Histoires vraies
Cheval fou (2e partie)
Résumé de la 1re partie : Zilkowski devenu un sculpteur reconnu, est contacté par un chef sioux qui lui demande de sculpter leur grand héros «cheval fou» sur les Collines noires (lieu sacré sioux)…
Tout cela est très bien, mais pour arriver à faire une sculpture de Cheval fou qui puisse rivaliser avec les quatre présidents de Rushmore, il faut trouver de l’argent. Je vais voir ce que je peux faire.
Ziolkowski commence à faire un parallèle entre son propre destin d’orphelin, malmené par l’autorité, et le destin des Indiens, malmenés par leurs conquérants. C’est pourquoi, avec pour seule carte de visite la récompense obtenue à l’Exposition de New York, il s’arrange pour être reçu par le ministre de l’Intérieur, Harold Ickes. La réaction de ce dernier est pour le moins décevante : «Une sculpture géante de Cheval fou ? Mais vous voulez défigurer la montagne ? C’est ridicule, mon cher ami.»
Korczak rentre dans ses foyers, mais l’idée de sculpter la montagne s’impose désormais à lui. Il est propriétaire d’une villa dans le Connecticut, qu’il décide soudain de vendre.
«Nous irons nous installer dans les Collines noires.
— Et de quoi vivrons-nous, mon chéri ?
— Nous allons acheter une ferme, une vache et une concession minière sur la montagne Thunderhead.
— Tu sais traire les vaches à présent ?
— J’apprendrai, ma chérie.»
Et voilà les Ziolkowski installés à quelques kilomètres du mont Rushmore, au mont Thunderhead, ce qui signifie «Tête de tonnerre».
Notre sculpteur polonais retrousse ses manches : abattant à la hache le bois nécessaire, il construit sa maison pendant la belle saison. Une fois le chalet mis sur pied et installé, Korczak entreprend la seconde phase de son projet : la construction d’un escalier de bois qui grimpe au flanc de la montagne. L’escalier, de deux cents mètres, nécessitera l’utilisation de vingt-neuf tonnes de bois que, jour après jour, Ziolkowski transporte seul sur son dos.
Mais, au fur et à mesure qu’il avance, il se rend compte qu’il a besoin de nouveau matériel : «Il me faut absolument un compresseur à air !»
Celui qu’il fait venir à pied d’œuvre pèse sept tonnes et réclame, pour fonctionner, de l’électricité. Il installe donc, toujours tout seul, les pylônes qui vont soutenir une ligne à haute tension. Une fois terminée, elle est longue de trois kilomètres.
Avec un vieux camion et des câbles, il s’attaque à présent à la construction d’un monte-charge.
Il est bien évident que ces travaux gigantesques provoquent des commentaires dans le voisinage : «Qu’est-ce que c’est que ce bazar ? Qu’est-ce qu’il est en train de fabriquer, le Polak ?»
Alors, après ses heures de travail épuisant, Ziolkowski se met à donner des petites conférences pour les voisins, afin de leur expliquer ce qu’il a en tête : «Il s’agit de concrétiser I’esprit de résistance indien face à l’envahisseur blanc. Mais la statue de Cheval fou n’en sera que le symbole. Non loin de là, j’envisage la création d’une université indienne, d’un musée et d’un hôpital. Le tout au pied de la montagne sacrée, Paha sapa.
— Mais ça ne supportera pas la comparaison ! Comment rivaliser avec le mont Rushmore ? Ton Cheval fou sera complètement ridicule.»
Il en faut plus décourager Ziolkowski. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
29 décembre 2009
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