Histoires vraies
Tombeau pour un Empereur (3e partie)
Résumé de la 2e partie n Pour l’achat du porphyre, des lettres ont été envoyées à tous les départements de France, y compris à l’étranger. Pour la Russie — particulièrement —, un émissaire a été chargé de cette mission.
Léouzon Le Duc part en mission, et commence par présenter ses lettres de créance au représentant du corps impérial des Mines. Puis il expose son programme :
«Il me faut recueillir le maximum de renseignements concernant la nature et la dimension des blocs disponibles, les possibilités de transport par voie d’eau.»
Léouzon se rend à Péterhof, près de Saint-Pétersbourg, pour y étudier… les procédés de taille des pierres et leur polissage. A Kronstat, tout proche, il examine les possibilités et le coût du transport.
«Il y a des gisements que vous devriez examiner sur l’île de Hogland.»
Notre spécialiste se lance alors dans une traversée aventureuse, mais une fois sur l’île, il est émerveillé par la qualité et la variété des porphyres qui s’y trouvent : des rouges, des verts, des jaunes, des bruns vert. Hélas ! Il s’agit de blocs d’une taille insuffisante. Il faut chercher plus loin.
«Et si vous alliez sur les rives du lac Onéga ?»
Il part à travers déserts et marais, à pied, à cheval, en bateau… Dieu merci, au bout de ce pénible périple, la récompense est là. Un gisement extraordinaire, tant par la variété des couleurs que par les dimensions des filons. Une enquête rapide révèle que ce gisement appartient… à la Couronne impériale. Il faut demander une autorisation officielle, et Dieu sait que l’administration impériale peut être d’une lenteur désespérante. Sans parler des «pourboires» qui seront nécessaires…
Le tsar est Nicolas Ier, le propre frère d’Alexandre Ier, qui avait rencontré Napoléon sur le Niémen. Il ne voit aucun inconvénient à vendre à la France tout le porphyre dont elle a besoin. Le contrat d’exploitation est signé le 15 janvier 1847. Il y a sept ans que Napoléon attend à Paris. M. Bujatti, ingénieur civil, va se charger de l’extraction. Le porphyre reviendra à 172 francs le pied cube, rendu en France. Bujatti s’engage à en assurer le transport convenablement et à en extraire les plus gros morceaux possibles.
En définitive, il faudra extraire 220 blocs, parmi lesquels on pourra choisir les vingt blocs utilisables pour l’érection du monument.
Au moment du transport, le lac Onéga, véritable mer intérieure de 9 610 kilomètres carrés, se révèle particulièrement agité. C’est l’automne de 1848. Le bateau qui transporte le précieux porphyre est jeté à la côte plusieurs fois de suite. Quelques blocs sont perdus. Il faudra attendre 1849 pour effectuer le transport complet.
De lac en fleuve, de fleuve en mer, au bout de trois mois, le précieux chargement accoste le quai d’Orsay, à Paris. Les journalistes entrent en scène et, comme de bien entendu, les critiques les plus acerbes accueillent ce porphyre à l’état brut. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
28 décembre 2009
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