Jules Barbey d’Aurevilly(Saint-Sauveur-le-Vicomte, en Basse-Normandie, 2 novembre 1808 – Paris, 23 avril 1889) est un écrivain français ; surnommé le « Connétable des lettres », il a contribué à animer la vie littéraire française de la seconde moitié du XIXe siècle. Il a été à la fois romancier, nouvelliste, poète, critique littéraire, journaliste et polémiste.
Né au sein d’une ancienne famille normande, Jules Barbey d’Aurevilly baigne dès son plus jeune âge dans les idées catholiques, monarchistes et réactionnaires. Un moment républicain et démocrate, Barbey finit, sous l’influence de Joseph de Maistre, par adhérer à un monarchisme intransigeant, méprisant les évolutions et les valeurs d’un siècle bourgeois. Il revient au catholicisme vers 1846 et se fait le défenseur acharné de l’ultramontanisme et de l’absolutisme, tout en menant une vie élégante et désordonnée de dandy. Il théorise d’ailleurs, avant Baudelaire, cette attitude de vie dans son essai sur le dandysme et George Brummell. Ses choix idéologiques nourriront une œuvre littéraire, d’une grande originalité, fortement marquée par la foi catholique et le péché.
A côté de ses textes de polémiste, qui se caractérisent par une critique de la modernité, du positivismeromans et nouvelles, mélangeant des éléments du romantisme, du fantastique (ou du surnaturalisme), du réalisme historique et du symbolisme décadent. Son œuvre dépeint les ravages de la passion charnelle (Une vieille maîtresse, 1851), filiale (Un prêtre marié, 1865 ; Une histoire sans nom, 1882), politique (Le Chevalier des Touches, 1864) ou mystique (L’Ensorcelée, 1855). Son œuvre la plus célèbre aujourd’hui est son recueil de nouvelles Les Diaboliques, paru tardivement en (1874), dans lesquelles l’insolite et la transgression, plongeant le lecteur dans un univers ambigu, ont valu à leur auteur d’être accusé d’immoralisme. ou des hypocrisies du parti catholique, on retient surtout, même s’ils ont eu une diffusion assez limitée, ses
Son œuvre a été saluée par Baudelaire et plusieurs écrivains ont loué son talent extravagant, notamment à la fin de sa vie, mais Hugo, Flaubert ou Zola ne l’appréciaient pas. Ses « héritiers » ont pour nom Léon Bloy, Joris-Karl Huysmans, Octave Mirbeau ou Paul Bourget et sa vision du catholicisme exercera une profonde influence sur l’œuvre de Bernanos.
Biographie
Les racines normandes (1808-1816)
Jules-Amédée Barbey naît le 2 novembre 1808, le jour des Morts, à Saint-Sauveur-le-Vicomte, commune française située dans le département de la Manche et la région Basse-Normandie. Jules est l’aîné de trois enfants : Léon (né en 1809), Édouard (né en 1810), Ernest (né en 1811). Son père Théophile Barbey appartient à une famille dont la présence à Saint-Sauveur est attestée dès la fin du XIVe siècle. La famille Barbey accède à la noblesse en 1756, lorsque Vincent Barbey, avocat au bailliage de Valognes, acquiert une charge. Sa mère Ernestine Ango, issue d’une famille de bonne bourgeoisie installée à Caen au XVIe siècle est la fille du dernier bailli de Saint-Sauveur.L’enfance de Barbey se déroule entre Saint-Sauveur, Valognes et le bord de mer à Carteret, dans une atmosphère conservatrice et ultra : la Révolution a durement touché les deux familles. Les Barbey vivent dans l’attente du retour à la monarchie, au milieu des souvenirs et des vieilles coutumes normandes. Jules grandit entre une mère peu aimante et un père austère. Il est attentif aux récits de coin du feu de sa vieille bonne Jeanne Roussel et de Louise Lucas-Lablaierie, sa grand-mère : les exploits plus ou moins mythiques de son oncle le chevalier de Montressel, qui se serait illustré lors des guerres de la chouannerie, impressionnent l’enfant.
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Le critique littéraire et le romancier (1851-1874) [modifier]
Portrait de Nadar
En 1851 paraissent simultanément Une vieille maîtresse et Les Prophètes du passé – œuvres très contrastées qui étonnent la critique : on comprend mal que le même écrivain livre en même temps un pamphlet catholique et monarchiste et un roman de mœurs aux pages sensuelles et passionnées. La parution d’Une vieille maîtresse est l’occasion de soulever le problème du roman catholique, de la morale et de l’art. La même année Barbey rencontre chez Mme de Maistre Françoise Émilie Sommervogel, baronne de Bouglon, veuve du baron Rufin de Bouglon. Celle qu’il surnomme « l’Ange blanc » va dominer sa vie pour les dix années à venir. Elle trouve le talent de son fiancé trop féroce: il se modère pour Le Chevalier des Touches, roman historique sur un héros chouan, commencé l’année suivante. Il rentre au Pays, un journal bonapartiste, en 1852. Au départ il s’y occupe de critique littéraire en attendant de se voir confier une chronique politique. Il restera 10 ans à cet office. L’Ensorcelée, l’histoire du retour à son village d’un prêtre chouan défiguré par une tentative de suicide, est publiée cette même année en feuilleton puis en volume en 1854, mais passe inaperçue. Baudelaire toutefois considère ce roman comme un chef-d’œuvre[35]. Les deux hommes se rencontrent à cette époque. Il publie aussi des Poésies. En 1855, Barbey se tourne vers la pratique religieuse. Il publie avec Trébutien les Reliquiae de son amie Eugénie de Guérin (décédée en 1848) et commence Un prêtre marié, roman frénétique mettant en scène un prêtre impie et sa fille. En 1856, à l’occasion d’un voyage en Normandie et de sa réconciliation avec ses parents, il écrit le troisième Memorandum. Il publie une critique audacieuse contre Les Contemplations de Victor Hugo, gloire intouchable[36].
Par ses articles, il contribue à faire découvrir Stendhal et à réhabiliter Balzac. Il défend également Les Fleurs du mal de Baudelaire et consacre à Madame Bovary de Flaubert une critique favorable mais sévère. Il déclare son goût pour les romantiques et n’hésite pas à tailler en pièces le réalisme, le naturalisme et les parnassiens : Champfleury, Jules et Edmond de Goncourt, Banville, Leconte de Lisle, et plus tard Émile Zola figurent parmi ses cibles. En 1858, il fonde Le Réveil, un journal littéraire, catholique et gouvernemental. Les articles qu’il publie lui valent des inimitiés : Sainte-Beuve, Pontmartin, Veuillot. Il fait encore parler de lui avec Une vieille maîtresse : l’œuvre est rééditée et crée le scandale.
En 1860, il s’installe au 25 rue Rousselet à Paris, qui sera jusqu’à sa mort son « tournebride de sous-lieutenant », et publie le 1er volume des Œuvres et les hommes, vaste ensemble de recueils critiques où il entend juger la pensée, les actes et la littérature de son temps. En 1862, ses articles contre Les Misérables créent le scandale. Il quitte Le Pays à la suite d’un autre article contre Sainte-Beuve et part quelques mois travailler à ses romans chez Mme de Bouglon à la Bastide-d’Armagnac. En 1863, une chronique au Figaro qui ridiculise Buloz et la Revue des Deux Mondes lui vaut un procès[37]. Il persévère et s’en prend à l’Académie en publiant dans le Nain jaune les Quarante médaillons de l’Académie, pamphlet contre les membres de l’Institut. Le Chevalier des Touches paraît la même année, Un prêtre marié paraît l’année suivante. Le dernier Memorandum est composé en 1864, à l’occasion d’un voyage à Saint-Sauveur.
Signature autographe
En 1865, il quitte définitivement Le Pays et retourne au Nain jaune, devenu démocrate et anticlérical. Ses opinions sont diamétralement opposées à celles du journal, mais on le laisse libre de ses propos[38]. Il y publie les Ridicules du temps et des articles de critique dramatique. Cette collaboration dure quatre ans. En 1867, il rencontre Léon Bloy, qui devient rapidement son disciple[39]. En 1869, il entre au Constitutionnel où il s’occupera jusqu’à sa mort de critique littéraire. Les années suivantes, il alterne vie parisienne et séjours plus ou moins prolongés en Normandie. A la fin du siège en 1871, il retourne à Valognes où il achève Les Diaboliques. Il entretient la flamme polémiste en publiant des articles antirépublicains.
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Le retour à l’enfance et au catholicisme (1845-1851)
Après une tentative infructueuse pour collaborer à la Revue des Deux Mondes, puis au Journal des Débats, Barbey passe les années 1845/46 à sa Vieille maîtresse. Il en compose la moitié avant de connaître une panne d’inspiration passagère. Fin 1846 il voyage dans le centre de la France en quête de fonds pour un projet de Société catholique[29]. Il passe un mois dans le Forez, à Bourg-Argental, théâtre de la future Histoire sans nom, et réapparaît assagi à la fin de l’année : même s’il ne pratique pas encore, la lecture de Joseph de Maistre, sa rencontre avec Eugénie de Guérin, ses échanges avec son frère Léon Barbey d’Aurevilly, qui a embrassé la prêtrise, ont amorcé sa conversion[30]. La lecture des Docteurs du jour devant la famille de Raymond Brucker, paru en 1844, et dans lequel l’auteur raconte son propre retour au catholicisme, a pu aussi jouer un rôle important.[31] Le retour au catholicisme lui renouvelle l’inspiration : l’écrivain de 38 ans qui sent au même moment resurgir le passé lointain et les impressions de l’enfance[32] reprend son roman dans de nouvelles dispositions. Il place la seconde partie non plus à Paris mais en Normandie, dans le Carteret de sa jeunesse.
La Revue du Monde catholique, journal ultramontain dont il est rédacteur en chef, l’occupe constamment en 1847. Il achève son roman à la fin de l’année, mais ne peut le publier : la Révolution de 1848 perturbe les délais de parution. Dans la confusion qui suit les journées de février, il tente de s’adapter à la nouvelle situation et va jusqu’à présider un club d’ouvriers durant quelques semaines[33]. La revue cesse de paraître et Barbey, écœuré par le présent, se retire dans la solitude pour préparer des œuvres très différentes, mais toutes en rapport avec le passé. Il passe le reste de l’année et une partie de 1849 à lire et se documenter. Il révise Une vieille maîtresse, en même temps qu’il prépare un grand article sur Jacques II Stuart[34] et Les prophètes du passé – essai de philosophie politique sur Maistre, Bonald, Chateaubriand et Lamennais – ces hommes supérieurs « qui cherchent les lois sociales là où elles sont », c’est-à-dire « dans l’étude de l’histoire et la contemplation des vérités éternelles ». Il conçoit dans sa retraite le plan d’une série de romans au titre d’ensemble Ouest – il veut être le « Walter Scott de la Normandie ». Ricochets de conversation : Le dessous de cartes d’une partie de whist, la première des Diaboliques, est publiée en 1850.
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Le connétable des lettres (1874-1889)
Portrait-charge d’André Gill.
Les Diaboliques sont publiées en novembre 1874. Les exemplaires sont immédiatement saisis et l’auteur est poursuivi pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs, et complicité ». Barbey fait intervenir Arsène Houssaye et Gambetta pour éviter le procès. Il accepte de retirer l’ouvrage de la vente et le juge d’instruction conclut au non-lieu[40]. L’œuvre sera rééditée en 1883 avec une préface, ajoutée par précaution. Durant les années qui suivent, il se rapproche de la génération montante : Bloy, Vallès, Daudet, Bourget, Rollinat, Jean Lorrain, Richepin, Péladan, Huysmans, Coppée, Hello, Uzanne, Octave Mirbeau… ainsi que d’écrivains autrefois éreintés : Banville, Hérédia, Taine. Edmond de Goncourt l’inscrit sur une des premières listes de l’Académie des Dix. En 1878, il publie Les Bas-bleus, cinquième volume des Œuvres et les hommes, consacré « aux femmes qui écrivent, car les femmes qui écrivent ne sont plus des femmes. Ce sont des hommes – du moins de prétention – et manqués »[41].
En 1879, il rencontre Louise Read, sa dernière amie et celle qui va se dévouer à sa gloire. En 1880, il publie Goethe et Diderot, un pamphlet. Une histoire sans nom, autre roman catholique dans lequel un moine capucin qui prêche l’Enfer croise la route d’une jeune fille innocente et somnambule, paraît en 1882 – c’est un succès. Il collabore au Gil Blas et publie en 1883 deux histoires d’inceste et d’adultère : Retour de Valognes (Une page d’histoire) et Ce qui ne meurt pas (un roman écrit presque 50 ans plus tôt).
La tombe à Saint-Sauveur-le-Vicomte
Il donne également les troisième et quatrième Memorandum. En 1884, il publie des poésies, Les Rythmes oubliés et ses derniers articles de critique – il salue notamment A rebours le roman-manifeste fin de siècle de Huysmans[42]. Malade du foie, il continue de fréquenter les salons de la baronne de Poilly, des Daudet et des Hayem, où ses causeries émerveillent. Il soutient les débuts à la scène de la jeune Marthe Brandès. En 1888, il publie Léa, l’une de ses premières nouvelles, puis Amaïdée en 1889, avant de tomber malade. Il s’éteint le 23 avril 1889. Les circonstances de sa mort vaudront de violentes attaques autour de son testament (Louise Read est instituée légataire universelle), en mai 1891, du journal La France sous la plume du Sâr Josephin Péladan, et un procès de ce dernier à l’encontre de Léon Bloy et de Léon Deschamps rédacteur en chef de la revue La Plume. La quasi-totalité de la presse d’alors salue la condamnation du Sâr en octobre 1891[43]. L’écrivain normand est inhumé au cimetière Montparnasse avant d’être transféré en 1926 au château de Saint-Sauveur-le-Vicomte. C’est Louise Read qui poursuivra la publication des Œuvres et les hommes.
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7 novembre 2009 à 22 10 03 110311
Les modèles romantiques
Dans ses premières œuvres, Barbey imite souvent les romantiques. Son premier poème Aux héros des Thermopyles est dans la manière de Casimir Delavigne, alors le chantre des vaincus, auquel il est dédié. Les modèles lui servent souvent de repoussoir, il crée par opposition[44] : Le cachet d’onyx est inspiré de la jalousie d’Othello, de Julie et des théories de Madame de Staël (Corinne). Germaine ou La pitié (Ce qui ne meurt pas) est influencé par Lélia de George Sand[45], La bague d’Annibal par Musset (Mardoche)[46]. Une vieille maîtresse est « l’antithèse complète » de Adolphe de Benjamin Constant[47] et de Leone Leoni (George Sand), à laquelle il emprunte son sujet – l’amour d’une femme pour un amant dont elle découvre peu à peu la dépravation. La lecture de Stendhal en 1839, pendant qu’il compose L’amour impossible, le marque profondément : il admire la sécheresse et la netteté de l’analyse[48]. Les patriotes écossais des Chroniques de la Canongate de Walter Scott lui inspirent vers 1850 l’idée d’une série de romans normands sur la chouannerie, dont le titre collectif devait être Ouest[49].
Lord Byron
Lord Byron.
Barbey, dès son plus jeune âge, est un passionné de Lord Byron : « Byron et Alfieri, n’ont que trop empoisonné les dix premières années de ma jeunesse. Ils ont été à la fois ma morphine et mon émétique »[50]. Byron domine son imagination, aucun écrivain n’aura sur lui une influence aussi profonde[51] : « C’est dans Byron que j’ai appris à lire littérairement. »[52]. Il possède les œuvres complètes et en anglais du poète de Childe Harold, et les connaît « à la virgule près »[53].
Les héros de Byron, « sombres figures de la Force blessée au cœur », qui ont « ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices », l’ensorcellent et influencent les personnages de ses romans[54] : Jehoël de La Croix-Jugan dans l’Ensorcelée, Monsieur Jacques du Chevalier des Touches, Sombreval dans Un prêtre marié.
Le couple de Satan et de l’Ange, thème satanique très présent chez Byron, mais également chez Vigny (Éloa), est récurrent chez Barbey : Jehoël de La Croix-Jugan et Jeanne Le Hardouey (L’Ensorcelée), Hermangarde et Vellini (Une vieille maîtresse), Sombreval et sa fille Calixte (Un prêtre marié). Les personnages de prêtre coupable et impénitent symbolisent la chute de l’ange et Satan. Comme lui, ils pèchent contre l’esprit et choisissent la damnation : La Croix-Jugan, Sombreval, mais aussi le père Riculf (Une histoire sans nom) supportent comme le Manfred de Byron une malédiction et le poids d’une lourde faute.
Joseph de Maistre
Joseph de Maistre
Joseph de Maistre est un des plus fermes partisans de la contre-révolution et un ennemi des Lumières. Il soutient l’ultramontanisme, la théocratie, l’intolérance religieuse et l’absolutisme. Barbey découvre Les soirées de Saint-Pétersbourg vers la fin 1838[55]. Il se délecte de la lecture de cet « ouvrage qui coupe la respiration à force d’idées et d’images », à la « métaphysique toute puissante »[56]. Il lui consacre ensuite une série d’études importantes : Maistre figure au premier rang, avec Bonald, des Prophètes du passé (1851). Il lui rend hommage lors de la parution en 1853 des Mémoires de Mallet du Pan[57], puis en 1858 et 1860 lors de la publication de la Correspondance diplomatique[58], enfin en 1870 lors de la parution de ses Œuvres inédites[59]. Les connivences de Maistre et de Barbey sont à la fois éthique, métaphysique et esthétique[60].
Sur le plan moral, Maistre fait preuve d’une extrême rigueur dogmatique qui le conduit à légitimer l’Inquisition et à défendre le rôle social du bourreau. Ce goût de la posture provocante et polémique se retrouve chez Barbey. Maistre combat également l’idée, selon lui néfaste à toute critique, de distinguer la personne des opinions qu’elle formule dans ses écrits[61]. Barbey sera fidèle à ce principe dans ses critiques littéraires[62].
La métaphysique de Maistre accorde une large place au mal, dont l’origine est la Chute de l’homme. Le dogme de la réversibilité, souffrance volontaire des hommes offerte à Dieu pour appeler la miséricorde et la rédemption de leurs frères, est considéré par Maistre comme l’une des vérités les plus importantes de l’ordre spirituel. Maistre affirme la possibilité pour tout innocent d’acquitter par sa souffrance le crime des coupables : toute vie étant coupable par nature, tout être vivant étant souillé par la Chute, il lui est possible de répondre à la place d’un autre, et même d’un crime qu’il n’a pas commis[63]. Cette idée de réversibilité se retrouve dans Un prêtre marié. La nouvelle Le bonheur dans le crime illustre une autre idée maistrienne[64].
Les deux écrivains partagent certaines valeurs esthétiques, opposées à la modernité littéraire : Barbey d’Aurevilly comme Joseph de Maistre affirment la supériorité des classiques et de la tradition littéraire française du XVIIe siècle sur les écrivains de leur temps. Tous deux ils citent la Bible et les Pères de l’Eglise[65]. Barbey critique subordonne comme de Maistre la création au vrai et au bien, idéal de Beauté classique. Enfin le style net et énergique, parsemé d’ironie de l’écrivain savoyard, plaît à Barbey dont le style partage les mêmes caractéristiques.
Les contemporains avaient remarqué l’influence de Maistre sur Barbey. Pontmartin ironisera sur le paradoxe de cette parenté littéraire entre les deux hommes qui conduit Barbey à « penser comme M. de Maistre et à écrire comme le marquis de Sade ».
Honoré de Balzac [modifier]
Balzac
C’est vers 1849 que Barbey d’Aurevilly découvre La Comédie humaine. Immédiatement, il déclare admirer leur auteur « comme les Alpes »[66]. Il se charge de l’édition de ses Pensées et maximes, recueil d’aphorismes sélectionnés dans son œuvre et publié en 1854. Il prend sa défense en 1857 dans Le Pays, en réponse à une attaque de La Revue des deux mondes. Le 1er février sa veuve lui envoie une lettre de remerciement et le médaillon de son mari par David d’Angers.
Des œuvres comme La vieille fille ou Le réquisitionnaire vont l’aider à trouver sa voie[67]. La lecture de Balzac lui enseigne tout ce que sa propre expérience renferme de thèmes romanesques, notamment la peinture de la vie provinciale, l’atmosphère des petites villes et leurs drames secrets[68]. Barbey a hérité de Balzac son esthétique de la nouvelle – ce qu’il nomme « le dessous de cartes » ou « le fantastique de la réalité »[69] : vectorisation implacable vers un évènement (la nouvelle est comme « un roman en raccourci »), jeu du dehors et du dedans, plongée dans les mystères et faux-semblants de la conscience, révélation de la face cachée des faits et des individus – autant de procédés que l’on retrouve dans Les Diaboliques. L’oralité est très présente dans les œuvres des deux auteurs. Elle permet des effets de réverbération, de carambolage, et démultiplient les perspectives[70]. Les Diaboliques s’appelaient primitivement Ricochets de conversation, en référence à Une conversation entre onze heures et minuit.
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7 novembre 2009 à 22 10 07 110711
Le roman aurevillien
Un écrivain régionaliste normand [modifier]
Granville, lieu de naissance de Jacques Destouches
Dès Une vieille maîtresse, les récits de Barbey se déroulent systématiquement dans sa Normandie natale.[71] Cela fait-il de Barbey d’Aurevilly un écrivain normand, et de ses romans des « romans de terroir » ?
La Normandie, ses paysages, ses coutumes, son histoire tiennent une grande place dans ses romans. Les poissonniers dans Une vieille maîtresse y parlent « comme des poissonniers véritables »[72], c’est-à-dire en patois normand. Dans L’Ensorcelée, son roman suivant, et malgré les objections de ses amis Trébutien et Baudelaire, l’emploi du patois est plus accentué encore : on n’y parle pas « normand du bout des lèvres ». Cette langue devient un élément essentiel de son esthétique : les langues sont « le clavier des Artistes », « le moule-à-balles du Génie dans lequel il coule l’or ». La poésie pour lui « n’existe qu’au fond de la réalité et la réalité parle patois ».
Barbey demeure fidèle à son pays. L’évocation des paysages de cette région donnent de la profondeur à ses romans. La lande de Lessay dans L’Ensorcelée, l’étang du Quesnoy dans Un prêtre marié, Valognes sont au centre du récit, et ces romans ne pourraient pas se situer ailleurs[73]. Ces paysages ne sont pas des cadres choisis et adaptés en fonction d’une histoire, ils proviennent des souvenirs de l’écrivain, et ne sont pas toujours fidèles à la réalité.
La Normandie et la vie provinciale, fortement associées à ses impressions de l’enfance, est un atout majeur de son talent : « Le premier Milieu dans lequel ont trempé les poètes, voilà l’éducation ineffaçable, la véritable origine de leur genre de talent, ce qui damasquine et fourbit leur acier, ce qui en décide le fil et les reflets. »[74]. Dès qu’il y revient, qu’il fait cette découverte aux alentours de 1850, il devient grand romancier et écrit successivement la fin d’ Une vieille maîtresse, Le dessous de cartes d’une partie de whist et L’Ensorcelée.
Un romancier catholique
Barbey d’Aurevilly développe lui-même sa théorie du roman catholique en 1866 dans la préface d’Une vieille maîtresse alors rééditée, œuvre pour laquelle son catholicisme est mis en cause. Barbey se défend en rappelant que « le catholicisme n’a rien de prude, de bégueule, de pédant, d’inquiet », que le catholicisme est « la science du Bien et du Mal », et que son but a été de montrer « non seulement les ivresses de la passion, mais ses esclavages ».
Barbey estime avoir peint la passion « telle qu’elle est et telle qu’il l’a vue », mais qu’en la peignant, il l’a « à toute page de son livre condamnée ». Il n’a fait que l’exprimer. Un catholique peut-il toucher au roman et à la passion ? Barbey estime que l’art est permis par le catholicisme, il est même encouragé et protégé par lui. Le catholicisme absout le procédé de l’art qui consiste à « ne rien diminuer du péché ou du crime qu’on avait pour but d’exprimer. » Quand on lui reproche l’immoralité de son livre, Barbey oppose que la moralité de l’artiste est « dans la force et la vérité de sa peinture » : en étant vrai, l’artiste est suffisamment moral.
Sa théorie du roman catholique se retrouve dans ses romans où le personnage du prêtre est omniprésent : l’abbé Jéhoël de La Croix-Jugan (L’Ensorcelée), Jean Sombreval (Un prêtre marié), le père Riculf (Une histoire sans nom). Les Diaboliques, où s’épanouissent à chaque page le Mal, les passions et le sadisme, sont l’illustration parfaite de ces idées.
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7 novembre 2009 à 22 10 08 110811
L’œuvre critique
Avec les vingt volumes des Œuvres et les hommes, Barbey d’Aurevilly a voulu dresser l’inventaire intellectuel du XIXe siècle. Sa critique littéraire est une grande chasse à la sottise[75]. Injustes souvent, mais toujours logiques et en concordance avec ses principes, ses jugements sont légitimés par le talent et par le courage[76].
Ses victimes portent des noms illustres : Victor Hugo, George Sand, Madame de Staël, Jules Michelet, Mérimée, Ernest Renan, Théophile Gautier, Flaubert, les Goncourt, Émile Zola. Les Parnassiens, les bas-bleus, l’école naturaliste ont fait les frais de sa plume. Il est également l’auteur de plusieurs pamphlets contre Buloz, l’Académie française, et Sainte-Beuve – à travers Goethe et Diderot[77]. Les rééditions d’auteurs classiques lui donnent l’occasion de stigmatiser la philosophie des Lumières, responsable du positivisme, du matérialisme et de l’idéologie dominante du progrès, qui heurtent son catholicisme et son idéal.
Mais il voit juste lorsqu’il défend Les Fleurs du mal (Baudelaire), Madame Bovary (Flaubert), les œuvres de Balzac et celles de Stendhal, Emaux et camées (Gautier), A rebours (Huysmans).
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7 novembre 2009 à 22 10 10 111011
Réception de ses contemporains
Barbey d’Aurevilly a fait l’objet de critiques contrastées. Presque tous s’accordent à trouver dans son art originalité et noblesse. Sainte-Beuve le juge « homme d’un talent brillant et fier, d’une intelligence haute et qui va au grand », « une plume de laquelle on peut dire sans flatterie qu’elle ressemble souvent à une épée »[82]. Lamartine, lorsqu’il le rencontre, après l’avoir lu, déclare qu’il est le « Duc de Guise des belles-lettres françaises »[83]. Pour Baudelaire, c’est un « vrai catholique, évoquant la passion pour la vaincre, chantant, pleurant et criant au milieu de l’orage, planté comme Ajax sur un rocher de désolation »[84]. Paul de Saint-Victor : « le polémiste intraitable est en même temps un écrivain de l’originalité la plus fière »[85]. Jules Vallès lui trouve « un talent bizarre, tourmenté et fier »[86]. Maupassant trouve dans ses œuvres quelques merveilles[87]. Edmond de Goncourt émet des réserves, mais l’inscrit dans ses premières listes de l’Académie en projet.
Ceux qu’il a éreintés par ses articles lui rendent en général la politesse. Victor Hugo le pastiche en le surnommant « Barbey d’or vieilli ». La légende veut qu’il ait composé un vers inédit en « l’honneur » du critique : « Barbey d’Aurevilly, formidable imbécile ! »[88]. Flaubert dans sa correspondance en parle franchement comme de son ennemi. Il juge Les Diaboliques « à se tordre de rire » et trouve qu’« on ne va pas plus loin dans le grotesque involontaire »[89]. Zola le rejoint et trouve qu’il a « deux ou trois siècles de retard ». Il condamne son attitude au moment des poursuites contre Les Diaboliques, lorsque Barbey accepte de retirer son œuvre de la vente[90].
Sa personnalité inspire au moins par deux fois les romanciers : le personnage de Franchemont, apparaissant dans Charles Demailly des frères Goncourt, un roman sur les hommes de lettres[91], en est inspiré. Le Connétable des lettres sert également de modèle à Monsieur de Bougrelon, roman de Jean Lorrain[92].
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7 novembre 2009 à 22 10 15 111511
Biographie de Jules Barbey d’Aurevilly
Issu de la petite noblesse normande, austère et profondément catholique, Jules Barbey d’Aurevilly passe son enfance dans la Manche. Il fréquente l’un de ses oncles médecin, profondément libéral, qui exerce sur lui une grande influence. Un moment républicain et athée, il finit, sous l’influence de Joseph de Maistre, par adhérer à un monarchisme intransigeant qui correspond mieux à son mépris pour le siècle bourgeois. Sans pour autant renoncer à une vie de dandy, dont il se fait par ailleurs le théoricien avec ‘Du dandysme’ et ‘George Brummel’ en 1845, il se convertit au catholicisme en 1846 et devient défenseur féroce de l’absolutisme. Critique littéraire redouté et courageux, il dénonce aussi bien les prétentions anticléricales du positivisme que les mesquineries du parti catholique. Jules Barbey d’Aurevilly est surtout connu pour ses romans, ainsi que pour ses nouvelles ‘Les Diaboliques’ en 1874, qui mêlent un réalisme historique, enraciné dans son Cotentin d’origine, à un surnaturalisme exalté. Son oeuvre est consacrée aux puissances dévastatrices de la passion, qu’elle soit charnelle – ‘Une vieille maîtresse’, 1851 – filiale – ‘Un prêtre marié’, 1865 – politique – ‘Le Chevalier Des Touches’, 1864 – ou mystique – ‘L’ Ensorcelée’, 1855. Celle-ci libère chez ses personnages des forces insoupçonnées qui les condamnent le plus souvent au crime
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7 novembre 2009 à 22 10 19 111911
Les citations de Jules Barbey d’Aurevilly
«A mesure que les peuples montent en civilisation, les gouvernements descendent en police.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Extrait des Pensées détachées
«L’ironie est un génie qui dispense de tous les autres et même de ce dont tous les autres ne sont pas dispensés, c’est-à-dire de coeur et de bon sens.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Extrait du Premier mémorandum
«C’est avoir fait un bien grand pas dans la sagesse que de ne pas avoir besoin de société le soir.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Extrait des Pensées détachées
«Les petits soins sont les grands pour les femmes.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Une vieille maîtresse
«La renommée, cette sourde sonneuse de fanfares, qui ne s’entend pas elle-même quand elle sonne, car souvent elle s’interromprait.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – De l’Histoire
«S’il y a dans le sublime de l’homme les trois quarts de folie, il y a dans la sagesse les trois quarts de mépris.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ]
«On parle plusieurs langues mais on ne cause que dans la sienne.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Du dandysme
«Les grands hommes sont comme les plus belles fleurs. Ils croissent sous le fumier et à travers le fumier que jettent sur eux les envieux et les imbéciles.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Disjecta Membra
«Les amoureux sont comme les somnambules ; ils ne voient pas seulement avec les yeux, mais avec le corps tout entier.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ]
«A la mesure que les peuples montent en civilisation, les gouvernements descendent en police.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Pensées détachées
«Après les blessures, ce que les femmes font le mieux, c’est la charpie.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Extrait des Pensées détachées
«On voit dans le coeur des femmes par des trous qu’on fait à leur amour-propre.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Disjecta Membra
«Qu’est-ce en général qu’un voyageur ? C’est un homme qui s’en va chercher un bout de conversation au bout du monde.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Disjecta Membra
«Il y a plus loin d’une femme à son premier amant, que de son premier au dixième.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Les diaboliques
«La démocratie, qui semble être la règle du monde moderne, et qui n’en est que la punition.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Sensations d’histoire
«En donnant le nom à un enfant, il faut penser à la femme qui aura un jour à le prononcer.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Les diaboliques
«Où les histoires s’arrêtent, ne sachant plus rien, les poètes apparaissent et devinent.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ]
«Il y aura toujours de la solitude pour ceux qui en sont dignes.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ]
«Les journaux sont les chemins de fer du mensonge.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ]
«Il n’y a que la mort qui soit vivante dans ce singulier monde qu’on appelle la vie !»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Memorandum
«L’admiration prend quelquefois un télescope pour regarder les choses de la terre, mais elle n’en fait pas des astres pour cela.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ]
«Cette mélancolie qu’ont les femmes qui ont cherché le bonheur et qui n’ont trouvé que l’amour.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ]
«Dans les choses où le coeur n’est plus, la main n’est jamais puissante.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Extrait des Pensées détachées
«L’avantage de la gloire : avoir un nom trimbalé par la bouche des sots !»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ]
«C’est surtout ce que l’on ne comprend pas qu’on explique.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – L’ensorcelée
«C’est la seule école de style, mon fils. Ce qu’ils font avec leur corps nous devons le faire avec notre esprit.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ]
«Le plus triste, hélas, de toutes les vieillesses, c’est la vieillesse de l’amour.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Extrait des Pensées détachées
«La beauté est une. Seule la laideur est multiple.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Les diaboliques
«A Paris, lorsque Dieu y plante une jolie femme, le diable, en réplique, y plante immédiatement un sot pour l’entretenir.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Les diaboliques
«Quand les hommes supérieurs se trompent, ils sont supérieurs en cela comme en tout le reste. Ils voient plus faux que les petits ou les médiocres esprits.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ]
«La plus belle destinée : avoir du génie et être obscur.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Extrait des Pensées détachées
«Quand on a des opinions courantes, on les laisse courir.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Extrait des Pensées détachées
«C’est si rare maintenant quand une femme a du tempérament, que quand une femme en a, on dit que c’est de l’hystérie.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Extrait des Pensées détachées
«Les crimes de l’extrême civilisation sont, certainement plus atroces que ceux de l’extrême barbarie par le fait de leur raffinement.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Les diaboliques
«Les femmes s’attachent comme des draperies, avec des clous et un marteau.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Disjecta membra
«La veille d’un être humain a toujours quelque chose d’imposant.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ]
«Les gouvernements ne sont pas faits d’une autre pâte que les hommes auxquels ils commandent.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Poésies et poètes
«Ce qui devrait avoir le plus de tact en nous, c’est l’amour-propre, et c’est ce qui en a le moins.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Extrait des Pensées détachées
«Il n’y a que la gloire qui dispense de la politesse.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Disjecta Membra
«L’égalité, cette chimère des vilains, n’existe qu’entre nobles.»
[ Jules Barbey d’Aurevilly ] – Les diaboliques
Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup