“Les 7 péchés capitaux de la république couscoussière”
L’Abrincate a séjourné brièvement à Alger cette semaine, sans pouvoir, sur place, éviter les “retours de mémoire” (en l’occurrence celle de d’adolescence) lorsqu’il était question des barricades de la Rue Michelet, des attentats des fellaghas, mais aussi d’une Place du Gouverneur qui a entendu De Gaulle dire : “Je vous ai compris”, sans qu’on puisse – rétrospectivement – déterminer si cette phrase était adressée pour la circonstance au “quarteron de généraux en retraite”, ou d’une manière plus codée et prophétique aux leaders indépendantistes.
Toujours est-il qu’après la travail, le spectacle de la foule scotchée sur la place attenante à la Grande Poste d’Alger pour suivre, à la nuit tombante et en direct sur grand écran, le match Suède-Angleterre méritait autant le déplacement que le match lui-même. Le commentateur de la TV algérienne était en forme, si l’on en juge par les fou-rires des spectateurs de la Place.
Mais la lecture des journaux quotidiens laisse percevoir d’autres réalités. Qu’on en juge par ces extraits libres d’une Libre Opinion” publiée le 22 juin dans “Le Soir d’Algérie”, et signée Mohamad Abassa :
“Les sept péchés capitaux de la république couscoussière
Prologue : plantons le décor. Quel rapport entre un couscoussier, l’ustensile le mieux partagé des Algériens et son éponyme politique, la république couscoussière ? Aucun : sauf les trous, oui les trous et rien d’autre.(…)
La république algérienne démocratique et populaire fonctionne à peu près de la même manière : mettez un peuple dans un keskes à trou unique, le FLN, serrez le contour ventral, plein feu, laissez mijoter pendant 44 ans, confiez la cuisine politique à tous les chefs successifs du FLN depuis 1962 et vous aurez ceci : des trous, des trous, partout des trous et à perte de vue. Des millions, des milliards de trous. Sahara foré criblé de trous, trous dans les deniers publics, dans les cimetières; deux cents mille nouveaux trous, dans les budgets, dans les consciences, mémoires, histoire, routes, corps, urnes, culture et patrimoine, dans les banques, le foncier, et j’en passe, partout où porte le regard pour décliner au plus droit, au plus vrai, il tombe toujours sur ou dans un trou… C’est la république du trou (…)
Péché capital No 1 : tous les pays du monde créent des richesses, l’Algérie mange les siennes. (…) Question à un trou : où finissent donc les milliards des trous pétroliers ?. J’avance une estimation construite sur les chiffres des troueurs officiels de la République : 40% dans les trous buccaux, donc dans les trous d’égoûts (la bouffe); 40 % pour maintenir les rond-de.cuirs du régime et les trous noirs du système; 20 % retrournent evidemment en divers trous de chippate, c’est-à-dire dans les banques étrangères en rétribution des loyaux services des génies et génisses qui vendent et bradent tous les jours ce pays qui est le nôtre. (…)
Ces petites gens qui nous gouvernent nous disent, toujours et souvent, combien de dollars ces beaux et très beaux étrangers investissent en Algérie. Mais nous disent-ils combien de dollars ces mêmes étrangers prennent et exportent d’Algérie ? (Dites-nous, Monsieur le Ministre) “…en particulier combien (vos) amis texans gagnent et exportent de dollars pillés du pétrole algérien ? (…) Combien, Monsieur le Ministre, Dick Cheney, Rumsfeld, Haliburton, Bush, gagnent en Algérie sans nous faire de guerre, sans envoyer leur armada ? Dites-le nous, juste pour savoir. Parce que lorsqu’il n’y aura plus de pétrole, plus rien à manger pour nos petits-enfants, ces grands prédateurs retrouveront leur Amérique, leur Texas, leur ranch et leur Banque Mondiale ; le malheur de l’humanité.
Y a-t-il quelqu’un, au nombre et au débit de ceux qui ont dirigé ou dirigent ce pays, qui peut nous dire, nous renseigner sur l’usage qui a été fait des mille milliards de dollars de 40 ans de recettes pétrolières ? Du ministre qui rêve de devenir ambassadeur (alors que partout ailleurs un ambasssadeur rêve de devenir ministre) au harrag démuni qui risque sa vie, aux élites déclassées : tous veulent quitter ce pays que mille milliards de dollars ont défiguré, vidé, sali, dévoyé, saigné.(…)
Durant les 30 dernières années, on évalue à cent mille cadres et chercheurs qui ont quitté le pays. Durant la seule dernière décennie, ce sont 45 000 Algériens de niveau supérieur qui se sont expatriés.(…) Chaque année, ils sont cent mille Algériens à demander à devenir Français, soit 500 000 individus si l’on inclut les membres de leurs familles. A ce rythme, dans 20 ans, c’est toute l’Algérie qui serait française.(…)
Quand un pays aussi riche que l’Algérie perd ses hommes et ses élites, il devient inévitable que les fermiers texans et français produisent notre pain – aux siècles derniers, le fellah algérien nourrissait 5 familles ; la sienne, 2 en ville et 2 étrangères, aujourd’hui le fellah algérien n’arrive pas à se nourrir – il devient inévitable que des Chinois venus de si loin construisent nos maisons (l’oiseau qui ne sait plus faire son nid est appelé à mourir), que des Egyptiens nous apprennent à téléphoner, que des petits Coréens nous apprenent à manier un tournevis, que des Russes nous apprennent à nous défendre, que des khemmessa marocains produisent nos pastèques, que, que, que… L’Algérie des traceurs de route, de poseurs de rail, des perceurs de tunnels, de couleurs de béton, d’acier et de fer, de penseurs, d’écrivians, de grands journalistes…. Cette Algérie-là, comme l’Atlantide, a disparu.
L’Algérie actuelle, l’Algérie officielle de 2006 revient au système esclavagiste de la concession pétrolière, offre des bases militaires et fait des manoeuvres avec ceux qui massacrent tous les jours nos frères irakiens. Ce péché-là est impardonnable.
Péché capital No 2 : Dans les pays normaux, c’est la richesse (matérielle, intellectuelle) qui conduit au pouvoir. En Algérie, c’est le pouvoir qui donne la richesse. Regardez tous ces va-nu-pieds que le pouvoir a rendus milliardaires (…)
Péché capital No 3 : Dans tous les pays normaux, on fait des élections et après on prend le pouvoir. En Algérie, on prend prend le pouvoir et après, bien après, on bricole des élections. (…)
Péché capital No 4 : Dans tous les pays normaux, quel que soit le régime, ce sont les grands hommes et les grandes dames qui sont versés dans les secteurs qu’ils sont appelés à diriger. La compétence est le premier critère pour le choix des hauts responsables. En Algérie, comme toujours, c’est l’exact contraire qui se pratique. On donne des secteurs aux hommes comme naguère on distribuait des duchés et des comtés à des marquis et des marquises.(…)
Péché capital No 5 : Dans tous les pays normaux du monde, c’est l’Etat qui garantit le caractère républicain de l’armée. En Algérie, c’est l’armée qui garantit le caractère républicain de l’Etat et de ses institutions, à sa façon, bien sûr.
Péché capital No 6 : Tous les élus des pays normaux du monde travaillent pour leur peuple. En Algérie, c’est le peuple qui travaille à l’enrichissement de ses “élus”. Regarez autour de vous, tous ces gueux et divers aventuriers que l’urne à enrichis. (…) Naturellement, il ne faudrait pas généraliser le phénomène. On rencontre parfois de braves et honnêtes élus.
Péché capital No 7 : Ce péché-là est plutôt mignon. (…) En Papouasie ou en Mongolie extérieure, le taxi vous conduit là où vous voulez. En Algérie, le taxi vous conduit là où il veut”. (Il) “ne fait donc pas pire que l’Etat qui le contrôle.”
“Libre Opinion” parue dans “Le Soir d’Algérie” du 22 juin 2006 :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/06/22/print-2-40116.php
9 novembre 2009
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