Histoire
Les chants patriotiques ont été à l’honneur, cette semaine, sur le petit écran national pour la célébration du 55e anniversaire du déclenchement de la Révolution. Chaque année, c’est le même rituel. La même atmosphère patriotique. Les mêmes commentaires. La même emphase. Presque le même décor…
Les années passent, mais on garde la même tonalité pour faire passer un message qui ne semble plus correspondre à son temps. Chanter la Révolution, c’est bien et c’est vital pour les générations montantes, mais encore faut-il faire un effort d’imagination pour adapter la solennité du discours au goût du jour. C’est, hélas, loin d’être le cas, en pensant peut-être que c’est trop demander aux organisateurs des cérémonies officielles et autres réjouissances pour qui, sûrement, plus on est dans l’archaïsme et plus on est dans le vrai… Au demeurant, on la sentait pourtant très frétillante, notre télé ! Elle paraissait être bien dans sa peau quand on la place au centre d’intérêt d’un événement historique de cette dimension que tous les Algériennes et Algériens portent dans leur cœur. Et aussi parfaitement dans son rôle d’agitatrice de symboles pour glorifier autant que faire se peut la cohésion nationale.
Tout le personnel d’animation, journalistes y compris bien sûr, était sur la même longueur d’onde. Côté mise en scène, rien à dire. Tout est réglé comme du papier à musique. Mais si la forme est soignée avec des expédients qui n’ont en réalité rien de nouveau, c’est le fond qui manque le moins. Sincèrement, sur l’histoire de notre glorieuse Révolution, on n’en sait pas plus que ce qui a été déjà dit et répété. Les sacrifices de tout un peuple, la vaillance de nos moudjahidine devant l’ennemi, l’organisation du FLN, le génocide commis par les forces coloniales etc., les Algériens ont tous des parcelles d’histoire dans leur tête, mais combien sont-ils ceux qui connaissent les soubresauts et contradictions qui ont marqué de l’intérieur le cours de la Révolution. Le mouvement de libération nationale, comme tout mouvement insurrectionnel dans le monde, n’a pas échappé aux luttes intestines, aux purges, aux conflits de clans. Il a surmonté les pires épreuves de son existence avant d’aboutir à la victoire finale, mais de ses convulsions peu de révélations ont été faites à ce jour.
On espérait que l’Unique, cette année, sans trop forcer les limites du tolérable en matière de communication politique (faut pas rêver), allait avoir une pointe d’audace en instaurant un vrai débat sur l’histoire de la Révolution avec des interlocuteurs qui n’ont pas pour habitude de pratiquer la langue de bois. Des intellectuels et des personnalités historiques sont disponibles pour ce type de concertation. Des hommes comme Mohamed Harbi, Benjamin Stora, ou Daho Djerbal, pour ne citer que quelques-uns d’entre eux, pourraient apporter beaucoup de clarifications sur un plateau de télévision, qui serviront sans aucun doute à la réécriture de l’histoire de notre Révolution, puisque c’est de cela qu’il s’agit. Sans porter atteinte à qui que ce soit, il va sans dire, car pour les tenants du Pouvoir c’est surtout la crainte de réveiller de « vieilles querelles » qui est à l’origine du musellement de l’histoire tout court telle qu’on doit la connaître.
Cela dit, la garden-party organisée au Palais du peuple est une autre tranche d’histoire. Elle a réuni du beau monde. Enfin, tout l’establishment politique et administratif était présent autour d’un Bouteflika qui avait visiblement du plaisir de se retrouver au milieu de ces hommes et femmes qui appartiennent, dans une large mesure, à la sphère dirigeante du pays. Le Président était donc tout sourire et on le sentait à l’aise dans cette cérémonie qui se voulait une réjouissance conviviale pour célébrer l’anniversaire de la Révolution. La caméra de l’Unique nous a plongés subrepticement dans l’ambiance très feutrée de ces rencontres, mais les images montrées au public sont loin d’être spontanées et « innocentes ».
Elles sont plutôt sélectionnées pour souligner toute la popularité dont jouit le Président. On a vu deux ex-présidents, Ben Bella et Ali Kafi, à ses côtés, mais pas Chadli cette fois alors que Zeroual a toujours refusé l’invitation. Bouteflika a distribué les bises à tous ses convives, mais n’a pas pu éviter l’accolade que lui a fait l’ex-président de l’APN, Mohamed Saïdani, qui cherchait par ce geste sûrement une caution présidentielle pour faire oublier ses démêlés avec la justice. Comment quelqu’un qui traîne une casserole aussi sonnante pouvait-il trouver sa place dans le listing de la Présidence ? Bouguerra Soltani a été lui aussi « ciblé » par la caméra. Son affaire avec la justice helvétique a fait le tour des chancelleries, ce qui l’a mis dans une certaine gêne devant le Président. Gêne aussi apparente de Mohamed Lamari et de Youcef Khatib qui semblaient avoir du mal à affronter l’épreuve protocolaire. C’est avec l’ambassadeur de Grande-Bretagne que le Président conversa le plus longtemps. Allez savoir pourquoi…
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4 novembre 2009
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