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Poème Louis Racine

27 novembre 2009

1.POESIE

 p1

Ennemi du mensonge, et de ces fictions
qui nourrissent des coeurs les folles passions,
je veux prendre aujourd' hui la vérité pour guide.
Par elle encouragé dans un âge timide,
de l' illustre Prosper j' ose suivre les pas.
Puissé-je comme lui confondre les ingrats !
ô vous qui ne cherchez que ces rimes impures,
des plaisirs séduisans dangereuses peintures ;
sur mes chastes tableaux ne jettez pas les yeux :
fuyez ; mes vers pour vous sont des vers ennuyeux :
des sons de la vertu votre oreille se lasse.
Prophanes, loin d' ici, je vais chanter la grace.



      p2

Oüi, seigneur, j' entreprens de lui prêter ma voix :
tout fidelle est soldat pour défendre tes droits.
Si par ta grace ici je combats pour ta grace,
rien ne peut ébranler ma généreuse audace,
dussent les libertins déchirer mes écrits :
trop heureux si pour toi je souffre des mépris !
Que ta bonté, grand dieu, veuille m' en rendre digne :
de tes riches faveurs, faveur la plus insigne !
Pour en être honorés, tes saints ont fait des voeux,
et moi j' en fais pour vivre et pour mourir comme eux.
Daigne donc agréer et soutenir mon zèle :
tout foible que je suis, j' embrasse ta querelle.
La grace que je chante, est l' ineffable prix
du sang que sur la terre a répandu ton fils,
ce fils, en qui tu mets toute ta complaisance,
ce fils, l' unique espoir de l' humaine impuissance.
à défendre sa cause approuve mon ardeur ;
mais animant ma langue, échauffe aussi mon coeur.
Que je sente ce feu qui par toi seul s' allume,
et que j' éprouve en moi ce que décrit ma plume ;
non comme ces esprits tristement éclairés
qui connoissent la route, et marchent égarés ;
toujours vuides d' amour, et remplis de lumiere,

p3

ardens pour la dispute, et froids pour la priere.
à la voix du seigneur l' univers enfanté,
étaloit en tous lieux sa naissante beauté.
Le soleil commençoit ses routes ordonnées ;
les ondes dans leur lit étoient emprisonnées ;
déja le tendre oiseau s' élevant dans les airs,
benissoit son auteur par ses nouveaux concerts :
mais il manquoit encore un maître à tout l' ouvrage.
faisons l' homme, dit Dieu : faisons-le à
notre image .
Soudain pétri de boue, et d' un souffle animé,
ce chef-d' oeuvre connut qu' un dieu l' avoit formé.
La nature attentive aux besoins de son maître,
lui présenta les fruits que son sein faisoit naître ;
et l' univers soumis à cette aimable loi,
conspira tout entier au bonheur de son roi.
La fatigue, la faim, la soif, la maladie
ne pouvoient altérer le repos de sa vie :
la mort même n' osoit déranger les ressorts
que le souffle divin animoit dans son corps.

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Il n' eut point à sortir d' une enfance ignorante :
il n' eut point à dompter une chair insolente.
L' ordre régnoit alors, tout étoit dans son lieu ;
l' animal craignoit l' homme, et l' homme craignoit
Dieu :
et dans l' homme, le corps respectueux, docile,
à l' ame fournissoit un serviteur utile.
Charmé des saints attraits, de biens environné,
Adam à son conseil vivoit abandonné.
Tout étoit juste en lui, sa force étoit entiere :
il pouvoit sans tomber poursuivre sa carriere,
soutenu cependant du céleste secours,
qui pour aller à Dieu le conduisoit toujours.
Non qu' en tous ses desirs par la grace entraînée
l' ame alors dût par elle être déterminée ;

p5

ainsi sans le soleil l' oeil qui ne peut rien voir,
à cet astre pourtant ne doit point son pouvoir :
mais au divin secours en tout tems nécessaire,
Adam étoit toujours maître de se soustraire.
Ainsi le soleil brille, et par lui nous voyons :
mais nous pouvons fermer nos yeux à ses rayons.
Tel fut l' homme innocent : sa race fortunée
des mêmes droits que lui devoit se voir ornée ;
et conçu chastement, enfanté sans douleurs,
l' enfant ne se fût point annoncé par ses pleurs.
Nous n' eussions vû jamais une mere tremblante
soutenir de son fils la marche chancelante,
réchauffer son corps froid dans la dure saison,
ni par les châtimens appeller sa raison.
Le démon contre nous eût eu de foibles armes.
Hélas ! Ce souvenir produit de vaines larmes.
Que sert de regretter un état qui n' est plus,
et de peindre un séjour dont nous fûmes exclus !

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Pleurons notre disgrace, et parlons des miseres
que sur nous attira la chûte de nos peres.
Condamnés à la mort, destinés aux travaux,
les travaux et la mort furent nos moindres maux.
Au corps, tyran cruel, notre ame assujettie
vers les terrestres biens languit appesantie.
De mensonge et d' erreur un voile ténébreux
nous dérobe le jour qui doit nous rendre heureux.
La nature autrefois attentive à nous plaire,
contre nous irritée, en tout nous est contraire.
La terre dans son sein resserre ses trésors :
il faut les arracher ; il faut par nos efforts
lui ravir de ses biens la pénible récolte.
Contre son souverain l' animal se révolte :
le maître de la terre appréhende les vers :
l' insecte se fait craindre au roi de l' univers.

p7

L' homme à la femme uni met au jour des coupables,
d' un pere malheureux héritiers déplorables.
Aux solides avis l' enfant toujours rétif,
par la seule menace y devient attentif.
De l' âge et des leçons sa raison secondée,
à peine du vrai Dieu lui retrace l' idée.
Hélas ! à ces malheurs, par sa femme séduit
Adam, le foible Adam, avec nous s' est réduit.
Son crime fut le nôtre, et le pere infidelle
rendit toute sa race à jamais criminelle.
Ainsi le tronc qui meurt voit mourir ses rameaux,
et la source infectée infecte ses ruisseaux.
L' homme depuis ce jour n' apporte à sa naissance
que la pente au peché, l' erreur et l' ignorance.
Par l' amour des faux biens il remplit dans son coeur
le vuide qu' y laissa l' amour du créateur :
dans son funeste sort d' autant plus déplorable,

p8

qu' il ignore le poids du fardeau qui l' accable ;
qu' il se plaît dans ses maux, et fuit la guérison ;
qu' il aime ses liens, et chérit sa prison.
à le voir, pourroit-on croire son origine !
Est-ce là, direz-vous, cette image divine ?
Sans doute. Le portrait n' est pas tout effacé ;
quelque coup de pinceau demeure encore tracé.
Malgré l' épaisse nuit sur l' homme répandue,
on découvre un rayon de sa gloire perdue.
C' est du haut de son thrône un roi précipité,
qui garde sur son front un trait de majesté.
Une secrette voix à toute heure lui crie
que la terre n' est point son heureuse patrie ;
qu' au ciel il doit attendre un état plus parfait.
Et lui-même ici-bas quand est-il satisfait ?
Digne de posseder un bonheur plus solide,
plein de biens et d' honneurs, il reste toujours vuide.
Il forme encore des voeux dans le sein du plaisir,

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il n' est jamais enfin qu' un éternel desir.
D' où lui vient sa grandeur ? D' où lui vient sa
bassesse ?
Et pourquoi tant de force avec tant de foiblesse ?
Réveillez-vous, mortels, dans la nuit absorbés,
et connoissez du moins d' où vous êtes tombés.
Non, je ne suis point fait pour posseder la terre.
Quand ne serai-je plus avec moi-même en guerre ?
Qui me délivrera de ce corps de péché ?
Qui brisera la chaîne où je suis attaché ?
Mon coeur toujours rebelle, et contraire à lui-même,
fait le mal qu' il déteste, et fuit le bien qu' il
aime.
Je veux sortir du gouffre où je me vois jetté ;
je veux... mais que me sert ma foible volonté ?
Legere, irrésolue, incertaine, aveuglée,
et malgré son néant, d' un fol orgueil enflée,
voulant tout entreprendre, et n' exécutant rien,
capable de tout mal, impuissante à tout bien,
compagne qui m' entraîne au vice que j' abhorre,
et guide qui ne sert qu' à m' égarer encore.

p10

Mais par ce guide seul autrefois éclairés,
les superbes mortels se croyoient assurés.
Pour confondre à jamais cette altiere sagesse,
le ciel leur fit long-tems éprouver leur foiblesse.
à leurs sens il livra rois et peuples entiers,
et les laissa marcher dans leurs propres sentiers.
La digue fut soudain rompue à tous les vices :
on ne vit plus par-tout, que meurtres, injustices,
débordemens impurs, brigandages affreux,
et du crime honoré le regne ténébreux.
à de frivoles biens créés pour son usage,
l' homme osa follement présenter son hommage.
La bête eut des autels, le bois fut adoré ;
et tout fut, hors Dieu seul, comme Dieu réveré.
Et soi-même traitant ce culte de chimere,
le foible philosophe imita le vulgaire.
Cependant, direz-vous, la Grece eut des Platons :
l' Asie eut des Thalés, et Rome eut des Catons.
Lucrece estime plus son honneur que sa vie ;
Decius se dévoue au bien de sa patrie.
Victime du serment aux ennemis juré,
Regulus va chercher un supplice assuré.
Rougis, lâche chrétien : dans un siécle prophane

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plus vertueux que toi le payen te condamne.
Ah ! Du nom de vertu gardons-nous d' honorer
des actions que Dieu dédaigna d' épurer.
Rome n' eut des vertus que la fausse apparence,
et vaine elle reçut sa vaine récompense.
L' éclat de ses héros nous charme et nous séduit :
mais d' un aride champ quel peut être le fruit ?
Rien ne peut prosperer sur des terres ingrates.
Le desir de la gloire enfante les socrates.
Du moindre des romains l' estime et les regards
soutiennent les Catons ainsi que les Césars.

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Plaignons plutôt, plaignons ces peuples misérables,
dont les justes n' étoient que de moindres
coupables.
Socrate, du vrai dieu s' approchant de plus près,
sembla de sa grandeur découvrir quelques traits.
Faut-il donc pour le voir, percer tant de nuages ?
Eh ! Qui de la nature admirant les ouvrages,
frappé d' étonnement à ce premier regard,
ira pour l' ouvrier soupçonner le hazard ?
De ce vil vermisseau j' entends la voix qui crie,
Dieu m' a fait, Dieu m' a fait ; Dieu m' a donné
la vie .
Tout parle à la raison, mais rien ne parle au coeur.
Le jour au jour suivant annonce son auteur.
Mais ce n' est qu' en l' aimant que Dieu veut qu' on
l' adore ;
et l' hommage du coeur est le seul qui l' honore.
En vain le philosophe entrevoit la clarté :
du chemin de la vie est-il moins écarté ?

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Plus criminel encor que l' aveugle vulgaire,
loin de rendre au seigneur le culte nécessaire,
il perd, vuide d' amour, tout le fruit de ses moeurs :
son esprit s' évapore en de folles lueurs.
En différens sentiers les plus sages s' égarent ;
par des sectes sans nombre entr' eux ils se séparent.
La raison s' obscurcit : la simple vérité
se perd dans les détours de la subtilité.
Oui, grand dieu, c' est en vain que l' humaine foiblesse
sans toi veut se parer du nom de la sagesse :
et quiconque usurpa ce titre audacieux
fut de tant d' insensés le moins sage à tes yeux.
Pour guérir la nature infirme et languissante,
ainsi que la raison la loi fut impuissante :
la loi qui ne devant jamais briser les coeurs,
sans la grace formoit des prévaricateurs ;

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la loi qui du péché resserrant les entraves,
au lieu de vrais enfans fit de lâches esclaves ;
la loi, joug importun, de la crainte instrument,
ministere de mort, vain et foible élément.
Ainsi ne put jadis le bâton d' élizée
ressusciter l' enfant de la mere affligée :
le prophète lui seul touché de son malheur,
pouvoit dans ce corps froid rappeller la chaleur.
Le juif portant toujours l' esprit de servitude,
à ses égaremens joignit l' ingratitude.
La race de Jacob, le peuple si cheri,
engraissé de bienfaits n' en fut point attendri.
Cependant Dieu voulut dans ces tems déplorables
se former quelquefois des enfans véritables.
On vit avant Moïse, ainsi que sous la loi,
des justes pleins d' amour et vivants de la foi.

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La grace, dont le jour ne brilloit pas encore,
sur leur tête déja répandoit son aurore.
L' arrêt de leur trépas fut deslors effacé
dans le sang qui pour eux devoit être versé,
et des fruits de ce sang ils furent les prémices.
Mais lorsque le seigneur avec des yeux propices
regardoit quelques-uns des neveux d' Israël,
le reste abandonné fut toujours criminel.
Les prophètes en vain annonçoient leurs oracles,
supplioient, menaçoient, prodiguoient les miracles.
Ce peuple dont un voile obscurcissoit les yeux,
murmurateur, volage, amateur des faux dieux,
à ses prophètes sourd, à ses rois infidelle,
porta toujours un coeur incirconcis, rebelle.
Dans son temple, il est vrai, l' encens se consumoit ;
le sang des animaux à toute heure fumoit.
Vain encens, voeux perdus ! Les taureaux, les genisses

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étoient pour les péchés d' impuissans sacrifices.
Dieu rejettant l' autel et le prêtre odieux,
attendoit une hostie agréable à ses yeux :
il falloit que la loi sur la pierre tracée
fût par une autre loi dans les coeurs remplacée.
Il falloit que sur lui détournant tous les coups,
le fils vînt se jetter entre son pere et nous.
Sans lui nous périssions. Qu' une telle victime
oblige le coupable à juger de son crime.
Quel énorme forfait, qui pour être expié,
demandoit tout le sang d' un dieu sacrifié !
Oui, l' homme après sa chûte, au voyageur
semblable,
qu' attaqua des voleurs la rage impitoyable,
percé de coups, laissé pour mort sur le chemin,
et baigné dans son sang n' attendoit que sa fin.
Les prêtres de la loi, témoins de sa misere,
ne lui pouvoient offrir une main salutaire.
Enfin dans nos malheurs un dieu nous secourut :
le ciel fondit en pluie, et le juste parut.
ô filles de Sion, tréssaillez d' allégresse :
du roi qui vient à vous célébrez la tendresse :
il vient sécher vos pleurs et calmer vos soupirs.

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Les justes de la loi, ces hommes de desirs,
de leur foi toujours vive auront la récompense.
Il vient, tout l' univers se leve à sa présence :
l' agneau saint de son sang va sceller le traité
qui nous réconcilie à son pere irrité.
Chargé de nos forfaits sur la croix il expire,
et du temple aussi-tôt le voile se déchire.
Aux prophanes regards le lieu saint fut livré :
le dieu qui l' habitoit s' en étoit retiré.
De ce temple fameux la gloire étoit passée ;
la vile sinagogue alloit être chassée :
les tems étoient venus, où régnant dans les coeurs
Dieu vouloit se former de vrais adorateurs,
et donnant à son fils une épouse plus sainte,
devoit répudier l' esclave de la crainte.
Mortels qui jusqu' ici répandiez tant de pleurs,
tristes enfans d' Adam, bannissez vos douleurs.

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Du sang de Jesus-Christ l' église vient de naître,
la nuit est dissipée, et le jour va paraître.
Il arrive ce jour si long-tems attendu,
ce jour que de si loin Abraham avoit vu.
Le saint tant desiré, tant prédit par vos peres,
vous annonce aujourd' hui la fin de vos miseres.
Sortez, humains, sortez de la captivité ;
ce dieu qui pour toujours vous rend la liberté,
ne veut plus que son peuple en esclave le craigne :
sa grace et son amour vont commencer leur régne.

CHANT 2

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Vous que la vérité remplit d' un chaste amour,
n' esperez point encor dans ce triste séjour,
paisibles possesseurs la goûter sans allarmes :
chrétiens, souffrez pour elle, et prêtez-lui vos
armes.
L' église à la douleur destinée ici-bas,
prit naissance à la croix, et vit dans les combats.
Il faut que tout entier sur elle s' accomplisse
de son époux mourant le sanglant sacrifice.
Contr' elle le démon arma les empereurs ;
le fer brilla d' abord : inutiles fureurs !
En vain on la déchire, en vain le sang l' inonde :

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de ce sang humectée elle en devient féconde.
L' empereur à la croix soûmit son front payen,
montra qu' on pouvoit être et César et chrétien.
Le prêtre d' Apollon renversa son idole,
et Jupiter vaincu tomba du capitole.
L' église dans son sein voyoit naître la paix,
quand la fiere hérésie envenimant ses traits,
aux enfans de la foi vint déclarer la guerre.
Plus d' une fois vaincue, enfin dans l' Angleterre
elle appelle un vengeur ; et fidelle à sa voix
pelage de la grace ose attaquer les loix.
De notre liberté défenseur téméraire,
au céleste pouvoir il prétend nous soustraire.
Hélas ! Que des humains les dehors sont trompeurs !
De pelage long-tems on admira les moeurs :
mais que sert qu' en public la vertu nous honore,
si le ver de l' orgueil en secret nous dévore ?
Pelage se démasque à l' univers surpris,

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et vient à Rome même infecter les esprits.
Le docteur pénitent, l' austere Anachorette,
qui croit toujours du ciel entendre la trompette,
ce savant, si fameux par tant d' écrits divers,
qui du fond de sa grote éclaire l' univers,
Jerôme vieux alors, ranime son courage ;
mais le seul Augustin devoit vaincre Pelage.
De ce grand défenseur le ciel ayant fait choix,
lui mit la plume en main, le chargea de ses droits.
Augustin tonne, frappe et confond les rebelles.
Sa doctrine aujourd' hui guide encor les fidelles :
Rome, tout l' univers admire ses écrits,
et M... lui seul en ignore le prix.
Disciple d' Augustin, et marchant sur sa trace,
Prosper s' unit à lui pour défendre la grace.
Il poursuivit l' erreur dans ses derniers détours,

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et contr' elle des vers emprunta le secours.
Les vers servent aux saints : la vive poësie
fait triompher la foi, fait trembler l' hérésie.
Admirateur zélé de ces maîtres fameux,
je mets toute ma gloire à marcher après eux.
Formé dans leurs écrits, et plein de leurs maximes
je les vais annoncer, n' y prêtant que mes rimes :
Augustin dans mes vers donne encor ses leçons.
Seigneur, c' est à tes saints à parler de tes dons !
Aux forces que la grace inspire à la nature
des foiblesses de l' homme opposons la peinture.
Connoissons par nos maux la main qui nous guérit.
L' erreur et le mensonge assiégent notre esprit,
et la nuit du péché nous couvrant de ses ombres,
entre nous et le jour jette ses voiles sombres.
Notre coeur corrompu, plein de honteux desirs,
ne reconnoît de loix que celles des plaisirs.

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Le plaisir, il est vrai, juste dans sa naissance,
par de sages transports servoit à l' innocence :
nos corps par cet attrait devoient se conserver,
et nos ames vers Dieu se devoient élever.
Mais notre ame aujourd' hui n' étant plus souveraine,
aux seuls plaisirs des sens notre corps nous entraîne.
Des saintes voluptés le chaste sentiment
se réveille avec peine, et s' éteint aisément.
à croître nos malheurs le démon met sa joie :
lion terrible il cherche à dévorer sa proie ;
et transformant sa rage en funestes douceurs,
souvent serpent subtil il coule sous les fleurs.
Ce tyran ténébreux de l' infernal abîme
joüissoit autrefois de la clarté sublime.
L' orgueil le fit tomber dans l' éternelle nuit,
et par ce même orgueil l' homme encor fut séduit,
quand nos peres, à Dieu voulant être semblables,
oserent sur un fruit porter leurs mains coupables.
L' orgueil depuis ce jour entra dans tous les coeurs :

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là de nos passions il nourrit les fureurs ;
souvent il les étouffe, et pour mieux nous surprendre,
il se détruit lui-même, et renaît de sa cendre.
Toujours contre la grace, il veut nous révolter,
pour mieux regner sur nous, cherchant à nous flater.
Il releve nos droits, et notre indépendance ;
et de nos intérêts embrassant la défense,
nous répond follement que notre volonté
peut rendre tout facile à notre liberté.
Mais comment exprimer avec quelles adresses
ce monstre sait de l' homme épier les foiblesses ?
Sans cesse parcourant toute condition,
il répand en secret sa douce illusion.
Il console le roi que le thrône emprisonne,
et lui rend plus leger le poids de la couronne.
Aux yeux des conquérans de la gloire enyvrés
il cache les périls dont ils sont entourés.
Par lui le courtisan, du maître qu' il ennuie
soutient, lâche flateur, les dédains qu' il essuie.

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C' est lui qui d' un prélat épris de la grandeur
écarte les remords voltigeans sur son coeur.
C' est lui qui fait pâlir un savant sur un livre,
l' arrache aux voluptés où le monde se livre,
d' un esprit libertin lui souffle le poison,
et plus haut que la foi fait parler la raison.
C' est lui qui des palais descend dans les chaumieres,
donne à la pauvreté des démarches altieres.
Lui seul nourrit un corps par le jeûne abattu :
il suit toujours le crime, et souvent la vertu.
Parmi tant de périls, et contre tant d' allarmes
la grace seule a droit de nous donner des armes.
Du démon rugissant elle écarte les coups,
contre nos passions elle combat pour nous :
grace que suit toujours une prompte victoire,
grace, céleste don, notre appui, notre gloire,

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grace qui pour charmer a de si doux attraits,
que notre liberté n' y résiste jamais :
souffle du saint amour, par qui l' ame embrasée
suit et chérit la loi qui lui devient aisée.
Si cette voix n' appelle, en vain l' on veut marcher :
on s' éloigne du but dont on croit s' approcher.
Sans elle tout effort est un effort stérile,
tout travail est oisif, toute course inutile.
Sans elle l' homme est mort : mais dès qu' elle a parlé,
dans la nuit du tombeau le mort est réveillé,
et ses liens rompus ne forment plus d' obstacle.
Par quel charme suprême arrive ce miracle ?

p27

Dans le même moment, ô moment précieux !
La grace ouvre le coeur, et dessille les yeux.
L' homme apperçoit son bien, et sent qu' il est aimable.
Dieu se montre, le reste est pour lui méprisable.
Plaisir, bien, dignité, grandeur, tout lui déplaît :
il voit à découvert le monde tel qu' il est,
plein de peines, d' ennuis, de miseres, de craintes,
théâtre de douleurs, de remords, et de plaintes.
Plus de repos pour lui dans cet horrible lieu ;
il le fuit, il l' abhorre, il vole vers son dieu.
Pour ébranler sa foi le démon n' a plus d' armes.
La gloire est sans attraits, la volupté sans charmes.
Mais de tant d' ennemis quoiqu' il soit le vainqueur,
si la grace un moment abandonne son coeur,
le triomphe sera d' une courte durée.
Des dons qu' on a reçus la perte est assurée,
si la grace à toute heure accordant son secours,

p28

de ses premiers bienfaits ne prolonge le cours.
Sans cesse vit en nous l' ennemi domestique,
ou captif indocile, ou vainqueur tyrannique.
Guerre continuelle : un vice terrassé
par un vice plus fort est bientôt remplacé.
Au dehors tout irrite, et tout allume encor
ce feu, qui sans s' éteindre, au-dedans nous dévore.
Le monde qui l' attise, en tous lieux nous poursuit ;
son commerce corrompt, sa morale séduit.
Il applaudit, il loue, et sa louange charme :
il reprend, il condamne, et sa censure allarme.
Parmi tant de dangers la grace est mon recours.
Amoureux de ses biens, je les cherche, j' y cours :
par des voeux enflammés mon ame les implore,
et quand je les reçois, je les demande encor.
Dieu, riche dans ses dons, peut toujours accorder :
l' homme, plein de besoins, doit toujours demander.
J' avance en sûreté quand Dieu me veut conduire,
et je tombe aussi-tôt que sa main se retire ;
tel que le foible enfant qui ne se soutient pas,
si sa mere n' est plus attentive à ses pas.
Par ce triste abandon la suprême sagesse

p29

fait aux saints quelquefois éprouver leur foiblesse.
David, l' heureux David, si chéri du seigneur,
ce prophète éclairé, ce roi selon son coeur,
vaincu par une femme est en paix dans le crime,
et ne seroit jamais sorti de cet abîme,
si le ciel n' eût pour lui rappellé sa bonté.
Au tranquille pécheur Nathan est député :
si-tôt que cette voix a frappé son oreille,
David se reconnoît : son oeil s' ouvre, il s' éveille.
De son thrône à l' instant, d' un saint regret touché,
il se leve, et s' écrie : il est vrai, j' ai péché .
Ainsi tombe, malgré ses sermens téméraires,
l' apôtre qui se croit plus ferme que ses freres :
prêt à suivre son maître en prison, à la mort,
nul obstacle à ses yeux ne paroît assez fort.
Il le croit, il le jure, et l' ardeur qui l' enflamme
tout à coup va s' éteindre à la voix d' une femme :
et même s' il gémit du plus grand des malheurs,
c' est au regard divin qu' il doit ses justes pleurs.

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Mais Pierre abandonné, qui renonce son maître,
et devient à la fois ingrat, parjure, traître,
ranimé de la grace ira devant les rois
braver les chevalets, les flammes et les croix.
Que le juste à toute heure appréhende la chute :
s' il tombe cependant, qu' à lui seul il l' impute.
Oui, l' homme qu' une fois la grace a prévenu,
s' il n' est par elle encor conduit et soutenu,
ne peut, à quelque bien que son ame s' applique...
mais à ce mot j' entends crier à l' hérétique.
ne peut, c' est-là, dit-on, le jansénisme pur.
Dans ses expressions Luther est-il plus dur ?
Ainsi la loi divine, à l' homme impratiquable,
impose sans la grace un joug insurmontable.
Ah ! C' est-là le premier des dogmes monstrueux,
juste objet de l' horreur d' un chrétien vertueux.
Mais vous qui transporté d' un zèle charitable
voulez me mettre au rang des noirs enfans du diable ;

p31

signalez par vos cris votre sainte douleur.
Telle est de vos pareils la chrétienne chaleur :
tout ce qui leur déplaît leur devient hérésie.
Répondez-moi pourtant. Le sauveur qui nous crie :
ô vous qui gémissez sous le faix des travaux,
accourez tous à moi, je finirai vos maux ; 
ne dit-il pas ? sans moi vous ne pouvez rien
faire :
vous ne pouvez venir qu' attirés par mon pere. 
vous allez, je le vois, avec subtilité
éluder de ces mots la sainte autorité.
Toutefois épargnez votre soin téméraire.
Je conviens avec vous que l' homme peut tout faire :
oui, qu' il peut à toute heure obéir à la loi.
Mais vous devez aussi convenir avec moi,
que nous ne mettrons point ce pouvoir en usage
si notre volonté n' y joint pas son suffrage,

p32

elle qui pour le bien le refuse toujours,
si Dieu pour la fléchir n' accorde son secours.
Non, malgré ses efforts, la brebis égarée
ne retrouvera point la demeure sacrée,
si le tendre pasteur ne la prend dans ses bras,
et jusqu' à son troupeau ne la rapporte pas.
Quand je sens pour le bien un desir véritable,
n' est-ce donc pas alors Dieu qui m' en rend
capable ?
Dieu seul fait tout en nous : c' est lui dont la
bonté
y forme tout desir et toute volonté.
La créature entiere est soumise à son maître :
nous devons la pensée à qui nous devons l' être.
En vain nous lui voudrons disputer notre coeur,
il en sera toujours le souverain moteur.
Dieu commande, et dans l' homme il fait ce qu' il
commande :
il donne le premier ce qu' il veut qu' on lui rende.

p33

D' où vient donc cet orgueil si follement conçu ?
Quel bien possedons-nous que nous n' ayons reçu ?
Mere des bons desseins, principe de lumiere,
la grace produit tout, et même la priere.
Quand nous courons vers elle, elle nous fait courir ;
quand pour elle un coeur s' ouvre, elle le vient
ouvrir ;
elle forme nos voeux, et dans l' ame qui prie,
par d' ineffables sons c' est l' esprit saint qui crie.
L' homme, quand sur lui seul il ose s' appuyer,
est semblable au roseau qu' un souffle fait plier.
Tout croît, et vit en Dieu : la foible créature
de sa main liberale attend la nourriture.
Aux pâturages gras il mene ses troupeaux :
il les conduit lui-même à la source des eaux.
Pasteur rempli d' amour il adoucit leurs peines,
il porte dans son sein les brebis qui sont pleines.
Soumettons-nous sans crainte à cette vérité :

p34

la grace est le soutien de notre humilité.
Au dieu qui vous conduit, mortels, rendez
hommage.
N' allez point toutefois en détestant Pelage,
dans un aveugle excès follement entraînés,
vous croire des captifs malgré vous enchaînés,
et du ciel oubliant la douceur infinie,
changer son regne aimable en dure tyrannie.
L' impétueux Luther, qu' emportoient ses fureurs,
joignit ce dogme impie à tant d' autres erreurs.
Affectant d' élever la grace et sa puissance,
il voulut nous ravir la libre obéissance ;
prétendit que contraint par les suprêmes loix,
l' homme marche toujours sans volonté, sans choix,
vil esclave, chargé de chaînes invisibles.
Préchant après Luther ces maximes horribles,
Calvin mit tout en feu : le fidelle trembla,
et sur ses fondemens l' église s' ébranla.
Pour rassurer alors la vérité troublée,

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la sage et sainte église à trente rassemblée,
sans que jamais l' erreur y pût mêler son fiel,
reçut, et nous rendit les réponses du ciel.
Défendons, en suivant ses dogmes respectables,
de notre liberté les droits inaltérables.
Notre coeur n' est qu' amour : il ne cherche, il ne
fuit,
qu' emporté par l' amour dont la loi le conduit.
Le plaisir est son maître : il suit sa douce pente,
soit que le mal l' entraîne, ou que le bien
l' enchante.
Il ne change de fin, que lorsqu' un autre objet
efface le premier par un plus doux attrait.
La grace qui l' arrache aux voluptés funestes
lui donne l' avant-goût des voluptés célestes,
le fait courir au bien qu' en elle il apperçoit,
voir ce qu' il doit chérir, et chérir ce qu' il voit.
C' est par-là que la grace exerce son empire :

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elle-même est amour, par amour elle attire ;
commandement toujours avec joie accepté,
ordre du souverain qui rend la liberté ;
charme qui sans effort brise tout autre charme,
vainqueur qui plaît encore au vaincu qu' il désarme.
Non, que le Dieu puissant, qui sait nous
enflammer,
malgré nous toutefois nous force de l' aimer,
ni qu' à suivre son ordre il veuille nous
contraindre :
en cela pour nos droits nous n' avons rien à craindre.
La grace se plaît-elle à la gêne du coeur ?
Non, ses heureuses loix sont des loix de douceur.
Il est vrai, qu' aussi-tôt qu' elle se fait entendre,
un infaillible aveu se hâte de s' y rendre.
Mais faut-il s' étonner que cette aimable ardeur
dissipe en un moment la plus longue froideur ?
Que du céleste feu cette vive étincelle
embrase tous les coeurs, n' en trouve aucun rebelle ?
Que cette douce chaîne enchaîne librement ?

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Que cette voix obtienne un sûr consentement,
sans qu' en elle jamais la moindre violence
arrache cette entiere et prompte obéissance ?
Le malade qui souffre et sent qu' il va mourir,
repousse-t' il celui qui vient pour le guérir ?
Libre de rejetter un pain qu' on lui présente,
le pauvre le ravit quand la faim le tourmente.
Et maître de rester dans la captivité,
toujours un malheureux court à la liberté.
Oui, j' y cours plein d' horreur pour ma premiere
chaîne :
mais celui qui la rompt m' en inspire la haine.
Oui j' y cours ; mais celui qui daigne me l' offrir,
lui seul a mis en moi la force d' y courir.
Dans cet heureux moment qu' au dieu qui
l' environne,
pleine de ses attraits mon ame s' abandonne,
et que par son amour, assiégé tant de fois,
à s' y rendre mon coeur détermine son choix ;
de tout ce que je fais je lui dois tout l' hommage.
Quand je choisis, mon choix est encor son ouvrage :
et par un dernier coup intimement porté,
dans l' instant que je veux il fait ma volonté,

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sans qu' à mon choix réel ce grand coup puisse nuire.
Dieu m' a fait libre : un dieu peut-il faire et
détruire ?
Non Luther et Calvin assurent follement
que la grace asservit à son commandement.
J' abhorre, je proscris cet horrible blasphême :
de mon sang, s' il le faut, j' en signe l' anathême.
Maître de tous ses pas, arbitre de son sort,
l' homme a devant ses yeux, et la vie et la mort.
C' est toujours librement que la grace l' entraîne :
il peut lui résister, il peut briser sa chaîne.
Oui, je sens que je l' ai ce malheureux pouvoir,
et loin de m' en vanter, je gémis de l' avoir.
Avec un tel appui qu' aisément on succombe !
Ah, qui me donnera l' aîle de la colombe !
Loin de ce lieu d' horreur, de ce gouffre de maux
j' irois, je volerois dans le sein du repos.
C' est-là qu' une éternelle et douce violence

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nécessite des saints l' heureuse obéissance :
c' est-là que de son joug le coeur est enchanté :
c' est-là que sans regret l' on perd sa liberté.
Là de ce corps impur les ames délivrées,
de la joie ineffable à sa source enyvrées,
et riches de ces biens que l' oeil ne sauroit voir,
ne demandent plus rien, n' ont plus rien à vouloir.
De ce royaume heureux Dieu bannit les allarmes,
et des yeux de ses saints daigne essuyer les larmes.
C' est-là qu' on n' entend plus ni plaintes ni soupirs :
le coeur n' a plus alors ni craintes, ni desirs.
L' église enfin triomphe ; et brillante de gloire
fait retentir le ciel des chants de sa victoire.
Elle chante, tandis qu' esclaves, désolés
nous gémissons encor sur la terre exilés.
Près de l' Euphrate assis nous pleurons sur ses rives :
une juste douleur tient nos langues captives.
Eh, comment pourrions-nous au milieu des méchans,
ô céleste Sion, faire entendre tes chants !
Hélas ! Nous nous taisons : nos lyres détendues
languissent en silence aux saules suspendues.
Que mon exil est long ! ô tranquile cité !

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Sainte Jerusalem ! ô chere éternité !
Quand irai-je au torrent de ta volupté pure
boire l' heureux oubli des peines que j' endure !
Quand irai-je goûter ton adorable paix !
Quand verrai-je ce jour qui ne finit jamais !

CHANT 3

Tel que brille l' éclair, qui touche au même
instant,
des portes de l' aurore aux bornes du couchant ;
tel que le trait fend l' air, sans y marquer sa trace :
tel et plus prompt encor part le coup de la grace.
Il renverse un rebelle aussi-tôt qu' il l' atteint ;
d' un scelérat affreux un moment fait un saint.
Ce foudre inopiné, cette invisible flamme
frappe, éclaire, saisit, embrase toute l' ame.
Saintement pénétré d' un spectacle effrayant
rancé de ses plaisirs reconnoît le néant :
d' esclave il devient libre ; à la cour il échappe,
et fuit dans les déserts pour enfanter la trappe.

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Ainsi prompte à courir, lorsque nous nous perdons,
la grace quelquefois précipite ses dons.
Souvent à nous chercher moins ardente et moins vive,
par des chemins cachés lentement elle arrive.
Elle n' est pas toujours ce tonnerre perçant
qui fend un coeur de pierre, et par un coup puissant
abbat Saul qu' emportoit une rage homicide ;
fait d' un persécuteur un apôtre intrépide ;
arrache Magdelaine à ses honteux objets,
Zachée à ses trésors, et Pierre à ses filets.
Quelquefois doux rayon, lumiere temperée,
elle approche, et le coeur lui dispute l' entrée.
L' esclave dans ses fers quelque tems se débat,
repousse quelques coups, prolonge le combat.
Oui, l' homme ose souvent, triste et funeste gloire,
entre son maître et lui balancer la victoire ;
mais le maître poursuit son sujet obstiné,
et parle de plus près à ce coeur mutiné.
Tantôt par des remords il l' agite et le trouble :
tantôt par des attraits que sa bonté redouble
il amollit enfin cette longue rigueur,

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et le vaincu se jette aux pieds de son vainqueur.
De la grace tel est l' aimable et saint empire :
elle entraîne le coeur, et le coeur y conspire.
Nous marchons avec elle : ainsi nous méritons,
et nous devons nommer nos mérites des dons.
Ainsi Dieu toujours maître inspire, touche, éclaire ;
et l' homme toujours libre, agit et coopere.
Augustin, de l' église, et l' organe et la voix,
de la céleste grace explique ainsi les loix.
Téméraire docteur, est-ce là ton langage ?
Honteux de reconnoître un si libre esclavage,
par tes détours subtils, par tes systêmes vains
tu prétends éluder les paroles des saints.
Hélas ! De notre orgueil telle est l' horrible plaie :
nous craignons d' obéir, et le joug nous effraie.
Voulant trop raisonner, nous nous égarons tous :
et de notre pouvoir défenseurs trop jaloux,
nous usurpons du ciel les droits les plus augustes :
nous fixons son empire à des bornes injustes.
Mais que Dieu confondroit une telle fierté

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s' il nous abandonnoit à notre liberté !
La grace, dites-vous, vous paroît la contraindre.
Agréable péril ! Ah ! Risquons, sans rien craindre,
de trop donner à Dieu, de trop compter sur lui.
Quel espoir ! Quel honneur de l' avoir pour appui !
Laissons, laissons tout faire à celui qui nous aime.
Il sait mes intérêts beaucoup mieux que moi-même.
Contre lui pour nos droits nous disputons en vain,
trop heureux de pouvoir les remettre en sa main.
Eh ! Comment résister à cette main puissante ?
La molle et souple argile est moins obéissante,
moins docile au potier qui la tourne à son gré,
qu' un coeur au souffle heureux dont il est pénétré.
Oui, c' est de ta bonté que je dois tout attendre,

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j' en dépends : mais, seigneur, ma gloire est d' en
dépendre ;
tu me menes, je vais ; tu parles, j' obéis ;
tu te caches, je meurs ; tu parois, je revis.
à moi-même livré, conduit par mon caprice
je m' égare en aveugle, et cours au précipice.
Mes vices que je hais, je les tiens tous de moi ;
ce que j' ai de vertu, je l' ai reçû de toi.
De mes égaremens moi seul je suis coupable :
de mes heureux retours je te suis redevable.
Les crimes que j' ai faits tu me les a remis ;
et je te dois tous ceux que je n' ai point commis.
Qu' une telle doctrine est douce et consolante !
Elle remet la paix dans mon ame tremblante.
La foi m' apprend d' abord à tout craindre de moi :
l' espérance bientôt vient ranimer ma foi.
" par vos foibles efforts, il est vrai, me dit-elle,

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vous ne suivrez jamais la voix qui vous appelle.
De cruels ennemis, hélas ! Environné
vous êtes à leurs traits sans cesse abandonné.
Mais vous avez au ciel un pere qui vous aime,
un pere, c' est le nom qu' il s' est donné lui-même :
rassurez-vous, son fils lui sera toujours cher.
Périsse l' insensé qui prend un bras de chair.
L' ame sage et fidelle à son Dieu se confie,
et peut tout en celui qui seul la fortifie. "
le m... aidé par un autre secours
ne sera point ému d' un semblable discours.
à ses ordres soumise, à ses desirs présente,
et compagne assidue, ainsi qu' obéissante
la grace, nous dit-il, vient offrir son appui.
Quand il veut, il s' en sert, l' usage en est à lui.
Dieu fournit l' instrument qui gagne la victoire ;
mais de s' en bien servir l' homme seul a la gloire.
Dogmes cachés long-tems aux humains aveuglés,
et qui par m... sont enfin dévoilés ;

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m... qui pour nous plein d' un amour de pere
adoucit d' Augustin le dogme trop sévere ;
rend un calme flateur à notre esprit troublé ;
décide et parle en maître où Paul avoit tremblé.
" il n' est point, nous dit-il, de race favorite :
Dieu sait de cet enfant quel sera le mérite ;
Dieu lit dans l' avenir ce qu' il doit être un jour ;
et s' il se rendra digne ou de haine ou d' amour.
La grace est une source en public exposée,
dont l' onde est en tout tems par toute main puisée.
Et lorsque pour agir nous faisons nos efforts,
Dieu nous doit aussi-tôt ouvrir tous ses trésors. "
dans l' Espagne où d' abord ces maximes parurent
la vérité trembla, les écoles s' émurent,
et du saint si fameux par ses rares écrits
les disciples savans éleverent leurs cris.
Pour ramener la paix dans l' église troublée,
le pontife appella la fameuse assemblée,

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où Lemos défenseur des célestes secours,
du mensonge hardi perçant tous les détours,
débrouilla, confondit la doctrine nouvelle.
Clément alloit lancer son tonnerre sur elle.
Il vous rendoit vainqueurs, disciples d' Augustin :
mais sa mort vous priva d' un triomphe certain.
Assis au même thrône, et plein du même zèle
Paul fit dresser l' arrêt qu' attendoit tout fidelle.
L' humble école espéra, sa rivale craignit ;
mais dans le vatican le foudre s' éteignit.
De m... qu' alors épargna l' anathême,
ne rejettons pas moins le dangereux systême.
L' orgueil sera toujours prompt à le recevoir :
il flatte la raison qui veut tout concevoir.
Le ciel à nos regards n' a plus rien d' invisible :
on perce de la foi le nuage terrible :
des mysteres divins le voile est écarté.
Mais pour moi qui chéris leur sainte obscurité,
je ramene le voile, et ne veux pas comprendre

p49

ce que l' homme doit croire, et ne doit point entendre.
Une mortelle main pourroit-elle arracher
les sceaux qu' au livre saint Dieu voulut attacher ?
Toi seul, agneau puissant, ô victime adorable,
toi seul tu peux ouvrir le livre respectable.
Hélas, s' il étoit vrai qu' un serviteur heureux,
ministre obéissant, vînt remplir tous mes voeux :
si je trouvois pour moi la grace toujours prête ;
que du ciel aisément je ferois la conquête !
Mais l' homme toutefois, chancelant, inégal,
rencontre à tous ses pas quelque obstacle fatal.
à la plus douce paix un trouble affreux succéde.
Il aimoit, il languit ; il brûloit, il est tiéde.
La joie et le chagrin, la froideur et l' amour
de son coeur inconstant s' emparent tour à tour.
Après avoir long-tems couru dans la carriére,
tout à coup il s' arrête et recule en arriére.
Toi donc, heureux mortel, arbitre souverain,
toi qui trouves toujours la grace sous ta main,
contre tant de malheurs montre ton privilége :
fais connoître tes droits au démon qui t' assiége.

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Le chagrin te saisit, tu te sens agité ;
vien te rendre la joie, et la tranquillité :
étouffe ces dégoûts qui commencent à naître.
Il est tems : qu' attends-tu ? Commande, parle en
maître.
Mais quoi ? Desir, effort, menace, tout est vain ;
et tu veux sans succès trancher du souverain.
Misérable, du moins reconnoi ta misere.
L' orgueil t' avoit séduit, fais-en l' aveu sincere,
et ressens le besoin d' un plus puissant secours :
au seigneur sans rougir tu peux avoir recours.
Va pleurer à ses pieds ; implore, presse, crie,
il se plaît à donner, mais il veut qu' on le prie.
Il faut ravir ses biens, et pour être accordé,
sans cesse son appui doit être demandé.
Nous ne pouvons jamais lasser sa patience,
il aime que nos cris lui fassent violence.

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Si la grace à toute heure obéit à nos loix,
faut-il pour l' obtenir l' appeller tant de fois ?
Et si nous avons toute la force salutaire,
que sert-il de prier ? Nous devons tous nous taire.
Tendre église, sur nous vous pleurez vainement :
colombe, finissez ce long gémissement.
Ministres, essuyez vos larmes assidues ;
et retirez vos mains vers le ciel étendues.
Vous qui poussez vers Dieu des soupirs éternels,
fidéles prosternés aux pieds de ses autels,
pourquoi répandre ainsi des prieres stériles ?
C' est à vous d' ordonner, vos coeurs vous sont dociles :
vous-mêmes à vos maux donnez un prompt secours ;
vous pouvez tout. Mais quoi ! Vous soupirez
toujours,
et de tous vos efforts vous sentez l' impuissance.
Hélas, qui n' en a point la triste connoissance !

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Quel mortel à son gré dispose de son coeur !
Si l' on en croit pourtant un systême flateur,
pour le bien et le mal l' homme également libre
conserve, quoi qu' il fasse, un constant équilibre :
lorsque pour l' écarter des loix de son devoir
les passions sur lui redoublent leur pouvoir,
aussi-tôt balançant le poids de la nature,
la grace de ses dons redouble la mesure ;
l' homme les perd encor, et toujours liberal
le ciel de nouveaux dons lui rend un nombre égal.
Dieu pour le criminel qui brave sa colere
doit payer de ses biens un tribut nécessaire.
Mais en les dissipant on s' enrichit encor,
et de graces sans nombre on amasse un trésor.
Pourquoi donc les pécheurs qui détestent leurs chaînes,
pour s' en débarrasser trouvent-ils tant de peines ?
Ces plaisirs qu' avec joie ils ont long-tems suivis,

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sous leur régne cruel les tiennent asservis.
Ils voudroient s' affranchir d' un joug dont ils
gémissent ;
mais hélas, chaque jour leurs forces s' affoiblissent.
Leurs fers se resserrant deviennent plus affreux,
et toujours leur fardeau s' appesantit sur eux.
Oui, de nos passions la trop longue habitude
malgré nous à la fin se change en servitude.
Pour connoître à quels maux ce mortel est livré,
qui veut chasser l' amour de son coeur ulceré,
faisons taire un moment les saints dans cet ouvrage,
et d' un voluptueux écoutons le langage.
" infortuné captif, cesse donc de souffrir :
sauve-toi, guéris-toi. Mais comment te guérir ?
Comment sortir si-tôt d' un si long esclavage ?
ô dieux ! Si la clémence est votre heureux partage,

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si vous jettez les yeux sur ceux qui vont mourir,
mes supplices cruels vous doivent attendrir.
Grands dieux ! Regardez-moi ; détournez cette
flamme,
qui défend à la paix toute entrée en mon ame,
et consume mon corps par un cruel poison.
Je ne t' implore, ô ciel ! Que pour ma guérison :
je ne demande pas que de celle que j' aime
l' amour puisse répondre à mon amour extrême ;
mais si j' ai mérité quelque chose de toi,
ô ciel ! Rends-moi la vie : ô dieux ! Guérissez-moi. "
Ovide en criminel avoüant tous ses crimes,
nous en avoue aussi les peines légitimes.
" je hais ce que je suis, je ne m' aimai jamais ;
cependant malgré-moi je suis ce que je hais.
Non, je ne puis sortir de mon état funeste.
Qu' il est dur de porter un fardeau qu' on déteste ! "
Medée en succombant regrette sa pudeur,
et se livre au transport que condamne son coeur.
Pour sauver les débris de sa vertu fragile,
dans les bras de la mort Phedre cherche un asyle.
Mais détournons nos yeux de ces tristes objets,
et laissons les payens en proie à leurs regrets.

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Regardons un mortel que la grace divine
fait sortir triomphant d' une guerre intestine ;
et du grand Augustin apprenons aujourd' hui
ce que l' homme est sans Dieu, ce que Dieu peut sur
lui.
Ma fougueuse jeunesse, ardente pour les crimes,
me fit courir d' abord d' abîmes en abîmes :
je vous fuyois, seigneur, vous ne me quittiez pas
et la verge à la main me suivant pas à pas,
par d' utiles dégoûts vous me rendiez ameres
ces mêmes voluptés à tant d' autres si cheres.
Vous tonniez sur ma tête : à vos pressans avis
ma mere s' unissoit en pleurant sur son fils.
Je n' entendois alors que le bruit de ma chaîne,
chaîne de passions qu' un misérable traîne.
Ma mere par ses pleurs ne pouvoit m' ébranler,
et vous tonniez, grand dieu, sans me faire
trembler.
Enfin de mes plaisirs l' ardeur fut amortie :
je revins à moi-même, et détestai ma vie.

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Je voyois le chemin, j' y voulois avancer ;
mais un funeste poids me faisoit balancer.
J' avois trouvé, j' aimois cette perle si belle
sans pouvoir me résoudre à tout vendre pour elle.
Par deux puissans rivaux tour à tour attiré
j' étois de leurs combats au-dedans déchiré.
Mon dieu m' aimoit encor, et sa bonté suprême
à mes tristes regards me présentoit moi-même.
Hélas qu' en ce moment je me trouvois affreux !
Mais j' oubliois bien-tôt mon état malheureux :
un sommeil létargique accabloit ma paupiere.
M' éveillant quelquefois, je cherchois la lumiere ;
et dès qu' un foible jour paroissoit se lever,
je refermois les yeux, de peur de le trouver.
Une voix me crioit, sors de cette demeure .
Et moi, je répondois, un moment, tout-à-l' heure .
Mais ce fatal moment ne pouvoit point finir,
et cette heure toujours differoit à venir.
De mes premiers plaisirs la troupe enchanteresse

p57

voltigeant près de moi, me répétoit sans cesse :
nous t' offrons tous nos biens, et tu veux nous
quitter.
sans nous, sans nos douceurs, qui peut se
contenter ?
le sage en nous cherchant trouve un bonheur facile ;
son corps est satisfait, et son ame est tranquile.
mortels, vivez heureux et profitez du tems :
du torrent de la joie enyvrez tous vos sens.
fuyez de la vertu l' importune tristesse ;
couchez-vous sur les fleurs, dormez dans la
mollesse.
et toi que des long-tems nos bienfaits ont charmé,
crois-tu donc qu' avec nous ton coeur accoutumé
puisse ainsi s' arracher aux délices qu' il aime ?
hélas, en nous perdant tu te perdras toi-même. 
mais devant moi l' aimable et douce chasteté
d' un air pur et serain, pleine de majesté,
me montrant ses amis de tout sexe, tout âge,
avec un ris mocqueur me tenoit ce langage :
tu m' aimes, je t' appelle, et tu n' oses venir.
foible et lâche Augustin, qui peut te retenir ?
ce que d' autres ont fait, ne le pourras-tu faire ?

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incertain, chancelant, à toi-même contraire,
tu veux rompre tes fers, tu veux et ne veux plus :
ne fixeras-tu point tes pas irrésolus ?
regarde à mes côtés ces colombes fidelles :
pour voler jusqu' à moi, Dieu leur donna des aisles ;
ce dieu t' ouvre ton sein, jette-toi dans ses bras. 
hélas, je le savois, mais je n' y courois pas.
Un jour enfin lassé de cette vive guerre
je pleurois, je criois, je m' agitois par terre,
quand tout à coup frappé d' un son venu des cieux,
et des mots du saint livre où je jettai les yeux,
l' orage se calma, mes troubles s' appaiserent.
Par votre main, seigneur, mes chaînes se
briserent ;
mon esprit ne fut plus vers la terre courbé :
je sortis de la fange où j' étois embourbé.
Ma volonté changea ; ce qui vous est contraire
me déplut, et j' aimai tout ce qui peut vous plaire.
Ma mere qu' à vos pieds vous vîtes tant de fois
pleurer sur un ingrat, rebelle à votre voix,
ma tendre mere enfin sortit de ses allarmes,
et retrouva vivant le fils de tant de larmes.
Je connus bien alors que votre joug est doux :

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non, seigneur, il n' est rien qui soit semblable à
vous.
Dès ici-bas ma bouche unie avec les anges
ne se lassera point de chanter vos loüanges.
Je n' aimerai que vous : vous serez désormais
ma gloire, mon salut, mon asyle, ma paix.
ô loi sainte ! ô loi chere ! ô douceur éternelle !
Ineffable grandeur ! Beauté toujours nouvelle !
Vérité qui trop tard avez sçu me charmer,
hélas ! Que j' ai perdu de tems sans vous aimer !

CHANT 4

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Redoublons, s' il se peut, l' ardeur qui nous
anime :
élevons notre voix sur un ton plus sublime :
osons du Dieu vivant célébrer la grandeur :
osons de ses desseins montrer la profondeur.
Desseins toujours cachés, secrets impénétrables,
jugemens éternels, et loix irrévocables,
loix terribles d' un Dieu qui voit dans l' avenir
ceux qu' il veut couronner, et ceux qu' il veut punir.
Des siécles à ses yeux qu' est-ce que l' étendue ?
Tous les siécles entiers sont un jour à sa vûe :
l' avenir est pour lui l' ordre de ses arrêts :
il lit nos volontés dans ses propres decrets.
Mystere ténébreux, qui pourra le comprendre ?

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Mais, seigneur, devant toi tout l' homme n' est que
cendre.
Sans les examiner, qu' il reçoive tes loix.
ô Dieu de vérité, quand tu parles, je crois ;
de ma fiere raison j' arrête l' insolence ;
loin de t' interroger, je t' adore en silence.
Je crois tes dogmes saints, quoiqu' ils me soient
voilez :
je les chante ; mortels, écoutez, et tremblez.
De nos fragiles corps Dieu conserve la vie :
lui seul répand le jour dans notre ame obscurcie :
par lui nos coeurs glacés s' enflamment pour le bien.
Mortels, vous devez tout à qui ne vous doit rien.
Vous ne tenez jamais que de sa bonté pure,
et les dons de la grace, et ceux de la nature.
à ses moindres faveurs quel droit prétendez-vous
du livre des vivans il peut vous rayer tous.
Fils ingrats, fils pécheurs, victimes du supplice,
nous naissons tous marqués au sceau de sa justice.
Depuis le jour qu' Adam mérita son couroux,

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les feux toujours brûlans sont allumés pour nous.
Sous lui, sous ses enfans héritiers de son crime,
la même chûte, hélas ! Ouvrit le même abîme.
Pour un crime pareil si l' ange est condamné,
pourquoi l' homme après lui sera-t' il épargné ?
Tous deux de la révolte également coupables
devoient tous deux s' attendre à des peines
semblables.
Sans espoir de retour les anges rejettés
dans les feux éternels sont tous précipités.
Des humains en deux parts Dieu sépare la masse :
il choisit, il rejette, il fait justice et grace.
Qui se plaindra, quand tous méritent l' abandon ?
Tous coupables, qui peut esperer le pardon ?
Qui lui plût fut choisi : de la masse proscrite
sa bonté sépara la race favorite.

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Et pour ce petit nombre agréable à ses yeux
il ouvrit de ses dons les trésors précieux.
C' est ce nombre si cher, ce céleste héritage
qu' il réserve à son fils pour auguste appanage.
Chef de tous les élus, Jesus-Christ par son sang,
lui-même élu par grace a mérité ce rang.
cher et petit troupeau que m' a donné mon pere,
bannis toute frayeur, dit ce Dieu tutelaire :
je connois mes brebis ; je suis toujours leurs
pas ;
et l' ennemi cruel ne les ravira pas :
sur les tendres agneaux que le ciel me confie,
sans relâche attentif, je réponds de leur vie. 
les hommes par ce choix qui partage leur sort,
sont tous devant celui qui ne fait aucun tort,
les uns vases d' honneur, objets de la tendresse,
connus, prédestinés, enfans de la promesse ;
les autres malheureux, inconnus, réprouvés,

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vases d' ignominie, aux flammes réservés.
Qu' ici sans murmurer la raison s' humilie.
Dieu permet notre mort, ou nous donne la vie :
ne lui demandons point compte de ses decrets.
Qui pourra d' injustice accuser ses arrêts ?
L' homme, ce vil amas de boue et de poussiere,
soutiendroit-il jamais l' éclat de sa lumiere ?
Ce Dieu d' un seul regard confond toute grandeur :
des astres devant lui s' éclipse la splendeur.
Prosterné près du thrône où sa gloire étincelle,
le cherubin tremblant se couvre de son aîle.
Rentrez dans le néant, mortels audacieux.
Il vole sur les vents, il s' assied sur les cieux.
Il a dit à la mer, brise-toi sur ta rive ; 
et dans son lit étroit la mer reste captive.
Les foudres vont porter ses ordres confiés,
et les nuages sont la poudre de ses pieds.

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C' est ce Dieu qui d' un mot éleva nos montagnes,
suspendit le soleil, étendit nos campagnes ;
qui pese l' univers dans le creux de sa main.
Notre globe à ses yeux est semblable à ce grain,
dont le poids fait à peine incliner la balance.
Il souffle, et de la mer tarit le gouffre immense.
Nos voeux et nos encens sont dûs à son pouvoir.
Cependant quel honneur en peut-il recevoir ?
Quel bien lui revient-il de nos foibles hommages ?
Lui seul il est sa fin, il s' aime en ses ouvrages.
Qu' a-t' il besoin de nous ? D' un oeil indifférent
il regarde tranquile l' être et le néant.
Il touche, il endurcit, il punit, il pardonne :
il éclaire, il aveugle : il condamne, il couronne.
S' il ne veut plus de moi, je tombe, je péris :
s' il veut m' aimer encor, je respire, je vis.
Ce qu' il veut il l' ordonne, et son ordre suprême
n' a pour toute raison que sa volonté même.
Qui suis-je pour oser murmurer de mon sort,
moi conçu dans le crime, esclave de la mort ?

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Quoi ! Le vase pétri d' une matiere vile
dira-t' il au potier, pourquoi suis-je d' argile ?
Des salutaires eaux un enfant est lavé.
Par une prompte mort un autre en est privé.
Dieu rejette Esaü, dont il aime le frere.
Par quel titre inconnu Jacob lui peut-il plaire ?
ô sage profondeur ! ô sublimes secrets !
J' adore un Dieu caché : je tremble, et je me tais.
Ce Dieu dans ses desseins terrible et toujours sage,
qui ne changeant jamais, change tout son ouvrage,
pour ceux mêmes souvent qu' il avoit rendus bons,
arrête tout à coup la source de ses dons.

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Dans cette obscure nuit l' astre si nécessaire,
la foi, quand il le veut, s' éteint ou nous éclaire.
Ce premier des présens qu' il fait aux malheureux,
leur ouvre le chemin quand il a pitié d' eux.
Que de peuples hélas, que de vastes contrées
à leur aveuglement sont encore livrées,
assises loin du jour dans l' ombre de la mort !
Nous plus heureux, craignons leur déplorable sort :
le précieux flambeau qui s' allume par grace,
aux ingrats enlevé, souvent change de place.
Par le sang des martyrs autrefois humecté
l' orient, du mensonge est par-tout infecté.
Cette isle, de chrétiens féconde pépiniere,
l' Angleterre, où jadis brilla tant de lumiere,
recevant aujourd' hui toutes religions,
n' est plus qu' un triste amas de folles visions.

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Hélas ! Tous nos voisins plongés dans la disgrace
semblent nous préparer au coup qui nous menace.
Par-tout autour de moi quand je tourne les yeux,
je pâlis, et n' y vois que le couroux des cieux.
Dans les glaces du Nord l' hérésie allumée
y répand en fureur son épaisse fumée.
Là domine Luther ; ici régne Calvin :
et souvent où la foi répand son jour divin,
la superstition, fille de l' ignorance,
prend de la piété la trompeuse apparence.
Oui, nous sommes, seigneur, tes peuples les plus
chers :
tu fais luire sur nous tes rayons les plus clairs.
Vérité toujours pure, ô doctrine éternelle,
la France est aujourd' hui ton royaume fidelle.
Ah ! Nos crimes enfin à leur comble montés,
du ciel lent à punir lasseront les bontés.
Puisse-t' il être faux ce funeste présage !
Mais hélas, de nos moeurs l' affreux libertinage
à celui de l' esprit pourra nous attirer.

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Déja notre raison ose tout pénétrer.
Celui dont les bienfaits préviennent nos prieres,
du salut à son gré dispense les lumieres.
Il confond l' orgueilleux qui cherche à tout savoir ;
il aveugle celui qui demande à tout voir.
Pour les sages du monde il voile ses mysteres :
il refuse à leurs yeux les clartés salutaires,
tandis qu' il les révéle à ces humbles esprits,
à ces timides coeurs, de son amour nourris,
qui méprisent l' amas des sciences frivoles,
et tremblent de frayeur à ses moindres paroles.
Un mot eût pû changer les sages antonins ;
mais ce mot n' est donné qu' aux heureux constantins.
Dieu laisse sans pitié Caton dans la nuit sombre,
qui cherchant la vertu n' en embrasse que l' ombre.
Mais plus terrible encor il prévoit tous nos pas,
et vient frapper des coeurs qui ne s' ouvriront pas.

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Il verse ses faveurs sur une ame infidelle,
que l' abus de ses dons rendra plus criminelle.
Jerusalem le chasse, et rejette sa paix ;
son ingrate Sion refuse ses bienfaits,
et l' on eût vu par lui Tyr et Sidon touchées
pleurer sur le cilice et la cendre couchées.
Au grand jour, il est vrai, jour terrible et vengeur,
Sidon sera traitée avec moins de rigueur.
Le serviteur rebelle aux ordres de son maître,
plus puni que celui qui meurt sans les connaître,
de tous les biens reçus rend compte au Dieu jaloux ;
mais l' arrêt de Sidon en devient-il plus doux ?
Tremblons jusqu' à la fin. Si l' on ne persévere,
jamais de ses travaux on n' obtient le salaire ;
jusqu' au dernier instant il faut toujours courir.
Près d' atteindre le terme on peut encor périr.
L' austere pénitent, le pâle solitaire,
couché sur le cilice, et blanchi sous la haire,
par un souffle d' orgueil, un impur mouvement,

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un desir avoué, perd tout en un moment ;
tandis que pénétré d' un remord efficace
vieilli dans les forfaits un brigand prend sa place.
à la vigne du maître appellé le dernier
il n' arrive qu' au soir, et reçoit le denier.
Quelquefois par l' effet d' une bonté profonde,
où le vice abonda la grace surabonde ;
mais quelquefois aussi par un triste retour
un coeur où la vertu fit long-tems son séjour,
las de sa liberté rentre dans l' esclavage,
et dans l' abîme affreux plus avant se rengage.
Le dernier coup porté rend le combat certain,
et pour être vainqueur tout dépend de la fin.
La couronne est placée au bout de la carriere ;
il faut pour la ravir fournir la course entiere.
De l' église au berceau l' illustre défenseur,
et des foibles chrétiens le sévere censeur,
le soutien de la foi, la gloire de l' Afrique,
Tertullien s' égare et périt hérétique.

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Pour les enfans ingrats quels regrets superflus,
lorsque de ton festin, grand dieu, tu les exclus !
Quel désespoir pour eux quand ta voix qui les chasse
appelle l' étranger pour s' asseoir à leur place !
Souvent il est fatal de vivre trop long-tems.
Osius sur la terre avoit brillé cent ans,
fleau des ariens en détours si fertiles,
le pere des pasteurs, le maître des conciles.
La mort à ses travaux alloit rendre le prix,
lorsque las d' un exil où sa foi l' avoit mis,
il ranime une main par vingt lustres glacée,
pour signer de Sirmich la formule insensée.
à tout craindre de nous sa chûte nous instruit.
Redoublons notre course, et prévenant la nuit,
hâtons-nous de joüir du jour qui nous éclaire.
Mais que sert de courir, répond un téméraire,

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qui m' oppose un discours tant de fois répeté ?
Dans le ciel, me dit-il, mon sort est arrêté :
pourquoi venez-vous donc, discoureur inutile,
m' animer aux travaux d' une course stérile ?
Au livre des élus si mon nom est gravé,
tout crime par la grace en moi sera lavé.
Si le ciel en couroux me destine à la peine,
pour chercher la vertu ma diligence est vaine.
C' en est fait, je veux vivre au gré de mes desirs :
j' attendrai mon arrêt dans le sein des plaisirs.
Détestable pensée ! L' affreuse conséquence !
Ainsi vous vous jugez vous-même par avance.
Dans le trouble où vous jette un douteux avenir,
ignorant votre arrêt vous l' osez prévenir.

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La porte du bonheur en vain vous est ouverte,
vous-même vous voulez assurer votre perte.
Le suivez-vous en tout, ce vain raisonnement ?
Sans doute Dieu connoît votre dernier moment,
et votre heure fatale au ciel déja réglée
jamais par vos efforts ne sera reculée.
Pourquoi donc dans les maux qui menacent vos jours,
de l' art des médecins cherchez-vous le secours ?
De leurs soins assidus que devez-vous attendre ?
Votre course est fixée, ils ne peuvent l' étendre.
Ah, malgré ces raisons, la crainte de mourir
à des secours douteux vous force de courir.
Où sont donc pour le ciel les efforts que vous faites ?
Pourquoi n' y point courir, insensés que vous êtes ?
J' ignore comme vous quel sort m' est réservé,
mais pour me consoler vivrai-je en réprouvé ?
Non, pour mourir en saint, c' est en saint qu' il faut
vivre.
Je me crois des élus, je m' anime à les suivre ;

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si mon sort est douteux, je le rendrai certain.
Je travaille, je cours, et ne cours pas en vain.
Des maîtres le plus doux, des peres le plus tendre,
Dieu m' appelle et me dit qu' à lui je puis prétendre ;
que je suis son enfant ; qu' il veut me rendre
heureux.
De mon esprit j' écarte un trouble dangereux,
et loin que mon arrêt m' inquiette et m' allarme,
j' espere tout d' un dieu dont la bonté me charme.
J' envisage les biens que m' a fait son amour,
comme un gage de ceux qu' il veut me faire un jour.
Pourquoi de ses faveurs comblé dès ma naissance,
former pour l' avenir un soupçon qui l' offense ?
Non, j' y consens, qu' il soit seul maître de mon sort.
Il m' aime, du pécheur il ne veut point la mort ;

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il pardonne, il invite au retour salutaire
celui qui s' accumule un trésor de colere.
à toute heure aux méchans il prodigue ses dons ;
son soleil luit sur eux ainsi que sur les bons ;
il punit à regret, et ce n' est qu' en partie
qu' il frappe sur l' ingrat que son couroux châtie.
C' est à vous, c' est à moi que le ciel est promis :
c' est pour nous qu' à la mort il a livré son fils.
Oui, Dieu veut le salut de tous tant que nous sommes ;
Jesus-Christ a versé son sang pour tous les hommes.
Que celui qui périt ne s' en prenne qu' à soi.
Malheureux Israël, ta perte vient de toi.
Vous craignez du seigneur les arrêts formidables,
cependant vous perdez ses momens favorables,
et lorsqu' il vient à vous, vous lui fermez vos coeurs.
Hélas ! Combien de fois vous offrant ses faveurs
vous a-t' il ranimés par des graces nouvelles ?
Et que n' a-t' il point fait ? Un oiseau sous ses aîles
rassemble ses petits trop foibles pour voler :

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c' est ainsi qu' en son sein il veut vous rassembler.
Les maux que vous souffrez, c' est lui qui les envoie :
par tendresse pour vous il trouble votre joie ;
de vos plaisirs honteux il veut vous détacher ;
au monde malgré vous il veut vous arracher.
Cependant de ce monde esclaves volontaires,
vous rejettez toujours ses rigueurs salutaires.
Mais pourquoi, direz-vous, ce Dieu de charité
montre-t' il dans son choix tant de séverité ?
Si lui seul à ses dons nous peut rendre fidelles,
s' il veut notre salut, pourquoi tant de rebelles ?
Entre tant d' appellés, pourquoi si peu d' élus ?
Leur foible nombre échappe à nos regards confus :
les épics épargnés par la main qui moissonne,
ces restes que le maître aux glaneurs abandonne,
et les grappes que laisse un vendangeur soigneux,
images des élus, sont aussi rares qu' eux.
Nous ne voyons en Dieu que justice et colere :

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est-ce ainsi qu' il nous aime ? Est-ce ainsi qu' il est
pere ?
Nous tremblons... c' est assez, unissons notre foi.
Je tremble comme vous, esperez comme moi.
Il est pere, il est Dieu : je crains le Dieu
terrible ;
mais je chéris le pere à mes malheurs sensible.
Sans peine devant lui soumettant mon esprit,
je crois ce qu' il révéle, et fais ce qu' il prescrit.
Je laisse murmurer ma raison orgueilleuse ;
je sais que sa lumiere est souvent périlleuse ;
je me livre à la foi, je marche à sa clarté :
celui qu' elle conduit n' est jamais écarté.
Je ne puis de la grace atteindre le mystere ;
mais Dieu parle, il suffit, c' est à l' homme à se
taire.
Lorsque voulant sonder ses terribles decrets,
nous portons jusqu' au ciel nos regards indiscrets ;
quand nous osons percer le voile respectable
dont se couvre à nos yeux ce Dieu si redoutable,
sa gloire nous opprime : ébloüis, aveuglés,
du poids de sa grandeur nous sommes accablés.
Ah ! Respectons celui qui veut être invisible,

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et craignons d' irriter sa majesté terrible.
Mais la sainte frayeur que l' homme en doit avoir,
c' est de toi seul, grand Dieu, qu' il la peut recevoir :
apprens-nous à t' aimer, apprens-nous à te craindre.
De tes desseins cachés est-ce à nous de nous plaindre ?
Détourne loin de nous cet esprit curieux
qui rend l' homme insolent, si coupable à tes yeux.
Adoucis la fierté de ceux qui sont rebelles ;
daigne affermir encor ceux qui te sont fidelles ;
donne-nous ces secours que tu nous a promis ;
donne la grace enfin même à ses ennemis.
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Ennemi du mensonge, et de ces fictions
qui nourrissent des coeurs les folles passions,
je veux prendre aujourd' hui la vérité pour guide.
Par elle encouragé dans un âge timide,
de l' illustre Prosper j' ose suivre les pas.
Puissé-je comme lui confondre les ingrats !
ô vous qui ne cherchez que ces rimes impures,
des plaisirs séduisans dangereuses peintures ;
sur mes chastes tableaux ne jettez pas les yeux :
fuyez ; mes vers pour vous sont des vers ennuyeux :
des sons de la vertu votre oreille se lasse.
Prophanes, loin d' ici, je vais chanter la grace.

p2

Oüi, seigneur, j' entreprens de lui prêter ma voix :
tout fidelle est soldat pour défendre tes droits.
Si par ta grace ici je combats pour ta grace,
rien ne peut ébranler ma généreuse audace,
dussent les libertins déchirer mes écrits :
trop heureux si pour toi je souffre des mépris !
Que ta bonté, grand dieu, veuille m' en rendre digne :
de tes riches faveurs, faveur la plus insigne !
Pour en être honorés, tes saints ont fait des voeux,
et moi j' en fais pour vivre et pour mourir comme eux.
Daigne donc agréer et soutenir mon zèle :
tout foible que je suis, j' embrasse ta querelle.
La grace que je chante, est l' ineffable prix
du sang que sur la terre a répandu ton fils,
ce fils, en qui tu mets toute ta complaisance,
ce fils, l' unique espoir de l' humaine impuissance.
à défendre sa cause approuve mon ardeur ;
mais animant ma langue, échauffe aussi mon coeur.
Que je sente ce feu qui par toi seul s' allume,
et que j' éprouve en moi ce que décrit ma plume ;
non comme ces esprits tristement éclairés
qui connoissent la route, et marchent égarés ;
toujours vuides d' amour, et remplis de lumiere,

p3

ardens pour la dispute, et froids pour la priere.
à la voix du seigneur l' univers enfanté,
étaloit en tous lieux sa naissante beauté.
Le soleil commençoit ses routes ordonnées ;
les ondes dans leur lit étoient emprisonnées ;
déja le tendre oiseau s' élevant dans les airs,
benissoit son auteur par ses nouveaux concerts :
mais il manquoit encore un maître à tout l' ouvrage.
faisons l' homme, dit Dieu : faisons-le à
notre image .
Soudain pétri de boue, et d' un souffle animé,
ce chef-d' oeuvre connut qu' un dieu l' avoit formé.
La nature attentive aux besoins de son maître,
lui présenta les fruits que son sein faisoit naître ;
et l' univers soumis à cette aimable loi,
conspira tout entier au bonheur de son roi.
La fatigue, la faim, la soif, la maladie
ne pouvoient altérer le repos de sa vie :
la mort même n' osoit déranger les ressorts
que le souffle divin animoit dans son corps.

p4

Il n' eut point à sortir d' une enfance ignorante :
il n' eut point à dompter une chair insolente.
L' ordre régnoit alors, tout étoit dans son lieu ;
l' animal craignoit l' homme, et l' homme craignoit
Dieu :
et dans l' homme, le corps respectueux, docile,
à l' ame fournissoit un serviteur utile.
Charmé des saints attraits, de biens environné,
Adam à son conseil vivoit abandonné.
Tout étoit juste en lui, sa force étoit entiere :
il pouvoit sans tomber poursuivre sa carriere,
soutenu cependant du céleste secours,
qui pour aller à Dieu le conduisoit toujours.
Non qu' en tous ses desirs par la grace entraînée
l' ame alors dût par elle être déterminée ;

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ainsi sans le soleil l' oeil qui ne peut rien voir,
à cet astre pourtant ne doit point son pouvoir :
mais au divin secours en tout tems nécessaire,
Adam étoit toujours maître de se soustraire.
Ainsi le soleil brille, et par lui nous voyons :
mais nous pouvons fermer nos yeux à ses rayons.
Tel fut l' homme innocent : sa race fortunée
des mêmes droits que lui devoit se voir ornée ;
et conçu chastement, enfanté sans douleurs,
l' enfant ne se fût point annoncé par ses pleurs.
Nous n' eussions vû jamais une mere tremblante
soutenir de son fils la marche chancelante,
réchauffer son corps froid dans la dure saison,
ni par les châtimens appeller sa raison.
Le démon contre nous eût eu de foibles armes.
Hélas ! Ce souvenir produit de vaines larmes.
Que sert de regretter un état qui n' est plus,
et de peindre un séjour dont nous fûmes exclus !

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Pleurons notre disgrace, et parlons des miseres
que sur nous attira la chûte de nos peres.
Condamnés à la mort, destinés aux travaux,
les travaux et la mort furent nos moindres maux.
Au corps, tyran cruel, notre ame assujettie
vers les terrestres biens languit appesantie.
De mensonge et d' erreur un voile ténébreux
nous dérobe le jour qui doit nous rendre heureux.
La nature autrefois attentive à nous plaire,
contre nous irritée, en tout nous est contraire.
La terre dans son sein resserre ses trésors :
il faut les arracher ; il faut par nos efforts
lui ravir de ses biens la pénible récolte.
Contre son souverain l' animal se révolte :
le maître de la terre appréhende les vers :
l' insecte se fait craindre au roi de l' univers.

p7

L' homme à la femme uni met au jour des coupables,
d' un pere malheureux héritiers déplorables.
Aux solides avis l' enfant toujours rétif,
par la seule menace y devient attentif.
De l' âge et des leçons sa raison secondée,
à peine du vrai Dieu lui retrace l' idée.
Hélas ! à ces malheurs, par sa femme séduit
Adam, le foible Adam, avec nous s' est réduit.
Son crime fut le nôtre, et le pere infidelle
rendit toute sa race à jamais criminelle.
Ainsi le tronc qui meurt voit mourir ses rameaux,
et la source infectée infecte ses ruisseaux.
L' homme depuis ce jour n' apporte à sa naissance
que la pente au peché, l' erreur et l' ignorance.
Par l' amour des faux biens il remplit dans son coeur
le vuide qu' y laissa l' amour du créateur :
dans son funeste sort d' autant plus déplorable,

p8

qu' il ignore le poids du fardeau qui l' accable ;
qu' il se plaît dans ses maux, et fuit la guérison ;
qu' il aime ses liens, et chérit sa prison.
à le voir, pourroit-on croire son origine !
Est-ce là, direz-vous, cette image divine ?
Sans doute. Le portrait n' est pas tout effacé ;
quelque coup de pinceau demeure encore tracé.
Malgré l' épaisse nuit sur l' homme répandue,
on découvre un rayon de sa gloire perdue.
C' est du haut de son thrône un roi précipité,
qui garde sur son front un trait de majesté.
Une secrette voix à toute heure lui crie
que la terre n' est point son heureuse patrie ;
qu' au ciel il doit attendre un état plus parfait.
Et lui-même ici-bas quand est-il satisfait ?
Digne de posseder un bonheur plus solide,
plein de biens et d' honneurs, il reste toujours vuide.
Il forme encore des voeux dans le sein du plaisir,

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il n' est jamais enfin qu' un éternel desir.
D' où lui vient sa grandeur ? D' où lui vient sa
bassesse ?
Et pourquoi tant de force avec tant de foiblesse ?
Réveillez-vous, mortels, dans la nuit absorbés,
et connoissez du moins d' où vous êtes tombés.
Non, je ne suis point fait pour posseder la terre.
Quand ne serai-je plus avec moi-même en guerre ?
Qui me délivrera de ce corps de péché ?
Qui brisera la chaîne où je suis attaché ?
Mon coeur toujours rebelle, et contraire à lui-même,
fait le mal qu' il déteste, et fuit le bien qu' il
aime.
Je veux sortir du gouffre où je me vois jetté ;
je veux... mais que me sert ma foible volonté ?
Legere, irrésolue, incertaine, aveuglée,
et malgré son néant, d' un fol orgueil enflée,
voulant tout entreprendre, et n' exécutant rien,
capable de tout mal, impuissante à tout bien,
compagne qui m' entraîne au vice que j' abhorre,
et guide qui ne sert qu' à m' égarer encore.

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Mais par ce guide seul autrefois éclairés,
les superbes mortels se croyoient assurés.
Pour confondre à jamais cette altiere sagesse,
le ciel leur fit long-tems éprouver leur foiblesse.
à leurs sens il livra rois et peuples entiers,
et les laissa marcher dans leurs propres sentiers.
La digue fut soudain rompue à tous les vices :
on ne vit plus par-tout, que meurtres, injustices,
débordemens impurs, brigandages affreux,
et du crime honoré le regne ténébreux.
à de frivoles biens créés pour son usage,
l' homme osa follement présenter son hommage.
La bête eut des autels, le bois fut adoré ;
et tout fut, hors Dieu seul, comme Dieu réveré.
Et soi-même traitant ce culte de chimere,
le foible philosophe imita le vulgaire.
Cependant, direz-vous, la Grece eut des Platons :
l' Asie eut des Thalés, et Rome eut des Catons.
Lucrece estime plus son honneur que sa vie ;
Decius se dévoue au bien de sa patrie.
Victime du serment aux ennemis juré,
Regulus va chercher un supplice assuré.
Rougis, lâche chrétien : dans un siécle prophane

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plus vertueux que toi le payen te condamne.
Ah ! Du nom de vertu gardons-nous d' honorer
des actions que Dieu dédaigna d' épurer.
Rome n' eut des vertus que la fausse apparence,
et vaine elle reçut sa vaine récompense.
L' éclat de ses héros nous charme et nous séduit :
mais d' un aride champ quel peut être le fruit ?
Rien ne peut prosperer sur des terres ingrates.
Le desir de la gloire enfante les socrates.
Du moindre des romains l' estime et les regards
soutiennent les Catons ainsi que les Césars.

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Plaignons plutôt, plaignons ces peuples misérables,
dont les justes n' étoient que de moindres
coupables.
Socrate, du vrai dieu s' approchant de plus près,
sembla de sa grandeur découvrir quelques traits.
Faut-il donc pour le voir, percer tant de nuages ?
Eh ! Qui de la nature admirant les ouvrages,
frappé d' étonnement à ce premier regard,
ira pour l' ouvrier soupçonner le hazard ?
De ce vil vermisseau j' entends la voix qui crie,
Dieu m' a fait, Dieu m' a fait ; Dieu m' a donné
la vie .
Tout parle à la raison, mais rien ne parle au coeur.
Le jour au jour suivant annonce son auteur.
Mais ce n' est qu' en l' aimant que Dieu veut qu' on
l' adore ;
et l' hommage du coeur est le seul qui l' honore.
En vain le philosophe entrevoit la clarté :
du chemin de la vie est-il moins écarté ?

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Plus criminel encor que l' aveugle vulgaire,
loin de rendre au seigneur le culte nécessaire,
il perd, vuide d' amour, tout le fruit de ses moeurs :
son esprit s' évapore en de folles lueurs.
En différens sentiers les plus sages s' égarent ;
par des sectes sans nombre entr' eux ils se séparent.
La raison s' obscurcit : la simple vérité
se perd dans les détours de la subtilité.
Oui, grand dieu, c' est en vain que l' humaine foiblesse
sans toi veut se parer du nom de la sagesse :
et quiconque usurpa ce titre audacieux
fut de tant d' insensés le moins sage à tes yeux.
Pour guérir la nature infirme et languissante,
ainsi que la raison la loi fut impuissante :
la loi qui ne devant jamais briser les coeurs,
sans la grace formoit des prévaricateurs ;

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la loi qui du péché resserrant les entraves,
au lieu de vrais enfans fit de lâches esclaves ;
la loi, joug importun, de la crainte instrument,
ministere de mort, vain et foible élément.
Ainsi ne put jadis le bâton d' élizée
ressusciter l' enfant de la mere affligée :
le prophète lui seul touché de son malheur,
pouvoit dans ce corps froid rappeller la chaleur.
Le juif portant toujours l' esprit de servitude,
à ses égaremens joignit l' ingratitude.
La race de Jacob, le peuple si cheri,
engraissé de bienfaits n' en fut point attendri.
Cependant Dieu voulut dans ces tems déplorables
se former quelquefois des enfans véritables.
On vit avant Moïse, ainsi que sous la loi,
des justes pleins d' amour et vivants de la foi.

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La grace, dont le jour ne brilloit pas encore,
sur leur tête déja répandoit son aurore.
L' arrêt de leur trépas fut deslors effacé
dans le sang qui pour eux devoit être versé,
et des fruits de ce sang ils furent les prémices.
Mais lorsque le seigneur avec des yeux propices
regardoit quelques-uns des neveux d' Israël,
le reste abandonné fut toujours criminel.
Les prophètes en vain annonçoient leurs oracles,
supplioient, menaçoient, prodiguoient les miracles.
Ce peuple dont un voile obscurcissoit les yeux,
murmurateur, volage, amateur des faux dieux,
à ses prophètes sourd, à ses rois infidelle,
porta toujours un coeur incirconcis, rebelle.
Dans son temple, il est vrai, l' encens se consumoit ;
le sang des animaux à toute heure fumoit.
Vain encens, voeux perdus ! Les taureaux, les genisses

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étoient pour les péchés d' impuissans sacrifices.
Dieu rejettant l' autel et le prêtre odieux,
attendoit une hostie agréable à ses yeux :
il falloit que la loi sur la pierre tracée
fût par une autre loi dans les coeurs remplacée.
Il falloit que sur lui détournant tous les coups,
le fils vînt se jetter entre son pere et nous.
Sans lui nous périssions. Qu' une telle victime
oblige le coupable à juger de son crime.
Quel énorme forfait, qui pour être expié,
demandoit tout le sang d' un dieu sacrifié !
Oui, l' homme après sa chûte, au voyageur
semblable,
qu' attaqua des voleurs la rage impitoyable,
percé de coups, laissé pour mort sur le chemin,
et baigné dans son sang n' attendoit que sa fin.
Les prêtres de la loi, témoins de sa misere,
ne lui pouvoient offrir une main salutaire.
Enfin dans nos malheurs un dieu nous secourut :
le ciel fondit en pluie, et le juste parut.
ô filles de Sion, tréssaillez d' allégresse :
du roi qui vient à vous célébrez la tendresse :
il vient sécher vos pleurs et calmer vos soupirs.

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Les justes de la loi, ces hommes de desirs,
de leur foi toujours vive auront la récompense.
Il vient, tout l' univers se leve à sa présence :
l' agneau saint de son sang va sceller le traité
qui nous réconcilie à son pere irrité.
Chargé de nos forfaits sur la croix il expire,
et du temple aussi-tôt le voile se déchire.
Aux prophanes regards le lieu saint fut livré :
le dieu qui l' habitoit s' en étoit retiré.
De ce temple fameux la gloire étoit passée ;
la vile sinagogue alloit être chassée :
les tems étoient venus, où régnant dans les coeurs
Dieu vouloit se former de vrais adorateurs,
et donnant à son fils une épouse plus sainte,
devoit répudier l' esclave de la crainte.
Mortels qui jusqu' ici répandiez tant de pleurs,
tristes enfans d' Adam, bannissez vos douleurs.

p18

Du sang de Jesus-Christ l' église vient de naître,
la nuit est dissipée, et le jour va paraître.
Il arrive ce jour si long-tems attendu,
ce jour que de si loin Abraham avoit vu.
Le saint tant desiré, tant prédit par vos peres,
vous annonce aujourd' hui la fin de vos miseres.
Sortez, humains, sortez de la captivité ;
ce dieu qui pour toujours vous rend la liberté,
ne veut plus que son peuple en esclave le craigne :
sa grace et son amour vont commencer leur régne.

CHANT 2

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Vous que la vérité remplit d' un chaste amour,
n' esperez point encor dans ce triste séjour,
paisibles possesseurs la goûter sans allarmes :
chrétiens, souffrez pour elle, et prêtez-lui vos
armes.
L' église à la douleur destinée ici-bas,
prit naissance à la croix, et vit dans les combats.
Il faut que tout entier sur elle s' accomplisse
de son époux mourant le sanglant sacrifice.
Contr' elle le démon arma les empereurs ;
le fer brilla d' abord : inutiles fureurs !
En vain on la déchire, en vain le sang l' inonde :

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de ce sang humectée elle en devient féconde.
L' empereur à la croix soûmit son front payen,
montra qu' on pouvoit être et César et chrétien.
Le prêtre d' Apollon renversa son idole,
et Jupiter vaincu tomba du capitole.
L' église dans son sein voyoit naître la paix,
quand la fiere hérésie envenimant ses traits,
aux enfans de la foi vint déclarer la guerre.
Plus d' une fois vaincue, enfin dans l' Angleterre
elle appelle un vengeur ; et fidelle à sa voix
pelage de la grace ose attaquer les loix.
De notre liberté défenseur téméraire,
au céleste pouvoir il prétend nous soustraire.
Hélas ! Que des humains les dehors sont trompeurs !
De pelage long-tems on admira les moeurs :
mais que sert qu' en public la vertu nous honore,
si le ver de l' orgueil en secret nous dévore ?
Pelage se démasque à l' univers surpris,

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et vient à Rome même infecter les esprits.
Le docteur pénitent, l' austere Anachorette,
qui croit toujours du ciel entendre la trompette,
ce savant, si fameux par tant d' écrits divers,
qui du fond de sa grote éclaire l' univers,
Jerôme vieux alors, ranime son courage ;
mais le seul Augustin devoit vaincre Pelage.
De ce grand défenseur le ciel ayant fait choix,
lui mit la plume en main, le chargea de ses droits.
Augustin tonne, frappe et confond les rebelles.
Sa doctrine aujourd' hui guide encor les fidelles :
Rome, tout l' univers admire ses écrits,
et M... lui seul en ignore le prix.
Disciple d' Augustin, et marchant sur sa trace,
Prosper s' unit à lui pour défendre la grace.
Il poursuivit l' erreur dans ses derniers détours,

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et contr' elle des vers emprunta le secours.
Les vers servent aux saints : la vive poësie
fait triompher la foi, fait trembler l' hérésie.
Admirateur zélé de ces maîtres fameux,
je mets toute ma gloire à marcher après eux.
Formé dans leurs écrits, et plein de leurs maximes
je les vais annoncer, n' y prêtant que mes rimes :
Augustin dans mes vers donne encor ses leçons.
Seigneur, c' est à tes saints à parler de tes dons !
Aux forces que la grace inspire à la nature
des foiblesses de l' homme opposons la peinture.
Connoissons par nos maux la main qui nous guérit.
L' erreur et le mensonge assiégent notre esprit,
et la nuit du péché nous couvrant de ses ombres,
entre nous et le jour jette ses voiles sombres.
Notre coeur corrompu, plein de honteux desirs,
ne reconnoît de loix que celles des plaisirs.

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Le plaisir, il est vrai, juste dans sa naissance,
par de sages transports servoit à l' innocence :
nos corps par cet attrait devoient se conserver,
et nos ames vers Dieu se devoient élever.
Mais notre ame aujourd' hui n' étant plus souveraine,
aux seuls plaisirs des sens notre corps nous entraîne.
Des saintes voluptés le chaste sentiment
se réveille avec peine, et s' éteint aisément.
à croître nos malheurs le démon met sa joie :
lion terrible il cherche à dévorer sa proie ;
et transformant sa rage en funestes douceurs,
souvent serpent subtil il coule sous les fleurs.
Ce tyran ténébreux de l' infernal abîme
joüissoit autrefois de la clarté sublime.
L' orgueil le fit tomber dans l' éternelle nuit,
et par ce même orgueil l' homme encor fut séduit,
quand nos peres, à Dieu voulant être semblables,
oserent sur un fruit porter leurs mains coupables.
L' orgueil depuis ce jour entra dans tous les coeurs :

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là de nos passions il nourrit les fureurs ;
souvent il les étouffe, et pour mieux nous surprendre,
il se détruit lui-même, et renaît de sa cendre.
Toujours contre la grace, il veut nous révolter,
pour mieux regner sur nous, cherchant à nous flater.
Il releve nos droits, et notre indépendance ;
et de nos intérêts embrassant la défense,
nous répond follement que notre volonté
peut rendre tout facile à notre liberté.
Mais comment exprimer avec quelles adresses
ce monstre sait de l' homme épier les foiblesses ?
Sans cesse parcourant toute condition,
il répand en secret sa douce illusion.
Il console le roi que le thrône emprisonne,
et lui rend plus leger le poids de la couronne.
Aux yeux des conquérans de la gloire enyvrés
il cache les périls dont ils sont entourés.
Par lui le courtisan, du maître qu' il ennuie
soutient, lâche flateur, les dédains qu' il essuie.

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C' est lui qui d' un prélat épris de la grandeur
écarte les remords voltigeans sur son coeur.
C' est lui qui fait pâlir un savant sur un livre,
l' arrache aux voluptés où le monde se livre,
d' un esprit libertin lui souffle le poison,
et plus haut que la foi fait parler la raison.
C' est lui qui des palais descend dans les chaumieres,
donne à la pauvreté des démarches altieres.
Lui seul nourrit un corps par le jeûne abattu :
il suit toujours le crime, et souvent la vertu.
Parmi tant de périls, et contre tant d' allarmes
la grace seule a droit de nous donner des armes.
Du démon rugissant elle écarte les coups,
contre nos passions elle combat pour nous :
grace que suit toujours une prompte victoire,
grace, céleste don, notre appui, notre gloire,

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grace qui pour charmer a de si doux attraits,
que notre liberté n' y résiste jamais :
souffle du saint amour, par qui l' ame embrasée
suit et chérit la loi qui lui devient aisée.
Si cette voix n' appelle, en vain l' on veut marcher :
on s' éloigne du but dont on croit s' approcher.
Sans elle tout effort est un effort stérile,
tout travail est oisif, toute course inutile.
Sans elle l' homme est mort : mais dès qu' elle a parlé,
dans la nuit du tombeau le mort est réveillé,
et ses liens rompus ne forment plus d' obstacle.
Par quel charme suprême arrive ce miracle ?

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Dans le même moment, ô moment précieux !
La grace ouvre le coeur, et dessille les yeux.
L' homme apperçoit son bien, et sent qu' il est aimable.
Dieu se montre, le reste est pour lui méprisable.
Plaisir, bien, dignité, grandeur, tout lui déplaît :
il voit à découvert le monde tel qu' il est,
plein de peines, d' ennuis, de miseres, de craintes,
théâtre de douleurs, de remords, et de plaintes.
Plus de repos pour lui dans cet horrible lieu ;
il le fuit, il l' abhorre, il vole vers son dieu.
Pour ébranler sa foi le démon n' a plus d' armes.
La gloire est sans attraits, la volupté sans charmes.
Mais de tant d' ennemis quoiqu' il soit le vainqueur,
si la grace un moment abandonne son coeur,
le triomphe sera d' une courte durée.
Des dons qu' on a reçus la perte est assurée,
si la grace à toute heure accordant son secours,

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de ses premiers bienfaits ne prolonge le cours.
Sans cesse vit en nous l' ennemi domestique,
ou captif indocile, ou vainqueur tyrannique.
Guerre continuelle : un vice terrassé
par un vice plus fort est bientôt remplacé.
Au dehors tout irrite, et tout allume encor
ce feu, qui sans s' éteindre, au-dedans nous dévore.
Le monde qui l' attise, en tous lieux nous poursuit ;
son commerce corrompt, sa morale séduit.
Il applaudit, il loue, et sa louange charme :
il reprend, il condamne, et sa censure allarme.
Parmi tant de dangers la grace est mon recours.
Amoureux de ses biens, je les cherche, j' y cours :
par des voeux enflammés mon ame les implore,
et quand je les reçois, je les demande encor.
Dieu, riche dans ses dons, peut toujours accorder :
l' homme, plein de besoins, doit toujours demander.
J' avance en sûreté quand Dieu me veut conduire,
et je tombe aussi-tôt que sa main se retire ;
tel que le foible enfant qui ne se soutient pas,
si sa mere n' est plus attentive à ses pas.
Par ce triste abandon la suprême sagesse

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fait aux saints quelquefois éprouver leur foiblesse.
David, l' heureux David, si chéri du seigneur,
ce prophète éclairé, ce roi selon son coeur,
vaincu par une femme est en paix dans le crime,
et ne seroit jamais sorti de cet abîme,
si le ciel n' eût pour lui rappellé sa bonté.
Au tranquille pécheur Nathan est député :
si-tôt que cette voix a frappé son oreille,
David se reconnoît : son oeil s' ouvre, il s' éveille.
De son thrône à l' instant, d' un saint regret touché,
il se leve, et s' écrie : il est vrai, j' ai péché .
Ainsi tombe, malgré ses sermens téméraires,
l' apôtre qui se croit plus ferme que ses freres :
prêt à suivre son maître en prison, à la mort,
nul obstacle à ses yeux ne paroît assez fort.
Il le croit, il le jure, et l' ardeur qui l' enflamme
tout à coup va s' éteindre à la voix d' une femme :
et même s' il gémit du plus grand des malheurs,
c' est au regard divin qu' il doit ses justes pleurs.

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Mais Pierre abandonné, qui renonce son maître,
et devient à la fois ingrat, parjure, traître,
ranimé de la grace ira devant les rois
braver les chevalets, les flammes et les croix.
Que le juste à toute heure appréhende la chute :
s' il tombe cependant, qu' à lui seul il l' impute.
Oui, l' homme qu' une fois la grace a prévenu,
s' il n' est par elle encor conduit et soutenu,
ne peut, à quelque bien que son ame s' applique...
mais à ce mot j' entends crier à l' hérétique.
ne peut, c' est-là, dit-on, le jansénisme pur.
Dans ses expressions Luther est-il plus dur ?
Ainsi la loi divine, à l' homme impratiquable,
impose sans la grace un joug insurmontable.
Ah ! C' est-là le premier des dogmes monstrueux,
juste objet de l' horreur d' un chrétien vertueux.
Mais vous qui transporté d' un zèle charitable
voulez me mettre au rang des noirs enfans du diable ;

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signalez par vos cris votre sainte douleur.
Telle est de vos pareils la chrétienne chaleur :
tout ce qui leur déplaît leur devient hérésie.
Répondez-moi pourtant. Le sauveur qui nous crie :
ô vous qui gémissez sous le faix des travaux,
accourez tous à moi, je finirai vos maux ; 
ne dit-il pas ? sans moi vous ne pouvez rien
faire :
vous ne pouvez venir qu' attirés par mon pere. 
vous allez, je le vois, avec subtilité
éluder de ces mots la sainte autorité.
Toutefois épargnez votre soin téméraire.
Je conviens avec vous que l' homme peut tout faire :
oui, qu' il peut à toute heure obéir à la loi.
Mais vous devez aussi convenir avec moi,
que nous ne mettrons point ce pouvoir en usage
si notre volonté n' y joint pas son suffrage,

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elle qui pour le bien le refuse toujours,
si Dieu pour la fléchir n' accorde son secours.
Non, malgré ses efforts, la brebis égarée
ne retrouvera point la demeure sacrée,
si le tendre pasteur ne la prend dans ses bras,
et jusqu' à son troupeau ne la rapporte pas.
Quand je sens pour le bien un desir véritable,
n' est-ce donc pas alors Dieu qui m' en rend
capable ?
Dieu seul fait tout en nous : c' est lui dont la
bonté
y forme tout desir et toute volonté.
La créature entiere est soumise à son maître :
nous devons la pensée à qui nous devons l' être.
En vain nous lui voudrons disputer notre coeur,
il en sera toujours le souverain moteur.
Dieu commande, et dans l' homme il fait ce qu' il
commande :
il donne le premier ce qu' il veut qu' on lui rende.

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D' où vient donc cet orgueil si follement conçu ?
Quel bien possedons-nous que nous n' ayons reçu ?
Mere des bons desseins, principe de lumiere,
la grace produit tout, et même la priere.
Quand nous courons vers elle, elle nous fait courir ;
quand pour elle un coeur s' ouvre, elle le vient
ouvrir ;
elle forme nos voeux, et dans l' ame qui prie,
par d' ineffables sons c' est l' esprit saint qui crie.
L' homme, quand sur lui seul il ose s' appuyer,
est semblable au roseau qu' un souffle fait plier.
Tout croît, et vit en Dieu : la foible créature
de sa main liberale attend la nourriture.
Aux pâturages gras il mene ses troupeaux :
il les conduit lui-même à la source des eaux.
Pasteur rempli d' amour il adoucit leurs peines,
il porte dans son sein les brebis qui sont pleines.
Soumettons-nous sans crainte à cette vérité :

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la grace est le soutien de notre humilité.
Au dieu qui vous conduit, mortels, rendez
hommage.
N' allez point toutefois en détestant Pelage,
dans un aveugle excès follement entraînés,
vous croire des captifs malgré vous enchaînés,
et du ciel oubliant la douceur infinie,
changer son regne aimable en dure tyrannie.
L' impétueux Luther, qu' emportoient ses fureurs,
joignit ce dogme impie à tant d' autres erreurs.
Affectant d' élever la grace et sa puissance,
il voulut nous ravir la libre obéissance ;
prétendit que contraint par les suprêmes loix,
l' homme marche toujours sans volonté, sans choix,
vil esclave, chargé de chaînes invisibles.
Préchant après Luther ces maximes horribles,
Calvin mit tout en feu : le fidelle trembla,
et sur ses fondemens l' église s' ébranla.
Pour rassurer alors la vérité troublée,

p35

la sage et sainte église à trente rassemblée,
sans que jamais l' erreur y pût mêler son fiel,
reçut, et nous rendit les réponses du ciel.
Défendons, en suivant ses dogmes respectables,
de notre liberté les droits inaltérables.
Notre coeur n' est qu' amour : il ne cherche, il ne
fuit,
qu' emporté par l' amour dont la loi le conduit.
Le plaisir est son maître : il suit sa douce pente,
soit que le mal l' entraîne, ou que le bien
l' enchante.
Il ne change de fin, que lorsqu' un autre objet
efface le premier par un plus doux attrait.
La grace qui l' arrache aux voluptés funestes
lui donne l' avant-goût des voluptés célestes,
le fait courir au bien qu' en elle il apperçoit,
voir ce qu' il doit chérir, et chérir ce qu' il voit.
C' est par-là que la grace exerce son empire :

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elle-même est amour, par amour elle attire ;
commandement toujours avec joie accepté,
ordre du souverain qui rend la liberté ;
charme qui sans effort brise tout autre charme,
vainqueur qui plaît encore au vaincu qu' il désarme.
Non, que le Dieu puissant, qui sait nous
enflammer,
malgré nous toutefois nous force de l' aimer,
ni qu' à suivre son ordre il veuille nous
contraindre :
en cela pour nos droits nous n' avons rien à craindre.
La grace se plaît-elle à la gêne du coeur ?
Non, ses heureuses loix sont des loix de douceur.
Il est vrai, qu' aussi-tôt qu' elle se fait entendre,
un infaillible aveu se hâte de s' y rendre.
Mais faut-il s' étonner que cette aimable ardeur
dissipe en un moment la plus longue froideur ?
Que du céleste feu cette vive étincelle
embrase tous les coeurs, n' en trouve aucun rebelle ?
Que cette douce chaîne enchaîne librement ?

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Que cette voix obtienne un sûr consentement,
sans qu' en elle jamais la moindre violence
arrache cette entiere et prompte obéissance ?
Le malade qui souffre et sent qu' il va mourir,
repousse-t' il celui qui vient pour le guérir ?
Libre de rejetter un pain qu' on lui présente,
le pauvre le ravit quand la faim le tourmente.
Et maître de rester dans la captivité,
toujours un malheureux court à la liberté.
Oui, j' y cours plein d' horreur pour ma premiere
chaîne :
mais celui qui la rompt m' en inspire la haine.
Oui j' y cours ; mais celui qui daigne me l' offrir,
lui seul a mis en moi la force d' y courir.
Dans cet heureux moment qu' au dieu qui
l' environne,
pleine de ses attraits mon ame s' abandonne,
et que par son amour, assiégé tant de fois,
à s' y rendre mon coeur détermine son choix ;
de tout ce que je fais je lui dois tout l' hommage.
Quand je choisis, mon choix est encor son ouvrage :
et par un dernier coup intimement porté,
dans l' instant que je veux il fait ma volonté,

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sans qu' à mon choix réel ce grand coup puisse nuire.
Dieu m' a fait libre : un dieu peut-il faire et
détruire ?
Non Luther et Calvin assurent follement
que la grace asservit à son commandement.
J' abhorre, je proscris cet horrible blasphême :
de mon sang, s' il le faut, j' en signe l' anathême.
Maître de tous ses pas, arbitre de son sort,
l' homme a devant ses yeux, et la vie et la mort.
C' est toujours librement que la grace l' entraîne :
il peut lui résister, il peut briser sa chaîne.
Oui, je sens que je l' ai ce malheureux pouvoir,
et loin de m' en vanter, je gémis de l' avoir.
Avec un tel appui qu' aisément on succombe !
Ah, qui me donnera l' aîle de la colombe !
Loin de ce lieu d' horreur, de ce gouffre de maux
j' irois, je volerois dans le sein du repos.
C' est-là qu' une éternelle et douce violence

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nécessite des saints l' heureuse obéissance :
c' est-là que de son joug le coeur est enchanté :
c' est-là que sans regret l' on perd sa liberté.
Là de ce corps impur les ames délivrées,
de la joie ineffable à sa source enyvrées,
et riches de ces biens que l' oeil ne sauroit voir,
ne demandent plus rien, n' ont plus rien à vouloir.
De ce royaume heureux Dieu bannit les allarmes,
et des yeux de ses saints daigne essuyer les larmes.
C' est-là qu' on n' entend plus ni plaintes ni soupirs :
le coeur n' a plus alors ni craintes, ni desirs.
L' église enfin triomphe ; et brillante de gloire
fait retentir le ciel des chants de sa victoire.
Elle chante, tandis qu' esclaves, désolés
nous gémissons encor sur la terre exilés.
Près de l' Euphrate assis nous pleurons sur ses rives :
une juste douleur tient nos langues captives.
Eh, comment pourrions-nous au milieu des méchans,
ô céleste Sion, faire entendre tes chants !
Hélas ! Nous nous taisons : nos lyres détendues
languissent en silence aux saules suspendues.
Que mon exil est long ! ô tranquile cité !

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Sainte Jerusalem ! ô chere éternité !
Quand irai-je au torrent de ta volupté pure
boire l' heureux oubli des peines que j' endure !
Quand irai-je goûter ton adorable paix !
Quand verrai-je ce jour qui ne finit jamais !

CHANT 3

Tel que brille l' éclair, qui touche au même
instant,
des portes de l' aurore aux bornes du couchant ;
tel que le trait fend l' air, sans y marquer sa trace :
tel et plus prompt encor part le coup de la grace.
Il renverse un rebelle aussi-tôt qu' il l' atteint ;
d' un scelérat affreux un moment fait un saint.
Ce foudre inopiné, cette invisible flamme
frappe, éclaire, saisit, embrase toute l' ame.
Saintement pénétré d' un spectacle effrayant
rancé de ses plaisirs reconnoît le néant :
d' esclave il devient libre ; à la cour il échappe,
et fuit dans les déserts pour enfanter la trappe.

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Ainsi prompte à courir, lorsque nous nous perdons,
la grace quelquefois précipite ses dons.
Souvent à nous chercher moins ardente et moins vive,
par des chemins cachés lentement elle arrive.
Elle n' est pas toujours ce tonnerre perçant
qui fend un coeur de pierre, et par un coup puissant
abbat Saul qu' emportoit une rage homicide ;
fait d' un persécuteur un apôtre intrépide ;
arrache Magdelaine à ses honteux objets,
Zachée à ses trésors, et Pierre à ses filets.
Quelquefois doux rayon, lumiere temperée,
elle approche, et le coeur lui dispute l' entrée.
L' esclave dans ses fers quelque tems se débat,
repousse quelques coups, prolonge le combat.
Oui, l' homme ose souvent, triste et funeste gloire,
entre son maître et lui balancer la victoire ;
mais le maître poursuit son sujet obstiné,
et parle de plus près à ce coeur mutiné.
Tantôt par des remords il l' agite et le trouble :
tantôt par des attraits que sa bonté redouble
il amollit enfin cette longue rigueur,

p43

et le vaincu se jette aux pieds de son vainqueur.
De la grace tel est l' aimable et saint empire :
elle entraîne le coeur, et le coeur y conspire.
Nous marchons avec elle : ainsi nous méritons,
et nous devons nommer nos mérites des dons.
Ainsi Dieu toujours maître inspire, touche, éclaire ;
et l' homme toujours libre, agit et coopere.
Augustin, de l' église, et l' organe et la voix,
de la céleste grace explique ainsi les loix.
Téméraire docteur, est-ce là ton langage ?
Honteux de reconnoître un si libre esclavage,
par tes détours subtils, par tes systêmes vains
tu prétends éluder les paroles des saints.
Hélas ! De notre orgueil telle est l' horrible plaie :
nous craignons d' obéir, et le joug nous effraie.
Voulant trop raisonner, nous nous égarons tous :
et de notre pouvoir défenseurs trop jaloux,
nous usurpons du ciel les droits les plus augustes :
nous fixons son empire à des bornes injustes.
Mais que Dieu confondroit une telle fierté

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s' il nous abandonnoit à notre liberté !
La grace, dites-vous, vous paroît la contraindre.
Agréable péril ! Ah ! Risquons, sans rien craindre,
de trop donner à Dieu, de trop compter sur lui.
Quel espoir ! Quel honneur de l' avoir pour appui !
Laissons, laissons tout faire à celui qui nous aime.
Il sait mes intérêts beaucoup mieux que moi-même.
Contre lui pour nos droits nous disputons en vain,
trop heureux de pouvoir les remettre en sa main.
Eh ! Comment résister à cette main puissante ?
La molle et souple argile est moins obéissante,
moins docile au potier qui la tourne à son gré,
qu' un coeur au souffle heureux dont il est pénétré.
Oui, c' est de ta bonté que je dois tout attendre,

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j' en dépends : mais, seigneur, ma gloire est d' en
dépendre ;
tu me menes, je vais ; tu parles, j' obéis ;
tu te caches, je meurs ; tu parois, je revis.
à moi-même livré, conduit par mon caprice
je m' égare en aveugle, et cours au précipice.
Mes vices que je hais, je les tiens tous de moi ;
ce que j' ai de vertu, je l' ai reçû de toi.
De mes égaremens moi seul je suis coupable :
de mes heureux retours je te suis redevable.
Les crimes que j' ai faits tu me les a remis ;
et je te dois tous ceux que je n' ai point commis.
Qu' une telle doctrine est douce et consolante !
Elle remet la paix dans mon ame tremblante.
La foi m' apprend d' abord à tout craindre de moi :
l' espérance bientôt vient ranimer ma foi.
" par vos foibles efforts, il est vrai, me dit-elle,

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vous ne suivrez jamais la voix qui vous appelle.
De cruels ennemis, hélas ! Environné
vous êtes à leurs traits sans cesse abandonné.
Mais vous avez au ciel un pere qui vous aime,
un pere, c' est le nom qu' il s' est donné lui-même :
rassurez-vous, son fils lui sera toujours cher.
Périsse l' insensé qui prend un bras de chair.
L' ame sage et fidelle à son Dieu se confie,
et peut tout en celui qui seul la fortifie. "
le m... aidé par un autre secours
ne sera point ému d' un semblable discours.
à ses ordres soumise, à ses desirs présente,
et compagne assidue, ainsi qu' obéissante
la grace, nous dit-il, vient offrir son appui.
Quand il veut, il s' en sert, l' usage en est à lui.
Dieu fournit l' instrument qui gagne la victoire ;
mais de s' en bien servir l' homme seul a la gloire.
Dogmes cachés long-tems aux humains aveuglés,
et qui par m... sont enfin dévoilés ;

p47

m... qui pour nous plein d' un amour de pere
adoucit d' Augustin le dogme trop sévere ;
rend un calme flateur à notre esprit troublé ;
décide et parle en maître où Paul avoit tremblé.
" il n' est point, nous dit-il, de race favorite :
Dieu sait de cet enfant quel sera le mérite ;
Dieu lit dans l' avenir ce qu' il doit être un jour ;
et s' il se rendra digne ou de haine ou d' amour.
La grace est une source en public exposée,
dont l' onde est en tout tems par toute main puisée.
Et lorsque pour agir nous faisons nos efforts,
Dieu nous doit aussi-tôt ouvrir tous ses trésors. "
dans l' Espagne où d' abord ces maximes parurent
la vérité trembla, les écoles s' émurent,
et du saint si fameux par ses rares écrits
les disciples savans éleverent leurs cris.
Pour ramener la paix dans l' église troublée,
le pontife appella la fameuse assemblée,

p48

où Lemos défenseur des célestes secours,
du mensonge hardi perçant tous les détours,
débrouilla, confondit la doctrine nouvelle.
Clément alloit lancer son tonnerre sur elle.
Il vous rendoit vainqueurs, disciples d' Augustin :
mais sa mort vous priva d' un triomphe certain.
Assis au même thrône, et plein du même zèle
Paul fit dresser l' arrêt qu' attendoit tout fidelle.
L' humble école espéra, sa rivale craignit ;
mais dans le vatican le foudre s' éteignit.
De m... qu' alors épargna l' anathême,
ne rejettons pas moins le dangereux systême.
L' orgueil sera toujours prompt à le recevoir :
il flatte la raison qui veut tout concevoir.
Le ciel à nos regards n' a plus rien d' invisible :
on perce de la foi le nuage terrible :
des mysteres divins le voile est écarté.
Mais pour moi qui chéris leur sainte obscurité,
je ramene le voile, et ne veux pas comprendre

p49

ce que l' homme doit croire, et ne doit point entendre.
Une mortelle main pourroit-elle arracher
les sceaux qu' au livre saint Dieu voulut attacher ?
Toi seul, agneau puissant, ô victime adorable,
toi seul tu peux ouvrir le livre respectable.
Hélas, s' il étoit vrai qu' un serviteur heureux,
ministre obéissant, vînt remplir tous mes voeux :
si je trouvois pour moi la grace toujours prête ;
que du ciel aisément je ferois la conquête !
Mais l' homme toutefois, chancelant, inégal,
rencontre à tous ses pas quelque obstacle fatal.
à la plus douce paix un trouble affreux succéde.
Il aimoit, il languit ; il brûloit, il est tiéde.
La joie et le chagrin, la froideur et l' amour
de son coeur inconstant s' emparent tour à tour.
Après avoir long-tems couru dans la carriére,
tout à coup il s' arrête et recule en arriére.
Toi donc, heureux mortel, arbitre souverain,
toi qui trouves toujours la grace sous ta main,
contre tant de malheurs montre ton privilége :
fais connoître tes droits au démon qui t' assiége.

p50

Le chagrin te saisit, tu te sens agité ;
vien te rendre la joie, et la tranquillité :
étouffe ces dégoûts qui commencent à naître.
Il est tems : qu' attends-tu ? Commande, parle en
maître.
Mais quoi ? Desir, effort, menace, tout est vain ;
et tu veux sans succès trancher du souverain.
Misérable, du moins reconnoi ta misere.
L' orgueil t' avoit séduit, fais-en l' aveu sincere,
et ressens le besoin d' un plus puissant secours :
au seigneur sans rougir tu peux avoir recours.
Va pleurer à ses pieds ; implore, presse, crie,
il se plaît à donner, mais il veut qu' on le prie.
Il faut ravir ses biens, et pour être accordé,
sans cesse son appui doit être demandé.
Nous ne pouvons jamais lasser sa patience,
il aime que nos cris lui fassent violence.

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Si la grace à toute heure obéit à nos loix,
faut-il pour l' obtenir l' appeller tant de fois ?
Et si nous avons toute la force salutaire,
que sert-il de prier ? Nous devons tous nous taire.
Tendre église, sur nous vous pleurez vainement :
colombe, finissez ce long gémissement.
Ministres, essuyez vos larmes assidues ;
et retirez vos mains vers le ciel étendues.
Vous qui poussez vers Dieu des soupirs éternels,
fidéles prosternés aux pieds de ses autels,
pourquoi répandre ainsi des prieres stériles ?
C' est à vous d' ordonner, vos coeurs vous sont dociles :
vous-mêmes à vos maux donnez un prompt secours ;
vous pouvez tout. Mais quoi ! Vous soupirez
toujours,
et de tous vos efforts vous sentez l' impuissance.
Hélas, qui n' en a point la triste connoissance !

p52

Quel mortel à son gré dispose de son coeur !
Si l' on en croit pourtant un systême flateur,
pour le bien et le mal l' homme également libre
conserve, quoi qu' il fasse, un constant équilibre :
lorsque pour l' écarter des loix de son devoir
les passions sur lui redoublent leur pouvoir,
aussi-tôt balançant le poids de la nature,
la grace de ses dons redouble la mesure ;
l' homme les perd encor, et toujours liberal
le ciel de nouveaux dons lui rend un nombre égal.
Dieu pour le criminel qui brave sa colere
doit payer de ses biens un tribut nécessaire.
Mais en les dissipant on s' enrichit encor,
et de graces sans nombre on amasse un trésor.
Pourquoi donc les pécheurs qui détestent leurs chaînes,
pour s' en débarrasser trouvent-ils tant de peines ?
Ces plaisirs qu' avec joie ils ont long-tems suivis,

p53

sous leur régne cruel les tiennent asservis.
Ils voudroient s' affranchir d' un joug dont ils
gémissent ;
mais hélas, chaque jour leurs forces s' affoiblissent.
Leurs fers se resserrant deviennent plus affreux,
et toujours leur fardeau s' appesantit sur eux.
Oui, de nos passions la trop longue habitude
malgré nous à la fin se change en servitude.
Pour connoître à quels maux ce mortel est livré,
qui veut chasser l' amour de son coeur ulceré,
faisons taire un moment les saints dans cet ouvrage,
et d' un voluptueux écoutons le langage.
" infortuné captif, cesse donc de souffrir :
sauve-toi, guéris-toi. Mais comment te guérir ?
Comment sortir si-tôt d' un si long esclavage ?
ô dieux ! Si la clémence est votre heureux partage,

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si vous jettez les yeux sur ceux qui vont mourir,
mes supplices cruels vous doivent attendrir.
Grands dieux ! Regardez-moi ; détournez cette
flamme,
qui défend à la paix toute entrée en mon ame,
et consume mon corps par un cruel poison.
Je ne t' implore, ô ciel ! Que pour ma guérison :
je ne demande pas que de celle que j' aime
l' amour puisse répondre à mon amour extrême ;
mais si j' ai mérité quelque chose de toi,
ô ciel ! Rends-moi la vie : ô dieux ! Guérissez-moi. "
Ovide en criminel avoüant tous ses crimes,
nous en avoue aussi les peines légitimes.
" je hais ce que je suis, je ne m' aimai jamais ;
cependant malgré-moi je suis ce que je hais.
Non, je ne puis sortir de mon état funeste.
Qu' il est dur de porter un fardeau qu' on déteste ! "
Medée en succombant regrette sa pudeur,
et se livre au transport que condamne son coeur.
Pour sauver les débris de sa vertu fragile,
dans les bras de la mort Phedre cherche un asyle.
Mais détournons nos yeux de ces tristes objets,
et laissons les payens en proie à leurs regrets.

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Regardons un mortel que la grace divine
fait sortir triomphant d' une guerre intestine ;
et du grand Augustin apprenons aujourd' hui
ce que l' homme est sans Dieu, ce que Dieu peut sur
lui.
Ma fougueuse jeunesse, ardente pour les crimes,
me fit courir d' abord d' abîmes en abîmes :
je vous fuyois, seigneur, vous ne me quittiez pas
et la verge à la main me suivant pas à pas,
par d' utiles dégoûts vous me rendiez ameres
ces mêmes voluptés à tant d' autres si cheres.
Vous tonniez sur ma tête : à vos pressans avis
ma mere s' unissoit en pleurant sur son fils.
Je n' entendois alors que le bruit de ma chaîne,
chaîne de passions qu' un misérable traîne.
Ma mere par ses pleurs ne pouvoit m' ébranler,
et vous tonniez, grand dieu, sans me faire
trembler.
Enfin de mes plaisirs l' ardeur fut amortie :
je revins à moi-même, et détestai ma vie.

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Je voyois le chemin, j' y voulois avancer ;
mais un funeste poids me faisoit balancer.
J' avois trouvé, j' aimois cette perle si belle
sans pouvoir me résoudre à tout vendre pour elle.
Par deux puissans rivaux tour à tour attiré
j' étois de leurs combats au-dedans déchiré.
Mon dieu m' aimoit encor, et sa bonté suprême
à mes tristes regards me présentoit moi-même.
Hélas qu' en ce moment je me trouvois affreux !
Mais j' oubliois bien-tôt mon état malheureux :
un sommeil létargique accabloit ma paupiere.
M' éveillant quelquefois, je cherchois la lumiere ;
et dès qu' un foible jour paroissoit se lever,
je refermois les yeux, de peur de le trouver.
Une voix me crioit, sors de cette demeure .
Et moi, je répondois, un moment, tout-à-l' heure .
Mais ce fatal moment ne pouvoit point finir,
et cette heure toujours differoit à venir.
De mes premiers plaisirs la troupe enchanteresse

p57

voltigeant près de moi, me répétoit sans cesse :
nous t' offrons tous nos biens, et tu veux nous
quitter.
sans nous, sans nos douceurs, qui peut se
contenter ?
le sage en nous cherchant trouve un bonheur facile ;
son corps est satisfait, et son ame est tranquile.
mortels, vivez heureux et profitez du tems :
du torrent de la joie enyvrez tous vos sens.
fuyez de la vertu l' importune tristesse ;
couchez-vous sur les fleurs, dormez dans la
mollesse.
et toi que des long-tems nos bienfaits ont charmé,
crois-tu donc qu' avec nous ton coeur accoutumé
puisse ainsi s' arracher aux délices qu' il aime ?
hélas, en nous perdant tu te perdras toi-même. 
mais devant moi l' aimable et douce chasteté
d' un air pur et serain, pleine de majesté,
me montrant ses amis de tout sexe, tout âge,
avec un ris mocqueur me tenoit ce langage :
tu m' aimes, je t' appelle, et tu n' oses venir.
foible et lâche Augustin, qui peut te retenir ?
ce que d' autres ont fait, ne le pourras-tu faire ?

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incertain, chancelant, à toi-même contraire,
tu veux rompre tes fers, tu veux et ne veux plus :
ne fixeras-tu point tes pas irrésolus ?
regarde à mes côtés ces colombes fidelles :
pour voler jusqu' à moi, Dieu leur donna des aisles ;
ce dieu t' ouvre ton sein, jette-toi dans ses bras. 
hélas, je le savois, mais je n' y courois pas.
Un jour enfin lassé de cette vive guerre
je pleurois, je criois, je m' agitois par terre,
quand tout à coup frappé d' un son venu des cieux,
et des mots du saint livre où je jettai les yeux,
l' orage se calma, mes troubles s' appaiserent.
Par votre main, seigneur, mes chaînes se
briserent ;
mon esprit ne fut plus vers la terre courbé :
je sortis de la fange où j' étois embourbé.
Ma volonté changea ; ce qui vous est contraire
me déplut, et j' aimai tout ce qui peut vous plaire.
Ma mere qu' à vos pieds vous vîtes tant de fois
pleurer sur un ingrat, rebelle à votre voix,
ma tendre mere enfin sortit de ses allarmes,
et retrouva vivant le fils de tant de larmes.
Je connus bien alors que votre joug est doux :

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non, seigneur, il n' est rien qui soit semblable à
vous.
Dès ici-bas ma bouche unie avec les anges
ne se lassera point de chanter vos loüanges.
Je n' aimerai que vous : vous serez désormais
ma gloire, mon salut, mon asyle, ma paix.
ô loi sainte ! ô loi chere ! ô douceur éternelle !
Ineffable grandeur ! Beauté toujours nouvelle !
Vérité qui trop tard avez sçu me charmer,
hélas ! Que j' ai perdu de tems sans vous aimer !

CHANT 4

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Redoublons, s' il se peut, l' ardeur qui nous
anime :
élevons notre voix sur un ton plus sublime :
osons du Dieu vivant célébrer la grandeur :
osons de ses desseins montrer la profondeur.
Desseins toujours cachés, secrets impénétrables,
jugemens éternels, et loix irrévocables,
loix terribles d' un Dieu qui voit dans l' avenir
ceux qu' il veut couronner, et ceux qu' il veut punir.
Des siécles à ses yeux qu' est-ce que l' étendue ?
Tous les siécles entiers sont un jour à sa vûe :
l' avenir est pour lui l' ordre de ses arrêts :
il lit nos volontés dans ses propres decrets.
Mystere ténébreux, qui pourra le comprendre ?

p61

Mais, seigneur, devant toi tout l' homme n' est que
cendre.
Sans les examiner, qu' il reçoive tes loix.
ô Dieu de vérité, quand tu parles, je crois ;
de ma fiere raison j' arrête l' insolence ;
loin de t' interroger, je t' adore en silence.
Je crois tes dogmes saints, quoiqu' ils me soient
voilez :
je les chante ; mortels, écoutez, et tremblez.
De nos fragiles corps Dieu conserve la vie :
lui seul répand le jour dans notre ame obscurcie :
par lui nos coeurs glacés s' enflamment pour le bien.
Mortels, vous devez tout à qui ne vous doit rien.
Vous ne tenez jamais que de sa bonté pure,
et les dons de la grace, et ceux de la nature.
à ses moindres faveurs quel droit prétendez-vous
du livre des vivans il peut vous rayer tous.
Fils ingrats, fils pécheurs, victimes du supplice,
nous naissons tous marqués au sceau de sa justice.
Depuis le jour qu' Adam mérita son couroux,

p62

les feux toujours brûlans sont allumés pour nous.
Sous lui, sous ses enfans héritiers de son crime,
la même chûte, hélas ! Ouvrit le même abîme.
Pour un crime pareil si l' ange est condamné,
pourquoi l' homme après lui sera-t' il épargné ?
Tous deux de la révolte également coupables
devoient tous deux s' attendre à des peines
semblables.
Sans espoir de retour les anges rejettés
dans les feux éternels sont tous précipités.
Des humains en deux parts Dieu sépare la masse :
il choisit, il rejette, il fait justice et grace.
Qui se plaindra, quand tous méritent l' abandon ?
Tous coupables, qui peut esperer le pardon ?
Qui lui plût fut choisi : de la masse proscrite
sa bonté sépara la race favorite.

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Et pour ce petit nombre agréable à ses yeux
il ouvrit de ses dons les trésors précieux.
C' est ce nombre si cher, ce céleste héritage
qu' il réserve à son fils pour auguste appanage.
Chef de tous les élus, Jesus-Christ par son sang,
lui-même élu par grace a mérité ce rang.
cher et petit troupeau que m' a donné mon pere,
bannis toute frayeur, dit ce Dieu tutelaire :
je connois mes brebis ; je suis toujours leurs
pas ;
et l' ennemi cruel ne les ravira pas :
sur les tendres agneaux que le ciel me confie,
sans relâche attentif, je réponds de leur vie. 
les hommes par ce choix qui partage leur sort,
sont tous devant celui qui ne fait aucun tort,
les uns vases d' honneur, objets de la tendresse,
connus, prédestinés, enfans de la promesse ;
les autres malheureux, inconnus, réprouvés,

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vases d' ignominie, aux flammes réservés.
Qu' ici sans murmurer la raison s' humilie.
Dieu permet notre mort, ou nous donne la vie :
ne lui demandons point compte de ses decrets.
Qui pourra d' injustice accuser ses arrêts ?
L' homme, ce vil amas de boue et de poussiere,
soutiendroit-il jamais l' éclat de sa lumiere ?
Ce Dieu d' un seul regard confond toute grandeur :
des astres devant lui s' éclipse la splendeur.
Prosterné près du thrône où sa gloire étincelle,
le cherubin tremblant se couvre de son aîle.
Rentrez dans le néant, mortels audacieux.
Il vole sur les vents, il s' assied sur les cieux.
Il a dit à la mer, brise-toi sur ta rive ; 
et dans son lit étroit la mer reste captive.
Les foudres vont porter ses ordres confiés,
et les nuages sont la poudre de ses pieds.

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C' est ce Dieu qui d' un mot éleva nos montagnes,
suspendit le soleil, étendit nos campagnes ;
qui pese l' univers dans le creux de sa main.
Notre globe à ses yeux est semblable à ce grain,
dont le poids fait à peine incliner la balance.
Il souffle, et de la mer tarit le gouffre immense.
Nos voeux et nos encens sont dûs à son pouvoir.
Cependant quel honneur en peut-il recevoir ?
Quel bien lui revient-il de nos foibles hommages ?
Lui seul il est sa fin, il s' aime en ses ouvrages.
Qu' a-t' il besoin de nous ? D' un oeil indifférent
il regarde tranquile l' être et le néant.
Il touche, il endurcit, il punit, il pardonne :
il éclaire, il aveugle : il condamne, il couronne.
S' il ne veut plus de moi, je tombe, je péris :
s' il veut m' aimer encor, je respire, je vis.
Ce qu' il veut il l' ordonne, et son ordre suprême
n' a pour toute raison que sa volonté même.
Qui suis-je pour oser murmurer de mon sort,
moi conçu dans le crime, esclave de la mort ?

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Quoi ! Le vase pétri d' une matiere vile
dira-t' il au potier, pourquoi suis-je d' argile ?
Des salutaires eaux un enfant est lavé.
Par une prompte mort un autre en est privé.
Dieu rejette Esaü, dont il aime le frere.
Par quel titre inconnu Jacob lui peut-il plaire ?
ô sage profondeur ! ô sublimes secrets !
J' adore un Dieu caché : je tremble, et je me tais.
Ce Dieu dans ses desseins terrible et toujours sage,
qui ne changeant jamais, change tout son ouvrage,
pour ceux mêmes souvent qu' il avoit rendus bons,
arrête tout à coup la source de ses dons.

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Dans cette obscure nuit l' astre si nécessaire,
la foi, quand il le veut, s' éteint ou nous éclaire.
Ce premier des présens qu' il fait aux malheureux,
leur ouvre le chemin quand il a pitié d' eux.
Que de peuples hélas, que de vastes contrées
à leur aveuglement sont encore livrées,
assises loin du jour dans l' ombre de la mort !
Nous plus heureux, craignons leur déplorable sort :
le précieux flambeau qui s' allume par grace,
aux ingrats enlevé, souvent change de place.
Par le sang des martyrs autrefois humecté
l' orient, du mensonge est par-tout infecté.
Cette isle, de chrétiens féconde pépiniere,
l' Angleterre, où jadis brilla tant de lumiere,
recevant aujourd' hui toutes religions,
n' est plus qu' un triste amas de folles visions.

p68

Hélas ! Tous nos voisins plongés dans la disgrace
semblent nous préparer au coup qui nous menace.
Par-tout autour de moi quand je tourne les yeux,
je pâlis, et n' y vois que le couroux des cieux.
Dans les glaces du Nord l' hérésie allumée
y répand en fureur son épaisse fumée.
Là domine Luther ; ici régne Calvin :
et souvent où la foi répand son jour divin,
la superstition, fille de l' ignorance,
prend de la piété la trompeuse apparence.
Oui, nous sommes, seigneur, tes peuples les plus
chers :
tu fais luire sur nous tes rayons les plus clairs.
Vérité toujours pure, ô doctrine éternelle,
la France est aujourd' hui ton royaume fidelle.
Ah ! Nos crimes enfin à leur comble montés,
du ciel lent à punir lasseront les bontés.
Puisse-t' il être faux ce funeste présage !
Mais hélas, de nos moeurs l' affreux libertinage
à celui de l' esprit pourra nous attirer.

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Déja notre raison ose tout pénétrer.
Celui dont les bienfaits préviennent nos prieres,
du salut à son gré dispense les lumieres.
Il confond l' orgueilleux qui cherche à tout savoir ;
il aveugle celui qui demande à tout voir.
Pour les sages du monde il voile ses mysteres :
il refuse à leurs yeux les clartés salutaires,
tandis qu' il les révéle à ces humbles esprits,
à ces timides coeurs, de son amour nourris,
qui méprisent l' amas des sciences frivoles,
et tremblent de frayeur à ses moindres paroles.
Un mot eût pû changer les sages antonins ;
mais ce mot n' est donné qu' aux heureux constantins.
Dieu laisse sans pitié Caton dans la nuit sombre,
qui cherchant la vertu n' en embrasse que l' ombre.
Mais plus terrible encor il prévoit tous nos pas,
et vient frapper des coeurs qui ne s' ouvriront pas.

p70

Il verse ses faveurs sur une ame infidelle,
que l' abus de ses dons rendra plus criminelle.
Jerusalem le chasse, et rejette sa paix ;
son ingrate Sion refuse ses bienfaits,
et l' on eût vu par lui Tyr et Sidon touchées
pleurer sur le cilice et la cendre couchées.
Au grand jour, il est vrai, jour terrible et vengeur,
Sidon sera traitée avec moins de rigueur.
Le serviteur rebelle aux ordres de son maître,
plus puni que celui qui meurt sans les connaître,
de tous les biens reçus rend compte au Dieu jaloux ;
mais l' arrêt de Sidon en devient-il plus doux ?
Tremblons jusqu' à la fin. Si l' on ne persévere,
jamais de ses travaux on n' obtient le salaire ;
jusqu' au dernier instant il faut toujours courir.
Près d' atteindre le terme on peut encor périr.
L' austere pénitent, le pâle solitaire,
couché sur le cilice, et blanchi sous la haire,
par un souffle d' orgueil, un impur mouvement,

p71

un desir avoué, perd tout en un moment ;
tandis que pénétré d' un remord efficace
vieilli dans les forfaits un brigand prend sa place.
à la vigne du maître appellé le dernier
il n' arrive qu' au soir, et reçoit le denier.
Quelquefois par l' effet d' une bonté profonde,
où le vice abonda la grace surabonde ;
mais quelquefois aussi par un triste retour
un coeur où la vertu fit long-tems son séjour,
las de sa liberté rentre dans l' esclavage,
et dans l' abîme affreux plus avant se rengage.
Le dernier coup porté rend le combat certain,
et pour être vainqueur tout dépend de la fin.
La couronne est placée au bout de la carriere ;
il faut pour la ravir fournir la course entiere.
De l' église au berceau l' illustre défenseur,
et des foibles chrétiens le sévere censeur,
le soutien de la foi, la gloire de l' Afrique,
Tertullien s' égare et périt hérétique.

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Pour les enfans ingrats quels regrets superflus,
lorsque de ton festin, grand dieu, tu les exclus !
Quel désespoir pour eux quand ta voix qui les chasse
appelle l' étranger pour s' asseoir à leur place !
Souvent il est fatal de vivre trop long-tems.
Osius sur la terre avoit brillé cent ans,
fleau des ariens en détours si fertiles,
le pere des pasteurs, le maître des conciles.
La mort à ses travaux alloit rendre le prix,
lorsque las d' un exil où sa foi l' avoit mis,
il ranime une main par vingt lustres glacée,
pour signer de Sirmich la formule insensée.
à tout craindre de nous sa chûte nous instruit.
Redoublons notre course, et prévenant la nuit,
hâtons-nous de joüir du jour qui nous éclaire.
Mais que sert de courir, répond un téméraire,

p73

qui m' oppose un discours tant de fois répeté ?
Dans le ciel, me dit-il, mon sort est arrêté :
pourquoi venez-vous donc, discoureur inutile,
m' animer aux travaux d' une course stérile ?
Au livre des élus si mon nom est gravé,
tout crime par la grace en moi sera lavé.
Si le ciel en couroux me destine à la peine,
pour chercher la vertu ma diligence est vaine.
C' en est fait, je veux vivre au gré de mes desirs :
j' attendrai mon arrêt dans le sein des plaisirs.
Détestable pensée ! L' affreuse conséquence !
Ainsi vous vous jugez vous-même par avance.
Dans le trouble où vous jette un douteux avenir,
ignorant votre arrêt vous l' osez prévenir.

p74

La porte du bonheur en vain vous est ouverte,
vous-même vous voulez assurer votre perte.
Le suivez-vous en tout, ce vain raisonnement ?
Sans doute Dieu connoît votre dernier moment,
et votre heure fatale au ciel déja réglée
jamais par vos efforts ne sera reculée.
Pourquoi donc dans les maux qui menacent vos jours,
de l' art des médecins cherchez-vous le secours ?
De leurs soins assidus que devez-vous attendre ?
Votre course est fixée, ils ne peuvent l' étendre.
Ah, malgré ces raisons, la crainte de mourir
à des secours douteux vous force de courir.
Où sont donc pour le ciel les efforts que vous faites ?
Pourquoi n' y point courir, insensés que vous êtes ?
J' ignore comme vous quel sort m' est réservé,
mais pour me consoler vivrai-je en réprouvé ?
Non, pour mourir en saint, c' est en saint qu' il faut
vivre.
Je me crois des élus, je m' anime à les suivre ;

p75

si mon sort est douteux, je le rendrai certain.
Je travaille, je cours, et ne cours pas en vain.
Des maîtres le plus doux, des peres le plus tendre,
Dieu m' appelle et me dit qu' à lui je puis prétendre ;
que je suis son enfant ; qu' il veut me rendre
heureux.
De mon esprit j' écarte un trouble dangereux,
et loin que mon arrêt m' inquiette et m' allarme,
j' espere tout d' un dieu dont la bonté me charme.
J' envisage les biens que m' a fait son amour,
comme un gage de ceux qu' il veut me faire un jour.
Pourquoi de ses faveurs comblé dès ma naissance,
former pour l' avenir un soupçon qui l' offense ?
Non, j' y consens, qu' il soit seul maître de mon sort.
Il m' aime, du pécheur il ne veut point la mort ;

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il pardonne, il invite au retour salutaire
celui qui s' accumule un trésor de colere.
à toute heure aux méchans il prodigue ses dons ;
son soleil luit sur eux ainsi que sur les bons ;
il punit à regret, et ce n' est qu' en partie
qu' il frappe sur l' ingrat que son couroux châtie.
C' est à vous, c' est à moi que le ciel est promis :
c' est pour nous qu' à la mort il a livré son fils.
Oui, Dieu veut le salut de tous tant que nous sommes ;
Jesus-Christ a versé son sang pour tous les hommes.
Que celui qui périt ne s' en prenne qu' à soi.
Malheureux Israël, ta perte vient de toi.
Vous craignez du seigneur les arrêts formidables,
cependant vous perdez ses momens favorables,
et lorsqu' il vient à vous, vous lui fermez vos coeurs.
Hélas ! Combien de fois vous offrant ses faveurs
vous a-t' il ranimés par des graces nouvelles ?
Et que n' a-t' il point fait ? Un oiseau sous ses aîles
rassemble ses petits trop foibles pour voler :

p77

c' est ainsi qu' en son sein il veut vous rassembler.
Les maux que vous souffrez, c' est lui qui les envoie :
par tendresse pour vous il trouble votre joie ;
de vos plaisirs honteux il veut vous détacher ;
au monde malgré vous il veut vous arracher.
Cependant de ce monde esclaves volontaires,
vous rejettez toujours ses rigueurs salutaires.
Mais pourquoi, direz-vous, ce Dieu de charité
montre-t' il dans son choix tant de séverité ?
Si lui seul à ses dons nous peut rendre fidelles,
s' il veut notre salut, pourquoi tant de rebelles ?
Entre tant d' appellés, pourquoi si peu d' élus ?
Leur foible nombre échappe à nos regards confus :
les épics épargnés par la main qui moissonne,
ces restes que le maître aux glaneurs abandonne,
et les grappes que laisse un vendangeur soigneux,
images des élus, sont aussi rares qu' eux.
Nous ne voyons en Dieu que justice et colere :

p78

est-ce ainsi qu' il nous aime ? Est-ce ainsi qu' il est
pere ?
Nous tremblons... c' est assez, unissons notre foi.
Je tremble comme vous, esperez comme moi.
Il est pere, il est Dieu : je crains le Dieu
terrible ;
mais je chéris le pere à mes malheurs sensible.
Sans peine devant lui soumettant mon esprit,
je crois ce qu' il révéle, et fais ce qu' il prescrit.
Je laisse murmurer ma raison orgueilleuse ;
je sais que sa lumiere est souvent périlleuse ;
je me livre à la foi, je marche à sa clarté :
celui qu' elle conduit n' est jamais écarté.
Je ne puis de la grace atteindre le mystere ;
mais Dieu parle, il suffit, c' est à l' homme à se
taire.
Lorsque voulant sonder ses terribles decrets,
nous portons jusqu' au ciel nos regards indiscrets ;
quand nous osons percer le voile respectable
dont se couvre à nos yeux ce Dieu si redoutable,
sa gloire nous opprime : ébloüis, aveuglés,
du poids de sa grandeur nous sommes accablés.
Ah ! Respectons celui qui veut être invisible,

p79

et craignons d' irriter sa majesté terrible.
Mais la sainte frayeur que l' homme en doit avoir,
c' est de toi seul, grand Dieu, qu' il la peut recevoir :
apprens-nous à t' aimer, apprens-nous à te craindre.
De tes desseins cachés est-ce à nous de nous plaindre ?
Détourne loin de nous cet esprit curieux
qui rend l' homme insolent, si coupable à tes yeux.
Adoucis la fierté de ceux qui sont rebelles ;
daigne affermir encor ceux qui te sont fidelles ;
donne-nous ces secours que tu nous a promis ;
donne la grace enfin même à ses ennemis.

Source: http://www.poesies.net

Source: http://www.poesies.net

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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