Adjaoud : «A 19 ans, Lacen m’a demandé le maillot de l’équipe d’Algérie»
PUBLIE LE : 13-12-2009 | 00:00 | PAR Mohamed Saâd
«Je rassure les joueurs. Lorsqu’ils connaîtront Lacen, ils vont l’adorer et lorsqu’ils joueront à ses côtés ils vont l’adorer encore plus.»
Lors de notre premier entretien avec Mehdi Lacen il y a plus d’une année, ce dernier nous avait dit que le joueur algérien qu’il connaissait vraiment et avec lequel il était resté en contact, c’était Madjid Adjaoud. Aujourd’hui que Lacen est aux portes de l’équipe nationale, nous avons jugé utile de solliciter le sympathique Adjaoud pour nous parler du joueur de Santander qu’il avait côtoyé pendant une saison à l’AS Valence. Ce que révèle Adjaoud est très intéressant !
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Que devient Madjid Adjaoud ?
Après avoir joué jusqu’à 37 ans, j’ai raccroché les crampons. En début de saison, j’ai été engagé par l’équipe belge de Genk comme recruteur, mais j’ai dû arrêter parce que j’avais des travaux à faire à la maison. Je reprendrai en principe la saison prochaine.
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Vous allez recruter en Algérie ?
Bien sûr ! Il y a d’excellents joueurs en Algérie, mais qui ne travaillent pas assez. S’ils vont en Europe, c’est bien pour eux et pour l’équipe nationale, donc je ferai tout pour donner un coup de main à mon pays à ma manière.
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Votre passage en équipe d’Algérie a été très court. Quel souvenir en gardez-vous ?
C’était incroyable de pouvoir défendre les couleurs de mon pays. On avait beau me dire que j’étais né en France, mais lorsque je me regardais dans un miroir, je savais que j’étais à 100% algérien et que si j’avais la chance de jouer pour une sélection, ça serait l’Algérie. Après, lorsque j’ai rejoint le groupe, ça ne s’est pas passé comme je l’espérais. A l’époque, il y avait plus de joueurs locaux que de professionnels et j’étais sincèrement mal à l’aise bien que des joueurs comme Billel Dziri et Rafik Saïfi faisaient tout pour faciliter mon adaptation.
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Pourquoi vous étiez mal à l’aise ?
On n’avait tout simplement pas les mêmes codes. Je me rappelle que lorsque tout le groupe faisait la prière, j’avais un peu honte. Il y avait aussi l’obstacle de la langue. Enfin, je n’ai jamais été bien dans ma peau au sein du groupe, j’aurais préféré jouer avec l’équipe actuelle. J’aurais aimé aller à la guerre avec eux en Egypte. Malgré tout, je suis heureux et fier d’avoir porté le maillot de l’équipe d’Algérie.
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Vous avez fait l’impasse sur la CAN-2000 avec Sandjak comme entraîneur. L’avez-vous regretté ?
Oui, j’ai regretté de ne pas jouer au moins une fois une Coupe d’Afrique, mais je ne regrette pas ma décision à l’époque. J’avais 28 ans et je jouais pour la première fois en L1 avec Sedan. L’entraîneur m’a fait comprendre gentiment que si j’allais en Coupe d’Afrique, quelqu’un d’autre jouerait à ma place et si ce quelqu’un d’autre donnait satisfaction, je risquerais de me retrouver sur la touche. Il m’a fait savoir que je risquais de perdre ma place en jouant la CAN et j’ai pris une décision. C’est le mektoub et je n’y changerai rien.
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Si un joueur algérien né en France est convoqué pour jouer en équipe d’Algérie, que lui conseilleriez-vous ?
S’il a le choix entre deux sélections, ce choix lui appartient à lui tout seul, mais s’il n’y a que l’Algérie, je lui demanderais d’y aller les yeux fermés, surtout maintenant avec la belle équipe qu’il y a et l’excellente organisation imposée par la Fédération algérienne.
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Mehdi Lacen que vous avez connu est dans la même situation, vous a-t-il demandé conseil ?
Justement pour l’avoir connu, je vous répondrai que Mehdi ne demande jamais conseil, il prend ses décisions seul. Il m’a juste demandé de lui parler de l’équipe nationale et de l’Algérie.
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Que lui avez-vous dit ?
Que les choses ont beaucoup évolué, qu’il ne se sentirait pas dépaysé, que les sensations qu’il va vivre en défendant les couleurs de son pays, il ne les vivra nulle part, même en Liga. Je lui ai dit : ‘‘N’hésite pas Mehdi, vas-y les yeux fermés car tu ne le regretteras pas !’’
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Quels sont vos rapports avec lui ?
C’est mon pote. On a construit des affinités pendant la saison qu’on a passée ensemble à Valence malgré la différence d’âge. On venait du même milieu, moi j’ai grandi dans la banlieue de Marseille et lui dans la banlieue de Paris : notre credo c’était le respect et le travail pour s’en sortir.
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Que pensez-vous de Lacen le joueur ?
C’est un vrai «chien» dans le sens positif du terme bien sûr. Mehdi ne lâche absolument rien sur un terrain, il joue toujours à 200%. L’autre qualité que beaucoup de gens ignorent, ce sont les coups de pied arrêtés où il est tout simplement excellent. A Valence, nous avons marqué presque tous nos buts sur des coups de pied arrêtés de Lacen. Son autre atout, c’est que c’est un milieu de terrain défensif gaucher et je crois qu’il n’y en a pas en équipe d’Algérie.
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Et que pouvez-vous nous dire de Lacen l’homme ?
Autant il est très présent sur le terrain, autant il est effacé dans la vie de tous les joueurs. Mehdi est un vrai timide qui fait tout pour passer inaperçu. C’est aussi l’un des rares joueurs à ne pas changer, il est resté le même alors qu’il joue dans le meilleur championnat du monde. Le seul changement c’est que, aujourd’hui, il a une épouse et une petite fille. Sinon, il n’oublie jamais de me passer un coup de fil pour discuter et demander de mes nouvelles. Lorsqu’il vous a dit qu’il était gêné de prendre la place d’un autre jouer, c’était vrai, c’est comme ça qu’il réfléchit, il ne veut pas qu’on dise de lui qu’il est un opportuniste. Il me l’a dit à moi aussi.
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Et que lui avez-vous répondu ?
Je lui ai dit : ‘‘Ecoute Mehdi, la seule place qui nous appartient vraiment, elle est au cimetière, l’équipe nationale n’appartient à personne, elle appartient au peuple et le peuple veut les meilleurs joueurs algériens en Coupe d’Afrique et en Coupe du monde.’’ Donc si les responsables algériens veulent le convaincre de venir, il faut lui dire d’abord qu’il ne prendra la place de personne.
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Certains joueurs craignent que sa venue perturbe l’équipe…
(Il rit.) Je rassure les joueurs. Lorsqu’ils connaîtront Lacen, ils vont l’adorer et lorsqu’ils joueront à ses côtés, ils vont l’adorer encore plus. C’est un garçon effacé, mais très agréable à vivre, sur le terrain il ne se cache jamais. Il est royal !
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Savez-vous qu’il a finalement eu son passeport ?
Oui, c’est lui qui m’a appelé pour m’annoncer la nouvelle. Il était aux anges.
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Certains en Algérie disent de lui qu’il ne s’était jamais senti algérien à 100%…
(Il nous coupe.) Personne n’a le droit de dire ça de Mehdi ! A ce que je sache, il s’appelle Mehdi Lacen (Ndlr, il le prononce en algérien), pas Christian Bernard. Je l’ai côtoyé un an et je ne l’ai jamais vu boire une goutte d’alcool, il ne mange pas de porc et ne fume pas non plus. S’il n’était pas algérien, il s’en serait privé à votre avis ? Si son père n’était pas algérien à 100%, il ne lui aurait pas donné un prénom musulman. Lorsqu’il venait voir son fils à Valence, M. Lacen parlait longuement avec moi et Mehdi Mostefa (actuellement capitaine d’équipe de Nîmes) et le sujet de discussion, c’était toujours l’Algérie. Permettez-moi de vous raconter une anecdote pour que ceux qui doutent de son algérianité la lisent.
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Allez-y…
Lorsque nous nous sommes rencontrés à Valence et que Lacen a su que j’avais déjà joué en équipe d’Algérie, il m’avait supplié de lui offrir le maillot de l’équipe nationale. Malheureusement, je n’en avais plus. Jeudi lorsqu’il m’a appelé pour m’apprendre qu’il avait eu son passeport, je lui ai dit : ‘‘Mehdi, c’est à toi de m’offrir le maillot de l’équipe d’Algérie.’’
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Que lui avez-vous dit ?
Que les choses ont beaucoup évolué.
Entretien réalisé par Mohamed Saâd
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13 décembre 2009
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