Louis Racine est un poète français né à Paris le 6 novembre 1692 et mort à Paris le 29 janvier 1763, second fils et septième et dernier enfant de l’illustre dramaturge Jean Racine.
Biographie
Louis Racine perdit son père à l’âge de huit ans. Il fit ses études au Collège de Beauvais sous la direction de Charles Rollin, puis, pour complaire à sa mère, il fit son droit et devint avocat. Puis, constatant que le barreau ne lui convenait pas, il se tourna vers la carrière ecclésiastique et entra chez les Oratoriens de Notre-Dame des Vertus où il resta trois ans. Le chancelier d’Aguesseau le prit sous sa protection. Chez celui-ci, à Fresnes, il acheva son poème de La Grâce (publié en 1720), qu’il avait commencé à l’Oratoire.
Grâce à l’amitié du chancelier d’Aguesseau, il entra en 1719 à l’Académie des Inscriptions, ce qui pouvait se justifier car il connaissait, outre le grec et le latin, l’hébreu et l’italien. En revanche, sa candidature à l’Académie française fut repoussée par le cardinal de Fleury en raison du jansénisme qui inspire le poème de La Grâce[1].
En compensation, le cardinal de Fleury lui recommanda de faire carrière dans les fermes. En 1722, Louis Racine fut nommé inspecteur général des fermes du roi en Provence, en résidence à Marseille. Il fut ensuite nommé directeur des fermes à Salins, à Moulins puis à Lyon, où il se maria en 1728 avec Marie Presle de L’Écluse, fille d’un conseiller à la cour des monnaies de cette ville. Il devint directeur des gabelles à Soissons (1732) puis fut reçu à la Table de marbre comme maître particulier des Eaux et Forêts du duché de Valois.
En 1742, il publia son poème de La Religion. En 1746, il quitta l’administration et revint à Paris. En 1750, il fut battu une seconde fois à l’Académie française. Il perdit son fils aîné en 1755 à Cadix, victime de l’inondation causée par le tremblement de terre de Lisbonne. Ce fut pour lui un coup terrible et il cessa d’écrire, se bornant à traduire le Paradis Perdu de Milton, et se plongea dans la dévotion. Il mourut en 1763.
Louis Racine était un homme plein de douceur et d’humilité, dont on disait : « C’est un saint qui a la figure d’un réprouvé. »[2]
Œuvres
Postérité littéraire
Boileau, qui avait suivi les débuts de Louis Racine, lui avait déclaré : « Il faut que vous soyez bien hardi pour oser faire des vers avec le nom que vous portez ! Ce n’est pas que je regarde comme impossible que vous deveniez un jour capable d’en faire de bons ; mais je me méfie de ce qui est sans exemple, et depuis que le monde est monde on n’a pas vu de grand poète fils d’un grand poète. »
« Petit fils d’un grand père », selon Voltaire, Louis Racine n’en fut pas moins un des bons poètes du XVIIIe siècle. Le poème de La Religion, a dit La Harpe « n’est pas un ouvrage du premier ordre, c’est un des meilleurs du second ». Mais, comme le remarque son protecteur, le chancelier d’Aguesseau : « Son génie ne le porte point à l’invention. » Sa poésie est à son image : on y sent partout l’homme de bien, sincère et de bonne volonté, mais ennuyeux et un peu compassé.
Ses deux grands poèmes sur La Grâce et La Religion sont animés d’une foi authentique, mais ils sont monotones et pêchent souvent par excès de didactisme. Le poème de La Grâce prétend mettre en vers saint Augustin et saint Thomas : « J’ai souvent employé, dit l’auteur, les termes de l’Écriture sainte et des Pères, et c’est en cela que consiste le mérite de mon travail. »
Le poème de La Religion a été très célèbre et souvent réimprimé. Le sujet est tiré des Pensées de Pascal et du Discours sur l’histoire universelle de Bossuet. Il s’agit de montrer l’accord de la religion, de la raison et de la vérité. Instruit par les déboires que lui avait causés le poème de La Grâce, l’auteur a dissimulé son jansénisme, et se montre avant tout cartésien :
- Rassurons-nous pourtant, le jour commence à naître.
- Nous allons tous penser, Descartes va paraître.
Outre ces deux poèmes didactiques, Louis Racine a composé sept odes dont une Ode sur l’harmonie1736) et une Ode sur la paix (1736), quatre épîtres assez didactiques, dont deux sur l’âme des bêtes. (
Il a publié de très intéressants Mémoires sur la vie de Jean Racine, souvent reproduits dans les éditions anciennes des œuvres de Racine. On y trouve également des renseignements utiles sur Boileau et des anecdotes amusantes. Ses Odes saintes, tirées pour la plupart des psaumes, diluent l’énergique concision des textes sacrés dans un flot de métaphores, mais sont intéressantes par des recherches de versification faisant varier les mètres et la forme des strophes à l’intérieur d’un même poème.
Il est également l’auteur de Réflexions sur la poésie (1747) dans lesquelles il se montre fidèle disciple de Boileau, préconisant l’imitation de la nature et des Anciens, méprisant Ronsard et la poésie de la Renaissance : « Le plaisir de la poésie, comme celui de la peinture, est produit en nous par l’imitation [...] tout ce qui est bien imité nous plaît. » Mais il soutient également que « l’essence de la poésie consiste dans l’enthousiasme » et que « le langage poétique [est] celui des passions ». Il insiste également sur l’importance de la versification et des figures de rhétorique (périphrases, métaphores, comparaisons, alliances de mots) : « La nature inspire d’abord la rapidité du style et la hardiesse des figures : l’art vient ensuite et pour rendre le style poétique encore plus harmonieux, le resserre dans les bornes de la versification. »
En définitive, c’est avant tout un très beau poème de Paul Verlaine dans Sagesse qui assure l’immortalité à Louis Racine :
- Sagesse d’un Louis Racine, je t’envie !
- De n’avoir pas suivi les leçons de Rollin,
- N’être pas né dans le grand siècle à son déclin,
- Quand le soleil couchant, si beau, dorait la vie.
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Liste chronologique
Les Œuvres de Louis Racine ont été publiées par Julien-Louis Geoffroy en 1808 (Paris, Le Normant, 6 vol. in-8°) (texte intégral sur la base Gallica : tomes I II III IV V VI).
Wikisource-logo.svg
Voir sur Wikisource : Louis Racine.
* La Grâce, poème en 4 chants, 1720 (texte intégral sur la base Gallica)
* Épître à M. de Valincourt, 1722
* Épître au comte de Clermont, 1723
* Première épître à la duchesse de Noailles, 1723
* Ode sur la solitude, 1723
* Comparaison de l’Iphigénie d’Euripide avec l’Iphigénie de Racine, 1727
* Épître à Mme la duchesse de Noailles sur l’âme des bêtes, 1728
* Réflexions sur l’Andromaque d’Euripide et l’Andromaque de Racine, 1732
* Ode sur l’harmonie, 1736
* Ode sur la paix, 1736
* La Religion, poème en 6 chants, 1742 (texte intégral sur la base Gallica)
* La ville de Paris au Roy, entrant à Paris à son retour de Metz, épître, 1744
* Réflexions sur la poésie, 1747
* De la déclamation théâtrale des anciens, 1747
* Mémoires sur la vie de Jean Racine, 1747 et 1752
* Le Paradis perdu… traduction nouvelle avec des notes, la vie de l’auteur, un discours sur son poème les remarques d’Addison, et, à l’occasion de ces remarques, un discours sur le poème épique, traduit en français, 1755
* Psaumes traduits et mis en vers, 1762
* Traité de la poésie dramatique ancienne et moderne
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Ennemi du mensonge, et de ces fictions
qui nourrissent des coeurs les folles passions,
je veux prendre aujourd’ hui la vérité pour guide.
Par elle encouragé dans un âge timide,
de l’ illustre Prosper j’ ose suivre les pas.
Puissé-je comme lui confondre les ingrats !
ô vous qui ne cherchez que ces rimes impures,
des plaisirs séduisans dangereuses peintures ;
sur mes chastes tableaux ne jettez pas les yeux :
fuyez ; mes vers pour vous sont des vers ennuyeux :
des sons de la vertu votre oreille se lasse.
Prophanes, loin d’ ici, je vais chanter la grace.
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Oüi, seigneur, j’ entreprens de lui prêter ma voix :
tout fidelle est soldat pour défendre tes droits.
Si par ta grace ici je combats pour ta grace,
rien ne peut ébranler ma généreuse audace,
dussent les libertins déchirer mes écrits :
trop heureux si pour toi je souffre des mépris !
Que ta bonté, grand dieu, veuille m’ en rendre digne :
de tes riches faveurs, faveur la plus insigne !
Pour en être honorés, tes saints ont fait des voeux,
et moi j’ en fais pour vivre et pour mourir comme eux.
Daigne donc agréer et soutenir mon zèle :
tout foible que je suis, j’ embrasse ta querelle.
La grace que je chante, est l’ ineffable prix
du sang que sur la terre a répandu ton fils,
ce fils, en qui tu mets toute ta complaisance,
ce fils, l’ unique espoir de l’ humaine impuissance.
à défendre sa cause approuve mon ardeur ;
mais animant ma langue, échauffe aussi mon coeur.
Que je sente ce feu qui par toi seul s’ allume,
et que j’ éprouve en moi ce que décrit ma plume ;
non comme ces esprits tristement éclairés
qui connoissent la route, et marchent égarés ;
toujours vuides d’ amour, et remplis de lumiere,
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ardens pour la dispute, et froids pour la priere.
à la voix du seigneur l’ univers enfanté,
étaloit en tous lieux sa naissante beauté.
Le soleil commençoit ses routes ordonnées ;
les ondes dans leur lit étoient emprisonnées ;
déja le tendre oiseau s’ élevant dans les airs,
benissoit son auteur par ses nouveaux concerts :
mais il manquoit encore un maître à tout l’ ouvrage.
faisons l’ homme, dit Dieu : faisons-le à
notre image .
Soudain pétri de boue, et d’ un souffle animé,
ce chef-d’ oeuvre connut qu’ un dieu l’ avoit formé.
La nature attentive aux besoins de son maître,
lui présenta les fruits que son sein faisoit naître ;
et l’ univers soumis à cette aimable loi,
conspira tout entier au bonheur de son roi.
La fatigue, la faim, la soif, la maladie
ne pouvoient altérer le repos de sa vie :
la mort même n’ osoit déranger les ressorts
que le souffle divin animoit dans son corps.
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Il n’ eut point à sortir d’ une enfance ignorante :
il n’ eut point à dompter une chair insolente.
L’ ordre régnoit alors, tout étoit dans son lieu ;
l’ animal craignoit l’ homme, et l’ homme craignoit
Dieu :
et dans l’ homme, le corps respectueux, docile,
à l’ ame fournissoit un serviteur utile.
Charmé des saints attraits, de biens environné,
Adam à son conseil vivoit abandonné.
Tout étoit juste en lui, sa force étoit entiere :
il pouvoit sans tomber poursuivre sa carriere,
soutenu cependant du céleste secours,
qui pour aller à Dieu le conduisoit toujours.
Non qu’ en tous ses desirs par la grace entraînée
l’ ame alors dût par elle être déterminée ;
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ainsi sans le soleil l’ oeil qui ne peut rien voir,
à cet astre pourtant ne doit point son pouvoir :
mais au divin secours en tout tems nécessaire,
Adam étoit toujours maître de se soustraire.
Ainsi le soleil brille, et par lui nous voyons :
mais nous pouvons fermer nos yeux à ses rayons.
Tel fut l’ homme innocent : sa race fortunée
des mêmes droits que lui devoit se voir ornée ;
et conçu chastement, enfanté sans douleurs,
l’ enfant ne se fût point annoncé par ses pleurs.
Nous n’ eussions vû jamais une mere tremblante
soutenir de son fils la marche chancelante,
réchauffer son corps froid dans la dure saison,
ni par les châtimens appeller sa raison.
Le démon contre nous eût eu de foibles armes.
Hélas ! Ce souvenir produit de vaines larmes.
Que sert de regretter un état qui n’ est plus,
et de peindre un séjour dont nous fûmes exclus !
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Pleurons notre disgrace, et parlons des miseres
que sur nous attira la chûte de nos peres.
Condamnés à la mort, destinés aux travaux,
les travaux et la mort furent nos moindres maux.
Au corps, tyran cruel, notre ame assujettie
vers les terrestres biens languit appesantie.
De mensonge et d’ erreur un voile ténébreux
nous dérobe le jour qui doit nous rendre heureux.
La nature autrefois attentive à nous plaire,
contre nous irritée, en tout nous est contraire.
La terre dans son sein resserre ses trésors :
il faut les arracher ; il faut par nos efforts
lui ravir de ses biens la pénible récolte.
Contre son souverain l’ animal se révolte :
le maître de la terre appréhende les vers :
l’ insecte se fait craindre au roi de l’ univers.
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L’ homme à la femme uni met au jour des coupables,
d’ un pere malheureux héritiers déplorables.
Aux solides avis l’ enfant toujours rétif,
par la seule menace y devient attentif.
De l’ âge et des leçons sa raison secondée,
à peine du vrai Dieu lui retrace l’ idée.
Hélas ! à ces malheurs, par sa femme séduit
Adam, le foible Adam, avec nous s’ est réduit.
Son crime fut le nôtre, et le pere infidelle
rendit toute sa race à jamais criminelle.
Ainsi le tronc qui meurt voit mourir ses rameaux,
et la source infectée infecte ses ruisseaux.
L’ homme depuis ce jour n’ apporte à sa naissance
que la pente au peché, l’ erreur et l’ ignorance.
Par l’ amour des faux biens il remplit dans son coeur
le vuide qu’ y laissa l’ amour du créateur :
dans son funeste sort d’ autant plus déplorable,
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qu’ il ignore le poids du fardeau qui l’ accable ;
qu’ il se plaît dans ses maux, et fuit la guérison ;
qu’ il aime ses liens, et chérit sa prison.
à le voir, pourroit-on croire son origine !
Est-ce là, direz-vous, cette image divine ?
Sans doute. Le portrait n’ est pas tout effacé ;
quelque coup de pinceau demeure encore tracé.
Malgré l’ épaisse nuit sur l’ homme répandue,
on découvre un rayon de sa gloire perdue.
C’ est du haut de son thrône un roi précipité,
qui garde sur son front un trait de majesté.
Une secrette voix à toute heure lui crie
que la terre n’ est point son heureuse patrie ;
qu’ au ciel il doit attendre un état plus parfait.
Et lui-même ici-bas quand est-il satisfait ?
Digne de posseder un bonheur plus solide,
plein de biens et d’ honneurs, il reste toujours vuide.
Il forme encore des voeux dans le sein du plaisir,
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il n’ est jamais enfin qu’ un éternel desir.
D’ où lui vient sa grandeur ? D’ où lui vient sa
bassesse ?
Et pourquoi tant de force avec tant de foiblesse ?
Réveillez-vous, mortels, dans la nuit absorbés,
et connoissez du moins d’ où vous êtes tombés.
Non, je ne suis point fait pour posseder la terre.
Quand ne serai-je plus avec moi-même en guerre ?
Qui me délivrera de ce corps de péché ?
Qui brisera la chaîne où je suis attaché ?
Mon coeur toujours rebelle, et contraire à lui-même,
fait le mal qu’ il déteste, et fuit le bien qu’ il
aime.
Je veux sortir du gouffre où je me vois jetté ;
je veux… mais que me sert ma foible volonté ?
Legere, irrésolue, incertaine, aveuglée,
et malgré son néant, d’ un fol orgueil enflée,
voulant tout entreprendre, et n’ exécutant rien,
capable de tout mal, impuissante à tout bien,
compagne qui m’ entraîne au vice que j’ abhorre,
et guide qui ne sert qu’ à m’ égarer encore.
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Mais par ce guide seul autrefois éclairés,
les superbes mortels se croyoient assurés.
Pour confondre à jamais cette altiere sagesse,
le ciel leur fit long-tems éprouver leur foiblesse.
à leurs sens il livra rois et peuples entiers,
et les laissa marcher dans leurs propres sentiers.
La digue fut soudain rompue à tous les vices :
on ne vit plus par-tout, que meurtres, injustices,
débordemens impurs, brigandages affreux,
et du crime honoré le regne ténébreux.
à de frivoles biens créés pour son usage,
l’ homme osa follement présenter son hommage.
La bête eut des autels, le bois fut adoré ;
et tout fut, hors Dieu seul, comme Dieu réveré.
Et soi-même traitant ce culte de chimere,
le foible philosophe imita le vulgaire.
Cependant, direz-vous, la Grece eut des Platons :
l’ Asie eut des Thalés, et Rome eut des Catons.
Lucrece estime plus son honneur que sa vie ;
Decius se dévoue au bien de sa patrie.
Victime du serment aux ennemis juré,
Regulus va chercher un supplice assuré.
Rougis, lâche chrétien : dans un siécle prophane
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plus vertueux que toi le payen te condamne.
Ah ! Du nom de vertu gardons-nous d’ honorer
des actions que Dieu dédaigna d’ épurer.
Rome n’ eut des vertus que la fausse apparence,
et vaine elle reçut sa vaine récompense.
L’ éclat de ses héros nous charme et nous séduit :
mais d’ un aride champ quel peut être le fruit ?
Rien ne peut prosperer sur des terres ingrates.
Le desir de la gloire enfante les socrates.
Du moindre des romains l’ estime et les regards
soutiennent les Catons ainsi que les Césars.
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Plaignons plutôt, plaignons ces peuples misérables,
dont les justes n’ étoient que de moindres
coupables.
Socrate, du vrai dieu s’ approchant de plus près,
sembla de sa grandeur découvrir quelques traits.
Faut-il donc pour le voir, percer tant de nuages ?
Eh ! Qui de la nature admirant les ouvrages,
frappé d’ étonnement à ce premier regard,
ira pour l’ ouvrier soupçonner le hazard ?
De ce vil vermisseau j’ entends la voix qui crie,
Dieu m’ a fait, Dieu m’ a fait ; Dieu m’ a donné
la vie .
Tout parle à la raison, mais rien ne parle au coeur.
Le jour au jour suivant annonce son auteur.
Mais ce n’ est qu’ en l’ aimant que Dieu veut qu’ on
l’ adore ;
et l’ hommage du coeur est le seul qui l’ honore.
En vain le philosophe entrevoit la clarté :
du chemin de la vie est-il moins écarté ?
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p13
Plus criminel encor que l’ aveugle vulgaire,
loin de rendre au seigneur le culte nécessaire,
il perd, vuide d’ amour, tout le fruit de ses moeurs :
son esprit s’ évapore en de folles lueurs.
En différens sentiers les plus sages s’ égarent ;
par des sectes sans nombre entr’ eux ils se séparent.
La raison s’ obscurcit : la simple vérité
se perd dans les détours de la subtilité.
Oui, grand dieu, c’ est en vain que l’ humaine faiblesse
sans toi veut se parer du nom de la sagesse :
et quiconque usurpa ce titre audacieux
fut de tant d’ insensés le moins sage à tes yeux.
Pour guérir la nature infirme et languissante,
ainsi que la raison la loi fut impuissante :
la loi qui ne devant jamais briser les coeurs,
sans la grace formoit des prévaricateurs ;
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p14
la loi qui du péché resserrant les entraves,
au lieu de vrais enfans fit de lâches esclaves ;
la loi, joug importun, de la crainte instrument,
ministere de mort, vain et foible élément.
Ainsi ne put jadis le bâton d’ élizée
ressusciter l’ enfant de la mere affligée :
le prophète lui seul touché de son malheur,
pouvoit dans ce corps froid rappeller la chaleur.
Le juif portant toujours l’ esprit de servitude,
à ses égaremens joignit l’ ingratitude.
La race de Jacob, le peuple si cheri,
engraissé de bienfaits n’ en fut point attendri.
Cependant Dieu voulut dans ces tems déplorables
se former quelquefois des enfans véritables.
On vit avant Moïse, ainsi que sous la loi,
des justes pleins d’ amour et vivants de la foi.
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La grace, dont le jour ne brilloit pas encore,
sur leur tête déja répandoit son aurore.
L’ arrêt de leur trépas fut deslors effacé
dans le sang qui pour eux devoit être versé,
et des fruits de ce sang ils furent les prémices.
Mais lorsque le seigneur avec des yeux propices
regardoit quelques-uns des neveux d’ Israël,
le reste abandonné fut toujours criminel.
Les prophètes en vain annonçoient leurs oracles,
supplioient, menaçoient, prodiguoient les miracles.
Ce peuple dont un voile obscurcissoit les yeux,
murmurateur, volage, amateur des faux dieux,
à ses prophètes sourd, à ses rois infidelle,
porta toujours un coeur incirconcis, rebelle.
Dans son temple, il est vrai, l’ encens se consumoit ;
le sang des animaux à toute heure fumoit.
Vain encens, voeux perdus ! Les taureaux, les genisses
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étoient pour les péchés d’ impuissans sacrifices.
Dieu rejettant l’ autel et le prêtre odieux,
attendoit une hostie agréable à ses yeux :
il falloit que la loi sur la pierre tracée
fût par une autre loi dans les coeurs remplacée.
Il falloit que sur lui détournant tous les coups,
le fils vînt se jetter entre son pere et nous.
Sans lui nous périssions. Qu’ une telle victime
oblige le coupable à juger de son crime.
Quel énorme forfait, qui pour être expié,
demandoit tout le sang d’ un dieu sacrifié !
Oui, l’ homme après sa chûte, au voyageur
semblable,
qu’ attaqua des voleurs la rage impitoyable,
percé de coups, laissé pour mort sur le chemin,
et baigné dans son sang n’ attendoit que sa fin.
Les prêtres de la loi, témoins de sa misere,
ne lui pouvoient offrir une main salutaire.
Enfin dans nos malheurs un dieu nous secourut :
le ciel fondit en pluie, et le juste parut.
ô filles de Sion, tréssaillez d’ allégresse :
du roi qui vient à vous célébrez la tendresse :
il vient sécher vos pleurs et calmer vos soupirs.
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Les justes de la loi, ces hommes de desirs,
de leur foi toujours vive auront la récompense.
Il vient, tout l’ univers se leve à sa présence :
l’ agneau saint de son sang va sceller le traité
qui nous réconcilie à son pere irrité.
Chargé de nos forfaits sur la croix il expire,
et du temple aussi-tôt le voile se déchire.
Aux prophanes regards le lieu saint fut livré :
le dieu qui l’ habitoit s’ en étoit retiré.
De ce temple fameux la gloire étoit passée ;
la vile sinagogue alloit être chassée :
les tems étoient venus, où régnant dans les coeurs
Dieu vouloit se former de vrais adorateurs,
et donnant à son fils une épouse plus sainte,
devoit répudier l’ esclave de la crainte.
Mortels qui jusqu’ ici répandiez tant de pleurs,
tristes enfans d’ Adam, bannissez vos douleurs.
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27 novembre 2009 à 10 10 55 115511
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Du sang de Jesus-Christ l’ église vient de naître,
la nuit est dissipée, et le jour va paraître.
Il arrive ce jour si long-tems attendu,
ce jour que de si loin Abraham avoit vu.
Le saint tant desiré, tant prédit par vos peres,
vous annonce aujourd’ hui la fin de vos miseres.
Sortez, humains, sortez de la captivité ;
ce dieu qui pour toujours vous rend la liberté,
ne veut plus que son peuple en esclave le craigne :
sa grace et son amour vont commencer leur régne.
CHANT 2
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Vous que la vérité remplit d’ un chaste amour,
n’ esperez point encor dans ce triste séjour,
paisibles possesseurs la goûter sans allarmes :
chrétiens, souffrez pour elle, et prêtez-lui vos
armes.
L’ église à la douleur destinée ici-bas,
prit naissance à la croix, et vit dans les combats.
Il faut que tout entier sur elle s’ accomplisse
de son époux mourant le sanglant sacrifice.
Contr’ elle le démon arma les empereurs ;
le fer brilla d’ abord : inutiles fureurs !
En vain on la déchire, en vain le sang l’ inonde :
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de ce sang humectée elle en devient féconde.
L’ empereur à la croix soûmit son front payen,
montra qu’ on pouvoit être et César et chrétien.
Le prêtre d’ Apollon renversa son idole,
et Jupiter vaincu tomba du capitole.
L’ église dans son sein voyoit naître la paix,
quand la fiere hérésie envenimant ses traits,
aux enfans de la foi vint déclarer la guerre.
Plus d’ une fois vaincue, enfin dans l’ Angleterre
elle appelle un vengeur ; et fidelle à sa voix
pelage de la grace ose attaquer les loix.
De notre liberté défenseur téméraire,
au céleste pouvoir il prétend nous soustraire.
Hélas ! Que des humains les dehors sont trompeurs !
De pelage long-tems on admira les moeurs :
mais que sert qu’ en public la vertu nous honore,
si le ver de l’ orgueil en secret nous dévore ?
Pelage se démasque à l’ univers surpris,
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et vient à Rome même infecter les esprits.
Le docteur pénitent, l’ austere Anachorette,
qui croit toujours du ciel entendre la trompette,
ce savant, si fameux par tant d’ écrits divers,
qui du fond de sa grote éclaire l’ univers,
Jerôme vieux alors, ranime son courage ;
mais le seul Augustin devoit vaincre Pelage.
De ce grand défenseur le ciel ayant fait choix,
lui mit la plume en main, le chargea de ses droits.
Augustin tonne, frappe et confond les rebelles.
Sa doctrine aujourd’ hui guide encor les fidelles :
Rome, tout l’ univers admire ses écrits,
et M… lui seul en ignore le prix.
Disciple d’ Augustin, et marchant sur sa trace,
Prosper s’ unit à lui pour défendre la grace.
Il poursuivit l’ erreur dans ses derniers détours,
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27 novembre 2009 à 10 10 57 115711
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et contr’ elle des vers emprunta le secours.
Les vers servent aux saints : la vive poësie
fait triompher la foi, fait trembler l’ hérésie.
Admirateur zélé de ces maîtres fameux,
je mets toute ma gloire à marcher après eux.
Formé dans leurs écrits, et plein de leurs maximes
je les vais annoncer, n’ y prêtant que mes rimes :
Augustin dans mes vers donne encor ses leçons.
Seigneur, c’ est à tes saints à parler de tes dons !
Aux forces que la grace inspire à la nature
des foiblesses de l’ homme opposons la peinture.
Connoissons par nos maux la main qui nous guérit.
L’ erreur et le mensonge assiégent notre esprit,
et la nuit du péché nous couvrant de ses ombres,
entre nous et le jour jette ses voiles sombres.
Notre coeur corrompu, plein de honteux desirs,
ne reconnoît de loix que celles des plaisirs.
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Le plaisir, il est vrai, juste dans sa naissance,
par de sages transports servoit à l’ innocence :
nos corps par cet attrait devoient se conserver,
et nos ames vers Dieu se devoient élever.
Mais notre ame aujourd’ hui n’ étant plus souveraine,
aux seuls plaisirs des sens notre corps nous entraîne.
Des saintes voluptés le chaste sentiment
se réveille avec peine, et s’ éteint aisément.
à croître nos malheurs le démon met sa joie :
lion terrible il cherche à dévorer sa proie ;
et transformant sa rage en funestes douceurs,
souvent serpent subtil il coule sous les fleurs.
Ce tyran ténébreux de l’ infernal abîme
joüissoit autrefois de la clarté sublime.
L’ orgueil le fit tomber dans l’ éternelle nuit,
et par ce même orgueil l’ homme encor fut séduit,
quand nos peres, à Dieu voulant être semblables,
oserent sur un fruit porter leurs mains coupables.
L’ orgueil depuis ce jour entra dans tous les coeurs :
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27 novembre 2009 à 10 10 58 115811
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là de nos passions il nourrit les fureurs ;
souvent il les étouffe, et pour mieux nous surprendre,
il se détruit lui-même, et renaît de sa cendre.
Toujours contre la grace, il veut nous révolter,
pour mieux regner sur nous, cherchant à nous flater.
Il releve nos droits, et notre indépendance ;
et de nos intérêts embrassant la défense,
nous répond follement que notre volonté
peut rendre tout facile à notre liberté.
Mais comment exprimer avec quelles adresses
ce monstre sait de l’ homme épier les foiblesses ?
Sans cesse parcourant toute condition,
il répand en secret sa douce illusion.
Il console le roi que le thrône emprisonne,
et lui rend plus leger le poids de la couronne.
Aux yeux des conquérans de la gloire enyvrés
il cache les périls dont ils sont entourés.
Par lui le courtisan, du maître qu’ il ennuie
soutient, lâche flateur, les dédains qu’ il essuie.
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C’ est lui qui d’ un prélat épris de la grandeur
écarte les remords voltigeans sur son coeur.
C’ est lui qui fait pâlir un savant sur un livre,
l’ arrache aux voluptés où le monde se livre,
d’ un esprit libertin lui souffle le poison,
et plus haut que la foi fait parler la raison.
C’ est lui qui des palais descend dans les chaumieres,
donne à la pauvreté des démarches altieres.
Lui seul nourrit un corps par le jeûne abattu :
il suit toujours le crime, et souvent la vertu.
Parmi tant de périls, et contre tant d’ allarmes
la grace seule a droit de nous donner des armes.
Du démon rugissant elle écarte les coups,
contre nos passions elle combat pour nous :
grace que suit toujours une prompte victoire,
grace, céleste don, notre appui, notre gloire,
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