeuse équipe se répand en commentaires délirants sur la façon dont ils auraient volé la pierre si quelqu’un «n’était pas passé par là avant eux». Tout le monde se perd en suppositions sur l’identité des nationalistes héroïques qui ont fait le coup… Serait-ce un coup des communistes ? Des anarchistes ? D’amateurs d’antiquités ?
Les conspirateurs n’ont pas prévu une chose : George VI, le roi d’AngIeterre, se montre très affecté par le vol. Sans hésiter, ils lui écrivent une aimable lettre, où ils confirment les sentiments de loyauté du peuple écossais et donnent les raisons de leur geste…
Mais d’où vont-ils poster leur missive ? Edimbourg ? Glasgow ? Ils choisissent cette dernière ville, en se disant : Scotland Yard va penser qu’il s’agit d’une ruse, et enquêter à Edimbourg. Erreur fatale, les policiers anglais concentrent tous leurs efforts sur Glasgow…
Cependant, la pierre ne peut rester indéfiniment dans son trou, derrière le rideau d’arbres.
A suivre
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 16 04 33 01331
Histoires vraies
Majoliques italiennes
Je débutais dans la carrière, et je n’étais encore que ce qu’on nomme un «clerc amateur». Mais j’étais plein de bonnes intentions (celles dont l’enfer est pavé), et d’initiatives, pas toujours très heureuses. Suite…
J’assistais à une vente où on livrait «au feu des enchères» deux énormes majoliques italiennes. Les majoliques italiennes sont des faïences décoratives très colorées, de style baroque. Certaines sont superbes. Ce qui était remarquable dans celles-ci en particulier, c’est que leur masse imposante reposait sur des pieds d’une finesse extrême. Les commissionnaires apportent ces majoliques, chacune présentée à l’intérieur d’une caisse. Au moment où ils vont les déballer, j’estime que leurs grosses mains sont un peu trop rudes pour ces merveilles, et je lance : «Laissez, je m’en occupe !» Il faut noter que la faïence est beaucoup plus fragile que la porcelaine.
Je sors le premier vase de sa caisse grossière. Il mesurait au moins un mètre de haut sur soixante-dix centimètres de large. Je procède avec tout le doigté dont j’étais capable et… je brise le pied du vase. La vente devait avoir lieu le lendemain.
Il ne restait plus qu’une chose à
faire : se précipiter chez le père Lajoue, un réparateur de faïences et de porcelaines, qui demeurait tout à côté de Drouot. Il était toujours prêt à nous sortir d’affaire en cas d’urgence.
Le lendemain, au prix de longues heures de travail, la majolique italienne accidentée réintègre la salle où elle doit être vendue. La brisure, grâce au père Lajoue, était devenue invisible pour le commun des mortels. Mais le commissaire-priseur se fait un devoir d’annoncer : «Majolique, avec un accident.»
Les enchères montent, et un amateur emporte le lot, après l’avoir payé fort cher. Nous croisons tous les doigts pour qu’il ait bien pris note de l’«accident» et pour qu’il ne vienne pas faire des réclamations (toujours désagréables) après la vente. Réclamations qui pourraient aller jusqu’à l’annulation.
Quand les commissionnaires lui apportent ses deux superbes majoliques, le client, à son tour, s’effraie de voir leurs grosses mains manipuler ces merveilles miraculeuses :
«Laissez-moi faire», dit-il avec
autorité.
Il saisit à bras-le-corps la première majolique – qui sortait tout droit de l’atelier du père Lajoue – et se met en devoir de descendre les escaliers jusqu’à son véhicule. Un énorme fracas nous a tout de suite fait comprendre qu’il n’était pas arrivé au bout de son effort : le client était assis parterre, au pied de l’escalier, et sa précieuse majolique était répandue en mille morceaux autour de lui !
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 16 04 50 01501
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Un musée très fermé
L’un des marchands de tableaux qui ont le plus marqué l’histoire de l’art, est certainement l’Anglais Joseph Duveen. Il vient d’émigrer au Nouveau Monde quand il se dit que les fortunes accumulées pendant l’expansion économique des Etats-Unis représentent un formidable potentiel pour l’achat de tableaux qui se trouvent encore en Europe, souvent entre les mains de propriétaires de plus en plus désargentés. Désormais, l’ambition de Joseph Duveen est de devenir le maître d’œuvre d’un double courant : les tableaux vers l’Amérique, et les dollars vers son propre compte en banque…
Pour cela, il lui faut persuader les milliardaires de devenir des amateurs d’art. Il va s’attaquer, si l’on peut dire, à des gens aussi difficiles d’accès que Pierpont Morgan, John D. Rockefeller, Henry Clay Frick et d’autres.
Le principe de base est simple. Duveen se dit que tous ces milliardaires ont, plus ou moins, le complexe du nouveau riche. Pour le faire passer pas de meilleure médecine que de les aider à remplir leurs palais d’œuvres d’art appartenant ou ayant appartenu à d’authentiques familles princières ou même régnantes du Vieux Continent. Bien sûr, les nouveaux propriétaires se devront d’acheter les œuvres anciennes à des prix dignes de leur fortune. Ce sont des cours fabuleux, qu’on nommera les «prix Duveen».
Mais Duveen tient ses promesses. A la mort d’Henry Clay Frick, l’Encyclopaedia Britannica, qui consacre vingt-trois lignes au défunt, en passe treize à exalter sa passion de collectionneur.
L’une des plus belles réalisations de John Duveen est la création de la National Gallery of Art, un des plus fabuleux musées des Etats-Unis.
Au début, John Duveen s’intéresse simplement aux possibilités financières d’Andrew Mellon, banquier richissime et secrétaire américain au Trésor. Il sait aussi que Mellon a déclaré ne vouloir à aucun prix traiter la moindre affaire avec lui, Duveen, marchand de tableaux déjà fameux. Ce qui n’empêche pas ce dernier, toujours organisé, de posséder une documentation très précise sur Andrew Mellon. Oh, pas question de chantage, simplement de tactique et de préparation.
En 1921, Mellon, en visite à Londres, occupe un appartement au troisième étage de l’hôtel Claridge. Duveen, comme par hasard, retient à longueur d’année une série de chambres au quatrième étage du même hôtel. Quand il apprend la visite du secrétaire américain au Trésor, Duveen change d’étage et émigre au second. Son valet de chambre a bientôt fait de rencontrer le valet de Mellon, et les deux domestiques se découvrent des atomes crochus. Ils arrivent très vite à la conclusion que ce serait bien si leurs deux patrons pouvaient faire connaissance et sympathiser… Un jour, le valet de Mellon prévient celui de Duveen : «Mon maître s’apprête à sortir.»
Duveen est à son tour averti par son valet, et les deux patrons se retrouvent, quelle coïncidence, prêts au même moment. Les voilà nez à nez dans l’ascenseur. Duveen joue les étonnés : «Je suis ravi de vous rencontrer. Je suis John Duveen, et je m’occupe d’œuvres d’art. Je me rendais justement à la National Gallery. Il n’y a pas de meilleure manière de se reposer l’esprit que d’aller dans le calme d’un musée pour y admirer quelques chefs-d’œuvre…»
Mellon fait un signe de la tête. Il n’est pas du genre bavard. Il est même connu aux Etats-Unis pour ne jamais montrer ni exprimer le fond de sa pensée. Duveen, au contraire, est d’une amabilité presque envahissante et n’a pas sa langue dans sa poche…
A suivre
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 17 05 00 01001
Histoires vraies
La chatte de la cendre
Un musée très fermé
Résumé de la 1re partie n Duveen est un marchand de tableaux dont la politique est de persuader les milliardaires de remplir leur palais d’œuvres d’art…
Toujours est-il que Mellon accepte d’accompagner Duveen à la National Gallery de Londres, où ils passent ensemble un long moment très agréable en se «reposant» devant les toiles de maîtres qui leur semblent dignes d’intérêt. Duveen s’arrange pour faire comprendre qu’il possède lui-même des tableaux au moins aussi beaux et que ceux-ci n’attendent que le moment d’entrer dans la collection personnelle de Mellon. Mellon fait un signe de tête, aussi expressif que le premier.
C’est ainsi que Mellon devient un des clients réguliers de Duveen. Seul petit problème : autant le marchand est expansif, autant l’Américain est du genre muet. Il met des heures à se décider, ne laissant rien transpirer de ses états d’âme. Duveen, pendant ces attentes, bout littéralement. Mellon veut, de plus, être absolument certain du «pedigree» de l’œuvre qu’on lui propose. Et il exige d’avoir le coup de foudre… mais ne laisse jamais rien voir de ses émotions. Bon an mal an, Duveen parvient à vendre un ou deux tableaux à Mellon. Rien de plus. Cependant il sème le grain qui va mûrir dans les années suivantes : «Il faudrait créer à Washington un musée digne de ce pays…»
En 1929, les Soviétiques décident, pour faire rentrer des devises en URSS, de vendre certains des trésors artistiques hérités de l’ancienne Russie. Parmi eux, des tableaux inestimables, dont certains faisaient partie des collections de la Grande Catherine… Mellon, informé, demande à Duveen d’aller sur place pour se rendre compte de la valeur des tableaux proposés. Duveen accomplit sa mission avec promptitude, et revient pour annoncer que les œuvres sont magnifiques, mais que les prétentions des Soviétiques sont insensées. Mellon ne dit rien, comme à son habitude. Deux ans plus tard, au moment de la vente Mellon se rend acquéreur de vingt et une toiles, mais utilise pour la transaction les services de son agent habituel, qui travaille au pourcentage, alors que Duveen vendait au «prix Duveen» des tableaux dont il était propriétaire… Est-ce la fin de la collaboration entre les deux hommes ?
Pas du tout. Au contraire, Duveen est ravi et explique volontiers :
«A présent, Andrew Mellon est devenu un collectionneur passionné. Il est mûr pour acheter mes tableaux…» En effet, Mellon possède une collection d’une telle qualité qu’il ne peut plus, pour la compléter, acheter que des chefs-d’œuvre incontestables, que seul Duveen est capable de lui fournir…
Que fait Mellon avec ses acquisitions «soviétiques» ? Il les enferme dans des coffres et projette d’aller les admirer de temps en temps… Il y a là la Madone d’Albe de Raphaël, Saint Georges et le dragon, du même artiste, L’Adoration des mages de Botticelli tous ces tableaux religieux n’auraient pas pu être accrochés dans des salons où l’on boit et on fume, et même une Vénus au miroir du Titien, dont la nudité n’aurait jamais pu trouver place sur les murs de la résidence personnelle de Mellon.
A suivre
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 17 05 10 01101
Histoires Histoires
Un musée très fermé
Résumé de la 2e partie n Les tableaux religieux acquis par Millon sont enfermés dans des coffres car ne convenant pas aux salons où l’on boit et fume…
Duveen n’a pas dit son dernier mot et, pour lui comme pour Andrew Mellon, les années passent. Un jour, Duveen lui déclare : «Nous sommes trop vieux pour passer notre temps à courir l’un vers l’autre. Vous ne viendrez pas à New York chaque fois que j’aurai une œuvre à vous proposer, et je ne pourrais pas venir à Washington pour vous la montrer. Je vais organiser quelque chose de plus commode.»
Et Duveen s’abouche avec les personnes occupant le logement qui se trouve juste au-dessous de celui de Mellon. Une fois qu’elles ont déguerpi, il fait aménager l’appartement en galerie d’art. Équipée d’alarmes. Il engage un gérant, des gardiens et remplit le lieu de tous les tableaux qu’il a l’intention de vendre un jour à Mellon. Puis il confie les clefs de cette galerie au secrétaire d’Etat au Trésor lui-même. Très coûteuse initiative…
Désormais, en fin de journée, on peut voir Andrew Mellon, en tenue d’intérieur, descendre à l’étage du dessous et passer de longs moments dans la contemplation de ces chefs-d’œuvre. Chefs-d’œuvre dont Duveen lui répète constamment qu’ils devraient être un jour offerts à l’admiration de tous les citoyens américains… Le gérant de cette galerie privée le tient au courant de toutes les visites de Mellon. Parfois, celui-ci donne des réceptions dans la galerie d’art. Il s’intoxique littéralement d’art… Jusqu’au jour où… Mellon convoque Duveen et lui achète, en bloc, tous les tableaux installés dans cette galerie. A des «prix Duveen». Bien plus cher que ce que Mellon avait payé chez les Soviets. Il avait déboursé sept millions de dollars au profit des Russes, Duveen en reçoit vingt et un. Du coup, Mellon se trouve à court d’argent liquide et doit signer des reconnaissances de dettes à Duveen, qui n’a pas dit son dernier mot…
Quelques mois plus tard, Mellon écrit au président Roosevelt pour lui proposer la création d’un musée destiné à abriter sa collection. Washington possède, depuis 1836, un musée d’histoire naturelle, agrémenté de quelques tableaux de peintres inconnus. Rien qui soit digne de la capitale des Etats-Unis. Il offre l’argent nécessaire pour la construction et l’entretien dudit musée. Le Président, après consultation du Congrès, accepte l’offre. Duveen convoque l’architecte John Russell Pope, qui dessine les premières ébauches du projet. Mellon les examine. Mais les difficultés commencent…
Duveen déteste la pierre comme matériau de construction, et il suggère que le musée soit construit en briques. Mellon, de son côté, a une prédilection pour la pierre, matériau qu’il a fait utiliser pour de nombreux bâtiments officiels de Washington, à l’occasion d’un programme de construction qui lui avait été confié par le président Coolidge. Il avait d’ailleurs obtenu les assentiments successifs des présidents Harding, Coolidge et Hoover. Mais Mellon n’obtient pas l’accord de Duveen, qui organise une réunion avec Mellon et Pope. Il propose :
«Il faudrait, pour que le musée soit digne des tableaux qu’il va abriter, le construire en marbre…»
A suivre
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 17 05 40 01401
Histoires vraies
Un musée très fermé
Résumé de la 3e partie n Mellon acquiert – jusqu’à s’endetter – de nombreuses pièces de chez Duveen. Il écrit alors au président Roosevelt pour lui proposer la construction d’un musée…
Il propose : «Il faudrait, pour que le musée soit digne des tableaux qu’il va abriter, le construire en marbre…»
— Mais ce serait beaucoup trop cher !», réplique Mellon. Duveen organise sur-le-champ une promenade en voiture dans Washington et passe tout le temps de ce circuit à dénigrer les bâtiments de pierre construits avec l’aval de Mellon : «Regardez ces façades grises et déjà lépreuses ! Si elles étaient de marbre…»
Mellon ne dit rien, mais en sortant de la voiture il déclare : «Merci pour la promenade. Jamais un tour en auto ne m’aura coûté aussi cher !»
Une fois l’accord de Mellon obtenu quant à l’emploi du marbre, celui-ci insiste pour qu’on utilise du marbre du Tennessee, qui a l’immense avantage de ne pas «avoir l’air» d’être du marbre. Discrétion avant tout, selon sa philosophie…
Il faut donc rouvrir les carrières de ce fameux marbre du Tennessee, dont on avait abandonné l’exploitation depuis belle lurette. On n’est pas encore au bout des surprises… Quand les premiers blocs arrivent à Washington, on s’aperçoit qu’il y a d’énormes disparités de couleur. Ils sont de toutes les nuances imaginables dans la gamme des rouges rosés. On procède à un premier essai d’assemblage, et le résultat est catastrophique : on dirait un patchwork, une sorte de fromage de tête géant…
«Il ne reste qu’une seule chose à faire : construire les murs en plaçant les blocs les plus foncés en bas, et s’arranger pour que les teintes fassent un dégradé au fur et à mesure qu’on monte…»
Ce qui implique de prévoir la place de chaque bloc avant même qu’il arrive à Washington. Un certain nombre de millions de dollars s’ajoutent à la facture, mais rien n’est trop beau pour abriter les tableaux «Mellon» payés aux «prix Duveen»…
On interroge celui-ci :
«Mais pourquoi avoir provoqué cette dépense supplémentaire ? Avec cet argent, Mellon aurait pu vous acheter d’autres œuvres…
— Et que croyez-vous ? J’ai d’autres clients qu’Andrew Mellon. Eux aussi sont susceptibles de m’acheter des chefs-d’œuvre pour les offrir au musée. Ils seront d’autant plus enclins à le faire que la nouvelle Galerie de Washington sera plus belle. D’où la nécessité du marbre.»
Il a raison car, après les cent onze toiles et les vingt et une sculptures offertes primitivement par Andrew Mellon, la collection de la National Gallery of Art de Washington a dépassé les trente mille œuvres. Le musée est inauguré par Franklin D. Roosevelt le 17 mars 1941.
Mais le plus drôle c’est que, une fois le musée construit, les différentes teintes constatées sur le marbre s’estompèrent, jusqu’à disparaître complètement. Tous les blocs avaient pris la même couleur…
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 17 05 55 01551
Histoires vraies
Le plus beau camée du monde
Le 10 octobre de l’an 19, Julius César Germanicus adoré de tout l’Empire romain, meurt près d’Antioche. Neveu d’Auguste, il a été, sur ordre de ce dernier, adopté par Tibère dès l’âge de quatre ans. Plus tard, il épouse Agrippine, l’aînée, la petite-fille d’Auguste, célèbre pour sa beauté et ses vertus – qu’il ne faut pas confondre avec l’atroce Agrippine, la jeune, mère de Néron. Julius César est très cultivé, son âme est d’une rare noblesse, il se voit confier des commandements importants. Vainqueur des Dalmates et des Pannoniens, il reçoit de Tibère la défense de la frontière du Rhin. A la mort d’Auguste, il doit réprimer la révolte de légions qui veulent le proclamer «auguste». Dès lors Tibère, nouvel empereur, voit en lui un rival. Julius César est vainqueur d’Arminius, qui avait lui-même massacré les légions de Varus. Désormais, on le surnomme Germanicus.
Tibère le rappelle à Rome puis, méfiant, l’expédie en Orient. Il pacifie l’Arménie, et s’oppose à Cneius Calpurnius Pison, gouverneur de Syrie et intime de Tibère. Il le chasse hors de Syrie, mais il meurt peu après. Avant de mourir, Germanicus a le temps d’accuser Pison, confident intime de son oncle Tibère de l’avoir empoisonné, et il demande à ses amis de le venger. L’épouse de Germanicus, Agrippine, ramène son corps en Italie et accuse publiquement Pison. Celui-ci est traduit en justice devant le Sénat. Tibère l’abandonne, et il se donne la mort.
Quand Agrippine arrive à Rome, ses larmes inondent l’urne d’or dans laquelle elle rapporte les cendres de son époux. De somptueuses funérailles sont célébrées et Tibère décide, hypocritement, d’honorer l’urne d’or par une décoration magnifique.
On demande à Dioscoride, le plus fameux graveur de pierres précieuses de Rome, de se mettre à l’œuvre et on lui donne, pour y créer une œuvre inoubliable, une sardonyx énorme. La sardonyx est une variété d’agate.
Cette pierre deviendra le plus grand camée jamais réalisé, un trapèze aux angles arrondis de trente centimètres de haut sur vingt-six de large. La sardonyx comporte cinq couches de couleurs différentes et superposées : brune, blanche, rousse, blanche et roux foncé. En gravant plus ou moins profondément ces couches, Dioscoride parvient à créer une œuvre comportant de nombreux personnages, répartis sur trois étages, et qui s’inscrivent en contrastes multiples.
Ils sont, en tout, vingt-sept et représentent trois scènes. Au milieu, on voit Germanicus au moment où il fait un salut militaire à Tibère qui l’expédie en Orient. Près de lui, on voit sa mère, Antonia, nièce d’Auguste et Caligula, son fils, qui deviendra plus tard un vrai monstre furieux. On voit Agrippine, future veuve, prête à noter sur ses tablettes les exploits de son époux. On voit aussi Drusus, fils de Tibère et Livilla, sa femme, sœur de Germanicus.
La scène du haut représente l’envol du cheval ailé Pégase, guidé par l’Amour, qui emporte Germanicus vers l’Olympe. La scène inférieure représente les divers peuples pacifiés par Germanicus…
Désormais ce «camée de Germanicus» va constituer une des pièces maîtresses du trésor de l’Empire romain. Il reste à Rome jusqu’au jour où Constantin, le nouvel empereur, protecteur du christianisme, décide de l’emporter dans sa nouvelle capitale, aux portes du Bosphore : Constantinople. Pour en faire, bizarrement, une sorte de relique chrétienne…
A suivre
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 18 06 35 01351
Histoires vraie
Le plus beau camée du monde (2e partie)
Résumé de la 1re partie n Après la mort de Julius César Germanicus, Tibère l’honore hypocritement en lui dédiant le plus grand camée jamais réalisé.
Le camée est serti dans un cadre d’or émaillé, orné des figures des quatre évangélistes.
Sans doute les archives qui accompagnèrent le précieux camée à Constantinople étaient-elles mal tenues car, à partir de cette époque, on décide que le bijou superbe provient… du temple de Salomon, depuis longtemps détruit. On a aussi oublié Tibère et Germanicus, car on annonce que le sardonyx sublime représente tout simplement… «le triomphe de Joseph à la cour de Pharaon». Rappelons que Joseph, fils de Jacob et de Rachel, en butte à la jalousie de ses frères, a été vendu par ceux-ci et s’est retrouvé en esclavage chez Putiphar, chef de la garde du pharaon. L’épouse de Putiphar, trouvant Joseph très à son goût, lui fait des propositions «malhonnêtes», auxquelles notre prophète refuse de répondre. La perverse créature accuse alors Joseph de «harcèlement sexuel» et le fait jeter en prison. Mais le pharaon apprend qu’il a le don de prophétie, il le fait libérer et Joseph, enfin triomphant, est nommé «Premier ministre» du pharaon. On conçoit, avec un peu d’imagination, qu’on ait pu remplacer les parents de Germanicus par les protagonistes de l’histoire de Joseph…
Le «camée de Germanicus» reste ensuite bien tranquille jusqu’au XIIIe siècle. C’est l’époque où règne l’empereur Baudouin II, qui monte sur le trône de Byzance dès l’âge de onze ans. Le pauvre enfant qu’on oblige à épouser la fille du régent, Jean de Brienne, est pris entre deux menaces : les Bulgares et l’empereur grec de Nicée. Il se rend par deux fois en Europe pour demander de l’aide, puis, chassé de Constantinople par Michel Paléologue, se réfugie en Italie.
Dans sa recherche désespérée de mercenaires, Baudouin fait flèche de tout bois pour se procurer de l’argent. Il vend le camée à… Louis IX, futur saint Louis. Il lui fait un «blot» avec la… couronne d’épines… Sans facture ni garantie.
Louis IX, le roi saint, le fils de la redoutable Blanche de Castille, installe camée et couronne dans la Sainte-Chapelle, au cœur de Paris.
En 1342, Philippe VI de Valois est sur le trône de France, que lui dispute Edouard III d’Angleterre, lui-même fils d’Isabelle de France, fille de Philippe IV. Ces problèmes de succession provoquent des combats qui coûtent fort cher… En 1340, Edouard III se proclame roi de France et commence, sans le savoir, la guerre de Cent Ans.
Philippe VI cherche à emprunter, et s’adresse au pape Clément VI. Mais celui-ci exige des garanties. Il demande qu’on lui remette le «grand camée», et c’est le trésorier de la Sainte-Chapelle en personne, Simon de Braelle, qui lui apporte le précieux bijou jusqu’en Avignon, où réside le Saint-Père. Puis c’est le désastre de Crécy. Il semble très improbable que le camée revienne jamais à la cour de France.
Enfin arrive Charles V, et la richesse revient, protégée par l’épée et la trogne de Du Guesclin. Les finances royales sont rétablies. Les coffres du roi regorgent d’or, de bijoux, de pierres précieuses : rubis, saphirs, émeraudes, vaisselle d’or, croix précieuses. On dénombre cinquante couronnes d’or différentes dans le trésor royal. C’est dire si le souverain français a les moyens (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 18 06 43 01431
Histoires vraies
Le plus beau camée du monde (3e partie et fin)
Résumé de la 2e partie n Au XIIIe siècle, l’empereur Baudouin II de Byzance vend le camée à Louis IX puis Philipe VI le laisse en garanti chez le pape Clément VI pour obtenir un prêt…
Justement, le pape se débat avec les luttes du schisme d’Occident. Rome et Avignon ont chacune leur souverain pontife. Clément VII, à son tour, a besoin d’argent. Charles V se range dans son camp, lui expédie quelques caisses d’or et… récupère le précieux camée.
Le grand camée retrouve sa place à la Sainte-Chapelle. Charles V, qui n’apprécie qu’à moitié le cadre byzantin, y fait ajouter un piédestal gothique d’argent doré. Germanicus, alias Joseph, se retrouve entouré de douze niches où sont logés les douze apôtres, eux-mêmes en or émaillé. On y grave d’ailleurs une inscription qui commémore la générosité de Charles V.
Désormais on promène le grand camée dans les rues de Paris, lors de l’arrivée de nouveaux souverains qui viennent d’être sacrés. Tout le monde est heureux de voir Joseph, vainqueur de madame Putiphar, participer à la fête.
Au XVIIe, un érudit passionné d’antiquité avance une théorie nouvelle : il déclare que le grand camée est un travail romain.
«Cette œuvre représente probablement le triomphe d’Auguste.»
Cela paraît vraisemblable, et Rubens, qui est admis à contempler le sardonyx, est si enthousiaste qu’il en fait un dessin.
Il faudra attendre 1644 pour qu’un autre érudit identifie le vrai sujet du grand camée, ou presque : «Ce sont les honneurs rendus à Germanicus par Tibère !»
On brûle… Sans doute a-t-on reconnu le petit monstre Caligula aux caligae, les fameuses chaussures qui lui valurent son surnom…
Pendant cent cinquante ans, le grand camée va demeurer à la Sainte-Chapelle. Puis la Révolution arrive. En 1791, l’Assemblée nationale, après Baudouin II et Clément VII, décide de vendre le camée pour se procurer de l’argent. Louis XVI, sortant de ses digestions difficiles et chroniques, proteste. On vend le trésor de la Sainte-Chapelle, mais le grand camée est exclu de la vente. Ouf ! Germanicus et sa famille se retrouvent au Cabinet des médailles…
En 1792, le vol des diamants de la Couronne met la nation en émoi. On arrête des coupables, qu’on «raccourcit» proprement, histoire de décourager d’autres «monte-en-l’air». Mais il reste beaucoup d’objets précieux et tentants : médailles, collections d’intailles, le trésor de Chilbéric, les bijoux du Cabinet du roi…
Le 16 février 1804, malgré l’autorité de Napoléon Bonaparte, des cambrioleurs audacieux pénètrent dans le Cabinet des médailles. Au matin, les vitrines sont vides, le grand camée a disparu.
On le retrouvera à Amsterdam, où, Dieu merci, le commissaire général Gohier le reconnaît, alors qu’un orfèvre batave s’apprête à l’acheter pour trois cent mille francs. Hélas ! le cadre byzantin et les apôtres ajoutés par Charles V ont déjà disparu, sans doute définitivement fondus…
Napoléon, immédiatement prévenu, réagit comme on peut s’y attendre. Il ne peut manquer de vouloir récupérer ce joyau, qui le rattache directement à saint Louis, Charles V et tous les souverains de France. Il met la main sur le bijou magnifique. Mais il est urgent de lui rendre un cadre digne de sa beauté. Auguste Delafontaine se voit chargé de créer une monture de bronze vert, décorée à l’antique. Désormais le grand camée de France fait l’admiration des visiteurs du Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. Pour l’éternité, espérons-le.
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 19 07 05 01051
Histoires vraies
Radeau de la mort (3e partie et fin)
Résumé de la 2e partie n Géricault réunit toutes les informations sur le naufrage de «la Méduse», il va même observer l’agonie des malades pour réaliser son tableau grandeur nature…
Il fait couper ras ses cheveux blonds, pour éviter d’être tenté par les soirées mondaines. Quand on sait qu’il les frisait avec des papillotes avant d’aller danser on comprend l’ampleur du sacrifice. Désormais, il se fait servir ses repas par une voisine, la vieille mère Doucet. Il dort dans une chambre qui jouxte l’atelier. Mais toujours, et de plus en plus, il doute de lui-même.
Grâce à son ami, le comte de Forbin, peintre lui aussi, et directeur des Beaux-Arts, Géricault peut accrocher son œuvre dans le foyer du Théâtre italien. Horreur : il s’aperçoit que sa toile comporte un vide et que la composition est déséquilibrée. Très rapidement, il la corrige avec la figure à demi-plongée dans la mer qu’il reprend à partir d’anciennes études.
L’accueil fait à sa Scène de naufrage est mitigé. Plus que l’allusion politique, c’est la conception artistique nouvelle, violente, passionnée, choquante, qui heurte les sensibilités. On est loin de l’idéal davidien, de ses attitudes nobles, de ses coloris qui flattent le regard. Certains peintres estiment que Géricault aurait besoin «qu’on lui tire une pinte de sang». Certains cherchent le centre de la composition, qui les déroute ; d’autres s’autorisent à critiquer quelques détails techniques : les personnages sont «couleur mourant». Savigny a pourtant bien précisé que la «calienture» leur donnait un teint de brique rouge foncé. D’autre part, le radeau de Géricault aurait été trop exigu pour servir de refuge à cent cinquante naufragés. Sans doute ne s’agit-il que de la seconde plateforme, celle qui restait hors de l’eau…
Néanmoins, Louis XVIII lui-même félicite Géricault, dont il connaît certainement les opinions politiques légitimistes. Et, dans la foulée, il lui passe commande d’un… Sacré-Cœur de Jésus. On ne voit pas le rapport…
Le Radeau fera l’objet d’une tournée sous un chapiteau, en Angleterre, et l’organisateur, un certain Bullock, invite Géricault à suivre son chef-d’œuvre. Il part avec son ami Chariet, peintre et compagnon fidèle, qui depuis longtemps cherche à «encanailler» Géricault. Ce dernier dépensera allègrement, dans les maisons de plaisir londoniennes, l’argent que la tournée lui procure. Il restera deux ans outre-Manche. Ce voyage lui permet de découvrir Constable et Turner, et de modifier sa conception de l’espace, de la nature. Il reprend goût à la pratique de l’équitation abandonnée il y a longtemps.
Une chute de cheval, justement, le met à la porte du tombeau. Un abcès dorsal se déclare. Géricault est perdu. Tous ses amis l’entourent et s’efforcent de plaisanter pour donner le change. Le célèbre Dupuytren vient régulièrement, mais avoue son impuissance à enrayer le mal. La phtisie de Géricault et la gangrène qui se déclare ne laissent aucun espoir.
Quelques mois après la disparition du peintre, ses amis fidèles, Dedreux-Dorcy en tête, réussissent difficilement à vendre le Radeau à l’Etat, pour la somme de 6 005 francs. Le reste de l’atelier est bradé entre eux, car personne ne s’est présenté pour acheter les tableaux, mis à part… le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe.
Bien des années plus tard, un jeune homme se fait connaître : «Je suis le fils de Géricault.» Qui était sa mère ? Mystère.
Ce personnage, mou autant que laid, finit par obtenir le droit de porter le nom de Géricault. Mais n’obtient rien de son héritage…
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 19 07 14 01141
Histoires vraies
Tapisserie en danger (1re partie)
L’année 1066 : bataille d’Hastings. Guillaume le Conquérant devient roi d’Angleterre en défaisant le roi Harold. Mais la conquête de l’île est loin d’être achevée. En Normandie, l’épouse de Guillaume, la reine Mathilde attend patiemment son retour ; et pour passer le temps, pour ne pas perdre le souvenir de cette épopée, de cette conquête qui va changer l’histoire du monde, elle décide de confectionner la tapisserie à laquelle elle va donner son nom. Aidée de ses suivantes, elle va, pendant dix ans, broder sur une longue pièce de toile cinquante-huit tableaux qui représentent, comme une bande dessinée, toutes les étapes de la glorieuse aventure.
Telle est la légende. Les archéologues qui examinent les matériaux ne sont pas tous d’accord sur cette belle histoire. Mais il est un fait incontestable : la Tapisserie de la reine Mathilde existe bien. Dès le XVe siècle, la ville de Bayeux en est fière et, depuis cette époque, ce chef-d’œuvre fait l’admiration et l’envie de beaucoup d’Anglais. Pourtant, on peut se demander par quel miracle cet ouvrage «de dames» a pu franchir les siècles, les désordres, le vandalisme, l’ignorance, les guerres et les incendies… Avant la Révolution française, la tapisserie était conservée dans le «trésor» de la cathédrale. Chaque année, à la veille de la Saint-Jean, on la sortait de son écrin et on l’exposait publiquement. C’était l’époque où de nombreux sujets britanniques traversaient la Manche pour venir lui faire leurs dévotions.
1792 : on déclare la patrie en danger, et dans toutes les communes de France de nombreux volontaires viennent s’inscrire pour offrir leurs bras et leur sang. Parfois, les offres d’engagement sont trop nombreuses par rapport à l’importance de la ville. C’est le cas à Bayeux : la patrie estime qu’elle n’a besoin que de quinze braves pour remplir le quota de volontaires : or, ce sont deux cent soixante-quatre volontaires qui viennent offrir leur mâle poitrine pour protéger la Nation ! Les braves se sont imaginé que, dès leur inscription, ils allaient pouvoir courir jusqu’aux frontières, pour montrer comment on verse le «sang impur». Mais pour cela, il faudrait des fusils, des chaussures, des munitions. Pour l’instant, Bayeux ne possède rien de tout cela. En attendant, on donne à chacun la somme de six livres : à charge pour lui de se procurer un sabre et un baudrier pour le suspendre… Mais pas question d’uniforme. Au bout d’un mois, on a réussi à trouver le drap et les souliers nécessaires. Le 6e bataillon du Calvados peut enfin espérer aller en découdre…
Vient le grand jour : tous les habitants envahissent les rues pour acclamer leurs fils courageux. La musique ajoute à l’émotion, on s’embrasse, on promet de revenir couvert de gloire. Derrière les héroïques fantassins, on prépare quelques fourgons dans lesquels on compte faire suivre armes et bagages. Hélas ! ces chariots sont à ciel ouvert. Pense-t-on que le ciel va se montrer définitivement clément ? Ou bien est-on décidé à laisser se tremper les équipements qu’on a eu tant de mal à réunir ? Il faut des bâches sur les fourgons… La foule, devant ce retard, commence à s’énerver; des voix s’élèvent pour proposer des solutions ; soudain, quelqu’un crie : «Il n’y a qu’à prendre la tapisserie de la reine Mathilde !»
Le propos est répercuté par les premiers qui l’entendent. Bientôt, des applaudissements nourris signifient que la proposition plaît à la foule. Il s’agit de courir jusqu’à la municipalité, pour obtenir l’autorisation légale de se servir de la tapisserie. Mais comment donc ! Quelle excellente idée !
Et voilà la tapisserie sortie de son vieux coffre, étalée, étendue, divisée en plusieurs morceaux, tendue sur les fourgons, pliée, bouchonnée, et vogue la galère. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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1 janvier 2010 à 19 07 24 01241
Histoires vraies
Tapisserie en danger (2e partie)
Résumé de la 1re partie n En 1792, des jeunes volontaires vont au front suivis par des fourgons d’armes et de bagages recouverts par la tapisserie de la reine Mathilde, fierté de la ville de Bayeux…
L’histoire ne retiendra pas le nom du premier qui eut l’idée d’utiliser la tapisserie comme parapluie. Un fanatique, enragé à détruire tout ce qui provoquait la vénération de la foule, un imbécile heureux, ou encore quelque Anglais comptant bien suivre de loin la tapisserie et la racheter, pour trois fois rien, quand on aurait récupéré des bâches normales.
En tout cas, les chevaux qui tirent les fourgons sont à peine en branle qu’un homme se précipite et se met à hurler pour ameuter les Bajocasses encore un peu doués de raison:
«Citoyens, êtes-vous fous ? Ne vous rendez-vous pas compte qu’en utilisant la tapisserie comme bâche vous ruinez définitivement la ville de Bayeux ? Vous allez détruire son plus grand trésor, qui amène chez nous la foule des admirateurs. Qu’est-ce qui pourra remplacer un trésor aussi inestimable ?»
Non seulement il hurle et ameute les bonnes volontés, mais il saute à la bride des chevaux. Bientôt d’autres citoyens comprennent l’erreur qu’on est en train de commettre. On arrête les fourgons, on enlève les morceaux de la tapisserie et on les remplace par de la vulgaire toile qu’on a soudain trouvée comme par enchantement.
Lambert Le Forestier, tel est le nom de celui qui vient d’accomplir un miracle en sauvant la tapisserie d’une inéluctable destruction. Il était avocat au bailliage, et se montrait fervent partisan des idées nouvelles, ce qui lui avait valu d’être nommé capitaine de la Garde nationale. Heureusement pour lui, et pour nous, il était grand, robuste, courageux et très populaire parmi les patriotes. C’est pourquoi, durant la Révolution, bon nombre de ses concitoyens lui doivent d’avoir conservé leurs biens, et même leur vie.
Une fois la tapisserie retirée des chariots qui partent vers la frontière, que devient-elle ? Lambert Le Forestier, fort de son titre et de ses fonctions, la fait rouler et transporter jusque chez lui, où il prend la précaution de l’enfermer dans un placard, en attendant que les esprits se calment un peu. Autant dire qu’il commet un crime, car il protège un «vestige du fanatisme». Mais ceux qui voulaient la destruction de la tapisserie se disent que ce n’est que partie remise.
Arrive l’an II. On prépare la fête de la Liberté, et parmi les festivités on envisage un char mythologique. Comment décorer ce char ? «Et si on découpait la tapisserie en bandes pour en décorer les flancs du chariot ?»
A nouveau, une salve d’applaudissements accueille cette proposition iconoclaste. Mais pour découper la tapisserie, il faut l’obtenir de Lambert Le Forestier et celui-ci, avec beaucoup d’autorité, refuse de la livrer aux vandales. Ceux-ci se retirent très déçus. Pour se consoler, ils proposent alors une autre initiative, aussi imbécile que terrifiante : «Démolissons la cathédrale, infâme reste de la superstition !»
Parmi les voix des patriotes se trouvent certains spéculateurs qui se disent qu’en démolissant la cathédrale on va libérer un terrain fort bien situé et pouvoir faire une opération immobilière juteuse. Qu’importe le patrimoine de la France ! On abattra les deux flèches gothiques, hautes de soixante-quinze mètres, les clochetons, les nefs, les vitraux, les trois mille colonnettes, la crypte romaine chargée de souvenirs historiques (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
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