Culture
Quand l’Histoire se restreint à une date
La chronique de Abdelhakim Meziani
Par : Abdelhakim Meziani
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Partisan acharné et incorrigible admirateur de ceux qui ont eu le privilège de déclencher la Révolution nationale du 1er Novembre 1954 sous la direction du FLN, je n’en reste pas moins ouvert et réceptif aux thèses des personnalités historiques qui ont eu, tout au long de leur cheminement politique, l’honneur de jeter les bases d’une réflexion fondatrice sur le mouvement national. Figure de proue du nationalisme réformiste algérien, Ferhat Abbas en était, sans jeu de mots, l’expression la plus manifeste. Sa bonne perception des choses et des causes en avait fait surtout l’un des observateurs les plus avertis, l’analyste parmi les rigoureux, même si, quelque part, force est de reconnaître qu’il fut l’auteur malheureux de quelques approximations castratrices et lourdes de sens, de l’avis même de ses adversaires politiques. Pour autant, cela n’enlève rien à son mérite puisque l’homme du Manifeste aura l’insigne honneur d’être l’un des rares sinon le seul des chefs nationalistes à avoir versé à la littérature historique des écrits à la portée certaine. De Messali Hadj, père s’il en est du nationalisme révolutionnaire algérien, à Mohammed Boudiaf, de Ferhat Abbas à Ahmed Ben Bella, et de Benyoucef Benkhedda à Mohammed Harbi sans oublier, loin s’en faut, ces nombreux historiens du cru qui ont commis des écrits susceptibles de permettre aux générations d’après-guerre de reprendre le témoin sur des bases objectives, la bravoure de tous ceux qui ont pris les armes pour la réappropriation de l’identité historique et culturelle de tout un peuple aura donné naissance à de somptueuses pages où il est expressément mis l’accent sur un sentiment élevé de patriotisme et de sacrifice. Un sacrifice objectivement et majestueusement restitué en complète rupture avec une production historique, idéologique et sociologique relative au mouvement national qui est, à bien des égards, une anthologie de la falsification et de la dissimulation. Le remodelage du passé qui en découle a été rendu possible, par ailleurs, par la pusillanimité d’un certain nombre de militants et de dirigeants nationalistes dont les réactions ont bien montré l’importance des discontinuités et des silences qu’ils ont opposés à la question lancinante de l’écriture de l’Histoire. Le dénominateur commun de leurs réactions, rapporte l’universitaire Kamel Bouguessa, a été la démission tandis que l’un des leaders les plus en vue durant cette période, le docteur Lamine Debaghine, principal dirigeant de la tentative insurrectionnelle de mai 1945, a donné pour seule réponse, sur un ton gêné et balbutiant derrière une porte entrouverte : “J’ai définitivement tourné la page sur le passé !” Sont-ce ces raisons qui ont poussé en novembre 1974 Mohamed Boudiaf, alors président du Parti de la révolution socialiste (PRS), à sortir de sa réserve pour vouer aux gémonies ceux-là mêmes qui ont écrit et continuent de le faire en déformant par intérêt ou par ignorance les faits, en attribuant à des gens des rôles qu’ils n’ont pas joués, idéalisant certaines situations, et passant d’autres sous silence, refaisant l’histoire après coup ? La réponse à un tel questionnement est aisée, surtout lorsque l’un des principaux artisans de la Révolution nationale faisait remarquer, non sans pertinence, que le résultat le plus clair de ces manipulations est d’entraîner une méconnaissance d’un passé pourtant récent chez les millions de jeunes Algériens qui n’ont pas vécu cette période et qui sont pourtant avides d’en connaître les moindres détails. Combien sont-ils ces survivants de la guerre révolutionnaire populaire à avoir rendu ne serait-ce qu’une seule visite aux familles de ceux qui ont irrigué de leur précieux sang ce merveilleux pays pour lui permettre d’accéder à l’indépendance ? Est-ce pour cette raison, et bien d’autres, que les poubelles de nos quartiers portent les noms de nos valeureux chouhada ? A. M. |
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31 octobre 2009
Colonisation