par K. Selim
Les Etats occidentaux, leurs diplomaties et leurs médias, ne parviennent plus à masquer le caractère éminemment sélectif de leurs indignations. Ainsi, l’opinion mondiale est sommée de condamner la répression «barbare» des manifestations de l’opposition en Iran qui a fait cinq morts. La planète est cependant invitée à détourner le regard et ne rien dire des six «non-individus» abattus à Naplouse et Ghaza par la très civilisée armée occidentale d’Israël.
Si d’aventure l’on s’avise à prétendre que la défense des libertés et des droits de l’homme est indivisible, on serait rapidement accusés de semer la confusion et de perception fautive de la hiérarchie des indignations.
Cette dernière commande depuis des années de dénoncer avec constance et virulence l’Etat iranien et de taire les agissements d’Israël. Voilà donc les étrennes de fin d’année gracieusement offertes par les centres de diffusion de la lumière civilisée : l’opinion doit se mobiliser pour les opposants iraniens et oublier qu’à Ghaza, toute une population est soumise à un blocus. Que nul ne tente d’avancer que la situation en Iran est un bras de fer entre factions du régime, et que la distinction entre un «bon» et un «mauvais» mollah est un exercice inepte. Celui qui se risque à esquisser de telles coupables nuances sera immédiatement catalogué comme un partisan – fanatique et obscurantiste donc – du peu photogénique Ahmadinejad. Pour être «in», il faut entrer dans le jeu. Accepter que certains religieux iraniens deviennent subitement recommandables et passent pour des parangons de modernité démocratique que l’on devra soutenir à tout prix. A la limite, ce marché de dupes serait acceptable si ces blanches âmes d’Occident consentaient à admettre que les Palestiniens encerclés à Ghaza appartiennent au même genre humain que les manifestants iraniens brutalement réprimés.
Or, il semble que l’on n’est humain que lorsque l’on reçoit l’onction occidentale. Les Palestiniens peuvent bien mourir toute l’année, ils ne pèsent pas lourd dans la géopolitique officielle des droits de l’homme. Cela a été démontré par la mobilisation des «démocraties avancées» pour empêcher l’adoption du Rapport Goldstone sur Ghaza. Comment croire à la sincérité diplomatico-médiatique occidentale quand il s’agit de déplorer la répression en Iran ? Serait-on un suppôt des mollahs en proclamant que les droits de tous à Téhéran, à Ghaza ou au Pakistan doivent être également respectés ?
L’Egypte de Moubarak, qui ne prend pas ce risque, vient de se livrer à une nouvelle bassesse contre les Palestiniens. La marche pour la liberté pour Ghaza, dans laquelle se sont mobilisés 1.400 militants venus de 43 pays, a été bloquée dans la ville d’Aqaba et interdite d’entrée en Egypte. Le Caire vient, à la dernière minute, de leur imposer de repartir vers la Syrie pour débarquer à El-Arrich avant d’aller vers Rafah. La raison de cette fourberie géographique ? Si la marche passait par Aqaba, elle ferait 250 longs kilomètres, où le grand peuple d’Egypte aurait eu tout le loisir de manifester son soutien. En passant par El-Arrich, ce ne seront que trente kilomètres, depuis longtemps militarisés, que traverseront les militants.
L’Egypte, qui met en place, avec le soutien lumineux des Occidentaux, un mur d’acier souterrain pour finir d’étouffer Ghaza, s’agace donc que ces militants du monde viennent avec le but proclamé de briser le siège. «C’est malheureux qu’Israël soit intervenu dans la décision égyptienne», a déclaré Maysara Malas, un responsable syndical égyptien. Le gouvernement de Moubarak, prosterné devant les gardiens de la «civilisation», exécute en effet ce qui lui est dicté. Ce n’est pas le cas de ces 1.400 militants qui ont décidé de refaire le chemin par la Syrie. On comprend pourquoi ils indisposent : ils perturbent l’ordre du jour mondial qui nous intime à tous d’oublier Ghaza pour ne parler que de Téhéran.
Le quotidien d’Oran
29 décembre 2009
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