Van Gogh le suicidé de la société
Van Gogh le suicidé de la société
d’Antonin Artaud
[Littérature française XXe]
Editeur : Gallimard
Publication : 15/3/2001
Résumé du livre
Antonin Arthaud nous dévoile son étude en forme de poème consacrée au peintre Van Gogh.
Les citations
«La médecine est née du mal, si elle n’est pas née de la maladie et si elle a, au contraire, provoqué et créé de toutes pièces le malade pour se donner une raison d’être.»
[ Antonin Artaud ] – Extrait de Van Gogh le suicidé de la société
«Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l’enfer.»
[ Antonin Artaud ] – Extrait de Van Gogh le suicidé de la société
À propos de Artisan de l'ombre
Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie
Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme .
Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali …
Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère .
Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains.
Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui
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EXPRESSIONNISME
référence insistante à Vincent Van Gogh. Plusieurs expositions l’ont rendu familier en Allemagne : la Sécession de Munich en 1901, la Sécession de Berlin en 1903, à Munich encore l’Association des artistes en 1904, à Dresde la galerie Arnold en 1905. Une édition de ses lettres à son frère Théo a été publiée en allemand en 1906. Apogée de l’enthousiasme qu’il suscite, l’exposition, à Cologne, de l’Union des amateurs d’art et des artistes d’Allemagne, le Sonderbund : trois salles lui sont consacrées, du 25 mai au 30 septembre 1912, rassemblant 110 tableaux.
Dans le catalogue, l’auteur de la Préface, Richard Reiche, souligne que ce qu’il appelle déjà nettement le « mouvement expressionniste » s’est formé sur les influences du postimpressionnisme français : « Si cette exposition internationale présentant des artistes allemands vivants tente de donner une vue d’ensemble du mouvement expressionniste, une section a pour objectif de montrer aussi, rétrospectivement, la base historique sur laquelle s’élabore cette peinture très discutée qui est celle d’aujourd’hui – l’œuvre de Vincent Van Gogh, de Paul Cézanne, de Paul Gauguin. »
L’opposition à l’impressionnisme est un élément constitutif des tendances nouvelles, comme l’a mis en évidence, deux ans auparavant, une polémique dans Kunst und Künstler. Deux dessins d’Emil Nolde y sont publiés, sans qu’il en ait été auparavant informé, à l’occasion de l’exposition d’art graphique de la Nouvelle Sécession à la galerie berlinoise Maximilian Macht. Aussitôt, Nolde adresse des remerciements au directeur de cette revue, mais en lui signalant qu’il désapprouve ses critères de valeur, lesquels critères, selon lui, reviennent à obtempérer aux goûts de Max Liebermann et à ne défendre que des « artistes vieille mode ». La « jeune génération », précise Nolde, ne supporte plus de voir les tableaux de Liebermann. Elle en est « saturée ». Elle considère que son œuvre, « pas seulement ses travaux actuels, mais pas mal de ses anciens », est « faible » et relève du « toc ».
À la suite de ce jugement tranchant, ressenti par les adeptes de l’impressionnisme et les sécessionnistes comme une provocation, Nolde fut exclu à la mi-décembre 1910 de la Sécession berlinoise. Son comité d’administration estima qu’il ne pouvait plus rester dans une organisation dont il vilipendait le président, alors que celui-ci avait été démocratiquement élu. Ce qui se révélait ainsi avec violence, c’était la fracture entre deux générations, c’est-à-dire entre deux conceptions esthétiques. Quant à Liebermann, il fut à ce point ébranlé d’être relégué du côté de l’art du passé qu’il démissionna de son poste, laissant la place à son confrère et ami Lovis Corinth.
Une génération en révolte
Pourquoi la contestation des valeurs établies prend-elle pareille ampleur ? Depuis l’avènement de Guillaume II, en 1888, à la tête de l’empire, aucun pays n’a connu un semblable essor économique. Cette transformation extrêmement rapide s’est accompagnée d’une forte poussée démographique. La population allemande a presque triplé en un siècle, passant d’une quarantaine de millions en 1871 à une cinquantaine au début du siècle, et à près de soixante-dix millions à la veille de la Première Guerre mondiale. La main-d’œuvre affluant vers les centres industriels, les villes ont crû en importance. Avec deux millions d’habitants, Berlin est devenu la métropole la plus moderne d’Europe.
En revanche, la société n’a guère changé dans son fonctionnement. Elle est antidémocratique et les structures féodales sont maintenues dans tous ses rouages. Avec, pour conséquence, l’éveil d’un malaise dans une grande partie de la jeunesse. Le devoir de discipline envers la patrie, la morale, le droit est ressenti comme inadapté et dépassé. À la tête de l’État, un empereur prétend régenter à peu près tout, et jusqu’au goût artistique de ses sujets. Peu à peu, la nouvelle génération intellectuelle est affectée d’une crise des valeurs. Devant les mentalités asservies à l’autorité, les fils entrent en révolte contre les pères.
Ce n’est pas un hasard si les nouveaux venus qui ambitionnent d’assurer la relève dans les arts plastiques, dans le théâtre, dans la poésie, sont des citadins. Bien que presque tous enfants de bourgeois, ils réagissent aux conséquences du surpeuplement. Le développement du prolétariat et ses conditions de vie, ses revendications politiques ne les laissent pas indifférents. Ils se rebellent contre la réalité et refusent l’asservissement de l’esprit. Ils battent en brèche le scientisme, le machinisme, la morale régnante. Ils veulent régénérer la condition humaine.
Dès 1914, tirant le bilan du bouillonnement intellectuel en cours dans les pays germaniques, l’écrivain autrichien Hermann Bahr montre, dans un essai, que celui-ci n’a pu s’articuler que sur un terrain social spécifique. Notre époque, écrit-il, tend à réduire l’homme à un « simple instrument ». Elle le plie aux exigences de la machine. Elle l’oblige à « être vécu », au lieu de le laisser vivre lui-même sa vie. Quelle était l’attitude habituelle de « l’impressionniste » ? Il se contentait d’être « le gramophone du monde extérieur ». Au contraire, l’homme de la nouvelle génération se sent humilié. Chez lui éclate le refus de la soumission : « Voici que des ténèbres s’élève son cri de détresse – un cri qui appelle à l’aide, qui appelle à l’Âme, à l’Esprit. Tel est, en art, ce qui est nommé Expressionnisme. »
Kurt Pinthus, l’auteur de la plus célèbre anthologie rassemblant les poètes dits « expressionnistes » en 1919, Crépuscule de l’Humanité, estime lui aussi que ces refus et ces aspirations sont à l’origine de l’avant-garde artistique et littéraire en Allemagne. À son avis, la protestation aurait pris simplement la forme d’un nouveau dandysme si elle n’avait d’abord été fondée sur une insatisfaction sociale : « On percevait de plus en plus distinctement l’impossibilité d’une Humanité qui s’était mise dans la dépendance absolue de sa propre création, de sa science, de la technique, de la statistique, du commerce et de l’industrie, d’un ordre communautaire pétrifié, d’usages bourgeois et conventionnels. »
À Dresde, le groupe Die Brücke
Rétrospectivement, on voit que l’année charnière pour les premières manifestations de groupe contre le conformisme ambiant est 1905. Le 9 février meurt Adolph von Menzel. Réputé pour ses études sur l’impressionnisme français, Julius Meier-Graefe a évoqué, dans l’ouvrage qu’il a consacré au Développement historique de l’art moderne, le sens de son œuvre pour les Allemands de l’époque : « Menzel épuise notre réalité comme Delacroix notre rêve. Si complètement que les particularités proprement allemandes de l’Allemagne contemporaine, absorbées par Menzel comme une énorme éponge, n’ont pas les apparences d’une atmosphère locale, mais existent en tant que symbole universel. » Pour beaucoup de membres de la génération artistique encore en herbe, la disparition de Menzel équivaut à l’abrogation de son exemplarité tutélaire, en même temps qu’à l’enterrement de la peinture du xixe siècle.
Tel est l’état d’esprit qui incite quelques mois plus tard, le 7 juin 1905, quatre étudiants en architecture à l’École technique supérieure de Dresde à s’associer en une communauté d’avant-garde, baptisée Die Brücke, ou Le Pont : Fritz Bleyl (1880-1966), Erich Heckel (1883-1970), Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938), Karl Schmidt-Rottluff (1884-1976). La dénomination a été proposée par ce dernier. Pour lui, il s’agit d’un symbole. Un pont est le dispositif permettant le passage d’une rive à une autre, le moyen de s’évader vers un autre territoire, loin de toutes les contraintes imposées.
Le groupe initial s’enrichit en 1906 de Max Pechstein (1881-1955) et, pour un an seulement, d’Emil Nolde (1867-1956), qui a accepté de s’y intégrer sur la proposition de Schmidt-Rottluff. La tête pensante en est Kirchner, un peu plus âgé que ses camarades. Sur un bois gravé, il représente en 1905 une vue de Dresde : le pont de la reine Auguste, qui relie la ville ancienne à la ville nouvelle.
En 1906, Kirchner formule le programme du groupe qui, par les mots cette fois, synthétise la nécessité de passer ensemble de l’ancien au nouveau. En quelques lignes sont exprimés une volonté collective de rupture avec le passé et une exaltation de l’intuition créatrice : « Ayant foi en une évolution, en une génération nouvelle de créateurs et d’amateurs d’art, nous appelons la jeunesse entière à nous rejoindre, et parce que nous sommes la jeunesse porteuse de l’avenir nous voulons nous donner, face aux pouvoirs bien établis de nos prédécesseurs, la possibilité de vivre et de travailler en toute liberté. Sont avec nous tous ceux qui traduisent spontanément et sans altération ce par quoi ils sont poussés à créer. »
D’où vient que ces jeunes artistes choisissent une telle position ? Non de lectures philosophiques, mais de leur rejet d’une vie sociale sclérosée. Leur découverte des arts dits primitifs au musée ethnographique de Dresde a produit sur eux un choc. Pour annuler l’univers figé des conventions, des conformismes, des modèles académiques, leur objectif est de reconquérir un espace où il leur sera possible de renouer avec des valeurs authentiquement humaines, en communion avec la nature.
En 1911, malgré le succès de l’organisation qu’ils ont conçue pour favoriser la vente de leur production, Kirchner et Pechstein décident de quitter Dresde, ville engoncée dans une mentalité de province, pour Berlin. Ils y sont bientôt rejoints par leurs compagnons. Kirchner a l’intention d’y poursuivre l’activité collective de Die Brücke. Mais en 1912, Pechstein décide de rallier la Nouvelle Sécession. Il est alors exclu du groupe, qui ne tarde pas à se désagréger. Petit à petit, les divergences conduisent, en 1913, à sa dissolution officielle.
Dans son existence même, Die Brücke fut l’expression de l’humanité nouvelle à laquelle ses membres s’efforcèrent de parvenir : ils travaillaient ensemble et vivaient en communauté, partageant ateliers et matériel. Leur association fut réellement organique. C’est ce qui la différencie des regroupements de peintres, qui jusque-là se trouvaient plutôt rassemblés au hasard des circonstances, par la constatation, après coup, d’un style commun. Bleyl, Heckel, Kirchner et Schmidt-Rottluff furent unis beaucoup plus par un sentiment de révolte que par la volonté d’élaborer, à partir de principes solidement définis, une esthétique nouvelle. Toutefois, cette révolte se traduisait par une identité de vues devant l’art de l’époque, dans une opposition à son marché, ses valeurs, ses idéaux.
Leur apologie du « barbare » en peinture, du « sauvage », correspondait à leur désir de voir l’homme renouer avec sa nature élémentaire, afin d’accéder à sa vérité intérieure et de régénérer sa capacité d’émotion. Par la gravure sur bois, qu’ils pratiquèrent avec intensité, ils aspiraient à retrouver une création non commandée par des dogmes et modèles, à travers des procédés rudimentaires et des formes naïves.
À Munich, Der Blaue Reiter
Autre lieu de focalisation des tentatives d’innovation artistique avant 1914, Munich. Dans cette ville d’art, les luttes ne sont pas moins âpres qu’à Dresde. En dehors de l’entourage de Jugend, la revue qui soutient l’Art 1900, l’académisme y règne depuis la fin du xixe siècle. L’École des beaux-arts y est pourvue d’enseignants prestigieux : Franz von Stuck, Hugo von Habermann, Adolf von Hildebrand. Mais il s’agit d’artistes enfermés dans la routine de leur éminent savoir-faire.
En 1911, le jeune peintre Franz Marc (1880-1916) dresse le constat suivant : « Les premiers et seuls représentants sérieux des idées nouvelles à Munich furent deux Russes qui y vivaient depuis de nombreuses années et s’activaient dans l’ombre, jusqu’à ce que des Allemands se joignent à eux. » Quels Russes ? Fondateurs de la Nouvelle Union des artistes en 1909, Alexei von Jawlensky (1864-1941) et Wassily Kandinsky (1866-1944), qui commence la série des Improvisations (1909-1914) où s’expriment des « impressions de la nature intérieure ».
À la fin de 1911, tandis que Die Brücke commence à se désagréger, Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu) naît à Munich autour de Kandinsky et de Franz Marc, auxquels un ami de ce dernier s’est adjoint : August Macke (1887-1914). Comme les membres de Die Brücke, ils sont hostiles au naturalisme, à l’impressionnisme et insistent sur les forces instinctives de l’artiste.
Petits Chevaux jaunes, F. Marc Franz MARC, Petits Chevaux jaunes, huile sur toile. Staatsgalerie, Stuttgart, Allemagne.
Le 18 décembre 1911 s’ouvre à Munich, à la galerie Tannhäuser, une exposition dite Der Blaue Reiter. Dénomination publique provenant d’un projet de juin 1911, le titre d’un almanach réunissant des articles théoriques, des reproductions, des comptes rendus critiques. Pour cette première exposition, le choix des œuvres a été effectué exclusivement par Franz Marc et Kandinsky. À côté du Douanier Rousseau, de Robert Delaunay, de Macke et de Heinrich Campendonck, on trouve plusieurs tableaux inattendus, signés du compositeur Arnold Schönberg.
Une deuxième exposition, consacrée à l’art graphique, a lieu en avril 1912 à la galerie Goltz. L’éventail s’est élargi : 39 artistes, contre 13 précédemment, et 315 œuvres, contre 43, avec Braque, Picasso, et les membres ou anciens membres de Die Brücke : Kirchner, Heckel, Nolde, Pechstein, ainsi que Paul Klee. Voisin de Kandinsky à Munich, Klee a lié connaissance avec lui à la fin de 1911, et a accepté, au cours de l’hiver, de se joindre au Blaue Reiter.
En ces années, les théories de Kandinsky sont perçues comme d’autant plus représentatives par la nouvelle avant-garde allemande que son livre Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier (1910) paraît avant la première exposition, en novembre 1911, alors que l’almanach prévu ne sort qu’en mai 1912. Le catalogue de cette exposition s’ouvre sur une phrase qui en est un écho, indiquant que le but n’était pas de propager une certaine forme, mais de montrer, dans la diversité formelle, la concrétisation multiple d’un même « désir intérieur ». Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? C’est l’Esprit qui parle et se manifeste à travers la forme.
Comme les peintres de Die Brücke, l’entourage de Kandinsky est hanté par le retour aux origines. Réaction antimatérialiste, qui le conduit à puiser chez les penseurs mystiques, les poètes symbolistes. Kandinsky cite avec admiration, dans Du spirituel dans l’art, le poète symboliste belge Maurice Maeterlinck et revendique aussi le « primitivisme ». Dans l’Almanach du Cavalier bleu, il choisit soigneusement les illustrations, alternant des reproductions de tableaux modernes et des images populaires en provenance de Russie, de Chine, d’Allemagne, d’Égypte, du Japon, du Mexique, ou encore des peuples « primitifs » : Bornéo, Cameroun, île de Pâques, Nouvelle-Calédonie.
Le temps des revues
L’éventail des aspirations « expressionnistes » s’affirme par les revues, lieu de rencontre et d’alliance entre écrivains et peintres. Revues qui, pour beaucoup d’entre elles, ont été d’une durée éphémère. De 1910 à 1922, elles sont le réservoir de toutes les énergies nouvelles. Sur une décennie, il en parut une centaine, avec près de 3 000 collaborateurs. Leur croissance témoigne du degré d’insatisfaction de la jeunesse intellectuelle allemande devant l’évolution sociale de son pays. D’une dizaine seulement avant 1914, leur nombre passe à une quarantaine à la fin de 1919.
La consécration du talent ne pouvant se réaliser dans des villes de province comme Dresde et Munich, c’est Berlin qui, à partir de 1910, draine les rêves de tous ceux qui sont persuadés que doivent s’imposer des valeurs nouvelles. À Berlin, Herwarth Walden, qui exerçait depuis 1903 une activité de critique et d’animateur de sociétés littéraires, défend alors fébrilement dans la revue qu’il a fondée, Der Sturm (La Tempête) les tendances les plus modernes vilipendées ailleurs. Le premier numéro de Der Sturm date du 3 mars 1910. Dans une alliance entre les peintres d’avant-garde et les jeunes écrivains, elle témoigne d’une volonté de synthèse des arts. Elle propage la connaissance des mouvements artistiques d’avant-garde européens, comme le futurisme et le cubisme, et provoque une réflexion générale sur les problèmes esthétiques. À cette revue, Walden ajoute en mars 1912 une galerie de peinture. Parallèlement, des manifestations littéraires sont organisées. À la fin de la guerre commence en outre à fonctionner, sous la responsabilité de Lothar Schreyer, un théâtre expérimental.
Non seulement Walden choisit le groupe Der Blaue Reiter pour inaugurer sa galerie, mais c’est à son initiative qu’a lieu, à la fin de la même année 1912, la première rétrospective consacrée à Kandinsky. Celui-ci occupe véritablement une place tout à fait exceptionnelle dans Der Sturm en 1912 et 1913 : extraits de son livre Du spirituel dans l’art en avril 1912, puis deux articles en octobre 1912 et en septembre 1913, ainsi que des dessins.
Der Sturm représente certainement à l’époque, en Europe, l’un des centres les plus actifs de l’ensemble des tendances modernistes, le lieu de rendez-vous de tout ce qui compte dans le renouvellement de la réflexion esthétique et des formes d’expression. De 1910 à 1914, Walden y publie tous ceux qui comptent, que ce soit dans l’art, dans le renouvellement des formes poétiques et romanesques, ou dans l’histoire des idées. Tous les représentants de l’art moderne y sont convoqués, de Marinetti à Kandinsky, Delaunay, Apollinaire. Par ailleurs, il contribue à donner à Berlin l’image d’un carrefour de relations entre les membres et courants de l’avant-garde artistique internationale. Du 20 septembre au 1er décembre 1913, son Salon d’automne réunit 366 œuvres de 90 artistes, dont 65 étrangers. La représentation française est la plus importante : 26 participants.
Autre revue, un an après la fondation de Der Sturm, qui, en concurrence avec elle, répercute avec succès durant dix ans l’écho d’une génération en révolte : Die Aktion. Franz Pfemfert, son directeur, la définit comme un hebdomadaire de politique, de littérature et d’art. Esprit individualiste, influencé par les idées anarchistes, il lui donna une orientation qui ne répondait en tous points qu’à son propre tempérament : opposition à la bourgeoisie, à l’impérialisme, foi dans la nécessité d’une révolution. Estimant qu’il est impossible de séparer la littérature d’une critique sociale, il choisit de mêler dans son hebdomadaire des poèmes, des bois gravés, des dessins à de nombreux articles abordant les problèmes de la jeunesse et de l’éducation, le mouvement ouvrier ou le droit des femmes. Un manifeste de Ludwig Rubiner publié en mai et en juin 1912 est caractéristique de cette orientation : il prône l’intervention du poète dans la politique, lui demandant d’y injecter de toute sa violence persuasive la pureté de son éthique.
Plusieurs revues sont également publiées en province. Dans Der Brenner, à Innsbruck, en Autriche, paraissent en 1911 les premiers poèmes de Georg Trakl. À Munich, en 1913, autour de Johannes R. Becher, de Hugo Ball et Hans Leybold, Revolution connaît seulement cinq numéros. À Darmstadt existe Das Tribunal. À Dresde, Menschen. À Mannheim, Der Revolutionär.
L’éparpillement de ces publications modestes, où cohabitent illustrateurs et poètes, explique l’essor de l’expressionnisme à partir de 1913. Mots d’ordre en partage, l’appel à un « Homme nouveau », la revendication d’un « nouveau pathos », c’est-à-dire l’invitation de chaque individu à l’expression sincère, authentique, de ses sentiments et de ses émotions.
En février 1914, dans le texte de présentation qu’il rédige à l’intention d’un deuxième Almanach du Cavalier bleu qui, en raison de la guerre, ne peut voir le jour, Franz Marc met l’accent sur toutes ces aspirations qui traversent l’air du temps. La certitude que les valeurs à venir ne sont pas à puiser dans le passé, la nécessaire fonction démiurgique de l’artiste, l’intégration aux forces nouvelles qui tentent de construire un futur. L’appel est lancé à une rupture réfléchie avec le monde d’hier : « C’est dans cette action que réside la grande tâche de notre temps ; la seule qui vaille de vivre et de mourir. Une action où ne se mêle aucun mépris pour le grand passé. Mais nous voulons autre chose ; nous ne voulons pas vivre comme de joyeux héritiers, vivre du passé. Et même si nous le voulions, nous ne le pourrions pas. »
Pour une rénovation collective de tous les arts
Dans son livre pionnier de 1914, Hermann Bahr assimile à un art « expressionniste » tous les peintres qui, en Europe, ont accédé à la notoriété depuis le début du xxe siècle en prenant le contre-pied de leurs prédécesseurs, et en cherchant, par l’agression des couleurs, le rejet de la perspective ou la désagrégation des formes, à provoquer un choc visuel sur le spectateur. Il regroupe ainsi les fauves, les futuristes, les cubistes ; en Autriche, Egon Schiele, Oskar Kokoschka ; en Allemagne, les membres de Die Brücke et Der Blaue Reiter.
Un tel mélange peut paraître surprenant. Il correspond pourtant à ce qui, le plus souvent, était englobé de 1911 à 1920 sous le terme expressionnisme. En 1916, le poète Theodor Däubler, dans un opuscule intitulé Der neue Standpunkt (Le Nouveau Point de vue), dresse un palmarès tout aussi hétéroclite, qui va de Matisse au sculpteur Archipenko. Pour lui, « le premier à se révéler expressionniste en toute conscience » fut Robert Delaunay. Celui-ci a donné une « âme » à la tour Eiffel, qu’il a peinte à de nombreuses reprises comme une construction, la première, sans autre fonction que d’être « moderne », « armature et ossature de l’avenir ». En revanche, Oskar Kokoschka semble à Däubler un expressionniste sans autre but que de l’être en toute « authenticité ». Selon lui, sans jamais basculer dans le nébuleux ou l’irrationnel, Kokoschka traduit « une spiritualité dans le plus clair des langages formels ».
Ce qui est ainsi entériné sous une qualification passe-partout, contre les traditionalistes, c’est la rénovation des arts entreprise à partir de 1905. Dans toutes les disciplines artistiques, une génération de jeunes gens nés autour de 1890 met à mal le conservatisme au bénéfice de la subjectivité, d’une propulsion du Moi sur le devant de la scène, et d’une émancipation des carcans familiaux, sociaux, culturels. La contestation des valeurs établies passe par deux éléments principaux : une opposition de principe à toute copie du réel et l’irrespect à l’égard des procédés convenus dans les formes d’expression.
D’où l’éclosion d’œuvres en tous genres, débarrassées des recettes académiques. Les beaux-arts ne sont qu’un volet du renversement. Dans un mélange de visions apocalyptiques, d’aspirations messianiques, de rêves et de délires, d’invectives et d’adjurations, la poésie et le théâtre sont appelés à se manifester comme des exutoires à tout ce qui étouffe l’individu, en vue de contribuer à régénérer l’humanité. Le registre est varié : emphase, béatitude, ironie, charges caricaturales, mais également, si besoin est, concentration elliptique jusqu’à l’abstraction. Pour le roman, élimination des enfilades d’anecdotes et des personnages n’existant que par le biais de leur psychologie. En musique, ébranlement de l’harmonie au profit des dissonances ou, comme Schönberg le revendique, de l’atonalité.
Wozzeck Alban Berg (1885-1935) 2 «Wir arme Leut!», acte I, scène 1 de …
Prenant exemple sur la poésie, Johannes R. Becher a raconté en 1937 avec quelle passion ses compagnons et lui-même avaient en tête de renouveler les langages institués : « Il ne nous suffisait pas d’amender par de nouvelles variantes „inouïes“ les expressions usées, notre attitude protestataire nous conduisait, de façon grotesque sinon tout à fait illogique, à „hacher“ la langue elle-même, parce que les exploiteurs et les meneurs de guerre s’en servaient ; les rimes absolues étaient prohibées, de façon provocatrice c’était l’assonance qui était utilisée en général ; et c’était un honneur de pécher contre les règles d’une grammaire qui était un objet de haine depuis l’école. »
En définitive, cette soif de bouleversements a touché presque tous les domaines de la culture. Jusqu’à l’enseignement. Des pédagogues réformateurs se sont réclamés d’une éducation « expressionniste », fondée sur l’éveil de la personnalité de l’enfant, dans le rejet des méthodes autoritaires. La notion qui se dégage de l’expressionnisme en arrive à référer, entre 1914 et le début des années 1920, à beaucoup plus que des catégories strictement esthétiques. Elle renvoie à un état d’esprit qui laisse présager une transformation d’ensemble de la société.
Un vaste mouvement culturel
Plus qu’un courant ou une tendance, l’expressionnisme a donc été un vaste mouvement culturel. Mais, dans la mesure où, en tant que tel, il était inséré essentiellement dans l’histoire de l’Allemagne, les contrecoups des combats et des revers politiques, de 1914 au début des années 1920, ont perturbé ses programmes de rénovation. La retombée des enthousiasmes est mesurable au nombre de revues qui subsistent en 1922 : elles ne sont plus que huit. La guerre, tout d’abord, décime la génération en prise sur les mutations engagées ; meurent sur le front les poètes Ernst Stadler, August Stramm, Georg Trakl, les peintres August Macke et Franz Marc. Ensuite, l’échec des perspectives révolutionnaires, en 1918-1919, amorce un reflux des idéaux « expressionnistes », et bientôt survient leur agonie.
Centré sur l’Allemagne, l’expressionnisme n’a pas suscité beaucoup d’adeptes ailleurs, sinon dans les pays qui entretenaient traditionnellement des relations avec la culture allemande. De 1917 à 1925, en Hongrie, Lajos Kassak publia une revue, Ma, ressemblant beaucoup à Die Aktion et revendiquant un programme « expressionniste ». Les Pays-Bas et la partie flamande de la Belgique ont connu un renouveau du bois gravé sous l’influence allemande, avec Frans Masereel, Joris Minne, Henri van Straeten, les frères Cantré. En Russie, Ippolit Sokolov est l’auteur, en 1919, d’un livre où il se proclame le porte-drapeau de la cause des « Expressionnistes ». En Yougoslavie, Stanislav Vinaver a publié à Belgrade, en 1921, un manifeste « expressionniste ». Le groupe Zdroj, en Pologne, et le groupe Osmá, en Tchécoslovaquie, se sont réclamés, eux aussi, de « l’Expressionnisme ».
Ce qui fut beaucoup plus marquant, dans les années 1920-1930, ce sont, par le biais de la propagation internationale des illustrations publiées dans les revues allemandes et des reproductions, très diffusées, de bois gravés, les répercussions d’un style décrété « expressionniste ». Cette vulgarisation a favorisé, loin de l’Europe, l’essor d’un art d’agitation politique, cela jusqu’en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Art de révolte, d’exacerbation, destiné à protester contre l’oppression et la misère.
L’Intrigue, J. Ensor James Ensor (1860-1949), L’Intrigue, 1890. Musée royal des Beaux-Arts, Anvers, Belgique.
En réalité, le public international a retenu de l’expressionnisme des orientations ne correspondant ni à la richesse ni à la diversité du mouvement. La popularité d’un certain cinéma allemand des années 1920-1930, présenté à tort comme « expressionniste », en a faussé la compréhension. Le seul film authentiquement expressionniste est celui, en 1919, de Robert Wiene : Le Cabinet du docteur Caligari, les autres se limitant souvent à des procédés qui ont pu être utilisés par des artistes expressionnistes : comportements éruptifs et extatiques des acteurs, jeu de contrastes dans les éclairages, lignes et formes éclatées, disharmonies – le tout, sur fond de tensions psychologiques et d’angoisse.
Si les mots « expressionnisme » et « expressionniste » ont fini par entrer dans le vocabulaire français de la critique d’art au cours des années 1920-1930, ce passage a été assuré par les comptes rendus et les informations sur les manifestations d’art moderne en Allemagne. Malheureusement, l’époque n’incitait pas à apprécier sans préjugés la culture allemande. Les œuvres expressionnistes ont été rangées en France, péjorativement, dans un art de l’excès et des pires outrances. Un jugement plus équitable n’a commencé à se manifester qu’à partir des années 1970.
Avec l’affaiblissement des réticences, un autre danger a surgi : l’emploi de ces mots à tort et à travers. Ils en arrivent à être utilisés pour définir les qualités distinctives des personnalités les plus diverses : le Norvégien Munch, les Français Marcel Gromaire et Georges Rouault, les Belges Frans Masereel et Constant Permeke, par exemple. Le bouleversement culturel qui, en Allemagne, a légitimé ces termes sur une période précise, la décennie 1910-1920, en est perdu de vue. Ils sont généralement requis pour définir un style intemporel, celui d’un art tourmenté, voire désespéré, aux formes distordues. Ou pour évoquer un art reposant sur une « expression » spontanée, à l’instar des représentants de ce qui a été nommé aux États-Unis, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, « l’expressionnisme abstrait ». D’un côté comme de l’autre, une confusion est souvent à la base, qui dilue le phénomène spécifiquement allemand dans une catégorisation esthétique approximative, celle de « l’expressif » et de « l’expressivité ». Autrement dit, tout autre chose que l’expressionnisme.
Les Fiancés, C. Permeke Constant Permeke (1886-1952), Les Fiancés, 1923. Musée d’art moderne, Bruxelles.
Littérature
En littérature, l’emploi du mot expressionnisme suit presque immédiatement ses premières apparitions dans le vocabulaire des arts plastiques. En 1911, un jeune écrivain de formation philosophique, Kurt Hiller, s’en prend aux « esthètes » : ils ne sont rien d’autre, estime-t-il, que « des plaques de cire enregistrant des impressions ». Il leur oppose la génération montante, à laquelle il est fier d’appartenir : « Nous sommes des expressionnistes. Ce qui nous importe à nouveau, c’est le fond, le vouloir, l’éthos. »
Le sens d’une dénomination
Voilà l’expressionnisme littéraire brièvement mais déjà clairement défini. Les « esthètes » fustigés par Kurt Hiller sont à ses yeux des écrivains « impressionnistes » : ils fondent leur art sur la représentation d’une réalité qu’ils appréhendent exclusivement par les sens. En outre, ils ne sont que des amuseurs cherchant à séduire un public. Ce qu’il faut, c’est que l’écrivain mette au premier plan ses exigences morales en tant qu’individu, tout ce qui provient du fond de son être, et, contre l’autorité illusoire des sens, rétablisse le pouvoir de l’esprit.
Le même Kurt Hiller, dans un livre de 1913, Die Weisheit der Langweile (La Sagesse de l’ennui), réitère plus nettement ses attaques contre ce qu’il nomme « impressionnisme ». Pour sa génération, il s’agit moins, précise-t-il, d’un style que d’une utilisation des sens de manière « inactive, réactive, pas autrement qu’esthétique ». Désormais, d’autres aspirations se révèlent selon lui : elles sont morales et s’appellent « conviction, volonté, intensité, révolution ». La tendance générale consiste, indique-t-il, à donner le nom d’expressionnisme à cette nouvelle perspective, en raison de la « concentration » qu’elle exige sur un « essentiel volontariste ».
Comme pour les arts plastiques, le mot est bientôt énormément utilisé. En 1914, dans un article, l’un des représentants les plus marquants du renouveau poétique, l’Alsacien Ernst Stadler, regrette qu’on en abuse, et à mauvais escient. Il ne conteste pas, toutefois, que sa divulgation corresponde à un changement dans les conceptions littéraires. Deux ans plus tard, à l’occasion d’un compte rendu sur Der ewige Tag (Le Jour éternel), recueil posthume du poète Georg Heym mort accidentellement en 1912, il évoque une « nouvelle attitude du moi par rapport au monde ». Attitude qu’il définit comme un refus des recettes consacrées : « Ce qui se manifeste, c’est la volonté de se propulser en avant au lieu d’aller de l’arrière, de se poser comme début, de risquer gaucheries et fautes de goût plutôt que de s’étioler dans l’entrave d’un formalisme toujours plus figé. »
Le produit d’une société en crise
En vérité, cette révocation des règles traditionnelles, des normes régnantes, au bénéfice d’une expression subjective et même d’une prépondérance du moi, est inséparable du malaise éprouvé par beaucoup de jeunes intellectuels dans la société de l’Allemagne impériale.
C’est pourquoi une partie de cette nouvelle génération, confrontée au sentiment d’une crise des valeurs, ne voit d’autre issue que de se débarrasser des sacro-saintes vérités apprises, de rétablir l’individu dans son autonomie et son pouvoir créateur, en dehors de toute règle préconçue. En quête d’une rénovation spirituelle, d’une réhumanisation, elle se fait iconoclaste, procédant à la destruction de toutes les images et visions de la vie imposées par l’autorité. Le sens majeur de ce qui prend le nom d’expressionnisme littéraire tient dans cette révolte des fils contre les pères, contre un ordre social pétrifié. Le conflit père-fils ou le meurtre symbolique du père est l’un des thèmes les plus abordés. Avec Der Sohn (Le Fils), pièce écrite en 1914 et représentée pour la première fois en 1916, Walter Hasenclever le hisse à la hauteur d’une sorte de programme. En 1916, Leonhard Frank lui donne une extraordinaire dureté dans une longue nouvelle, Die Ursache (La Cause première).
À la différence de Nietzsche, alors beaucoup lu, et dont le Zarathoustra devient une figure emblématique de la rébellion contre la sclérose provoquée par des valeurs bourgeoises complètement usées, la jeune génération aspire à une communauté nouvelle. À l’aristocratisme nietzschéen du héros solitaire, du « surhomme », et au culte de l’artiste qui lui est lié, elle substitue un idéal de solidarité, de fraternité. Idéal pénétré de substance religieuse, avec des préoccupations d’humilité, de combat pour une rédemption de l’humanité souffrante, et plus proche de l’enseignement du Christ que de l’Antéchrist annoncé par Nietzsche. En 1911, Franz Werfel est un poète à succès avec un recueil qui, significativement, a pour titre Der Weltfreund (L’Ami du monde).
La diffusion de la nouvelle poésie est servie par l’existence de cabarets littéraires : des lectures de poèmes se développent dans des salles d’auberge ou des théâtres. À Berlin, le Nouveau Club et le Cabaret néopathétique, impulsés en 1910 par Kurt Hiller, sont l’origine du succès des poètes Georg Heym et Jakob Van Hoddis auprès de la jeune génération intellectuelle. Celle-ci connaît par cœur un poème de Jakob Van Hoddis publié en janvier 1911, Weltende (Fin du monde) : « Du crâne pointu du bourgeois le chapeau s’envole… »
Pour un homme nouveau
Les invocations à l’âme, à l’esprit reviennent avec insistance dans beaucoup de textes de l’époque. Comment les comprendre ? D’une part, le réel avilissant, écrasant, est nié au profit de l’imagination, de l’émotion ou de l’exaltation lyrique. D’autre part, dans cette négation même, la volonté de régénération de l’homme est affirmée, l’avènement d’un homme nouveau est annoncé.
Dès le début, deux ailes constituent le mouvement dit expressionniste. Les uns ont en vue essentiellement une transformation des arts, de l’activité et de la perception artistiques. Ils sont préoccupés d’expériences esthétiques. Ils pensent que par là s’ouvrira aussi le chemin d’une renaissance des vraies valeurs humaines dans la société. C’est, dans l’ensemble, la position de Walden et des principaux collaborateurs de Der Sturm. Les autres sont attirés plus vivement par les luttes politiques et les changements sociaux. Pour le gros d’entre eux, ils publient dans Die Aktion. La cible de Pfemfert et de ses amis est l’ordre bourgeois. Leur idéal repose sur un art et une littérature possédant une fonction directement critique, avec les procédés qui lui correspondent : la satire, la caricature, le grotesque.
Ces deux tendances, néanmoins, sont portées par une opposition commune à une société qui aliène et mutile l’individu. Tel est ce qui, dans la sensibilité générale à leur temps, les réunit. Entre leur moi et le monde, leurs représentants éprouvent une contradiction douloureuse qu’ils essaient de surmonter par la création. Une création qui, d’ailleurs, ignore les frontières des genres. Ne sont pas rares ceux qui s’adonnent à la fois aux arts plastiques, à la poésie, au théâtre. Ainsi de Barlach, Kandinsky, Klee, Kokoschka, Meidner et bien d’autres.
Sous toutes ses formes d’expression, la prépondérance qu’ils accordent à leur moi leur permet de refuser la réalité existante. La projection de leur univers intérieur, leurs visions, leurs rêves sont pour eux des moyens de procéder à la désagrégation de cette réalité qu’ils ressentent comme une menace contre leur identité individuelle profonde.
En 1955, revenant sur sa jeunesse dans la préface à une anthologie de poèmes des années 1910-1920, Gottfried Benn soulignait combien l’exigence d’idéal avait été, avant 1914, un principe rassembleur, une source de cohésion au-delà de la variété des ambitions littéraires et des styles d’écriture. Prise collectivement dans un « soulèvement avec éruptions, extase, haine, soif d’une humanité nouvelle », la génération poétique d’alors, malgré les différences, use en commun d’un « langage qui vole en éclats pour faire voler en éclats le monde ».
Ce point de rencontre explique la position de nombreux représentants de ladite génération devant la Première Guerre mondiale. En 1914, ils partent presque tous dans l’enthousiasme, soucieux de prouver qu’ils peuvent aussi se montrer, malgré leur opposition aux valeurs bourgeoises, de bons patriotes. Mais, en 1916, la majorité d’entre eux évolue vers le pacifisme, puis vers des conceptions révolutionnaires. Beaucoup participent aux événements révolutionnaires de 1918-1920 : exemplaire l’engagement d’Ernst Toller à Munich, ce qui lui vaudra une condamnation à cinq ans de prison ferme. Et l’écrasement de la révolution en Allemagne, qui débouche sur une désillusion, signifie dans une certaine mesure la mort du mouvement expressionniste. Car ce qui est ressenti par ses protagonistes, c’est la fin des possibilités de transformation de l’individu. C’en est terminé du rêve de régénération de l’humanité.
Des procédés distinctifs
En 1921, dans sa préface à une anthologie de poésie intitulée Verkündigung (Annonciation), l’une des plus célèbres de l’époque avec Menschheitsdämmerung (Crépuscule de l’humanité) de Kurt Pinthus en 1919, Rudolf Kayser s’en prend à la génération immédiatement précédente, celle de Stefan George, de Rainer Maria Rilke, de Hugo von Hofmannsthal. Il lui reproche, comme Kurt Hiller auparavant, de s’être enfermée dans le royaume des expériences intimes, de s’être attachée à la « magie du verbe » et non à un « combat moral ». Les poètes nouveaux, explique-t-il, sont entrés en « révolte » contre son emploi de formes éculées de représentation, aboutissement naturel de l’art pour l’art. Lassés de « répéter », de « redessiner » derrière la nature ou derrière quelqu’un d’autre, ils veulent se saisir de l’univers avec des « mains d’enfants ». Résultat de cette volonté, l’invention du mot expressionnisme, un mot qui, à vrai dire, n’est pas selon lui très pertinent : « Il ne vaut rien non seulement à cause de sa banalité, mais parce que, en dépit d’elle, il a des prétentions – il donne l’illusion d’une communauté de programme qui n’existe pas. »
Au moment où Rudolf Kayser publie cette anthologie, les bilans sont justifiés. L’agonie de l’expressionnisme est constatée ici et là. Comment s’est-il manifesté depuis dix ans ? Assurément, il n’a pas formé un mouvement homogène, pas plus dans la vision du monde que dans les intentions esthétiques. Les programmes n’ont pas manqué, mais ils ont été fort divers. Rudolf Kayser a raison : il n’en est pas sorti un style commun. Le ralliement d’un groupe d’artistes et d’écrivains à un corps de doctrine fortement charpenté n’a pas existé. Qui plus est, beaucoup de ceux qui ont été rassemblés par la critique littéraire sous la bannière expressionniste l’ont été malgré eux. Parfois même, ils ont récusé ouvertement cette affiliation.
Des traits distinctifs se dégagent néanmoins de toute cette littérature allemande écrite de 1910 à 1920 par la génération qui succède aux auteurs naturalistes, néo-romantiques et fin de siècle. Poèmes, nouvelles, romans et pièces de théâtre sont tout d’abord marqués par la projection exacerbée d’un moi autour duquel s’organise la composition de l’œuvre. La vision de ce moi commande à la représentation, et non la nature, le réel objectif. Ensuite, la psychologie traditionnelle est battue en brèche. La cohérence des caractères n’importe plus, mais l’émergence de pulsions, l’éruption des violences élémentaires de l’éros, la mise en action d’obsessions et de fantasmes, les comportements extatiques. Enfin, le style est animé par des procédés qui éloignent eux aussi du réel objectif : schématisation, grossissement, pathétisation, dynamisation. Avoir « dynamisé » la langue en la revitalisant, après avoir rejeté le vocabulaire et la syntaxe dévalorisés par les journaux, tel a été le mérite, selon Carlo Mierendorff en 1920, des poètes et prosateurs de cette génération dite expressionniste : ils ont accompli à son avis un « acte philologique » par excellence, un « acte d’ascèse » en opposition à la domination des platitudes ambiantes.
À la question de savoir ce qu’est un écrivain expressionniste, Lothar Schreyer répond en 1918 : « Il donne forme à la vision intérieure qui s’offre à lui, à travers laquelle il prend intuitivement connaissance du monde. La vision intérieure est indépendante de ce qui est vu extérieurement. Elle est apparition, révélation. En son essence, voilà ce qu’est l’expressionnisme. » À la même date, le romancier Kasimir Edschmid confirme cette opinion en expliquant le sens de la révolution littéraire qui a été accomplie : « Nul ne met plus en doute que ce qui apparaît comme réalité extérieure ne saurait être la réalité authentique. Il faut que la réalité soit créée par nous. »
En vérité, ce qui vaut d’être qualifié d’expressionniste, en littérature comme ailleurs, c’est tout ce qui prend place dans un mouvement de libération à l’égard des normes, des conventions, des valeurs établies. Par ce mouvement, l’Allemagne s’ouvre aux courants modernistes. Il les intègre. Ce n’est pas un hasard si les écrivains de langue allemande les plus novateurs du premier quart de ce siècle, quel que soit leur pays d’origine, ont tous été mêlés à son aventure : Alfred Döblin , Leonhard Frank, Franz Kafka, Carl Sternheim, Ernst Weiss, Franz Werfel et, moins connus, Paul Adler, Carl Einstein, Franz Jung, Albert Ehrenstein. Les uns et les autres, dans des œuvres en prose antérieures à 1918, transforment le mode traditionnel de narration. En allemand, la poésie moderne prend sa source dans la même génération, avec des poètes comme Johannes R. Becher, Gottfried Benn, Georg Heym, Jakob Van Hoddis, Alfred Lichtenstein, Ernst Stadler, Georg Trakl.
Berlin Alexanderplatz d’Alfred Döblin Alfred Döblin, l’auteur de Berlin Alexanderplatz (1929), partage avec le peintre berlinois George Grosz une même esthétique expressionniste («Homme seul à table», in Ecce homo, 1923).
À partir du début des années 1920, et pour une décennie, succède à ce mouvement extrêmement productif un courant qui, en tous points, se veut en réaction contre lui : la nouvelle objectivité. Au principe de la vision subjective sont substitués la soumission apparemment objective aux faits et le refus de tout pathétique. C’est alors le règne d’une littérature de constat, du roman de reportage, d’un théâtre documentaire d’actualité. Autre époque, à laquelle s’adaptent, même s’ils ne renient pas complètement les expériences formatrices de leur jeunesse, la plupart des rescapés de la génération dite expressionniste.
# Lionel RICHARD
Cinéma
Le premier film expressionniste, Le Cabinet du docteur Caligari (1919) , né en Allemagne, est dû au hasard, à une époque où l’apogée de l’expressionnisme dans les autres arts était déjà dépassé depuis des années.
Le Cabinet du docteur Caligari Le Cabinet du docteur Caligari, le film-manifeste de l’école expressionniste allemande, de Robert Wiene, sur un scénario de Carl Mayer (1919).
La naissance à partir du décor
Un scénario bizarre au sujet hallucinant, écrit, grâce à un de ses auteurs, Carl Mayer, dans un style expressionniste explosant en phrases courtes, en exclamations entrecoupées, fut confié, selon les habitudes des studios allemands, à un décorateur, Hermann Warm. Celui-ci l’étudia le jour même avec deux amis peintres employés comme lui au studio. Attiré par ce scénario étrange, l’un d’eux, Walter Reimann, proposa d’exécuter les décors sur des toiles peintes dans un style expressionniste. Le producteur, envisageant un film bon marché, y consentit ; le metteur en scène, Robert Wiene, fit de même.
Toutefois, le grand public boudait un film où des ruelles étroites se prolongeaient en lignes ondulées et suintaient d’angoisse, où des maisons ne semblaient être que des cubes vaguement penchés, où des portes étrangement obliques et les losanges déformés de fenêtres paraissaient ronger insidieusement les murs. Le comportement expressionniste des acteurs, aux gestes brusques et sans liaison logique, à la mimique grimaçante, ainsi que leurs maquillages et accoutrements insolites, adaptés à la distorsion du décor, choquaient les spectateurs, tandis que de rares intellectuels acclamaient cette œuvre nouvelle. Exporté deux ans après comme film « autrichien » à cause de l’hostilité persistante des autres pays envers l’Allemagne depuis la guerre mondiale, Le Cabinet du docteur Caligari obtint un grand succès en France et aux États-Unis.
Le tournage intégral en studio, même pour des extérieurs abstraits, devint une des caractéristiques du cinéma expressionniste. Car les préceptes de cet art forcèrent les artistes qui le pratiquaient à « forger leur monde », à ne pas tomber dans la « décalcomanie servile du naturalisme ».
Difficultés de délimitation
Aujourd’hui, où l’on croit à tort que presque tous les films allemands des années 1920 sont expressionnistes, on tend à en penser autant de certains films des années 1910. Or L’Étudiant de Prague (1913) de Stellan Rye et Paul Wegener est tourné dans les extérieurs naturels de cette ville et comporte même quelques intérieurs réalisés dans un vrai château. Dans les rares intérieurs tournés au studio flotte un envoûtant clair-obscur à la Rembrandt, souvenir plutôt de la magie des ombres et lumières sur la scène de Max Reinhardt, à la troupe duquel Paul Wegener appartint pendant des années. On sait peu du premier Golem (1914), film perdu de Wegener et Henrik Galeen. Quant au deuxième Golem (1920), Paul Wegener s’est toujours défendu d’avoir voulu en faire un film expressionniste, et cela malgré les décors du célèbre architecte Hans Poelzig. Aussi les contours originaux de bâtiments gothiques transparaissent-ils encore quelque peu dans les maisons aux pignons raides du ghetto ; seuls les intérieurs, avec leurs nervures et ogives en demi-ellipses, dénoncent l’appartenance au style expressionniste. Mais ici encore le clair-obscur fluide semble provenir des effets de Max Reinhardt.
Cela révèle le caractère hybride de maint film dit expressionniste. Déjà Wiene lui-même, essayant d’exploiter de nouveau le caligarisme, n’atteint plus la valeur plastique de celui-ci dans son film suivant, Genuine (1920), et cela malgré un scénario du même Carl Mayer et les décors d’un peintre expressionniste célèbre, Cesar Klein. Son Raskolnikov (1922) s’imposa grâce à la transformation fantastique et presque surréelle des décors par Andrei Andreiev ; mais ici également les éclairages rappellent ceux de Max Reinhardt.
Comme Wegener, Fritz Lang déclare que son film Les Trois Lumières (1921) n’est aucunement expressionniste, bien que certains effets d’éclairages et une sorte de Chine drolatique dans un des trois épisodes se prêtent à une parodie de certaines exigences de ce type. C’est le même cas pour Nosferatu (1921-1922) , film de F. W. Murnau, tourné dans des extérieurs naturels aux Carpates et dans les villes de la mer Baltique ; seuls deux acteurs, Max Schreck dans le rôle du comte Orlok, le vampire , ainsi qu’Alexander Granach, dans celui du satanique agent immobilier Knock, ont su trouver pour leurs créatures de cauchemar une attitude expressionniste.
Nosferatu, de Friedrich Wilhelm Murnau, 1922, affiche Cette affiche originale de Nosferatu, une gravure sur bois éditée par la firme de production Prana-Film, insiste sur la monstruosité animale du vampire et sur sa parenté avec le rat, porteur du bacille de la peste, ici représenté trônant sur un empilement de cercueils. Le film est annoncé comme une «Symphonie de l’horreur» et …
Nosferatu le vampire, F. W. Murnau Nosferatu le vampire foudroyé par la la lumière au lever du jour. C’est Max Schreck qui interprète le rôle-titre du film de F. W. Murnau (1921-1922).
Romantisme et expressionnisme
En vérité, il existe fort peu de films intégralement expressionnistes ; on confond souvent le contenu romantique d’un film allemand où transparaissent l’angoisse ou l’horreur avec l’expressionnisme.
Un des rares films totalement expressionnistes, que l’on n’a même pas osé présenter à son époque en Allemagne alors qu’il connut un grand succès au Japon, a été retrouvé dans les archives de la Cinémathèque japonaise : De l’aube à minuit (1920), tourné par Karl Heinz Martin, à cette époque metteur en scène de théâtre ; il a réalisé ce film d’après une pièce de Georg Kaiser.
Sur fond noir, quelques ébauches de décor se détachent comme découpées ; ici et là apparaît un meuble, un coffre-fort immense. Parfois des traits de craie suffisent pour indiquer le lieu. Certaines formes sont hors de proportion et sans rapport logique avec leur entourage, selon les préceptes de l’expressionnisme.
Ces rares décors sont striés de lignes ou rehaussés de taches claires ou sombres comme c’est également le cas pour les vêtements et même les visages des acteurs, afin de conférer à l’ensemble un caractère nettement graphique, proche des gravures sur bois d’un artiste tel que Schmidt-Rottluff.
Le cinéma expressionniste et l’acteur
Cependant, un tel film permet de se rendre compte des difficultés que rencontre la création d’une œuvre qui serait intégralement expressionniste : l’acteur, cette Naturform, cette forme naturelle, comme le déplorent les fervents du genre, reste souvent un obstacle. Il n’y a ici que Ernst Deutsch, caissier en fuite, arraché à son monde quotidien, morne et honnête, qui atteigne le vrai comportement expressionniste, comme dans Caligari seuls Conrad Veidt et Werner Krauss y parviennent.
L’acteur sur scène pouvait s’attacher aux paroles ; il les « jette » – ainsi s’exprime Léontine Sagan, d’abord actrice expressionniste et plus tard metteur en scène de Jeunes Filles en uniforme (1931) – « comme des pierres d’une catapulte au public ». L’acteur du film muet peut seulement avoir recours à la pantomime, à des gestes et à la mimique sans nuances intermédiaires ; ce qui fait que certains acteurs moins doués se contorsionnent malhabilement sans sortir du naturalisme.
Un autre film intégralement expressionniste, Le Cabinet des figures de cire (1924), de Paul Leni, décorateur de théâtre, peintre, affichiste et cinéaste, porte un titre adéquat que l’on peut rapprocher de celui du Cabinet du docteur Caligari. Dans ses trois épisodes, Paul Leni nous présente avec un raffinement et un rare sens décoratif trois stades divers de l’expressionnisme. Le premier épisode, avec Haroun al-Rachid et la femme du boulanger, offre des décors farfelus, gonflés comme de la pâte, assortis au physique bouffi d’Emil Jannings, énorme toupie affublée d’un turban immense qui ressemble curieusement aux coupoles orientales de Bagdad
Le deuxième épisode, où se déroulent les exploits d’un Ivan le Terrible extraordinairement sanguinaire, met en évidence le jeu de l’acteur. Des plafonds bas et des corridors étroits forcent les corps à se courber brusquement, à longer les murs, le buste en avant, la taille rompue, bref à assumer cette attitude de « diagonale dynamique » qu’exaltent les expressionnistes.
Le troisième épisode, Jack l’Éventreur, aboutit à un expressionnisme quasi total. Des angles se brisent, des triangles trouent l’espace, le sol devient inégal, glisse sous les pas, des parois obliques cèdent. Des surimpressions transforment à chaque instant l’image fugitive, et le fantôme énorme de Jack l’Éventreur (Werner Krauss) y flotte telle une menace, se doublant, se triplant constamment. Dans ce chaos des formes, le choc des lumières et des ténèbres devient infernal.
Lutte avec le naturalisme et survivance
Toutefois, déjà en 1921, le Kammerspielfilm, créé par Carl Mayer, en prônant les piètres tragédies quotidiennes ainsi que la description des réactions psychologiques – toutes choses condamnées par les expressionnistes –, avait constitué une « gifle naturaliste infligée aux snobs expressionnistes » et tenté d’abolir ce cinéma, sans y parvenir ; ce fut ainsi le cas d’Escalier de service de L. Jessner et P. Leni et Rails de Lupu Pick.
Bien que, vers 1927, le cinéma allemand sorte de la « féerie du laboratoire », du vase clos des studios, avec Berlin, symphonie d’une grande ville, tourné par l’avant-gardiste Walter Ruttmann , dont le scénariste est encore Carl Mayer, pour atteindre, en 1929, des effets de plein air quasi impressionnistes dans Les Hommes le dimanche de Robert Siodmak, on retrouve dans beaucoup de films des années 1925 à 1930 de curieuses survivances et des échos vagues du genre. Le magicien Rothwang de Metropolis (1926), film de Fritz Lang, présente encore des gestes saccadés qui conviennent évidemment à son rôle de demi-fou. Et les ruelles de L’Ange bleu (1930), film de Josef von Sternberg, révèlent des maisons chancelantes et obliques, provenant d’une vision expressionniste.
Walter Ruttmann Le réalisateur Walter Ruttmann (1887-1941) a inventé une poésie de l’image en mouvement, capable de répondre à la nouvelle réalité des grandes villes.
# Lotte H. EISNER
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* LITTÉRATURE ALLEMANDE
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