Les contrôles fiscaux révèlent l’ampleur des irrégularités comptables chez les groupes étrangers en Algérie
Yazid Slimani
Orascom Telecom Algérie (OTA), Diamal, Citroën, le cimentier ACC, le comité de participation d’Arcelor-Mittal, etc… On ne compte plus les entreprises privées étrangères ou nationales qui ont subi ces derniers mois ou subissent actuellement un redressement fiscal. Dans la majorité des cas, les redressements concernent un rejet de comptabilité de ces entreprises de la part des autorités fiscales algériennes.
Ces procédures, en forte hausse par rapport aux années précédentes, illustrent la volonté de l’Etat d’être plus ferme vis-à-vis du contrôle de ses recettes fiscales et des transferts de devises vers l’étranger. Il faut dire qu’entre 2005 et 2007, ces transferts ont représenté près de 16 milliards de dollars contre (seulement) 4,5 milliards entre 2001 et 2004. La majorité de ces sommes concernent le secteur des hydrocarbures, puis viennent ceux de la téléphonie et des établissements financiers. L’Etat, qui fait face à une baisse des revenus pétroliers, a également besoin d’équilibrer son budget grâce aux prélèvements sur les entreprises privées, souvent très rentables.
Mais en dehors des causes qui dictent cette politique de sévérité, cette tendance révèle aussi l’inquiétante étendue des irrégularités comptables au sein des entreprises privées, à capitaux nationaux ou étrangers, qui activent en Algérie, même si les étrangers se montrent critiques en privé, considérant le fisc comme un « instrument de terreur absolu » au service des intérêts politiques et diplomatiques du gouvernement algérien. L’exemple le plus récent et un des plus frappant est celui d »OTA. La filiale du groupe égyptien est sous le coup d’un redressement fiscal de près de 600 millions de dollars. La Direction générale des impôts (DGI) reproche à Orascom Telecom des irrégularités comptables sur les exercices de 2005, 2006 et 2007. Autre exemple, selon nos informations, Citroën Algérie fait actuellement l’objet d’un redressement fiscal après un contrôle qui a mis au jour une comptabilité très approximative.
Alors comment expliquer que des entreprises étrangères, côtées en Bourse et appliquant les dernières règles comptables dans leurs pays d’origine, semblent gérer les comptes de leurs filiales algériennes avec aussi peu de rigueur? Sans doute ont-elles profité trop longtemps d’une législation très favorable et de services fiscaux peu regardants, avant qu’une nouvelle législation et une application plus drastique des textes ne les mettent dans le collimateur des autorités.
Certains observateurs pointent également du doigt les cabinets d’audit, qui seraient complaisants avec ces entreprises. Mais pour le directeur d’un de ces cabinets installé en Algérie, leur responsabilité n’est pas engagée dans la mesure où, dit-il, « nous ne sommes pas experts comptables. Nous avons une mission privée. Nous ne pouvons qu’informer nos clients des irrégularités de leurs comptes et nous avons déjà fait des remarques à certains d’entre eux».
Dans ce cas, la responsabilité des experts comptables algériens est-elle entièrement engagée ? Pour eux, la réponse se trouve dans l’interprétation des textes comptables. « Il est vrai qu’il y a un flou total. Parfois, les services fiscaux se trouvent dans l’obligation de rédiger des circulaires pour préciser des points dans une loi qu’ils avaient eux-mêmes rédigés quelques mois auparavant. C’est une bagarre permanente avec eux concernant l’interprétation des textes comptables », explique le directeur financier d’un groupe privé qui a subi récemment un redressement fiscal.
Et l’entrée en vigueur, prévue début 2010, du nouveau Plan comptable avec les normes IFRS, ne va pas faciliter les choses. Les services fiscaux ont déjà fait savoir qu’ils feront leur propre interprétation des textes.
29/11/2009 | 18:35
TSA
30 novembre 2009
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