par Boudaoud Mohamed
Beaucoup de nos compatriotes, mon frère, sont tellement bouffis de bêtise qu’on se demande comment ils font pour se déplacer et vaquer à leurs occupations quotidiennes.
On n’arrive plus à faire un pas dans ce pays sans buter sur un gros tas de sottise avec deux pattes. Ça foisonne, des citoyens abrutis, ça se multiplie comme des larves. La Nation est en danger !
Pourtant, tu conviens que ce ne sont pas les écoles qui manquent. Malheureusement, le drame est là. Excepté une poignée de gens intelligents, esprits clairs et pénétrants, notre patrie pullule plutôt de types stupides, esprits brumeux et bornés. C’est à se demander s’il ne vaut pas mieux raser toutes ces bâtisses qui coûtent à l’État un budget fantastique sans arriver à désencroûter ce peuple.
Tu grilles d’impatience, tu veux savoir à quoi je veux en venir. Soit. J’ai ressenti le besoin de t’entretenir du désordre qui a frappé la capitale ces derniers temps. Il me fallait quelqu’un d’intelligent avec qui débattre de ce chahut, et j’ai aussitôt pensé à toi. Tu me connais. Je n’allais quand même pas ouvrir un dossier pareil avec le premier venu. Tu me comprends. Entrons maintenant dans le vif du sujet, mon frère.
Sache, mon frère, que dans tous les cafés du pays, comme celui dans lequel nous sommes attablés en ce moment, des nuées d’individus s’acharnent sans répit sur nos responsables avec une méchanceté incroyable. Surexcités par ce café infect et des cigarettes nauséabondes, critiques et commentaires acides fusent de leurs bouches déformées par la haine. En ce moment, ils parlent du chahut qui a eu lieu récemment à Alger. Des individus louches se sont mis brusquement à jeter des pierres, à hurler, et à brûler des pneus. Excités par ce tapage gamin, des citoyens naïfs et bêtes ont rejoint la horde. On en a l’habitude. Ce n’est pas la première fois que les Algériens descendent dans la rue en se comportant comme des fous. Peinturlurés, cagoulés et braillant. Tout est bon maintenant pour faire l’intéressant et semer la pagaille. Des mains manipulatrices se cachent sûrement derrière ces boucans périodiques. Et des désirs inavouables.
Évidemment, la police antiémeute a été dépêchée sur les lieux pour éviter que ce vacarme infantile ne dégénère en dégâts moraux et matériels. Une certaine presse s’indigne. Elle amplifie. Elle se plaint de la brutalité policière. Que pouvait faire le gouvernement face à ces possédés ? Envoyer des Brésiliennes leur faire du strip-tease sur des tréteaux ? Pardonne-moi, mon frère, cette image, mais comment échapper aujourd’hui aux malices du Diable ?… Il se niche partout… Même nos langues ont été colonisées par ses ruses… D’ailleurs, c’est ça ce qu’ils désirent… Les hurlements qu’ils poussent, torse nu, prouvent que c’est la débauche qu’ils recherchent… Les façades et les terrasses dévoilent leurs entrailles… Des millions de paraboles fichées dans le béton et dressées vers les cieux, déversant à l’intérieur des foyers des images qui seraient capables de choquer un cochon… J’en ai fait l’expérience un jour… Par inattention… Satan s’était dissimulé dans ma télécommande… Il m’a fallu me laver pendant des heures pour pouvoir continuer à vivre… Mais revenons à notre sujet.
Les forces de sécurité furent arrosées de toutes sortes de projectiles : des pierres, des bouteilles de limonade en verre, des cocktails Molotov. Beaucoup de blessés furent dénombrés parmi ces agents de l’ordre. Et ça, c’est le résultat de la tolérance, mon frère, de l’absence de châtiments. Nos gouvernants sont trop mous. Mais ils n’ont pas le choix. Des organisations occidentales les surveillent étroitement. Pourtant, ils n’arrêtent pas d’expliquer aux Présidents et aux Rois étrangers que les Arabes ne sont pas encore prêts pour vivre en démocratie. C’est le cas d’ailleurs de tous les dirigeants arabes. À chaque visite officielle, il faut que ces derniers rabâchent cette évidence à des dirigeants et des personnalités occidentaux têtus comme une mule. « Dans un pays arabe, leur disent-ils, la démocratie, c’est l’émeute à longueur d’année. Nos peuples ne sont pas mûrs pour le dialogue et la concertation. Nous sommes condamnés à les surveiller comme une mère ses enfants. » Heureusement, ces paroles tombent de temps à autre dans des oreilles attentives, qui comprennent, qui compatissent. Tu veux une preuve ? Écoute alors ces gens attablés là près de nous : Profitant sans pudeur de la démocratie et de la liberté d’expression, ils déchirent à pleines dents ces pauvres ministres qui triment pour que nous puissions vivre dans la paix et le bonheur. Non, mon frère, c’est le fouet et la matraque qu’il faut dans ce pays. Il faut que cesse cette manie d’envahir les rues et de tout casser. Il faut aussi revoir cette liberté de la presse qui permet à certains quotidiens de transformer le moindre pet en tonnerre. Lâcher la bride à un Arabe, c’est comme lâcher un taureau en rut dans un magasin de bibelots qui sentent la vache. Encore une fois, pardonne-moi. Cette fois-ci, ce n’est pas Satan, c’est la colère. Mon amour pour la Nation me jette parfois dans les bras d’une excitation qui me trouble et affaiblit ma raison. La fièvre s’empare alors de moi et des paroles désobligeantes m’échappent… Mais revenons à notre sujet.
Je disais donc que ce sont certains journalistes qui ont transformé ce fait divers en une révolte populaire. D’après eux, les émeutiers sont des citoyens qui vivent des conditions inhumaines. Ils sont, ont-ils rapporté, 15 000 familles à vivre entassés jusqu’à 15 par pièce, dans des appartements de 27 m2. Selon eux encore, manquant d’espace vital, ces habitants ont été obligés d’utiliser les caves ou de se construire des baraques au pied des bâtiments. Je t’épargne les descriptions qu’ils donnent des lieux. Chômage, drogue, alcool, prostitution, promiscuité, amoncellements d’immondices, puanteurs… Des mots. Ces journalistes devraient avoir honte de gagner leur vie de cette manière. Ils grossissent et noircissent tout ce qu’ils voient avec un plaisir malsain. Eux aussi ont besoin d’ordre et de discipline. Au lieu d’aborder les faits calmement et sagement, ils ont été aveuglés par ce penchant louche qu’ils ont pour le dénigrement.
Réfléchissons ensemble mon frère. L’étroitesse d’un logement n’a jamais poussé un Algérien à se comporter comme un voyou. L’Algérien est connu pour sa patience légendaire. Ils sont des millions à vivre dans la misère, mais ils sont rares ceux qui parmi eux ont quitté le droit chemin. L’Algérien possède une dignité qu’aucune privation ne peut détruire. C’est un homme paisible et doux. Un couffin contenant quelques boîtes de conserves le remplit de reconnaissance et lui arrache des larmes. Mais ce sont les mots qu’il aime le plus, et notre culture est pleine de paroles fabuleuses qui lui permettent de supporter les misères les plus noires. Elles l’apaisent aussi efficacement que le font des berceuses ou des seins généreux avec un bébé. Certes, il lui arrive parfois de s’agiter un peu, de gigoter, de vagir, mais c’est parce qu’il manque de fête. C’est l’instinct de la débauche qui le chatouille. Il a envie de s’offrir du plaisir… Par exemple, il aimerait bien qu’on importe un festival comme celui de Rio de Janeiro, le polisson… Il serait ravi de dévorer du regard des Brésiliennes dansant la samba… Charnues et félines, elles éteindraient ces feux sataniques qui le consument et l’endiablent… Mais je me laisse aller, mon frère. Encore une fois, je te demande pardon.
C’est Satan qui me souffle ces paroles impures. Pourtant, maman m’a fait boire ce matin deux bols d’une infusion de tilleul. La pauvre passe son temps à me surveiller. Ses yeux braqués sur mon corps détectent la moindre anomalie. Mais revenons à notre sujet.
Toujours à propos de ce tintamarre de la capitale, dans un café comme celui-ci, j’entends un idiot dire à ses camarades : « Il faut que le Président de la République impose à tous les ministres à vivre avec leur famille, pendant au moins quinze jours, dans les appartements de cette cité nommée Diar Echems. De quel droit se prélassent-ils dans le luxe tandis que des Algériens comme eux s’abâtardissent dans des habitations sombres, exigües, humides et puantes. Pourquoi cette injustice ? » Les crétins qui l’écoutaient approuvaient par des hochements de tête. Tu vois ce que désire cet aigri, ce jaloux, ce voyou ! Enfermer des ministres dans des F2 et des F3 ! Tu vois où mène le fait de lâcher la bride à des Arabes ! Non, mon frère, dans ce pays, il faut faire siffler le fouet et la matraque jour et nuit. Cet imbécile n’a aucune idée du désastre qui s’ensuivrait si son idée venait à être entendue. La folie et le suicide s’abattraient sur des hommes, des femmes et des enfants innocents, habitués à l’abondance et au confort. Ce serait un ignoble crime. De la barbarie. Jamais Dieu ne nous pardonnerait une horreur pareille. En outre, la patrie se retrouverait alors immanquablement sans gouvernement. Car il est une vérité qu’aucun homme sensé ne peut nier sans se ridiculiser : nos ministres sont irremplaçables. Alors le désordre et la dégénérescence envahiront le pays. La science de l’approche par compétence et la théorie des tabliers à trois couleurs se verront piétiner. Une végétation touffue grouillante de sangliers recouvrira l’extraordinaire autoroute qui va traverser notre Algérie de part en part. Les criminels transformeront le pays en un repaire malfamé. Des centaines d’autres maladies viendraient s’ajouter à celles qui sévissent déjà chez nous. La mixité corruptrice s’emparerait à nouveau des cités universitaires. Qui enverrait des couffins remplis de boites de conserve et des bus Solidarité aux démunis ? La Tripartite n’aura pas lieu. Les prix flamberont. Plus de passeport et de carte d’identité biométriques. Plus de fibre optique : les paraboles continueront à salir notre dignité. Plus de logements. Bref, je te laisse imaginer l’ampleur des dégâts. Et c’est ça ce que voulait ce type détraqué, et ses copains qui absorbaient ses paroles, la bouche grande ouverte.
En vérité, mon frère, ces émeutes et ces critiques cachent des besoins que je suis arrivé à exhumer. J’ai profondément réfléchi au problème. Voici la conclusion à laquelle j’ai abouti au terme de ma longue rumination : le sang de ce peuple a été contaminé. Il a envie de s’offrir du plaisir… De dévorer des yeux des Brésiliennes félines et charnues qui danseraient de la samba en tenues vaporeuses… La curiosité m’a poussé à acheter un DVD sur le Brésil. Des plages fascinantes. Des gens très décontractés. Des corps divins offerts aux doigts caressants du soleil… J’ai été particulièrement ému par la vie dans les favelas… Cette animation débridée… Cette fièvre… Cette liberté… Cette vérité… Ce monde ou les interdits sont foulés aux pieds et piétinés… Cette insouciance… Mais il faut que je te demande encore une fois pardon… Je demanderai à maman de me servir désormais trois bols d’infusion de tilleul… Ce soir, je la prierai de dormir dans ma chambre. Je ne me sens pas bien. Tu veux que je te prête mon DVD… Aucun inconvénient… J’en ai d’autres beaucoup plus intéressants… Je te les montrerai tout à l’heure… Certes, ils contiennent des images très osées, mais il nous faut parfois patauger dans la boue si nous voulons savoir. L’ignorance est la pire des tares. Tu m’approuves. Je crois que c’est le moment de rentrer. Tu brûles d’impatience de visionner mes films…
18 juin 2011 à 4 04 37 06376
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