Folio : Aperçu sur l’évolution du roman maghrébin
L’évolution du roman arabophone au Maghreb, comme celle de son « frère francophone », correspond à des moments historiques de grande importance dans la vie des peuples tunisiens, algériens et marocains.
Ainsi, les pionniers sont amenés à donner une valeur absolue à certaines idées, en majorité anticolonialistes qu’ils croient nécessaires à l’émancipation de leur peuple. Afaf Abd El Moati (1), tout en étudiant Le Roman maghrébin d’aujourd’hui (2) revient aux premiers balbutiements de ce genre littéraire en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Ali Eddouadji, Zine El Abidine Essenouci (Tunisie), Rédha Houhou, Noureddine Boudjedra (Algérie), Mohamed Benabdellah, Malika El Faci (Maroc) et autres précurseurs méritent ici mention. Cependant, le vrai départ du roman moderne écrit en arabe a été donné par les romanciers des années soixante et soixante-dix. Ils réussissent, plus ou moins, à rompre avec une tradition ; celle de la réadaptation d’œuvres du passé, en choisissant les formes occidentales et en adoptant le langage vivant du XXe siècle. Comme leurs collègues du Moyen-Orient, héritiers d’un patrimoine généralement plus important en quantité et en qualité, ils écrivent avec des styles de plus en plus fouillés et utilisent même certaines formes à la mode comme celle du « nouveau roman ».
L’essai de Afaf Abd El Moati n’est certes pas très exhaustif, mais venant d’un chercheur égyptien, il acquiert du crédit, au moins, dans les milieux intellectuels du Moyen-Orient très avares en écrits sur le Maghreb. Il est hors de doute qu’aux yeux d’un large secteur des chercheurs maghrébins, les romanciers arabophones actuels de l’Algérie, du Maroc ou de la Tunisie n’ont rien à envier à ceux du Moyen-Orient. Afaf Abd El Moati cite des romans remarquables qui ont donné au Maghreb sa « gloire littéraire » et émaille son essai de belles citations. Depuis une quarantaine d’années déjà, les romanciers arabophones maghrébins, à l’instar de leurs frères francophones, avaient ouvert des voies nouvelles et exploré des territoires mal connus. Mais, le plus beau mouvement que note Afaf Abd El Moati dans son essai, est le mouvement allant crescendo de la création romanesque féminine. Faisant une apparition timide dans les années soixante, les romancières arabophones sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses au Maghreb. Que Afaf Abd El Moati ne s’est intéressée qu’aux romancières marocaines, c’est son choix, mais celles de l’Algérie ou de la Tunisie méritent aussi tous les honneurs.
1)- Chercheur en littérature comparée. A publié, entre autres essais, La Femme arabe : une vision sociologique, La femme et le pouvoir en Egypte, etc.
2) Dar El Maârif, Tunis
El Watan du Edition du 2 février 2009Par
6 décembre 2009
LITTERATURE