Après l’interdiction d’impression de son dernier livre
Benchicou : « Le pouvoir veut réduire les créateurs au silence »
C’est un Mohamed Benchicou dégoûté mais pas du tout résigné qui était venu hier « squatter » les locaux du Soir d’Algérie, le temps d’une conférence de presse, pour raconter les péripéties rocambolesques de l’interdiction de son dernier livre. L’homme libre Mohamed Benchicou n’est finalement pas aussi libre pour écrire son journal post-carcéral.
« Ce fut une descente policière inqualifiable, intolérable… », tonne le journaliste en décrivant l’irruption d’une escouade de policiers dans les locaux de l’imprimerie A. Mauguin, à Blida, pour saisir tous les documents liés à un livre « qui n’existe pas en tant que tel ! ». La directrice de l’imprimerie, Chantal Lefèbvre – française de nationalité – explique à son client Benchicou que les policiers lui ont dit qu’ils avaient reçu un ordre de « très, très haut ! » pour interdire l’impression du livre. Pourtant, l’écrivain journaliste réitère avoir souscrit « à toutes les procédures réglementaires » puisqu’il a obtenu le certificat de dépôt légal et le numéro ISBN de la bibliothèque nationale. « C’est un faux », ont prétexté les policiers pour justifier la saisie du manuscrit, alors que c’est le directeur de la BN himself qui a saisi la patronne des éditions Mauguin pour lui communiquer la fiche technique du livre.
Et comme dans un polar de mauvais goût, les policiers tout en se substituant à la justice ont informé d’autorité leur interlocutrice que le numéro de dépôt légal allait être « enlevé à l’éditeur »… Ce qui n’est pas faux puisque le directeur de la bibliothèque nationale, Amine Zaoui, lequel a autorisé légalement l’impression du livre, se déjugera plus tard en adressant un message contradictoire à la directrice des éditions A. Mauguin. « Annulez le dépôt légal, il comporte une erreur… » Pour Benchicou, il est clair que le directeur de la BN a dû être tancé par qui de droit pour se permettre un tel discrédit. Mais au-delà du procédé déshonorant pour un pays dont les responsables se gargarisent des incantations démocratiques, cette censure « prénatale » d’un livre dénote cette phobie de la libre expression et cette volonté de régenter le monde éditorial de la part du pouvoir. Il est, en effet, curieux de noter que ce livre Journal d’un homme libre soit interdit — par la police et non pas la justice —, alors que personne ne l’a encore lu, mis à part son auteur ! Ce dernier, bien qu’il soit convaincu que c’est sa personne qui est en cause et non pas le contenu de son livre. L’auteur dit craindre que cette affaire ne serve « d’exemple » contre le droit à l’expression et à la création en Algérie. « Le pouvoir a voulu lancer un message à tous les créateurs pour les empêcher de s’exprimer et les réduire au silence », soutient Benchicou, qui ne pense pas que ce soit le contenu de son livre qui pose problème. Il concède tout de même qu’il y raconte la vie en Algérie sous les yeux de « mes ex-codétenus d’El Harrach et j’y dénonce également la lutte des clans autour du troisième mandat pour Bouteflika ». Et à ceux qui l’accusent de vouloir jouer le journaliste persécuté, Mohamed Benchicou se défend de revendiquer un statut « d’insoumis ». Cela ne l’empêche pas d’espérer un « sursaut » et une mobilisation de la corporation pour protéger la liberté d’expression et d’édition. Pour ce faire, il affirme avoir saisi le syndicat national des éditeurs de livres (SNEL) mais également les intellectuels, les éditeurs intellectuels pour réagir face « à l’arbitraire et à un acte de censure médiéval ». Il promet, quant à lui, de « ne pas se taire » et d’attendre « qu’un imprimeur se manifeste », faute de quoi, il diffuserait son livre sur le net. En revanche, le Journal d’un homme libre sortira en France à la fin de ce mois aux éditions Rivesneuves. Cela fera un sacré coup de pub au livre de Benchicou et une belle gifle à nos responsables, à quelques jours du salon international du livre, qui pourrait s’intituler « silence, on censure à l’imprimerie ! »
El Watan du 20 octobre 2008Par
29 octobre 2009 à 0 12 04 100410
Manœuvres d’intimidation contre l’éditeur français du livre de Mohamed Benchicou
L’éditeur français du livre de Mohamed Benchicou, Bouteflika : une imposture algérienne, Jean Picollec, s’est dit vendredi dernier victime de « manœuvres d’intimidation ».
Selon ses déclarations à l’AFP, la porte d’entrée de sa maison à Paris, sur laquelle était apposée une affiche du livre du directeur du Matin, emprisonné depuis le 14 juin 2004 pour une peine de deux ans, a été brisée le week-end dernier à coups de masse. Sur l’affiche, trois phrases ont été selon lui écrites : « Il s’agit d’un livre interdit en Algérie. L’auteur est en prison depuis juin 2004. On demande 10 000 euros à l’éditeur. » Puis un appel : « Pour la liberté d’expression, réagissez. » « Cette agression s’inscrit dans des manœuvres d’intimidation, dirigées contre notre maison qui a osé publier le seul ouvrage qui met à nu sans complaisance la véritable personnalité du président Bouteflika », a déclaré l’éditeur dans un communiqué repris par l’AFP. Jean Picollec est poursuivi en diffamation par une personne citée dans cet ouvrage devant un tribunal de Paris le 9 juillet. Pour rappel, le livre de Mohamed Benchicou a été retiré des ventes en Algérie. Fondées en 1979 et installées à Paris, les éditions Jean Picollec publient des ouvrages sur la Bretagne ou des essais d’actualité destinés au large public comme leur dernier succès dans les librairies de l’Hexagone en 2001, l’ouvrage de Roland Jacquard Au nom d’Oussama Ben Laden.
El Watan
Par Adlène Meddi
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