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La voix des sans-grade est encore faible

19 octobre 2009

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Parution-L’homme qui n’existait pas de Habib Ayoub

La voix des sans-grade est encore faible Suite...

L’auteur a abandonné son habitude sarcastique pour adopter un autre ton moins
joyeux, coléreux. La subversion est toujours là, autant que la sensibilité. Mais
le verbe est féroce. Pas de recul, presque un pamphlet. Habib Ayoub a, cette
fois-ci, donné la voix, même faible, aux sans-grade, à ces êtres ordinaires qui
passent dans la rue sans être remarqués.

 

Ces êtres qui vivent loin des lumières mais qui sont rattrapés par les
vicissitudes de la vie. Dans Gare de l’Agha, deuxième nouvelle d’un recueil qui
en compte sept, Boualem, chef comptable dans une entreprise étatique de cinéma,
vient toujours avant l’heure. Sa ponctualité est calquée sur celle, instable,
des trains d’Alger. Mais Boualem, sérieux dans son travail, a oublié presque de
vivre, jusqu’au jour où il rencontre une fille à la gare d’Alger. Il pense que
sa vie a changé. Ce n’est qu’illusion. Commissaire aux comptes, L’Homme qui
n’existait pas paye les frais d’avoir voulu être honnête, respecter la loi et
faire une enquête sur la mafia. Mais dans ce pays, qui s’appelle accessoirement
« Barbarie septentrionale », on ne « dérange » pas la mafia. « Les indics et les
délateurs » ne peuvent rien faire. Ils sont là pour autre chose. « Dénoncer,
remercier en empochant les deniers de Judas, toujours… petit indic, petit
délateur, puis honorable correspondant, un métier. Et pour le pouvoir, un peuple
entier transformé en troupeau de moutons à égorger, est toujours bon à fournir
des renseignements… », écrit Habib Ayoub.

Il parle avec un homme qui a cessé d’exister. Plus de papiers, plus
d’adresse. Pour avoir voulu s’attaquer à la corruption, devenue sport national
ces dernières années, il été effacé, erased comme dirait un cinéaste ! « Bien
fait pour notre gueule : nous avons toléré des vampires pour nous gouverner un
demi-siècle durant. Se sentir tout à coup vieux et las, après avoir assisté à
toutes les faillites, à toutes les félonies transformées par des tours de
passe-passe en morceaux de bravoure », écrit-il encore dans Saison de pluies. Le
ton n’est pas loin du pamphlet. Mais faut-il en avoir peur ? Samedi, à l’espace
Noun, Habib Ayoub a dit que sa génération fut celle qui a le plus été laminée
après l’indépendance du pays. « A cette époque, nous avions une certaine
adoration pour les combattants de la liberté. On les prenait pour des
demi-dieux. De déception en déception, on s’est rendu qu’ils étaient de simples
hommes », a-t-il dit, plaidant pour un effort continu aux fins de « changer » le
monde. « La littérature est une manière de changer les choses. La littérature
est un monde à part.

Tout est possible. Certaines échappées ubuesques rejoignent parfois la
réalité », a-t-il ajouté, citant Gabriel Garcia Marquez. La réalité, selon lui,
dépasse parfois tout ce qu’un écrivain peut imaginer. D’après Selma Hellal,
responsable des éditions Barzakh, qui a animé le débat, Habib Ayoub a repris,
sous une autre forme, les personnages de son roman Vie et mort d’un citoyen
ordinaire (paru en 2005). « Des gens qu’on croise dans la rue, des gens
ternes », a-t-elle dit. « Des loosers », a répliqué l’écrivain. Ces perdants qui
sont tristes de l’être mais sans plus ! « Même accablées par la vie, ces
personnes continuent de rêver. Comme Boualem et son rêve d’amour à la gare de
l’Agha », a indiqué Selma Hellal. « Il suffit que simplement que l’occasion se
présente et ces gens-là se remettent à vivre. L’amour a transfiguré Boualem », a
noté Habib Ayoub comme pour souligner que l’espoir fait vivre. « Il a fallu à
Boualem de ne pas descendre à la gare d’Agha et de le faire à la gare d’Alger
pour que sa vie prenne des couleurs… » « Nous sommes le peuple des extrêmes.
En général, les Algériens ne sont pas très nuancés. C’est ou noir ou blanc. Ou
avec eux ou contre eux. Pas de demi-mesure », a observé le nouvelliste.

Selma Hellal a salué la capacité remarquable de Habib Ayoub à rester dans
l’univers littéraire sans tomber dans la diatribe politique ou dans l’écrit
simple de dénonciation. Chawki Amari, chroniqueur et nouvelliste, s’est demandé
si les éditeurs algériens sont prêts à publier le pamphlet politique. Depuis Le
Fis de la haine de Rachid Boudjedra (interdit par la justice) ou De la barbarie
en général et de l’intégrisme en particulier de Rachid Mimouni, aucun pamphlet
politique n’a été publié en Algérie. Habib Ayoub, qui vit à Dellys, nous a
confié qu’il préparait un nouveau roman. « J’écris à temps perdu. Il y a des
fonds de tiroirs que je tire de temps à autre. Le roman demande plus de souffle
et plus de travail. Mon métier de base est le cinéma. Aussi aurais-je voulu
convertir un texte que j’écris actuellement en film. Il s’agit de revenir sur la
bataille de Poitiers. A-t-elle eu lieu ou pas ? Elle représente beaucoup de
choses pour l’Occident. Du côté arabe, on n’a pas écris grand chose sur ce fait
d’histoire », a expliqué l’écrivain, qui prépare un autre texte sur Octobre.
« Les grands événements en Algérie ont toujours eu lieu l’automne », a-t-il
appuyé. Selon lui, les romans sur les grands moments de la guerre de Libération
nationale n’ont pas encore été écrits. Journaliste et écrivain, Habib Ayoub a
publié plusieurs ouvrages aux éditions Barzakh à commencer par Le gardien, un
récit édité en 2001. En 2007, il a publié un autre récit, Le Désert et après. Il
a obtenu le prix Mohamed Dib pour son recueil de nouvelles C’était la guerre,
paru en 2002.

Fayçal
Métaoui

19 octobre 2009

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