|
L’ODYSSÉE ANTICOLONIALE D’AMINATOU HAÏDAR Un cas d’exemple héroïque |
|
|
À l’aéroport de Lanzarote, dans les îles Canaries, la »Pasionaria » est en grève de la faim depuis près d’un mois. Sans passeport, elle a inscrit comme lieu de résidence sur sa fiche d’aéroport, » El Ayoun, Sahara Occidental », la dernière colonie d’Afrique. Où elle réside avec sa mère et ses deux enfants âgés de 13 et 15 ans.Aminatou Haïdar, 42 ans, se dit prête à mourir pour ses convictions indépendantistes. ÀLanzarote, depuis le 14 novembre dernier, refusant toute aide pouvant briser sa grève de la faim, le cas Aminatou Haïdar a la particularité d’avoir sérieusement brouillé les cartes du régime marocain au seuil de la crise diplomatique avec ses traditionnels soutiens. Le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero, a déclaré que son pays connaissait des «difficultés » avec le Maroc sur cette question. Une inquiétude similaire a gagné la Maison Blanche, exprimée par Hillary Clinton. À un degré moindre, l’Union européenne, qui a accordé à Rabat un statut particulier et a illégalement autorisé le pillage des ressources minières et halieutiques sahraouies, a demandé au Maroc d’honorer « ses obligations internationales en matière de droits de l’Homme ». En France, alors que l’Elysée soutient le plan d’autonomie marocain du Sahara Occidental et s’abstient de tout commentaire sur la violation des droits de l’Homme dans ce pays occupé, le mouvement associatif est monté au créneau avec notamment le parti des Verts qui a ouvertement accusé le régime chérifien d’être responsable de cette situation. La Ligue française des droits de l’Homme, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, le Mouvement de la paix, l’Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique, Survie, ou encore le Comité pour le respect des libertés et des droits humains au Sahara Occidental ont depuis longtemps dénoncé le »mur du silence » entretenu par Paris sur la question sahraouie. Ce qui agace Rabat, qui manoeuvre pour desserrer l’étau diplomatique et casser l’élan de sympathie qui s’est créé autour d’Aminatou Haïdar, c’est que des militants sahraouis des droits humains aient pu, par la seule voie pacifique, briser ce mur du silence, portant aux quatre coins de la planète la voix d’un peuple réprimé pour avoir seulement demandé de s’exprimer sur son propre destin. L’Odyssée anticoloniale, Aminatou Haïdar, la »Ghandi sahraouie », selon ses admirateurs, l’a entreprise depuis plusieurs années, aux États-Unis, en Suisse, en Italie, en Espagne, en Suède, en Belgique, en France, en Afrique du Sud et entre maintes autres régions du monde où elle a décrit « le vent de révolte » lorsque « le 21 mai 2005 à El-Ayoun l’Intifada s’est déclenchée suite au transfert d’un prisonnier sahraoui à Agadir. Il avait rejeté la nationalité marocaine qu’on nous impose, et renvoyé sa carte d’identité ». « La réponse policière marocaine fut encore plus violente. Aux forces de police se sont joints les Groupes urbains de sécurité (GUS), véritables escadrons de la mort ainsi que d’autres corps. Les forces répressives marocaines saccageaient des dizaines de maisons de citoyens sahraouis. Ce soulèvement pacifique s’est répandu rapidement au sud du Maroc, où vit une population sahraouie importante, et dans les centres universitaires où étudient des jeunes sahraouis, eux aussi violemment réprimés », a-t-elle poursuivi. Pour elle, « la parole, trente ans confisquée, s’est libérée » et elle « garde beaucoup d’espoir pour la cause sahraouie, pour le respect des droits humains au Sahara Occidental et surtout des droits du peuple sahraoui à son autodétermination, pour l’application d’un référendum qui mettra fin à cette souffrance ». La militante n’a de cesse alerté que « la situation est vraiment préoccupante au Sahara Occidental occupé par le Maroc » et que « le peuple sahraoui y est quotidiennement réprimé dans un territoire verrouillé par les autorités marocaines qui empêche les représentants de la communauté internationale et la presse de venir s’informer de ce qui s’y passe réellement ». La défenseure des droits de l’Homme a aussi évoqué « le mur de la honte » de 2 700 kilomètres qui, parsemé de 3 millions de mines antipersonnelles, « sépare les familles sahraouies qui de ce fait vivent aussi un drame psychologique» et a dénoncé « l’accélération de la colonisation de peuplement » que subi le Sahara Occidental. « La répression qui s’abat sur le peuple sahraoui n’est pas chose nouvelle », avait-elle rappelé, évoquant « les fosses communes, le napalm, le phosphate blanc dont ont usé les autorités marocaines pour réprimer » toute velléité de « résistance à l’occupation ». « Malgré tout cela, le peuple sahraoui reste toujours attaché à son droit à l’autodétermination » qui, pour Aminatou Haïdar, « est la seule condition pour que tout cela cesse définitivement ». Mme Aminatou Haïdar, elle-même incarcérée, notamment de 1987 à 1991, et « torturée » pour son activité, a longuement décrit « le lot de souffrances, de répression, de brimades que subies quotidiennement le peuple sahraoui » et avait alors appelé la communauté internationale à « la création d’un mécanisme » pour la protection de cette population colonisée pour la seconde fois, après la période espagnole. La militante sahraouie, qui a reçu le prix espagnol »Juan Maria Bandres » pour la défense du droit d’asile, le prix »Freedom award » aux États-Unis, et le prix Silver Rose du Parlement Européen, a passé sa vie à combattre «l’arbitraire», ont assuré ses proches qui, avec une cinquantaine de sympathisants, veillent sur elle à l’aéroport de Lanzarote. Après quatre rounds aux États-Unis (Manhasset) et un round informel à Vienne, les négociations entre les deux parties en conflit, le Front Polisario et le Maroc, l’impasse se précise du fait des revirements marocains en quête récurrente de faux alibis pour éviter l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Pour Aminatou Haïdar, le combat continue. Le fait est que, face à l’intransigeance marocaine, d’autres voix sahraouies se demandent s’il n’est pas opportun de privilégier la lutte armée. Les dirigeants du Front Polisario assurent qu’ils sont prêts pour cette alternative qu’ils ne souhaitent pas, mais que le Maroc devrait seul en assumer la responsabilité. |
|
|
Mokhtar Bendib Le Courrier d’Algérie |
|
L’ODYSSÉE ANTICOLONIALE D’AMINATOU HAÏDAR
S'abonner
Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir les mises à jour par e-mail.






15 décembre 2009
Non classé