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FONCTION MEDIATRICE DU CONTE EN PEDAGOGIE PLURICULTURELLE

29 décembre 2009

1.Contes

Nadine DECOURT

 

C E F I S E M ,       Lyon

FONCTION MEDIATRICE DU CONTE

 

EN

 

PEDAGOGIE PLURICULTURELLE

     Formatrice au Centre de Formation et d’Information pour la Scolari­sation des Enfants de Migrants à l’Ecole Normale de Lyon, j’ai eu maintes fois l’occasion de travailler sur le conte dans des situations très diverses, aussi bien avec des adultes en stage qu’avec des enfants et des jeunes issus de l’immigration. Le conte a occupé une place de choix dans les premiers tâtonnements de la pédagogie interculturelle et continue à occu­per une place de choix dans toutes nos tentatives aujourdh’ui pour imagi­ner une ouverture de l’école sur le quartier et plus largement sur les cul­tures du monde. Moi-même grande lectrice de contes, réalisant à quel point tout ce travail mené au CEFISEM avait transformé, et mon répertoire et mes usages du conte, j’ai ressenti l’impérieux besoin d’entreprendre une recherche sur ce qui me semblait être la fonction médiatrice du conte dans l’immigration, sur les processus d’acculturation réciproque en train de se manifester dans le champ de la scolarisation des enfants de migrants et qui me semblent contribuer fortement à l’émergence pour tous d’une nouvelle culture du conte. Je tâcherai d’exposer mes hypothèses de tra­vail, en l’état actuel de mes recherches, puis je signalerai quelques exemples de pratiques pédagogiques, tant pour illustrer le propos que pour mieux amorcer les débats.


POURQUOI LE CONTE

 

EN SITUATION MULTICULTURELLE ?

 

 

     Nous sommes partis d’un constat : celui de l’échec scolaire des enfants de migrants et plus largement de tous ceux qui sont d’une certaine manière étrangers à l’école, aux modèles culturels qu’elle véhicule, aux modalités mêmes de la communication qu’elle privilégie. Si les enfants de migrants constituent un ensemble très hétérogène du fait de leur âge (de la maternelle au collège et au LP, tel est notre champ d’action), du fait de leur appartenance ethnique (il peut y avoir jusqu’à l5 nationalités repré­sentées dans un même établissement), du fait de leurs trajectoires per­sonnelles et familiales, ils ont ceci en commun qu’ils franchissent difficile­ment le barrage de la langue exigée à l’école tant pour l’apprentissage du « français » que pour celui des autres disciplines, et qu’ils accèdent difficile­ment à une maîtrise suffisante de l’écrit . Or, l’on sait que la sélection à l’école s’opère d’abord par la langue (avant les mathématiques) et dès le Cours Préparatoire, quand ce n’est pas déjà dans la dernière année de l’école maternelle.

 

     Les recherches récentes menées sur l’apprentissage des langues, notamment dans le contexte de l’immigration, montrent que l’apprenant a tous les risques de se bloquer et de développer des stratégies d’échec chaque fois qu’il se trouve en situation d’infériorité par rapport à la langue à atteindre en situation de domination culturelle. Nous n’entrerons pas ici dans le détail de ces travaux mais insisterons plutôt sur leurs incidences. Il nous faut renouveler nos approches de la question , dépasser les thèses du handicap linguistique dans lesquelles on a trop enfermé les enfants de migrants au nom d’une application un peu facile, en tout cas trop hâtive de tels ou tels travaux des sociologues. Prendre en compte le statut social des langues en présence dans une situation d’apprentissage, c’est réflé­chir sur le statut de l’apprenant, le mettre au centre d’un dispositif pédago­gique. Si de nouvelles voies s’ouvraient à la recherche , une recherche rendue prudente par tous les excès antérieurs, il fallait aussi agir, il y avait urgence. C’est ainsi que l’inter-culturel s’est inventé, dans l’action, dans l’empirisme, avec les moyens du bord. Les théorisations sont venues après. Toujours est-il que le conte nous est immédiatement apparu comme une pièce maîtresse du dispositif, dans la mesure où il répondait à deux objectifs essentiels dans notre domaine:

     - donner la parole, rétablir une parité culturelle là où il y a domina­tion,

     - éduquer la parole selon des modèles qui ont fait leurs preuves de­puis la nuit des temps et avec lesquels les enfants de l’immigration peu­vent être en harmonie, voire en connivence.

 

     Ainsi nous avons maintes fois tenté de mettre en circulation dans des groupes-classes des versions maghrébines souvent d’origine kabyle à côté des versions européennes du même conte, laissant la porte ouverte à d’autres versions. Des enfants sont allés questionner leur famille, avec succès. Ils sont parfois revenus avec des enregistrements ou ont eux-mêmes, à leur façon, transcrit le conte et enregistré leur propre version. D’autres , en bibliothèque, ont dévoré force tables des matières en quête de corpus… et avec les mots-clés adéquats, signes de leur reconstruction zélée du conte-type. Et comment ne pas souligner leur joie et leur fierté ? Mais nous intéresse en même temps la situation langagière ainsi créée dans la famille. Pour un temps, des enfants ont été des passeurs de cul­tures, et non les traducteurs forcés de messages utilitaires au-dessus de leur âge et de leur statut d’enfants. Les parents ont été amenés, à la de­mande de l’école, à faire un usage symbolique de leur langue, usage re­connu et donc autorisé. N’y-a-t-il pas là un moyen de débloquer un imagi­naire, qui pour certains s’est arrêté avec le franchissement des frontières et avec le mal de vivre ordinairement attaché à l’immigration ? En effet, combien de fois, dans mes propres démarches de collecte, ne m’a-t’-on objecté « les misères » de la vie quotidienne pour m’expliquer une certaine éclipse du conte ? Et même si l’enfant ne comprend plus tout à fait ce que lui raconte sa mère, même s’il parle déjà lui-même kabyle avec l’accent français, il se passe là quelque chose de décisif sur le plan de la commu­nication et des apprentissages langagiers. Bien sûr, l’enfant peut revenir bredouille et le « chercheur » avoir le sentiment de faire fausse route. Les difficultés existent avec l’écart entre les générations, les problèmes de langue, l’éloignement du patrimoine et tous les effets de parasitage (mi­rage de la culture d’accueil, stratégies diverses d’intégration etc.).

 

     Mais ne tirons pas de conclusions trop hâtives dans un sens ou dans l’autre ! Nous en sommes pour l’instant à recueillir autant de versions que possible d’un conte très présent dans les mémoires maghrébines :      La vache des orphelins, ou Ali et Aïcha, ou encore Petit frère et Petite soeur          selon la classification internationale d’Aarne et Thompson (T450) et nous avons été surprise du nombre des versions collectées ou simplement détectées à ce jour, de la diversité des personnes-ressources contactées, comme des mises en relations qui se sont effectuées ce faisant entre l’école et les familles de l’immigration (souvent par l’intermédiaire de tra­vailleurs sociaux). Notre demande a même provoqué dans certains cas de véritables chaînes de solidarité, soit que telle conteuse s’enquière auprès du voisinage des détails lui manquant, soit que les « jeunes générations » en profitent pour partir à la recherche d’une mémoire collective qu’ils savent menacée de disparition et pour en opérer du même coup la sauvegarde. En tout cas, le sens de notre démarche a été bien compris. Il ne s’agit pas de constituer une « réserve », d’inventer un nouveau folklore, mais d’activer et d’entretenir un capital culturel, par le simple fait de créer un pont entre des cultures familiales et nos usages pédagogiques du conte ici et main­tenant. Et tant mieux si ce travail de légitimation autorise les enfants d’immigrés à dépasser leur patrimoine , à faire pour eux-mêmes d’autres choix culturels.

 

     Telle est à nos yeux la fonction médiatrice du conte en immigration. Voyons maintenant du côté des pratiques.

 

 

 

 

EXEMPLES DE PRATIQUES PEDAGOGIQUES

 

 

     Les pratiques sont nombreuses, susceptibles, tel le conte lui-même, de variations à l’infini, en fonction de situations locales aux            nombreux pa­ramètres. Nous ne ferons ici que signaler quelques moments privilégiés, qu’esquisser à travers leur énumération un parcours allant du collectage au choix d’une réalisation collective.

 

 

l) Collecte

    

     Souvent première étape d’un projet sur le conte, elle consiste à in­ventorier un matériau de base et présente à elle seule plusieurs intérêts :

     - la prise en compte des cultures du foyer dans toute leur authenti­cité à condition d’avoir su établir un climat de confiance,

     - la mise en commun de répertoires variés, tant en ce qui concerne les registres de langue que les possibles narratifs ou encore culturels, vé­ritable éducation pour tous à la notion de relativité,

     - l’instauration d’une parité de statut entre les divers éléments de la collecte et donc la possibilité de dialogues et de partenariats fructueux.

    

     Ce travail effectué dans les écoles, dans les centres sociaux ou en liaison entre les deux, est par définition un outil de médiation entre le mi­lieu scolaire et le milieu familial. Il est en même temps l’occasion de pas­serelles permanentes entre des types d’oral (le conte narré ou résumé) et des types d’écrit (transcription, restitution ou littérarisation.) En ce sens il constitue un levier pour les apprentissages, notamment avec des enfants en difficulté qui seront fortement motivés, ébranlés par les images du conte et par leur propre investissement affectif, inter- ou intra-culturel. En­fin, autre fruit non négligeable de l’entreprise, la circulation de textes-cas­settes, que celle-ci induit obligatoirement entre l’école et les familles, en­traîne du même coup une démystification de l’objet pédagogique et donc une meilleure appropriation par les enfants des savoirs et des outils né­cessaires à l’élaboration de ceux-ci.

 

 

2) Contage bilingue.

    

     Il est constitutif d’une relation égalitaire entre l’école et la famille de l’enfant, légitimation tangible, physique d’une reconnaissance. D’où son importance dès l’école maternelle où il convient d’éviter pour l’enfant des chocs culturels traumatisants. De plus, dans le système scolaire français, c’est à        l’école maternelle que les parents ont le plus facilement accès. Parmi les personnes-ressources, signalons , outre les élèves eux-mêmes (et la fratrie), les enseignants étrangers, les animateurs sociaux et plus généralement tout locuteur susceptible d’apporter son parler.

 

     Ce moment pédagogique procure le plaisir pur de la langue. Il la donne à voir et à entendre dans toutes les ressources de sa musicalité, de sa corporalité et de sa gestuelle.         Surtout si la version française, c’est-à-dire dans la langue véhiculaire pour le groupe, est présentée d’abord. Fai­sant ainsi l’économie du signifié grâce à notre familiarité avec le conte, grâce à la prédictibilité même de sa structure comme à tous les facteurs extralinguistiques de sa compréhension, nous pourrons dire, émerveillés, que nous soyons enfants ou adultes et dans un même élan: « j’ai tout com­pris ! « . Voilà donc aussi une manière de lutter contre le racisme linguis­tique, de mettre sur pied d’égalité le récit de la petite Karima, kabyle, avec celui d’Anne, lectrice berlinoise, qui a si délicieusement écorché les pas­sés simples traduits directement de Grimm dans une classe d’enfants de CM2 qui travaillaient récemment sur le corpus de La vache des orphe­lins.

 

 

3) Projet de quartier.

 

     Le conte sert de support à toutes sortes d’activités de production et s’inscrit tout naturellement dans une pédagogie du projet. Les avantages sont multiples :

     - motiver ou remotiver les apprentissages en mettant les appre­nants dans des situations de communication qu’ils ont choisies et dont ils sont responsables,

     - obliger à un travail d’équipe au sein de la classe, de l’école, du quartier, parce que l’on a besoin de compétences diverses, dont chacune sera reconnue,

     - situer la langue dans un système de communication où l’on utilise à la fois et dans des combinaisons variées l’écrit, l’oral, l’image, le corps, la musique etc ; c’est-à-dire initier à un fonctionnement authentique de la communication,

     - créer une dynamique de vie ouvrant l’école sur le quartier, où s’inventent une nouvelle convivialité … et de nouvelles pratiques du conte, (sub)urbaines, inter­culturelles. Signalons à ce propos la résurgence de la fête du Carnaval, à des moments divers laissés aux initiatives locales en fonction des opportunités, y compris météorologiques.

 

 

 

 

LE PLAISIR DE LA VARIATION

 

 

     Par-delà tous les parcours et toutes les facettes du travail pédago­gique dont le conte peut être le pivot et le prétexte, il est un point sur le­quel nous voudrions pour finir attirer l’attention : le plaisir de la variation sans cesse activé par nos procédures.

 

     En effet, à force de miser sur les variantes pour valoriser tant les uns que les autres, à force de toujours encourager les efforts d’ouverture, condition même du dialogue, nous avons pu constater l’aptitude d’enfants, même jeunes, à la comparaison. Au point qu’il nous semble pouvoir dire, en reprenant le titre célèbre d’un ouvrage de Raymond Oliver, que tout comme la cuisine, le comparatisme est un jeu d’enfants ! Pourvu que l’occasion leur en soit donnée. Pourvu que l’on respecte leurs manières de faire en ce domaine, qui ne sont pas celles de l’adulte et qu’il nous appar­tient justement d’observer et de découvrir.

    

     A cet égard la profusion des livres de contes que l’on trouve sur le marché, brassant largement les répertoires et les langues, devrait aider l’enseignant à constituer très rapidement des embryons de corpus. On peut faire confiance aux enfants  pour accroître la collection et devenir chasseurs de textes ! Ils vont spontanément se lancer dans des dé­marches comparatives, se passionner pour des tableaux à double entrée, jongler avec les critères qui leur permettront de distinguer l’invariant des éléments de variation, créer eux-mêmes leurs propres versions et prendre à tout cela un réel plaisir. Tel est du moins ce que nous avons pu consta­ter et qui retient aujourd’hui toute notre attention. Ainsi des enfants, qui jusque-là ne supportaient que la réitération du même et refusaient à l’enseignant la moindre entorse à la version familiale ou familière d’un conte, se sont mis à savoir accueillir la différence, à se montrer au contraire friands de toutes ses manifestations. Voilà qui paraît capital tant au plan de la socialisation qu’au plan même de la lecture et de l’approche des textes. Sous l’interculturalité, l’intertextualité en quelque sorte! Comme A. Khatibi dans La blessure du nom propre, les enfants s’emparent de « l’entre-deux » des contes et font de cette position, jugée le plus souvent disqualifiante pour les enfants de l’immigration, une force et une richesse.

     Il nous semble donc aujourd’hui assister (et très modestement oeu­vrer) à une transformation importante de nos pratiques du conte, transfor­mation dont l’école et son entour constituent un lieu privilégié d’ancrage. Des femmes immigrées redécouvrent d’un oeil nouveau leurs ressources et savent ajuster leurs savoirs-faire à la société d’ici. Voici qu’elles se don­nent les moyens d’intervenir dans les écoles, éditent leurs contes sous forme de livres[1], et bientôt de livres-cassettes. Nos répertoires du même coup s’élargissent et cette extension même crée un espace de jeu : jeu avec les variantes, jeu avec un imaginaire sans frontières où intégrer tous les apports de l’immigration. Pour mieux les dépasser ? Libre alors à cha­cun d’assumer comme il l’entend son héritage, d’opérer comme il l’entend ses choix culturels.

http://www.limag.refer.org/Textes/Iti10/Nadine%20DECOURT.htm

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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9 Réponses à “FONCTION MEDIATRICE DU CONTE EN PEDAGOGIE PLURICULTURELLE”

  1. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    M’hammed le fils du sultan (11e partie et fin)

    Résumé de la 10e partie n M’hammed vit heureux aux côtés de Flifla, mais son père, toujours jaloux de sa réussite, envoie son vizir crever les yeux de son fils et lui ramener un verre de son sang…

    Il fit ainsi, remplit son verre de sang et s’enfuit. M’hammed le fils du sultan resta dans la forêt, aveugle, se traînant à genoux, se nourrissant d’herbes et d’insectes. Ses vêtements s’usèrent et tombèrent en lambeaux et ses genoux furent écorchés à vif. Un jour parmi les jours, un oiseau passa au-dessus de lui et dit :
    — Pauvre M’hammed fils du sultan ! S’il parvient à se redresser et à se mettre debout, il tendra la main vers l’olivier près de lui, en arrachera les feuilles, les mâchera et les posera sur ses yeux alors il guérira.
    Le prince l’entendit et se dit : «Je vais essayer.» Il réussit à se relever un peu, non sans douleur, tendit le bras, coupa un rameau puis mâcha les feuilles et les posa sur un œil. Le lendemain, il était guéri et recommençait la même chose avec l’autre œil. Il recouvra entièrement la vue. Il se vit dans cet état, fut dégoûté et n’osa revenir au château.
    Il commença donc à marcher, aperçut au loin un troupeau avec une chamelle qui venait de mettre bas, il s’en approcha et se mit à la téter. Le berger se retourna, appela son fils :
    — Ahmed, mon fils, est-ce que la chamelle galeuse a encore mis bas ? Je la vois allaitant.
    — Non, mon père, c’est un homme qui est en train de la téter. Ils allèrent le voir, lui demandèrent pourquoi il était dans cet état. Il leur raconta une histoire et revint tous les jours boire du lait.
    Un jour, il demanda au berger :
    — A qui appartient ce grand troupeau ?
    — Il est à M’hammed le fils du sultan, le pauvre ! Il vivait dans un château merveilleux dans lequel il y a les pommes odorantes qui rendent l’esprit et l’âme, l’oiseau chanteur à l’aile qui répond, le sang des gazelles et Flifla, la fille du sultan des djinns : c’est son père qui, voulant s’en débarrasser, l’a envoyé chercher toutes ces merveilles et la dernière fois, il a envoyé son vizir lui crever les yeux et jusqu’à ce jour on ignore le sort du prince et on ne sait pas où il est. J’ai appris que ce soir, le sultan attaquera le château, tuera le fidèle serviteur Saâd et prendra la femme de son fils. Le prince comprit la gravité de la situation mais ne montra rien au berger, il lui demanda s’il pouvait passer la nuit chez lui, puis prétexta quelque chose à faire et partit. Il se rendit à son Château, vit son père l’assiéger avec près de quarante soldats et Saâd tout seul leur tenir tête. A un moment, Saâd tourna la tête, son regard croisa celui du prince, il le reconnut aussitôt, se faufila jusqu’à lui et chuchota à son oreille :
    — Comment faire maintenant ? ils m’attaquent et je ne pourrai tenir longtemps, ils vont me tuer.
    — Tu vas sonder les attaquants pour voir s’ils sont tous du côté du sultan ou s’il y a, parmi eux, quelques honnêtes hommes qui seraient de mon côté. Si tu en trouves, mets-toi à leur tête et appelle les autres au combat, mais avant, laisse-moi faire, j’ai une idée.
    Il sortit une outre pleine de sang, l’attacha sur le ventre de Saâd, sans que personne s’en aperçût, et lui dit :
    — Va te battre maintenant, j’ai mon épée à la main et j’attends, au bout d’un moment, fais semblant d’être blessé, le sang coulera de cette outre et on verra alors ce que le sultan a l’intention de faire réellement. Saâd s’exécuta, la lutte commença. Le vizir avança, recula et donna un coup dans le ventre de Saâd, celui-ci tomba dans une mare de sang. Le sultan en fut heureux et soulagé, il se précipita dans le château avec la ferme intention de prendre Flifla. Le prince se dirigea alors vers Saâd, révéla son identité, puis le réveilla :
    — Lève-toi, Saâd, et frappe avec ton épée !
    Saâd ne se fit pas prier, tous les autres reculèrent, effrayés. le prince et son valet les disséminèrent très vite et s’attaquèrent au vizir et au sultan qu’ils abattirent également sans difficulté.
    Ils furent ainsi débarrassés et vécurent tous les trois, Saâd, M’hammed le fils du sultan et Flifla la fille du sultan des djinns, heureux et en paix, et notre conte traversa la forêt et cette année nous aurons deux et une récolte.

    Bochra Ben Hassen et Thierry Charnay

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  2. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    Grain de grenade (1re partie)

    Il était ce qu’il en était.
    — Que la paix et l’abondance soient sur toi !
    — Notre chambre est en soie, votre chambre est en lin et la chambre de l’ennemi est un nid de souris.
    Messieurs et nobles Seigneurs, que nous soyons guidés, que vous soyez guidés sur la voie du bien et de la foi.
    On raconte qu’une femme accompagnait son mari au champ, elle était enceinte et traînait souvent derrière lui. Un jour de canicule, alors qu’elle était loin derrière son homme, elle fut arrêtée par une ogresse noire de peau, échevelée, aux dents énormes, qui rugit et lui dit :
    — Quel est ton nom ? Quel est le nom de ton père ?
    Effrayée, la femme lui répondit :
    — Je suis une telle, fille d’un tel.
    L’ogresse lui dit :
    — Maintenant je ne te ferai pas de mal, mais je vois que tu es enceinte, alors si tu mets au monde un garçon, il est à toi, si c’est une fille, tu dois me promettre que tu me la donneras.
    Le sol se fendit et l’ogresse disparut. La femme rejoignit son mari, mais ne lui dit rien.
    Passa un temps et vint un autre, elle mit au monde une fille et oublia sa promesse à l’ogresse. La fille grandit, devint très belle et sa mère en était très fière. Un jour, elle accompagna son vieux père au champ, lui, à dos d’âne était devant et elle le suivait à quelques pas derrière.
    Soudain, l’ogresse apparut, l’attrapa par le bras en la serrant très fort :
    — Qui es-tu ? Qui est ta mère ?
    — Je suis une telle, fille d’une telle.
    L’ogresse se mit en colère, lui pinça très fort le bras et lui dit :
    — Quand tu rentres, dis à ta mère : rappelle-toi ta promesse.
    La fille rejoignit son père au champ, joua et oublia l’incident. De retour à la maison, sa mère voulut la laver, s’aperçut qu’elle avait un bleu au bras et demanda qui l’avait pincée ainsi. La fille se rappela tout alors et lui dit :
    — Mère, une ogresse m’est apparue sur le chemin du champ, elle était effrayante avec des dents énormes, des cheveux hirsutes et m’a demandé qui je suis et qui est ma mère. Quand je lui ai donné ton nom, elle m’a pincée très fort et m’a dit de te rappeler ce qui était convenu entre vous deux.
    La pauvre femme comprit tout de suite et, pendant qu’elle lavait sa fille, ses larmes coulaient à flots et, quand cette dernière lui demandait ce qu’elle avait, elle lui disait tout simplement qu’elle avait mal à la tête. La fille lui demanda alors :
    — Que dois-je répondre si l’ogresse m’arrête une seconde fois ?
    Tout en continuant à pleurer, la mère lui dit :
    — Si l’ogresse t’arrête une seconde fois, réponds-lui :
    Ma mère te dit : Sers-toi sans attendre !
    Le lendemain, la fille retourna au champ avec son père, lui, à dos d’âne, toujours devant, et elle, à pied, toujours derrière. Au même endroit, l’ogresse apparut, l’attrapa par le bras et lui demanda :
    — As-tu transmis mon message à ta mère ?
    La fille acquiesça et l’ogresse lui dit :
    — Et alors, qu’a-t-elle répondu ?
    Et la fille répéta les paroles de sa mère :
    — Sers-toi sans attendre.
    Satisfaite, l’ogresse lui ordonna :
    — Ferme les yeux, place la pointe de tes pieds sur la pointe de mes pieds. La terre se fendit et les engloutit toutes les deux.
    Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle se vit entourée d’ogres et d’ogresses aussi menaçants les uns que les autres. L’ogresse les calma en leur disant :
    C’est ma fille, ne lui faites aucun mal. (à suivre…)

    Bochra Ben Hassen et Thierry Charnay

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  3. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    Grain de grenade (2e partie)

    Résumé de la 1re partie n Après bien des années, l’ogresse rappelle à la femme sa promesse, cette dernière lui remet donc sa fille…

    L’ogresse avait sept chambres, elle lui en fit visiter six et lui en donna les clés puis, lui confiant une septième clé, lui interdit d’ouvrir la septième chambre. Pendant longtemps, l’ogresse s’occupa elle-même de la jeune fille, elle la gâta, la dorlota comme si elle était sa propre enfant et quand elle put enfin compter sur elle, elle lui confia la maison et partit chasser avec son chien. Quand elle rentrait le soir, elle trouvait la maison propre et bien rangée et le dîner prêt, elle remerciait la fille et la câlinait en la prenant sur ses genoux.
    Un jour parmi les jours, l’ogresse partit chasser avec son chien comme d’habitude. La jeune fille se dit : «Pourquoi m’interdit-elle d’ouvrir la septième chambre ? Par Dieu je vais l’ouvrir et je découvrirai ce qu’elle cache.» Elle l’ouvrit et vit un homme ligoté, sale, maigre, la barbe jusqu’aux dents et, tout près de lui, un cheval ligoté aussi, et lourdement chargé de sacs de sel. La jeune fille eut peur, se recula et dit :
    — Humain ou djinn ?
    — Humain de la meilleure race, je suis M’hammed, le fils du suItan.
    — Que fais-tu ici ? Qu’est-ce qui t’a amené jusqu’ici ?
    — Et toi alors ?
    Elle lui conta son histoire et il lui apprit que l’ogresse l’avait attrapé, ligoté et emprisonné dans cette chambre. Elle le lava, le rasa et lui donna à manger puis elle déchargea les sacs de sel, apporta du foin et de l’eau au cheval. Le prince lui dit :
    — Nous devons nous échapper d’ici, l’ogresse t’aime, profites-en ! Un jour, fais semblant d’être malade et elle n’ira pas chasser. Si elle te propose d’appeler un médecin, dis-lui que tu n’es pas malade mais que tu veux, tout simplement, le collier de sa défunte fille. Si elle t’aime vraiment, elle te le donnera.
    Elle referma la porte, ne fit ni le ménage ni le dîner et se coucha. L’ogresse rentra la nuit et fut surprise de ce qui se passait. Elle alla voir la jeune fille, lui demanda ce qu’elle avait, puis proposa d’aller chercher un médecin. La jeune fille refusa et lui dit qu’elle voulait le collier de sa défunte fille. L’ogresse sourit et lui dit :
    — C’est ça qui te rend malade, je te l’apporte tout de suite !
    Elle disparut un instant et revint avec un collier qu’elle lui mit autour du cou. La jeune fille sauta tout de suite hors du lit et la rassura :
    — Demain, tu peux partir chasser, je m’occuperai de tout, tu peux compter sur moi.
    Le lendemain, quand l’ogresse fut partie, elle alla ouvrir la septième chambre, donna à manger au prince et à son cheval et lui apprit qu’elle était en possession du collier. Il lui dit alors de courir se préparer pour partir au plus vite. Elle prit des sacs, les remplit d’or, d’argent et de bijoux, le prince la fit monter derrière lui sur son cheval ; mi-humain mi-djinn et ils s’envolèrent laissant les sept chambres ouvertes et la porte de la maison aussi.
    Quelque temps après, ils entendirent un bruit de pas résonner derrière eux, M’hammed le fils du sultan s’écria :
    — Grain de grenade, regarde derrière toi !
    Elle regarda derrière elle, vit l’ogresse qui les poursuivait avec son chien et dit : «O M’hammed, fils du sultan, l’ogresse se rapproche ! (à suivre…)

    Bochra Ben Hassen et Thierry Charnay

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  4. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    Grain de grenade (3e partie)

    Résumé de la 2e partie n La fille désobéit à l’ogresse qui la considérait comme son propre enfant et s’enfuit avec M’hammed le fils du sultan…

    Il lui répondit :
    — N’aie pas peur ! jette un des peignes suspendus au collier que t’a donné l’ogresse !
    Grain de grenade arracha le premier peigne du collier et le jeta à terre. Aussitôt, le sol derrière eux, se couvrit de longues aiguilles en fer, le prince put ainsi ralentir son allure et respirer un peu. L’ogresse commença à arracher les aiguilles en disant à son chien :
    — Arrache, mon chien et moi j’arrache ! elle parvint ainsi à se frayer un chemin et à rattraper le prince et Grain de grenade. M’hammed le fils du sultan cria :
    — Regarde derrière toi Grain de grenade, les pas nous rattrapent !
    Elle se retourna et vit que l’ogresse était près d’arracher un poil de la queue du cheval. Il lui dit :
    — Jette un autre peigne de ton collier ! Elle jeta un deuxième peigne et, aussitôt, le sol fut planté d’aiguilles très fines. L’ogresse et son chien se mirent à les arracher :
    — Arrache, mon chien et moi j’arrache ! ils se firent un chemin et rattrapèrent les fugitifs. Le prince cria :
    — Grain de grenade ! les pas se rapprochent, regarde derrière toi !
    Elle se retourna, l’ogresse était à deux doigts d’attraper la queue du cheval. Elle s’écria :
    — Elle va attraper la queue du cheval !
    — Jette le dernier peigne du collier ! Elle l’arracha à son cou et le jeta à terre. Aussitôt tout derrière eux fut couvert d’une mer houleuse.
    L’ogresse dit :
    — Bois, mon chien et moi, je bois ! Mais plus elle buvait, plus elle purinait et l’eau ne diminua point. Alors, épuisée, elle renonça et maudit Grain de grenade :
    — Que M’hammed le fils du sultan t’abandonne comme tu m’as abandonnée au pied d’un arbre ! et elle disparut. Après s’être reposé, le prince prit Grain de grenade en croupe et se mit en route. A la tombée de la nuit, il arriva aux abords de son royaume et dit à Grain de grenade :
    — Ça fait des années que je suis absent de mon pays, il m’est impossible de t’emmener avec moi. Que dirait ma famille ! Reste ici et je reviendrai te chercher.
    Elle attendit longtemps mais il ne revint pas. Prise de peur, elle commença à marcher. Elle arriva devant une maison en ruines et frappa à la porte. Une vieille femme, appuyée sur une canne vint lui ouvrir.
    — Bonsoir.
    — Bonsoir.
    — Qui es-tu ?
    — Je ne suis pas d’ici, je n’ai personne, je veux passer la nuit chez toi.
    — Bienvenue ! entre.
    Elle entra. Une chambre vétuste et un vieil homme dans le noir. Il lui expliqua qu’ils étaient totalement démunis. Elle lui donna une pièce d’or et lui demanda d’aller acheter une lampe à pétrole, du pain, du lait et des dattes. Ils mangèrent avec appétit puis s’endormirent. Le lendemain, elle explora la maison et se rendit compte de l’extrême misère dans laquelle vivaient les deux vieux. Elle appela l’homme et lui dit :
    — Je n’ai personne, ma famille est nomade et m’a oubliée lors d’une halte non loin d’ici, je ne la retrouverai jamais, je vivrai avec vous et je serai votre fille. Ils étaient habillés de guenilles sales.
    — Père, veux-tu m’accompagner pour faire des courses ?
    — Nous avons honte ! C’est toi qui dépenses et nous, nous n’avons rien ! (à suivre…)

    Bochra Ben Hassen et Thierry Charnay

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  5. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    Grain de grenade

    Résumé de la 3e partie n Grain de grenade est abandonnée par M’hammed au pied d’un arbre comme le lui avait souhaité l’ogresse. C’est ainsi qu’elle est recueillie par un vieux couple très pauvre…

    Je suis votre fille ! rétorqua-t-elle. Ils allèrent au souk, elle lui acheta une paire de babouches, une jebba et pour la vieille une fouta et blouza (costume de la citadine en Tunisie). Elle fit aussi provision d’aliments variés, rentra à la maison, prépara elle-même le repas, puis lava les vieux et les habilla. Le lendemain, elle leur dit :
    — La maison est en ruines et s’il pleut, elle s’écroulera sur nous.
    — Nous n’avons pas d’argent, répliqua le vieil homme.
    — Moi, je t’en donne, va chercher des ouvriers et les matériaux nécessaires. Il ramena des ouvriers et des matériaux, ils détruisirent ce qui restait de la maison et la refirent à neuf. La jeune fille sortit quelques bijoux et les offrit à la vieille femme, puis vécut parmi eux comme leur propre fille. Un jour parmi les jours, son père partit faire des courses et entendit un crieur public dire :
    — Qui veut prendre une vache, s’en occuper et l’engraisser pour M’hammed le fils du sultan qui se marie bientôt ?
    De retour à la maison, il répéta à sa fille ce qu’il avait entendu et elle lui demanda d’aller en chercher une tout de suite. Le vieux n’accepta pas et lui dit que la maison était propre et que personne ne pourrait s’occuper d’une vache qui salirait tout. Elle insista, lui promit de s’en occuper elle-même, et il partit. Il ne restait plus qu’une vieille vache maigre et sans force, n’ayant même plus de dents pour manger. Il rentra en informer sa fille qui lui demanda d’aller la chercher quand même. Elle installa la vache dans le jardin, lui donna à boire et à manger à profusion jusqu’à ce qu’elle grossît et devînt en pleine forme. Un jour parmi les jours, le vieux alla au souk, et entendit le crieur public dire :
    — Aujourd’hui, on récupère les vaches de M’hammed le fils du sultan.
    Il revint avertir sa fille. Quelque temps après, on frappa à la porte, le vieux alla ouvrir. C’étaient les valets du prince qui venaient demander si la vieille vache était toujours en vie et s’ils pouvaient l’embarquer. Il leur demanda d’attendre un moment et rentra renseigner sa fille qui lui dit : «Fais-les entrer.» Ensuite, elle courut parler à la vache :
    — Chienne ! fille d’un chien ! reste vautrée dans ton coin, ne te relève pas même s’ils menacent de t’égorger sur place, même si c’est le prince qui vient te demander de te mettre debout, ne bouge que si c’est moi et moi seule qui te l’ordonne en te disant : Lève-toi, ne me laisse pas tomber comme l’a fait M’hammed le fils du sultan qui m’a abandonnée sous un arbre ! Les valets entrèrent, dirent à la vache de se lever, en vain. Ils partirent voir le prince, lui annoncèrent à quel point la vieille vache avait changé, qu’elle était devenue la meilleure de toutes, mais lui dirent aussi qu’elle avait refusé de se lever et de les suivre malgré tous leurs efforts : ils l’avaient tirée par la queue, par les oreilles, par la tête, rien n’y avait fait, elle était restée vautrée dans son coin, indifférente à tout. Le prince s’exclama :
    — J’y vais moi-même et je la mettrai debout, c’est pas une vache qui me battra ! Il y alla, lui ordonna de se lever, la tira par la queue, par les oreilles, par la tête, s’énerva et dit à son valet :
    — Va chercher un couteau, une hache et tout ce qu’il faut, nous allons l’égorger sur place !
    Le vieux leur demanda alors d’attendre un peu car il allait appeler sa fille qui, s’étant occupée elle-même de la vache, pourrait peut-être la faire lever.
    Il y alla, elle vint. Il les pria de se mettre un peu à l’écart et la fille s’adressa ainsi à la vache :
    Lève-toi, ne me laisse pas tomber comme l’a fait M’hammed le fils du sultan qui m’a abandonnée sous un arbre.
    La vache se leva alors sans se faire prier. Le prince entendit ce que la jeune fille venait de dire, il en fut surpris et se rappela Grain de grenade et la promesse qu’il lui avait faite. Il se jeta sur elle, lui demanda pardon et dit :
    — Par Dieu, le mariage qui doit se faire avec l’autre femme, je l’annule tout de suite et j’en célèbre un plus grandiose avec toi ! Et il se tourna vers les vieux :
    — Etes-vous d’accord ? Exigez la dot que vous voulez pour votre fille !
    Le lendemain, il se maria avec elle et l’emmena dans son château. Les vieux devinrent les beaux-parents du sultan et vécurent avec leur fille et son mari, et notre conte traversa la forêt et cette année nous aurons deux et une récolte.

    Bochra Ben Hassen et Thierry Charnay

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  6. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    La petite guenon

    Il était ce qu’il en était.
    — Que la paix et l’abondance soient sur toi ! Suite…
    Notre chambre est en soie, votre chambre est en lin et la chambre de l’ennemi est un nid de souris.
    Messieurs et nobles Seigneurs, que nous soyons guidés, que vous soyez guidés sur la voie du bien et de la foi.
    Un homme avait une fille d’une grande beauté, sa femme mourut, il se remaria. La belle-mère détestait la jeune fille et en était jalouse. Si cette dernière préparait un repas, la nouvelle épouse y rajoutait du sel, si elle lavait du linge, l’autre le tachait.
    En somme, tout ce que la jeune fille faisait, la marâtre le détruisait et la nuit, elle se plaignait à son mari :
    — Ta fille ne sait rien faire, elle abîme tout, je ne veux plus d’elle chez moi, va la perde et débarrasse-moi d’elle.
    Le père lui répondait :
    — Comment puis-je perdre ma
    fille ? Non c’est impossible.
    Mais elle continua à se plaindre et à répéter qu’elle ne voulait pas d’une fille bonne à rien. Un jour, elle exigea de son mari qu’il lui acheta une petite guenon. Ce dernier crut qu’elle allait enfin laisser sa fille tranquille et ne s’occuper que de la guenon : il la lui acheta.
    Mais la femme égorgea la guenon, la dépeça, prit la peau et en recouvrit la jeune fille, puis appela son mari et lui dit :
    — Maintenant emmène-la et abandonne-la dans la forêt, la voilà habillée d’une peau de singe, personne ne la reconnaîtra et toi-même tu n’auras pas mal au cœur si tu l’abandonnes ainsi déguisée.
    Elle insista tellement qu’il céda et emmena sa fille dans la forêt où il l’abandonna.
    M’hammed, le fils du sultan, avait l’habitude de chasser dans cette forêt, monté sur son cheval mi-humain mi-djinn. Il aperçut la petite guenon dégringoler au milieu des arbres, arrêta son cheval, et se mit à observer sous le soleil, de loin, l’animal étrange à la démarche étrange. Passa alors un homme qui venait de décharger une charrette de bois au village et qui vit M’hammed, le fils du sultan, dans la même posture, au même endroit, en train d’observer la guenon, comme lors de son passage précédent. Il s’approcha de lui et dit :
    — Tu as l’air d’un prince, ça fait longtemps que tu es sous le soleil et c’est mauvais pour toi, je vais te donner un conseil : rentre chez toi et fais préparer un grand plat de couscous à la viande, puis apporte-le ici et mets-le devant cette guenon. Tu verras les autres animaux tourner autour du plat, le renifler et manger seulement la viande, si elle s’attarde à en manger, dis-toi bien qu’elle n’est point sauvage et que tu ne dois pas en avoir peur ; emmène-la alors chez toi si ça te dit. M’hammed, le fils du sultan, fit ce que lui conseilla le charretier et déposa le grand plat au milieu de la clairière devant l’étrange guenon. Quelques animaux s’approchèrent, se jetèrent sur les morceaux de viande et s’éloignèrent très vite, mais elle resta longtemps à manger avec appétence. M’hammed, le fils du sultan, se baissa alors, la prit dans ses bras et monta avec elle sur son cheval magique. Arrivé au château, il posa la petite guenon devant lui et se mit à jouer avec elle. Puis il appela ses parents et leur fit voir ce qu’il venait de ramasser dans la forêt. Ils la regardèrent un moment, étonnés, puis se lassèrent bien vite et s’en allèrent abandonnant le prince à son nouveau jouet qui le fascinait tant.
    Quelques jours après, il se tenait au coin de la rue El-Bahri. Sa mère et ses sœurs étaient parties dans les champs assister à la cueillette des olives. La petite guenon, se retrouvant seule, enleva sa peau de singe, se lava, se changea, prit une jarre et partit chercher de l’eau au puits. Là, les jeunes filles lui apprirent que M’hammed, fils du sultan, s’était arrêté au coin de Dar El-Bahri et qu’il avait décidé de choisir sa femme parmi les jeunes filles qui passeraient par-là.
    A suivre

    Bochra Ben Hassen et Thierry Charnay

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  7. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    La petite guenon

    Résumé de la 1re partie n Abandonnée dans la forêt par son père, la jeune fille que sa marâtre avait revêtue d’une peau de singe, est recueillie par M’hammed, le fils du Sultan…

    Après avoir rempli sa jarre, elle suivit le chemin indiqué par les filles et vit effectivement le prince à l’endroit prévu. Quand elle passa devant lui, il fut ébloui par sa merveilleuse beauté, l’attrapa par le bras et lui dit :
    — Qui es-tu jeune fille ? Qui est ton père ? Elle resta muette, il insista, elle lui répondit alors :
    — Je suis la fille de Soliman Jebali, et elle s’enfuit à toutes jambes. Elle rentra au château, revêtit sa peau de singe et s’installa dans son coin habituel comme si de rien n’était.
    Lui, rentra plus tard et alla voir sa mère, il fit semblant d’être malade et posa la tête sur ses genoux. Elle s’inquiéta, lui demanda ce qu’il avait et s’il fallait appeler un médecin. Il la rassura :
    — Non, je veux prendre femme.
    Elle rit et lui dit :
    — Et alors ! ça te rend malade ! Dis-moi qui tu veux épouser et j’irai moi-même demander sa main.
    Il lui déclara :
    — Je veux me marier avec la fille de Soliman Jebali.
    Elle sursauta, effrayée :
    — Toi, le fils du sultan, te marier avec la fille de Soliman Jebali ! Si ton père l’apprend, il te tuera !
    Il insista :
    — Je n’épouserai que la fille de Soliman Jebali, sinon je me tuerai, va demander sa main.
    La mère informa le sultan qui refusa catégoriquement ce mariage, mais voyant que son fils se laissait dépérir et menaçait de se suicider, il céda. La mère partit alors demander la main de la fille de bonne famille et d’honorable alliance. Le père Soliman l’accueillit :
    — Vous m’honorez beaucoup mais je n’ai pas de fille digne d’un prince, fils de sultan, je n’ai qu’un couffin de plumes.
    Elle lui répondit :
    — Nous la prenons puisque c’est la volonté de mon fils.
    Soliman Jebali lui dit alors :
    — Promettez-moi de ne pas me nuire, de me garder la vie sauve si vous découvrez que la mariée n’est qu’un couffin de plumes.
    La sultane promit et rentra chez elle.
    Une semaine après, la ville fut décorée et la fête commença. La nuit du henné, la mère et les sœurs de M’hammed le fils du sultan s’habillèrent avec beaucoup de soin et d’élégance et se dirigèrent vers la maison de Soliman Jebali. Dès leur départ, la petite guenon ôta sa peau de singe, se lava, s’habilla et les suivit jusqu’à la maison de la mariée. Elle entra, la maison s’illumina par sa beauté merveilleuse et tous la regardèrent avec admiration. La mère Zazia, femme de Soliman Jebali, l’accueillit dès le seuil, se jeta dans ses bras et la supplia :
    — ô mon enfant, tu m’es tombée du ciel ! Embellis la nuit de ma fille !
    Elle lui répondit :
    — Ah non ! Je suis venue assister au mariage et non jouer à la mariée, d’ailleurs, je ne peux rester longtemps. La mère Zazia insista et la supplia encore, les larmes aux yeux :
    — Ma fille, que Dieu te garde en vie, accepte sinon ma tête et celle de mon mari, le vieux Soliman, seront coupées. Elle eut pitié d’elle et accepta à condition de pouvoir rentrer avant le départ de la famille du mari. Profitant de cette gentillesse, la vieille la pria de revenir le lendemain pour la nuit de la Dokhla.
    On l’habilla, la maquilla puis on l’installa sur le podium. Tout le monde la regardait, ébloui par sa beauté.
    M’hammed, le fils du sultan, la reconnut et confirma :
    — C’est elle la jeune fille que j’ai vue l’autre jour.

    A suivre
    Bochra Ben Hassen et Thierry Charnay

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  8. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    La petite guenon

    Résumé de la 2e partie n La jeune fille ôte sa peau de guenon et va chez la supposée famille de la promise du Sultan et prend place sur le podium pour la cérémonie du henné…

    Puis le fils du Sultan sauta sur le podium, s’assit à côté d’elle et lui mit dix bagues aux doigts. Ce fut une soirée extraordinaire et quand la famille du prince se prépara à partir, la jeune fille quitta le podium, remit les bijoux et la robe à la mère Zazia, qui ne cessait de l’embrasser et de la remercier, puis se voila et rentra au château. Elle remit rapidement la peau de singe et se cacha dans son coin habituel. Le prince, sa mère et ses sœurs rentrèrent plus tard et ne cessèrent de louer la mariée.
    Le lendemain, nuit de la Dokhla, on prépara la calèche et on se rendit chez la mariée pour la ramener chez son époux. La petite guenon les devança et fut accueillie par la mère Zazia qui l’habilla, la para et l’installa sur le podium. La jeune fille lui rappela qu’elle partirait avant la famille du mari et qu’elle devait se débrouiller. Le prince arriva, s’installa à côté d’elle puis fit signe à sa mère et à ses sœurs de se préparer pour partir.
    La tradition veut que la mariée rentre dans la chambre de ses parents avant de se rendre chez son mari. La mère Zazia la fit donc entrer et la jeune fille lui remit la robe, les bijoux, excepté les dix bagues que le prince lui avait remises lui-même, puis partit avant les autres. La tradition veut aussi que les parents soient seuls dans la calèche qui conduit la mariée chez son époux ; Soliman Jebali et sa femme tremblaient de peur mais n’avaient d’autre choix que celui de placer leur couffin de plumes dans la calèche et de l’accompagner chez le prince. Celui-ci se réunit avec ses amis qui le félicitèrent avant qu’il n’entrât dans la chambre nuptiale. La mère Zazia et le père Soliman déposèrent le couffin de plumes sur le grand lit à baldaquin recouvert de belles tentures et s’enfuirent avant l’arrivée du prince.
    Celui-ci rentra après les chants liturgiques, et les salves le saluèrent. Il était heureux et s’impatientait de voir sa belle épouse, mais la chambre était vide. Il souleva les rideaux et ne vit qu’un couffin d’où sortait une voix qui disait :
    — Quelle chance j’ai ! Quel destin est le mien ! Toute cette fête est pour moi !
    M’hammed, le fils du sultan, fut effrayé et se mit à crier pour appeler sa mère et ses sœurs, puis
    hurla :
    — Où est la belle jeune fille qui était sur le podium tout à l’heure ?

    A suivre
    Bochra Ben Hassen et Thierry Charnay

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  9. Artisans de l'ombre Dit :

    Au coin de la cheminée
    Au coin de la cheminéeLa petite guenon

    Résumé de la 3e partie n Après la cérémonie de la Dokhla, M’hammed entre dans la chambre nuptiale et ne trouve sur le lit qu’un couffin plein de plumes. Effrayé, il appelle sa mère et ses sœurs…

    Elles s’approchèrent du couffin et virent quelque chose qui les effara, elles s’enfuirent et s’enfermèrent dans leurs chambres. Le prince continua à se lamenter et demanda qu’on allât chercher le père Soliman et qu’on lui coupât la tête. Son père lui rappela la promesse faite au pauvre vieux, qui, de toute évidence, n’avait dit que la vérité.
    Le prince devint fou de douleur, s’enferma dans sa chambre et refusa de boire, de manger et de parler même à sa mère. Celle-ci, chagrinée par l’état de son fils et ne sachant que faire, lui ramena la petite guenon dans l’espoir qu’elle le divertît un peu.
    Voyant que le prince commençait à jouer avec elle, elle se dit qu’il accepterait peut-être de manger un peu. Elle prépara dix beignets, fit signe à la petite guenon, lui tendit le plateau et lui dit d’aller les porter au prince. La petite guenon s’isola dans un coin, coupa un à un les beignets, et plaça à l’intérieur de chacun d’eux une des bagues que le prince lui avait offertes, puis lui tendit le plateau et le supplia tellement de manger qu’il finit par promettre de les goûter.
    Elle le laissa alors et pénétra dans le hammam, se débarrassa de sa peau de singe, se lava, se para et attendit.
    Le prince découpa un morceau de beignet, vit la bague, la reconnut, ouvrit tous les autres beignets et trouva les dix bagues qu’il avait lui-même offertes à la mariée disparue. Il courut vers sa mère et cria :
    — J’ai trouvé les dix bagues dans les beignets que la petite guenon m’a apportés !
    Sa mère lui dit :
    Mon fils, j’ai fait moi-même ces beignets et je n’y ai mis aucune bague.
    Il s’écria :
    — Où est la petite guenon ? et il se mit à la chercher. Elle n’était pas à l’endroit habituel, il courait à travers toutes les pièces et l’appelait, enfin, il entendit du bruit provenant du hammam, il s’y dirigea, poussa la porte et découvrit la belle jeune fille dans toute sa splendeur, il se baissa, la prit dans ses bras et partit rejoindre ses parents pour leur annoncer la bonne nouvelle.
    Plus tard, elle lui raconta toute son histoire depuis le début et notre conte traversa la forêt et l’année prochaine nous aurons deux et une récolte.

    Bochra Ben Hassen et Thierry Charnay

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