par Kamel Daoud
Qu’est-ce que l’actualité du moment ?Rien. En attendant la CAN début janvier, le pays est redevenu un terrain vague avec, en vertical, des minarets et, en horizontal, des bancs publics inconfortables.
En haut, une sorte de fausse révolution est promise par le FLN qui parle d’offrir plus que l’honneur à son Président d’honneur pour lui demander d’être plus président qu’il ne l’est déjà. En bas, un peuple qui ne veut pas revenir de Khartoum, s’y force de rester en s’agrippant à des rediffusions et des commentaires sans fin sur cette épopée musculaire. D’où cette question politiquement intéressante et économiquement paradoxale : que peut-on offrir à un président de la République qui possède tout et tout le monde selon les textes ? Rien de plus que soi-même, mais sous différentes postures : écrasé, moulu, en vrac ou avec des cris d’hystérique. A lire les dernières nouvelles du sérail, on ne peut s’empêcher de rire de soi-même : là-bas en haut, on y peine à trouver une bonne position assise et une bonne politique de ménage à trois. Certains attendent que Bouteflika daigne décider une décision pour donner une direction, d’autres proposent un retour au parti unique, avec bureau politique et article 120, avec présidence à vie pour quelqu’un qui s’est déjà octroyé ce droit, les derniers s’allient les uns avec les autres pour accoucher de quelques invraisemblables ententes : en quoi, par exemple, l’Alliance de Louïza Hanoune avec Ouyahia est-elle un événement ? Quel est l’impact de la dissolution du Sénat sur le prix des lentilles et des légumes secs ?
Dans le journalisme, on apprend très tôt à se lasser de la fiction du « politique » en Algérie : on en devine les coulisses à l’odorat et on décode le cahier des charges des apparences à alimenter par de fausses fictions. Reste qu’à chaque fois, on cède à la même illusion intellectuelle : on se dit qu’une telle mécanique, qui se nourrit d’elle-même depuis l’éviction de Ferhat Abbas, doit posséder, dans le temps, une limite, une date de péremption, un moment d’écroulement fixé par la loi de la gravité et de l’usure. Il n’en est rien. Même aujourd’hui, avec le constat d’une Présidence réduite à une biographie et quelques fratries annexes, un Etat vidé de tout sauf du pipe-line et une classe politique réduite à supputer sur le contenu en fruits et légumes du panier du Grand Epoux, taciturne reconnu, imprévisible souverain et grand silencieux sur l’avenir des terres et des écuries et la répartition du foin corrupteur. On se souvient tous de cette formule de Bouteflika sur les journalistes algériens : «Tayabates El hamam». Aujourd’hui, on s’amuse à constater que c’est ainsi qu’il a transformé la classe politique « qui le veut bien » et qui s’accommode de ce rôle de seconde épouse sur le classement des légitimités électorales.
Le quotidien d’Oran
22 décembre 2009
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