Prise de vue
On sait que la « lecture » d’un texte est le résultat de la confrontation de l’acquit personnel de chacun avec les données qui lui sont proposées, sous forme d’une suite de signes symboliques. Les hommes d’un milieu ou d’une époque réagissent donc, face notamment aux œuvres littéraires, autant en fonction de la culture dans laquelle ils se trouvent immergés que de leur expérience personnelle . D’où l’intérêt – et la difficulté – qu’il peut y avoir à étudier les pratiques de la lecture à travers leur histoire.
Le temps du « volumen »
Voici d’abord le volumen de l’Antiquité classique. Le texte se trouve inscrit en colonnes perpendiculaires au sens de déroulement d’un rouleau de papyrus, un peu à la manière des images d’un film, et cette forme de lecture rend évidemment difficile toute consultation ponctuelle ou tout retour en arrière, de telle sorte que l’écriture y apparaît conçue comme une reproduction de la parole. Bien plus, si les mots sont généralement séparés dans les écritures consonantiques afin de faciliter la compréhension des paroles dont le seul squelette consonantique est inscrit sur la feuille, les lettres se suivent d’ordinaire sans séparation chez les Grecs, et aussi, à partir du ier siècle après J.-C., chez les Latins – les scribes se contentant d’isoler en certains cas les syllabes afin de faciliter la prononciation. De même, la ponctuation reste le plus souvent élémentaire et se trouve limitée, au moins pour les Latins, à des points placés à des hauteurs différentes ainsi qu’à des blancs, et cela dans le meilleur des cas.
Dans ces conditions, les lecteurs avaient tout intérêt à lire de tels textes à haute voix afin de se laisser guider par le rythme de la phrase. Qu’on ne s’étonne donc pas si les Anciens, férus d’art oratoire, étaient accoutumés à lire à haute voix ou, du moins, à voix murmurante ou, mieux encore, à se faire lire les documents comme les œuvres littéraires. D’où le rôle joué dans l’Empire romain par les lectures faites en public. De telles pratiques permettent de mieux comprendre la composition, au reste fort savante, de certaines œuvres littéraires où l’on relève des digressions et des retours en arrière destinés à délasser l’auditeur ou à lui rappeler les données essentielles du sujet traité. Mais on ne doit pas moins admirer la faculté d’attention d’un public capable de comprendre et d’apprécier des œuvres d’une grande densité d’information et d’une logique rigoureuse au rythme d’une lecture à voix haute. Et on soupçonne que de telles pratiques correspondaient à des facultés de mémorisation supérieures aux nôtres. Il convient enfin d’ajouter que, tandis que les lettrés étaient assurément aptes à lire des yeux des documents écrits si cela s’avérait nécessaire, sans pouvoir pour autant pratiquer des formes de lecture rapide auxquelles les manuscrits de cette époque ne se prêtaient au reste guère, une large frange du public n’était capable que de déchiffrer en ânonnant, syllabe après syllabe, comme on le lui avait appris à l’école, de courtes inscriptions ou des messages concrets – ce qui ne semble pas l’avoir empêchée de retenir à l’occasion par cœur les passages de certains textes littéraires particulièrement populaires.
L’apparition du « codex »
L’apparition du codex – le livre en cahiers – et la généralisation de l’usage du parchemin aux premiers siècles de notre ère ne modifièrent nullement les habitudes. Aussi saint Augustin s’étonne-t-il, dans ses Confessions, de voir saint Ambroise lire à voix muette, contrairement aux usages : « Lisait-il, ses yeux couraient sur la page dont son esprit perçait le sens : mais sa voix et sa langue se reposaient. Souvent, quand je me trouvais là – car sa porte n’était jamais défendue, l’on entrait sans être annoncé –, je le voyais lisant tout bas et jamais autrement. Peut-être évitait-il une lecture à haute voix de peur qu’un auditeur attentif et captivé ne l’obligeât, à propos de quelque passage obscur, à s’engager dans des explications, à discuter sur de difficiles problèmes et à perdre ainsi une partie du temps destiné aux ouvrages dont il s’était proposé l’examen, et puis la nécessité de ménager sa voix qui se brisait aisément pouvait encore être une juste raison de lire tout bas. Au surplus, quelle que fût son arrière-pensée, elle ne pouvait être que bonne chez un homme tel que lui. »
Les chrétiens firent en cette période de grands efforts pour faciliter la consultation et l’interprétation de l’Écriture. Ce fut tout d’abord la pratique adoptée par saint Jérôme de diviser le texte évangélique en colacommata, brefs segments textuels séparés par des espaces blancs plus faciles à saisir, même par les semi-alphabétisés, en raison de leur isolement. Par ailleurs, Eusèbe de Césarée mettait alors au point, au début du ive siècle, un système de correspondances permettant de comparer le récit des épisodes de la Vie de Jésus tels qu’ils étaient rapportés dans les quatre Évangiles. Enfin, on vit alors apparaître des miscellanées, recueils de divers textes d’auteurs variés. Soit des techniques correspondant à des transformations profondes des modes de lecture et de travail jusque-là traditionnels. et
Le temps des clercs
Le haut Moyen Âge
Cette situation se trouve rapidement bouleversée au haut Moyen Âge. L’écriture et la lecture devinrent alors l’apanage de plus en plus exclusif des clercs regroupés autour des bibliothèques des grandes églises et des couvents. Souvent peu lettrés, ces hommes lisaient alors plus que jamais à haute voix comme le père Leclercq l’a montré dans une étude classique, L’Amour des lettres et le désir de Dieu (1957) : « Au Moyen Âge comme dans l’Antiquité, on lit normalement non comme aujourd’hui principalement avec les yeux, mais avec ses lèvres, en écoutant les paroles qu’on prononce, en entendant, comme on dit, les voces paginarum (les voix des pages). On se livre alors à une véritable lecture acoustique : legere (lire) signifie en même temps audire (écouter). Sans doute, la lecture silencieuse n’est-elle par inconnue, elle est alors désignée par des expressions comme celles de saint Benoît : tacite legere ou legere sibi (lire en silence ou lire à soi-même). »
La lecture se faisait le plus souvent à haute voix, et des médecins prescrivaient à certains malades qui avaient besoin de mouvement de s’adonner à la lecture comme à un exercice physique violent. Et, par là même, la mémoire était non point visuelle, mais auditive et même musculaire, et la ruminatio, le mâchonnement répété de la parole divine, est souvent considérée par les auteurs spirituels comme une forme de nutrition de l’âme (J. Leclercq). Ceux-ci distinguaient la lecture à haute voix et le bruit de la parole de la méditation silencieuse qui suivait et permettait d’intérioriser le texte. Aussi les moines, qui devaient donner à cet exercice plusieurs heures par jour, n’avaient-ils pas à lire plus d’un à trois livres par an selon les règles et selon les époques. À quoi s’ajoutait cette forme de lecture qui consistait à recopier un texte.
On comprend donc que, en cette époque où la lecture lente était de règle, les manuscrits aient été copiés en écriture continue, sans aucune séparation entre les mots et presque sans ponctuation. Ce n’est qu’à l’époque carolingienne que les scribes, qui comprenaient de plus en plus difficilement le latin, réalisèrent une réforme en ce domaine : ils s’efforcèrent de séparer les syllabes sinon les mots, et restituèrent une ponctuation. Ainsi, de nouvelles formes de mise en texte destinées à faciliter la lecture semblent s’être d’abord développées afin de rendre plus facile l’appréhension d’œuvres composées en une langue sacrée mais dont l’accès devenait toujours plus difficile. Ces améliorations ne suffirent pas à modifier radicalement les conditions dans lesquelles cet exercice était pratiqué.
La lecture scolastique
Au cours du xie siècle, d’autres changements vinrent faciliter la lecture et la compréhension des textes, les lettres tendant notamment à se séparer tandis que des tirets étaient placés à la fin des lignes lorsqu’un mot s’y trouvait coupé. Mais c’est surtout à partir des xiie et xiiie siècles que les conditions de la culture écrite européenne se trouvèrent renouvelées. À la lectio monastique succède la lectio scolastique qui comporte l’examen raisonné du texte et la consultation d’ouvrages de référence. Du même coup, la présentation des textes évolue. Souvent de grand format, difficile à manier, le manuscrit de cette époque est le plus souvent copié sur deux colonnes relativement étroites, en une écriture serrée et hérissée d’abréviations, chaque ligne correspondant à peu près au champ de reconnaissance ou de fixation visuel. Désormais, de multiples indications – rubriques, marques de paragraphes, initiales et majuscules – permettent au lecteur de mieux s’orienter dans une page volontairement compacte mais dont le texte est méthodiquement articulé en des séries de divisions et de subdivisions ayant pour but de permettre au lecteur de mieux suivre l’argumentation. Enfin, et surtout peut-être, cette époque voit se multiplier les tables et les indexations.
Ainsi se trouve constitué un matériel destiné à faciliter le travail intellectuel en généralisant par exemple l’usage dans les tables du classement alphabétique devant lequel l’Église manifesta à l’origine quelques réticences parce qu’il ne lui semblait pas conforme à l’ordre voulu par Dieu. Le recours à de multiples abréviations, notamment pour les mots les plus usuels, facilita alors sans nul doute la lecture tout en compliquant l’écriture des textes. D’où des procédés destinés à rendre plus aisé un travail poursuivi la plume à la main. On ne doit cependant pas oublier que les « intellectuels » du temps, issus de milieux de tradition essentiellement orale, n’avaient été alphabétisés qu’assez âgés et poursuivaient durant de très longues années des études spécialisées, de sorte que leur savoir était très compartimenté et qu’ils étaient mal armés pour comprendre les écrits ne correspondant pas à leur domaine ou même les œuvres des classiques latins dont la langue était très différente de celle qu’ils utilisaient professionnellement. Il est enfin évident qu’ils étaient incapables de parcourir un texte.
L’essor de la lecture en langue vulgaire
Voici cependant que, à partir du xie siècle et plus généralement du xiiie, les manuscrits en langues vulgaires commencent à se multiplier tandis qu’un nombre croissant de laïques se trouve alphabétisé. Il ne peut être question d’évoquer ici les conditions dans lesquelles furent réunies et fixées par écrit des poésies de tradition orale. Ainsi apparurent les « manuscrits de jongleurs », alignant leurs vers en une ou deux colonnes sur des peaux épaisses. Leur présentation simple suggérerait d’y voir des « instruments de travail ». Les « manuscrits cycliques », qui regroupent un peu plus tard les chansons de geste relatives à un même personnage, comportent encore généralement des variantes, si bien que chacun d’eux semble noter un poème conservant la mobilité de l’oral, tel qu’il avait été prononcé par un récitant donné en un moment précis. Ils semblent donc liés sinon à des techniques de déclamation, du moins à des formes de lecture en groupe à haute voix. Plus tard, les mises en prose d’un même récit, souvent adaptées et calligraphiées par des « écrivains » spécialisés, doivent correspondre à des lectures effectuées en des cercles très réduits ou même solitairement. Ces dérimeurs éclairent alors souvent le texte d’un prologue, le divisent en chapitres précédés de rubriques qui en annoncent le contenu. Ainsi se développe la lecture courtoise à l’intérieur des grandes salles des châteaux ou, même, en dehors, dans les cours et les jardins. Cette pratique semble associée à une culture qui privilégie les arts de la conversation et de la musique, ou encore le jeu et l’escrime. Elle concerne enfin les femmes autant que les hommes.
Par ailleurs, on vit se développer, surtout à partir du xiiie siècle, notamment en Italie et, un peu plus tard, dans les Pays-Bas et dans les pays germaniques, une forme de lecture « bourgeoise » qui était le plus souvent le fait de juges, de notaires ou de clercs, mais parfois aussi de marchands, d’artisans, de comptables ou de leurs épouses. Les livres auxquels s’intéressaient ces personnages avaient été copiés à l’intérieur de leur milieu, souvent par eux-mêmes, pour leur usage personnel et celui de leur entourage. Ainsi se multiplièrent des livres de papier, de format moyen, en écriture plus ou moins cursive, à longues lignes, où le texte ne comporte pas de commentaire, mais s’accompagne d’un simple dessin à la plume parfois colorié à l’aquarelle.
En même temps, les livrets hagiographiques commencent à se multiplier sous l’influence de la pastorale mendiante. Ils s’apparentent à l’objet de culte, possédé communautairement et doué d’un pouvoir sacré, mais aussi au matériel de dévotion, prolongement individuel de l’activité cultuelle et marque d’une pratique religieuse (A. Boureau). Dans leur matérialité, ils apparaissent donc comme des dispensateurs de grâces, autant que comme des instruments de lecture à proprement parler. Mais cette époque est surtout celle de la grande vogue du livre d’heures. Petits et portatifs, ils sont les moyens privilégiés de la dévotion privée. Leur apparition est étroitement liée aux progrès de la lecture à la fin du Moyen Âge. Ils sont caractéristiques de deux types d’usage : d’un côté la lecture à voix haute de prières latines et, de l’autre, la lecture, mot à mot, en silence d’un texte que l’on comprend à mesure qu’on le déchiffre. D’où la structure complexe de ce type d’ouvrages qui, comme le souligne P. Saenger, prennent souvent une forme bilingue et se répandent dans des milieux où ces deux compétences existent côte à côte.
Voici enfin que, à la fin du xive siècle et au début du xve, un groupe de jeunes lettrés ayant à sa tête Niccolo Niccolini opère en Italie une révolution radicale dans le domaine des lettres classiques et de la production des livres (A. Petrucci). Cherchant leurs modèles dans les manuscrits anciens de trois ou quatre siècles et encore écrits en minuscules carolines, ils mettent à la mode un type de livres de format relativement réduit, dont le texte, écrit en caractères aérés, est dégagé de tout commentaire, sans système fixe et visible de divisions, et presque sans abréviations. Ce petit groupe d’avant-garde prépare l’avenir, mais il faudra attendre le livre imprimé et l’intervention des imprimeurs humanistes pour que de nouvelles formes de lecture s’imposent définitivement.
La révolution de l’imprimé
Un nouvel espace pour le livre
Il n’est pas question de disserter ici des raisons pour lesquelles, en Europe, l’imprimerie apparut dans les pays germaniques au milieu du xve siècle. Bornons-nous à constater que cette invention fut réalisée en un moment et dans une région où la demande en textes écrits connaissait un accroissement vertigineux. Il est de bon ton de souligner les progrès qu’elle permit de réaliser. Mais elle contribua largement aussi à désorganiser les procédés de mise en texte qui correspondaient aux formes de lecture traditionnelles. En effet, si l’on commença par essayer d’imiter au plus près les manuscrits qu’il s’agissait de reproduire, quitte à demander à un « rubricateur » de préparer un à un les exemplaires avant leur vente, les impératifs de la mécanisation et la recherche du plus bas prix de revient firent abandonner de telles pratiques à partir du moment où, dans les années 1480, les typographes n’eurent plus à craindre la concurrence des copistes. Les repères de couleur qui balisaient les textes de théologie et de droit disparurent alors et les lignes des romans se resserrèrent. Après quoi, surtout à partir des années 1520-1530, avec le caractère romain, l’intervention des imprimeurs humanistes fit triompher de nouvelles formes de mise en texte, plus simples et plus aérées, qui correspondent à de nouvelles formes de lecture.
L’évolution de la présentation des textes, tributaire qu’elle est des gestes et des habitudes des liseurs, ne se fait pourtant que très lentement, et les manières de lire ne ressemblent encore en rien à celles que nous pratiquons. La glose, avec ce qu’elle suppose d’analyse mot à mot d’un texte emprisonné dans son commentaire, survit longtemps encore dans les milieux juridiques. Les grandes œuvres théologiques, et notamment les éditions de l’Écriture et des Pères, présentent, surtout à l’époque de la Contre-Réforme, un aspect massif qui montre bien que ces ouvrages sont d’ordinaire consultés ponctuellement et non point lus cursivement. En revanche, les éditions des auteurs classiques adoptent des formes de présentation inspirées par les humanistes, où le texte occupe la quasi-totalité de la page, les annotations étant reléguées d’abord dans certaines marges avant de se trouver entassées au bas de celle-ci au xviie siècle. Surtout, à partir du moment où Alde Manuce lance ses petites éditions en caractère italique de format in-8o, de nouvelles formes de lecture plus cursives se développent assurément. Enfin, les typographes d’avant-garde s’efforcent de codifier l’orthographe, mais se trouvent entravés dans leur effort de simplification par le poids des traditions, toujours tenaces en ce domaine, et aussi parce qu’ils s’aperçoivent vite que les lettres adventices qu’ils voudraient éliminer facilitent la saisie du mot par l’œil, notamment la distinction des homonymes ou celle des fonctions.
La lente visualisation du discours écrit
Cependant, ces typographes, qui veillèrent si soigneusement à la correction de leurs textes et qui furent pour la plupart d’admirables metteurs en page, continuèrent à présenter les œuvres sans paragraphes ni blancs. Comment donc pouvait-on lire au xvie siècle les œuvres de Rabelais ou les Essais de Montaigne sans qu’aucun blanc permette de respirer, au long de dix pages, ou parfois plus encore ? Cette présentation serrée étonne tout autant dans le cas de certains livres de piété conçus pour être lus par phrases ou par groupes de phrases, successivement destinés à orienter la méditation – par exemple, l’Imitation de Jésus-Christ. Plus surprenant encore, l’ensemble des contes et des romans, de Boccace à Marguerite de Navarre, de Belleforest à Honoré d’Urfé et Madeleine de Scudéry, se trouve mis en texte de la même façon, souvent dans une typographie comptant moins de mille signes à la page. L’Astréelle de Scudéry comportent, certes, des sortes de coupures favorisant des pauses, avec l’introduction dans le texte de lettres missives parfois précédées d’un titre ou encore de conversations, mais la mise en imprimé pratiquée en de tels ouvrages ne permet pas, par exemple, à la lecture d’un dialogue, entre les « dit-il » et les « reprit-il », de savoir quel est le personnage qui prononce une réplique ou une autre. Ainsi l’organisation des pages semble longtemps correspondre à une manière de lire tout à fait différente de la nôtre. Enfermée dans son texte qu’elle doit bien probablement suivre avec le doigt, la lectrice de romans passe par exemple de longues heures à en suivre le récit en pratiquant sans doute souvent la lecture murmurante. d’Honoré d’Urfé et les œuvres de M
On doit se demander pourquoi tant de textes furent ainsi présentés, à l’origine, et avec l’accord de l’auteur, sous une forme aussi contraignante. La réponse en est fort simple. Le texte imprimé fut longtemps conçu comme la représentation fidèle d’un discours oral, fictif ou non, en un monde où les rapports de l’oral et de l’écrit étaient très différents des nôtres. Pour les hommes de la Renaissance, les grands écrivains devaient être avant tout, comme dans l’Antiquité, des orateurs et des hommes d’action. Ainsi s’explique le rôle des salons durant la première moitié du xviie siècle : s’y forme un public littéraire révérant les valeurs aristocratiques et sensible aux influences féminines. Aussi les genres littéraires les plus caractéristiques de l’époque classique – la poésie, le théâtre et le sermon – correspondent-ils à des types de communication orale.
Tout semble cependant indiquer qu’un bouleversement des habitudes de lecture se produit au milieu du siècle classique. L’évolution de la mise en texte des grands romans, et en particulier de L’Astrée, montre en effet que les alinéas, encore rares à l’origine, et qui marquaient surtout les déplacements de personnages dans le temps et dans l’espace, se multiplient de réédition en réédition pour indiquer les frontières entre certains éléments de récit et en suggérer la logique. Il en va encore ainsi à la même époque pour les livres de dévotion ainsi que pour les traductions des auteurs latins – et aussi pour le Discours de la méthode, le premier texte philosophique en français à avoir été mis en paragraphes. Soit une petite révolution dont on ne doit pas mésestimer l’importance, car elle facilite la participation du lecteur en lui fournissant des possibilités de respiration et de reprise entre chaque bloc de texte.
Plus claire encore, l’évolution des illustrations vient confirmer cette évolution. Le siècle de la Renaissance avait été celui des allégories, ainsi qu’en témoigne la vogue des livres d’emblèmes. Les ouvrages de la Réformation catholique sont bien souvent précédés de frontispices allégoriques que nous avons bien du mal à déchiffrer mais que les contemporains comprenaient du premier coup d’œil. Voici cependant que, au temps de la révolution mécaniste, l’heure est aux mathématiques, notamment à la géométrie, mais aussi à la lecture des cartes et des plans. Réagissant contre les imageries complexes mises à la mode par Rubens, Poussin trace comme frontispices pour les premiers volumes de l’Imprimerie royale (1641-1644) quelques grandes figures d’aspect sculptural. Dernier prince de la Renaissance, Louis XIV donne, certes, des fêtes placées sous le signe de l’allégorie, et Bossuet prononce ses oraisons funèbres dans des cathédrales garnies d’emblèmes destinés à glorifier le disparu. Mais le récit vient remplacer l’image dans les Fables de la Fontaine et, désormais, les livres ne sont plus illustrés que de portraits destinés à faire mieux comprendre la psychologie des auteurs ou de leurs héros. Ainsi s’annoncent de nouvelles manières de lire.
Les étapes de l’alphabétisation
Une pluralité de lecteurs
Reste à savoir qui pouvait participer à la culture écrite durant l’époque moderne. L’examen des signatures dans les actes de mariage a fourni une première approche de l’alphabétisation selon les époques et les régions. On s’est, de même, efforcé de connaître la composition socioculturelle du public cultivé ainsi que ses lectures en analysant le contenu des bibliothèques mentionnées dans les inventaires après décès et on a constaté que ce public ne constitua longtemps qu’une mince frange de l’ensemble de la population européenne. Au total, la part de l’alphabétisation et de la culture écrite semble avoir nettement faibli en Espagne et en Italie à partir de la fin du xvie siècle. Et on a surtout pu déceler, du xviie au xixe siècle, une opposition entre une Europe du Nord souvent protestante et largement alphabétisée et une Europe du Sud moins lettrée – le partage se faisant en France le long d’une ligne Saint-Malo - Genève.
Aujourd’hui, cependant, ces méthodes font l’objet de nombreuses critiques. D’abord parce que le nombre des lecteurs potentiels est certainement plus important que celui des mariés capables de signer. En outre, la circulation des objets imprimés d’un groupe social à l’autre était plus fluide que les inventaires ne le suggèrent, et la littérature savante n’était pas plus le propre exclusif des élites que la littérature de la Bibliothèque bleue et des livres de colportage n’était celle des seuls paysans (R. Chartier). Le véritable problème dans ces conditions est de comprendre par quels mécanismes l’Europe moderne a pu s’alphabétiser. On doit se souvenir à cet égard qu’il n’a jamais servi à rien d’enseigner la lecture et l’écriture en des milieux refermés sur eux-mêmes. L’école, à elle seule, ne suffit pas à en diffuser la pratique : elle ne fait que dévoiler des façons de lire, et l’enfant se contente alors de réinvestir dans le domaine de l’écrit des pratiques culturelles plus générales qui sont celles de son milieu immédiat (J. Hébrard). De plus, en pays catholique, l’objectif premier était d’apprendre aux enfants à lire leurs prières en latin. Et, partout, l’apprentissage de l’écriture ne se faisait que longtemps après celui de la lecture. Aussi les garçons et les filles ne pouvaient-ils s’éveiller à la lecture que dans la mesure où ils s’y trouvaient incités par leur milieu familial ou socioprofessionnel. Leurs motivations étaient d’ordinaire d’origine religieuse. La lecture de la Bible chez les protestants ainsi que dans certaines familles jansénistes et l’importance des lectures collectives en milieu puritain en témoignent. Qu’on ne s’étonne donc pas si, en de telles époques, les pratiques de la lecture apparaissent très différenciées en dehors des milieux lettrés – où les garçons avaient poursuivi leurs études au collège et où les filles avaient appris au moins les rudiments au couvent ou chez leurs parents. Roger Chartier a pu citer des exemples de personnages capables seulement de déchiffrer les lettres romaines ou de filles qui avaient appris à lire au foyer familial, mais auxquelles on avait plus ou moins systématiquement négligé d’enseigner l’écriture – ne fût-ce que pour les empêcher d’adresser des billets à leurs amants (on en trouve l’illustration chez Molière, dans L’École des femmes). Soit une multitude de données qui permettent d’estimer que le nombre des personnes susceptibles de déchiffrer les inscriptions, voire les placards qui se multipliaient dans les villes, étaient plus important qu’on aurait eu tendance à l’imaginer d’après les signatures.
Le lecteur autodidacte
On peut soupçonner, dans ces conditions, l’importance du rôle joué par les intermédiaires culturels – notamment par les domestiques dans le Paris du xviiie siècle, ainsi que Daniel Roche l’a rappelé. Et aussi celle de l’autodidaxie. Voici, par exemple, dans la seconde partie du xvie siècle, le meunier Menochio, originaire du Frioul, dont Carlo Ginzburg a reconstitué l’itinéraire. Cette « forte tête » qui avait pu se procurer quelques volumes, retenant souvent un détail ou un mot, prenant les images dans leur signification la plus concrète, avait nourri cet ensemble de traditions non lettrées pour se constituer un système personnel qu’il défendit devant les inquisiteurs – ce qui lui valut d’être finalement brûlé. Voici un cas auquel on peut comparer, par exemple, celui d’Isabeau Vincent, jeune bergère cévenole devenue prophétesse à la suite de la révocation de l’édit de Nantes. Elle prêchait dans son sommeil et semblait bien connaître la Bible, les psaumes et le catéchisme de Drelincourt, mais en faisait un usage illégitime aux yeux de la hiérarchie, catholique aussi bien que protestante, et n’avait peut-être eu connaissance que par des lectures familiales de ces textes qu’elle avait manifestement eu des difficultés à assimiler et dont elle ne prenait que la lettre. Enfin, l’autodidaxie pouvait prendre encore de tout autres allures, comme l’atteste le cas de Chavatte, ouvrier lillois de l’époque de Louis XV. Ce grand amateur de canards (petits imprimés contenant le récit d’un événement du jour) en découpait les images et en copiait souvent les récits ou en reproduisait le style dans la chronique qu’il rédigeait.
Ces quelques indications montrent quelles difficultés rencontrent ceux qui veulent échapper au milieu culturel dans lequel ils sont immergés. On doit considérer avec une particulière attention l’histoire de Jamerey-Duval (1695-1755). Ce fils de charron, qui avait perdu son père, quitta à treize ans son village d’Arthonnay, près de Tonnerre, et sa mère, qui s’était remariée avec un « brassier » (ouvrier agricole) qui le terrorisait. Ayant mené jusque-là une vie purement végétative, pour reprendre son expression, il découvrit le monde au cours d’une errance qui lui permit de rencontrer et de questionner des personnages divers, il trouva ensuite une place de berger dans le village de Clézantaine au nord d’Épinal. Il fut alors mis en présence de Fables d’Ésope illustrées de tailles-douces. Éprouvant le désir de comprendre les histoires ainsi illustrées, il apprit à lire avec l’aide de ses compagnons. Il dévora dès lors les livrets qui lui tombaient sous la main, et d’abord les romans de chevalerie de la Bibliothèque bleue qui se trouvaient chez les habitants de son hameau et dont il racontait ensuite l’histoire à ses camarades. Tout fier de son récent savoir, il se mit à fréquenter le maître d’école et le marguillier, qui lui firent connaître La Légende dorée et le catéchisme ; mais il posa à ses nouveaux amis des questions à la fois si naïves et si embarrassantes qu’ils le renvoyèrent au curé qui poursuivit son instruction en mettant des livres à sa disposition – notamment une Bible qu’il n’ouvrit qu’avec crainte. Après quoi, il passa au service d’ermites, apprit à écrire à dix-huit ans et utilisa ses gages pour se constituer une petite bibliothèque et acheter des cartes, car la géographie le passionnait. Il rencontra alors le duc de Lorraine de passage dans la région ainsi que des membres de sa cour qui s’étonnèrent de voir les efforts déployés par ce demi-sauvage pour élargir ses connaissances et s’initier par exemple à la géométrie. Le baron de Pfützchner, gouverneur du fils du duc, le prit finalement sous sa protection et l’emmena au château ducal de Lunéville où il apprit le latin à l’âge de vingt-deux ans. Il fit ensuite sa philosophie à l’université de Pont-à-Mousson, devint sous-bibliothécaire, bibliothécaire puis professeur d’histoire et d’antiquités à l’académie de Lunéville ; il recevra en manière de consécration, en 1748, la direction du Cabinet impérial des médailles et monnaies de Vienne.
La chronique dans laquelle Jameray-Duval, devenu un savant reconnu, retrace son itinéraire intellectuel ne présente, certes, que l’interprétation a posteriori d’une ascension exceptionnelle et fait parfois penser par son ton aux Confessions de Rousseau. Elle n’en montre pas moins comment un petit paysan, jeté en dehors du sort commun, réussit à échapper à son milieu d’origine et put acquérir, par échelons successifs, une culture savante en s’attachant aux personnages susceptibles de lui faire franchir les étapes nécessaires. Mais cette intégration ne se réalisa pas sans sacrifices et sans peine, dans la mesure où elle exigeait, en même temps que la renonciation aux croyances paysannes traditionnelles, une forme de soumission à la culture dominante qui restera toujours comme extérieure à notre autodidacte. Plus que de la reconnaissance à l’égard de ceux qui l’ont aidé, sa chronique marque son hostilité envers ceux qui lui apparaissent s’être opposés à lui – les femmes et les courtisans. Et il dénonce systématiquement à la fois les superstitions et les injustices sociales. Mais il manifeste, bien entendu, une sorte de vénération à l’égard des livres qui lui ont permis de se forger une nouvelle personnalité. Attitude que l’on pourrait comparer à celle de bien des révolutionnaires qui suivirent un itinéraire analogue mais n’acceptèrent pas leur intégration finale.
De la lecture intensive à la lecture extensive
Tandis que l’alphabétisation se développait à travers l’Europe et que le nombre de textes imprimés mis à la disposition du public potentiel ne cessait d’augmenter, le rapport entre le lecteur et l’objet lu subissait une véritable mutation. Jusqu’à la moitié du xviie siècle, le liseur non lettré s’était trouvé confronté à des volumes relativement peu nombreux qu’on lisait souvent dans le cercle familial ou dont on entendait des passages à l’église ou au temple. En pays protestant, la Bible constituait l’élément essentiel de cette pratique de l’écrit et le livre était d’autant plus sacralisé qu’il avait été reconnu comme porteur de la Parole divine. La lecture de l’Écriture et le chant des psaumes dont le texte finissait par être plus ou moins mémorisé, notamment dans les milieux puritains, constituent donc un exemple caractéristique de lecture intensive. D’où une attitude qui se perpétuera jusqu’à nos jours chez les protestants et qui fit de la lecture un acte éminent et des bibliothèques collectives un instrument culturel indispensable à la communauté.
Du côté catholique, cependant, la crainte de la libre interprétation incita l’Église romaine, lors du concile de Trente, à prohiber, sauf autorisation exceptionnelle, la lecture de la Bible dans une traduction en langue vulgaire, la Parole divine devant être expliquée aux simples fidèles par le prêtre. En revanche, les livres de dévotion proliférèrent. Le livre devient donc, mais d’une autre façon, un intermédiaire obligé entre l’homme et Dieu. Et Michel de Certeau a montré comment cet objet porteur d’un message peut être utilisé, à l’instar des images, pour permettre à l’âme du fidèle de s’élever vers son créateur en un acte d’amour lors de l’oraison, quitte à en extraire quelques phrases et à en magnifier le sens.
Dans ces formes de lecture, le liseur reste homme de peu de livres. Il tend lui aussi à mémoriser les textes lus et relus en groupe ou isolément. Et la mise en texte des fameux livrets de la Bibliothèque bleue montre bien que ceux-ci étaient conçus, avec leur typographie dense et leurs caractères usés, pour être reconnus plutôt que lus. Dans ces conditions, « la lecture est révérence et respect pour le livre parce qu’il est rare et parce qu’il est chargé de sacralité même lorsqu’il est profane, parce qu’il enseigne l’essentiel ». Soit, là encore, une lecture intensive où l’on s’efforçait d’incorporer dans son être le plus intime ce qu’on lisait (R. Chartier).
Pourtant, de nouvelles manières de lire apparurent peu à peu. D’abord chez les élites où ce phénomène se manifesta clairement en France dès le milieu du xviie siècle, lorsque les textes se visualisèrent et que se dégagea un assez large public – celui des « honnêtes gens ». Cependant, ces façons de lire semblent ne s’être véritablement transmises aux masses que tardivement. C’est ainsi que ces nouvelles pratiques ne s’étendent de l’Allemagne à la Nouvelle Angleterre qu’entre 1750 et 1850. Un peu partout, la lecture cesse alors d’être essentiellement religieuse ; la mode passe aux romans, et d’abord aux romans épistolaires ; on lit désormais des textes nombreux, on passe avec légèreté d’une lecture à l’autre et on n’hésite plus à jeter un imprimé après l’avoir lu, alors qu’on conservait autrefois pieusement de génération en génération de tels documents. Ainsi s’annonce notre époque.
La lecture à l’époque contemporaine
La ville et le journal
Le xixe siècle correspond à l’alphabétisation générale du monde occidental. Celle-ci ne s’opéra pourtant pas sans douleur. L’exemple de Jameray-Duval a montré en effet combien il est difficile de faire passer un homme du monde de l’oral au monde de l’écrit. Il en est de même a fortiori pour les groupes sociaux, et les récits du xixe siècle nous fournissent de multiples exemples d’instructions avortées et de maîtres enseignant les techniques de la lecture et de l’écriture à des enfants incapables de comprendre les réalités correspondant aux mots et aux phrases qu’on leur faisait déchiffrer. L’essor de l’alphabétisation reste dans ces conditions avant tout lié aux sollicitations des villes où la population afflue. Les formulaires et les circulaires de toutes sortes s’y multiplient, des affiches couvrent les murs, les journaux atteignent des tirages toujours plus considérables, les impératifs de la publicité provoquent de nouvelles formes de présentation des textes et des images. Des typographies brutales, l’utilisation systématique de la couleur pour les images rendent les messages imprimés toujours plus agressifs. Et la mise en page des journaux favorise, de 1850 à nos jours, une lecture de plus en plus sélective et rapide des nouvelles les plus récentes, avant tout choisies pour appâter les lecteurs. Dans le même temps, le nombre des presses utilisées pour imprimer des livres tend à décroître, bien que ceux-ci soient publiés en quantité exponentielle et que les éditeurs s’appliquent à développer toute une littérature à bas prix. Les nécessités d’une normalisation croissante et le désir de faciliter la lecture rapide d’ouvrages toujours plus nombreux conduisent enfin les auteurs et les typographes à multiplier les efforts pour rendre leur message plus accessible, ce qui se traduit par la recherche d’une plus grande clarté dans le plan de l’ouvrage que visualise la table des matières, et par des progrès significatifs dans la mise en page et l’illustration, en particulier dans le domaine des livres scolaires et dans celui des livres pour enfants. Ainsi s’imposent presque partout des formes de lecture extensive qui débouchent en fin de compte sur les théories modernes de la lecture rapide.
Vers une désacralisation de l’écrit ?
On pouvait estimer l’alphabétisation de la France – et, sans doute, celle de l’Occident – à peu près achevée à la veille de la Seconde Guerre mondiale : l’ensemble de la population était, sauf rares exceptions, capable de lire, de comprendre et aussi d’écrire au moins des textes simples, et une bonne partie de celle-ci pratiquait une orthographe convenable – cela grâce à un corps d’instituteurs remarquables. Mais il faut ajouter que le livre ne prenait en bien des milieux qu’un seul aspect, celui du livre de classe soigneusement conservé.
Or il semble bien que cette situation se soit aujourd’hui singulièrement dégradée : beaucoup d’enfants terminent le cycle de leurs études primaires sans être capables de lire couramment, et la plupart d’entre eux ne possèdent qu’un vocabulaire réduit. On s’interroge souvent sur l’origine de cette situation. Il semble que le développement des nouveaux moyens de communication audiovisuels ait imposé une sorte de primauté de l’image et du son à laquelle correspond une forme de désacralisation de l’écrit et des valeurs traditionnellement liées à l’orthographe. Mais on ne doit pas oublier que les textes écrits n’ont jamais autant proliféré, que le nombre des livres publiés chaque année ne cesse guère de croître et que les bibliothèques publiques sont prises d’assaut. Soit une situation d’autant plus difficile à comprendre qu’elle n’a paradoxalement jamais fait l’objet d’une analyse d’ensemble lucide et sérieuse.
Lecture et société
Ajoutons pour conclure que les attitudes des sociétés vis-à-vis de la lecture furent bien souvent ambiguës. Et cela parce que nul objet n’a bénéficié d’un statut comparable à celui du livre, objet symbolique par excellence, et que la détention de la culture écrite est vite apparue comme un capital difficile à partager.
On ne doit pas oublier à cet égard que le message livresque est largement lié à son support matériel. C’est ainsi que la lecture d’un texte célèbre dans une édition scolaire n’a que peu à voir avec le regard jeté sur le même texte dans un manuscrit médiéval enluminé ou dans l’exemplaire somptueusement relié d’une édition de bibliophile illustrée des gravures originales d’un artiste célèbre. Car les seconds proposent une vision déterminée de l’œuvre en même temps qu’ils la sacralisent par leur somptuosité.
Dans ces conditions, on peut se demander dans quelle mesure les livres qu’on trouve dans bien des bibliothèques ont été placés là parce que leurs possesseurs entendaient en permettre l’étude par eux-mêmes ou leur entourage ou s’ils leur permettaient de s’affirmer comme les propriétaires et les protecteurs d’une culture. Cette interrogation s’impose particulièrement face aux collections princières, ministérielles, aristocratiques et ecclésiastiques apparues du xve au xixe siècle. Les volumes qui s’alignaient là étaient destinés à proclamer la stabilité d’un ordre qu’ils concrétisaient, plus encore peut-être qu’à être lus par le mécène, ses amis ou ses « domestiques ». De nos jours encore, bien des particuliers qui collectionnent des ouvrages de luxe et de demi-luxe, sans les lire pour autant, entendent sans doute faire preuve ainsi de leur culture.
Si l’on y réfléchit, cependant, l’attitude vis-à-vis de la lecture fut largement conditionnée, surtout en Occident, par des attitudes religieuses et philosophiques. Religions du livre par excellence, admettant largement la libre interprétation, les religions réformées favorisèrent l’alphabétisation de leurs fidèles tandis que la religion catholique, qui utilisait une langue de culture commune à toutes les nations – le latin –, considérait le prêtre comme l’interprète obligé de la Parole divine, et ne s’efforça d’instruire les fidèles que pour lutter contre les risques de déviations. Attitude dont on trouve le reflet chez certains philosophes du xviiie siècle qui ne s’intéressaient guère à l’alphabétisation de masse. On sait d’autre part que la révolution industrielle partit du Nord protestant de l’Europe et y favorisa l’essor des villes, alors que la lecture est avant tout un fait urbain. On ne doit donc pas s’étonner si les grandes bibliothèques publiques collectives se développèrent en même temps que le goût pour la lecture à partir des pays anglo-saxons, tandis que le livre restait surtout destiné aux élites dans le Sud catholique.
On ne doit pas oublier enfin que le livre a soulevé de tous temps des formes d’hostilité. Considéré comme « opératoire » lorsqu’il était support de formules magiques, il était traditionnellement brûlé. Tenu en suspicion lorsqu’il proposait des opinions hérétiques, athéistes ou contraires à la morale chrétienne, il subissait parfois le même sort au Moyen Âge. L’apparition de l’imprimerie augmenta cette défiance et entraîna presque immédiatement l’instauration d’une censure institutionnalisée de l’Église ou de l’État. Celle-là se développa particulièrement dans les pays catholiques, mais il exista aussi des formes de censure de groupe et d’autocensure encore plus rigoureuses, par exemple en milieu puritain. Partout et de tous temps, la méfiance à l’égard des « mauvais livres » suscita en fait de violentes réactions. D’où une forme de discours et des dénonciations qui se sont longtemps imposées, en particulier contre la lecture qui isole celui qui s’y enfonce, empêche les femmes de vaquer à leurs tâches ménagères, échauffe leur imagination et leur sensualité et en fait des Madame Bovary. Bien souvent, les autorités s’efforcèrent de développer, en réaction, de « bonnes » bibliothèques. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, un discours officiel français qualifiait encore le bibliothécaire d’« hygiéniste de la société » – ce qui montre bien que les fonctions que celui-ci exerce soulèvent des problèmes de déontologie parfois délicats.
Aujourd’hui, l’essor de moyens de communication infiniment plus puissants et volontiers agressifs laisserait à penser que le problème est devenu autre. Face à des médias qui agissent sur la sensibilité et transmettent des images et des sons éphémères et infiniment reproductibles, la lecture pourrait apparaître comme une force de régulation, puisqu’elle présente de façon stable des connaissances structurées et permet de développer l’esprit de réflexion.
Les sociologies de la lecture
Le lecteur contemporain, auquel des sondages de plus en plus nombreux proposent le miroir permanent de ses propres pratiques, est-il pour autant bien connu ? Quelles ont été les origines de ce recours croissant aux enquêtes ? Statistiques et questionnaires éclairent-ils mieux les comportements actuels que les traces éparses laissées par nos ancêtres ? La lecture des sondages peut être faite de deux manières : pour les résultats qu’ils énoncent, pour les préoccupations dont ils sont les témoins et les valeurs dont ils sont le signe.
Les premiers sondages
Ce type d’enquête, se répand dans les années 1930 aux États-Unis. La crise a, selon plusieurs analyses, dirigé des millions d’Américains vers leurs bibliothèques et, par là même, mis l’accent sur nombre d’inégalités dans l’offre de lecture. Inégalités qui sont alors moins souvent pensées en termes sociaux qu’en termes géographiques. On met en avant les disparités qui existent entre États, entre régions, entre zones rurales et zones urbaines. Et l’on s’inquiète que le nombre d’inscrits en bibliothèques n’excède pas 20 % de la population, ou que les bibliothèques « réservées aux Noirs » dans les États du Sud n’accueillent que 10 % d’entre eux. Lorsque certains s’interrogent sur les origines socioprofessionnelles des lecteurs, comme le font très vite les chercheurs de Chicago, lieu foisonnant d’investigations sur la lecture, c’est afin de comprendre pourquoi la classe moyenne lit des livres de « meilleure qualité » que les nouveaux immigrants. La Seconde Guerre mondiale ayant elle aussi suscité une très forte croissance des pratiques de lecture, d’autres enquêtes, menées cette fois par les éditeurs, font se demander avec inquiétude si ce « boom », qui a favorisé l’achat de livres, va se poursuivre. Va-t-il falloir produire plus ou moins ? Les non-lecteurs forment-ils un marché potentiel ? Les genres appréciés, les succès sont-ils prévisibles ? Autant en emporte le vent va-t-il remplacer la Bible ? Les enquêtes très complètes suscitées alors par le Book Industry Committee cherchent à dresser un tableau exhaustif des habitudes des lectures qui naissent alors. En France, les seules sources disponibles ont longtemps été les statistiques éditoriales : comptabilisant annuellement nombre de titres et d’exemplaires produits, répartis très approximativement par disciplines ou estimés en termes de chiffres d’affaires, ces statistiques ne permettent qu’imparfaitement de cerner l’état de l’édition, et point du tout celui des lectures.
Si le Front populaire s’intéresse aux grandes enquêtes sociales, si l’I.F.O.P. (Institut français d’opinion publique) est créé en 1938 sur le modèle de Gallup (institut américain fondé en 1935), la lecture ne constitue pas alors pour autant un thème de sondage. Elle est éventuellement un indicateur d’opinion : les lecteurs de L’Aurore, de L’Humanité, de L’Époque, de Combat ou de Franc-tireur ont-ils un avis différent sur tel ou tel aspect de la reconstruction, se demandent les sondages de l’après guerre. En 1949, l’un des premiers sondages de l’I.F.O.P. sur « les fêtes » s’intéresse aux distractions préférées des Français le dimanche ou le soir. Le fait que la lecture vienne en tête des activités vespérales ne suscite alors aucun satisfecit particulier. La crise qui frappe l’édition française entre 1932 et 1937 avait pourtant vu naître quelques doutes, et avec eux les premiers questionnements touchant les publics acheteurs. Mais ce sont les groupes de presse qui, les premiers, se plaignent de ne pas connaître leur lectorat. La préoccupation initiale pour la lecture a donc bien, comme aux États-Unis, une origine professionnelle et marchande « l’homme politique, le chef d’entreprise, le directeur de journal doivent, comme on dit, avoir des „antennes“. [...] Il faut qu’ils déterminent ce qui forme, dans un milieu donné, les aspirations, les tendances, l’évolution des sentiments, même – et surtout – alors que ceux-ci ne sont pas exprimés… », estime Claude Bellanger, président de l’Institut français de presse, dans sa préface à un sondage consacré en 1949 à la lecture de la presse.
Il faut attendre la fin des années 1950 pour voir apparaître les premières enquêtes consacrées à la lecture de livres. « Ce que lisent les Français », titre Réalités en 1955. Les Français lisent-ils plus de livres que les Anglais ou les Américains ? Préfèrent-ils les ouvrages de « pure imagination » ou ceux qui témoignent de « qualités d’observation » ? Les classiques ou les nouveautés ? Sont-ils hostiles aux traductions ? Nul ne cherche, à l’époque, à mesurer une éventuelle « chute de la lecture ». Tout au contraire, le commentaire de Réalités affirme au détour d’une phrase : « La France aime lire ». Si les éditeurs sont parfois à l’origine de ces quelques enquêtes, celles-ci sont surtout dues aux préoccupations de la génération des « sociologues des loisirs ». Ceux-là, soulignant que l’élargissement des loisirs est une conquête ouvrière, se donnent pour but de mener une « recherche action ». Comment s’intègre la lecture dans les loisirs populaires ? Comment transformer du temps de loisir en temps de culture ? Comment, demande Joffre Dumazedier, « élever le niveau culturel des loisirs » ? Quels sont les obstacles à la lecture d’œuvres littéraires en milieu populaire, interroge dans le même temps Robert Escarpit.
Le développement des politiques culturelles mises en œuvre par le ministre de la Culture va le conduire à créer, en 1961, son propre département d’études pour tenter de mesurer les effets de son action. Recueillir des données, déterminer des enjeux, mettre en œuvre des campagnes, dénoncer des lacunes, annoncer des programmes, scander des progrès, évaluer des résultats : telles sont ainsi les raisons d’être des enquêtes en sociologie de la lecture. La culture se conjugue encore au singulier, elle est univoque et incontestée : on ne cherche pas à distinguer alors les modes, formes et contenus de « cultures populaires », mais à faire partager par tous des valeurs esthétiques qui ne sont pas encore remises en cause. Le doute n’est pas encore né qui conduira les sociologues de la fin des années 1960 à s’interroger sur les formes de domination idéologique d’une « culture bourgeoise » ou, plus tard, comme le fait Pierre Bourdieu, sur les phénomènes de reproduction et de distinction à l’ œuvre dans les pratiques et dans les « goûts ».
Les enquêtes sur la lecture et l’idéologie culturelle
La multiplication des inquiétudes depuis la fin des années 1970 va changer la donne : désormais, des journaux, des clubs de livre, des éditeurs, des associations de bibliothécaires commandent à des instituts de plus en plus nombreux des enquêtes propres à cerner qui l’image de l’écrivain chez les Français, qui la lecture des jeunes, qui l’influence de la télévision sur la lecture, qui les connaissances littéraires des Français, qui l’image des bibliothèques publiques, etc. L’heure est à la multiplicité des thèmes d’investigation et à la multiplication des commanditaires. Plus que toute autre pratique culturelle, la lecture semble avoir besoin d’être sans cesse questionnée : où et quand lisez-vous ? La télévision est-elle plus importante pour l’éducation de vos enfants que la lecture ? Comment choisissez-vous vos livres ? Regardez-vous les émissions littéraires ? Quel est l’effet des clubs et des supermarchés sur le choix des ouvrages ? Quels sont les principaux obstacles à la lecture ? Les publics questionnés sont aussi de plus en plus nombreux : il peut s’agir de telle ou telle tranche d’âge, de telle ou telle catégorie de la population, de tels ou tels adhérents à tel club ou abonnés à telle revue.
Cette multiplication des sondages témoigne d’une inquiétude forte et partagée : « la lecture se meurt », l’âge d’or de la lecture est derrière nous ; loin d’avoir contribué à la croissance de la lecture et à l’amélioration des goûts, l’augmentation du temps libre aurait favorisé d’autres loisirs et d’autres médias ; la télévision – puis Internet –hypnotiserait les regards et les esprits ; les livres seraient devenus des objets, des marchandises interchangeables ; le phénomène des best-sellers, focalisant l’attention et le succès sur quelques titres, contribuerait à un appauvrissement intellectuel et esthétique du champ éditorial ; les pratiques de lecture diminueraient, notamment chez les jeunes ; la culture contemporaine serait à l’image de ces livres « préfabriqués » et « prévendus » par supermarchés et clubs de livres ; le niveau culturel de la population baisserait ; lire ne serait plus participer d’une valeur, mais manipuler un produit. Ces questions, ces doutes, exprimés par les pédagogues, les institutions culturelles, la presse, seront l’objet d’articles, de colloques, de résolutions et de nouveaux sondages, cherchant toujours à mesurer des lacunes, à dénoncer des concurrences ou, au contraire, à vérifier la permanence d’un certain nombre de goûts et de valeurs.
Si les enquêtes se multiplient et se répètent, c’est aussi parce qu’elles sont devenues, pour ceux qui en sont à l’origine, un acte symbolique, une façon de marquer un territoire et une appartenance à une communauté socioculturelle inquiète de l’état des pratiques de lecture en France, voire de revendiquer dans cet espace une forme de primauté. Il est alors intéressant de prendre connaissance de ce « bruit d’informations » en étant attentif aux présupposés dont ils sont bien souvent porteurs. On en comprend mieux les thèmes, les questionnements et les résultats. Car les préoccupations des « sondeurs » expliquent ainsi bien souvent les opinions et comportements des « sondés ».
Une lecture attentive des questionnaires d’enquête laisse émerger quelques-uns de ces présupposés normatifs et de ces hiérarchies implicites. Beaucoup ne considèrent comme véritable lecture que la seule lecture de livres et n’explorent pas, par exemple, la lecture de la presse. Celle-là pourtant ne recouvre ni les mêmes façons de faire, ni les mêmes raisons d’être, ni les mêmes publics : elle est le témoin d’une autre histoire et d’un autre rapport à la lecture. D’une absence mise en œuvre par le questionnement même, on peut alors conclure à une perte et déplorer que la France compte « deux non-lecteurs sur trois ». Si les sondages avaient existé au xixe siècle, sans doute certains d’entre eux auraient exclu de la même manière une partie de la production romanesque – le feuilleton, par exemple – alors rejetée par les prescripteurs de lecture. Est-ce à dire que les romans n’étaient pas lus ?
D’autres sondages s’apitoient sur « l’ignorance » d’une population qui ne sait pas toujours que Céline était un homme, que Balzac a écrit Eugénie Grandet, qui ne peut citer un grand écrivain italien, ou allemand, qui ne connaît pas les noms des Prix Nobel, n’a jamais entendu parler de Kafka ou de Nabokov, etc. Ainsi le niveau culturel est-il essentiellement mesuré à l’aune de signes, d’indices de ce qui serait un savoir littéraire. À ces commentaires, nombre de questions pourraient être renvoyées : quel était, sur ce même point, l’état des connaissances, des points de repère, voilà cinquante ans ? Que penser d’un questionnement en termes de devinettes ? Savoir que Céline est un homme, est-ce avoir lu le Voyage au bout de la nuit ? Qui décide de la pertinence de telle ou telle question ? La lecture des résultats de ces mêmes sondages peut inspirer d’autres commentaires, notamment sur la permanence de la lecture des grands écrivains du xixe siècle par exemple, ou bien sur la prégnance de certaines traces laissées par l’éducation scolaire.
L’histoire des sondages est donc aussi l’histoire d’un certain nombre de préoccupations culturelles et sociales. En cela, leur effet d’obscurité est aussi fort que leur volonté de lumière. La focalisation sur certains thèmes en voile parfois d’autres. L’apparente pléthore d’enquêtes peut s’accompagner d’absences. Si la révélation de l’existence et de la permanence de l’illettrisme dans nombre de pays développés, des États-Unis à la Grande-Bretagne et à la France, a eu au milieu des années 1980 un effet de choc, c’est parce que, impensable et impensé, il ne pouvait même être questionné, ni soupçonné. Le traditionnel « Savez-vous lire et écrire ? » a d’ailleurs disparu depuis 1946 de la plupart des recensements des pays européens. On le voit, les termes et thèmes des sondages sont aussi le lieu où s’expriment les valeurs et les hiérarchies culturelles partagées à un moment donné par une société. Certes, ils permettent de mesurer des pratiques et de cerner des valeurs. Mais ils participent tout autant à la création de ces valeurs. Ainsi sont-ils l’occasion de faire « en creux » une histoire des aspirations et des inquiétudes culturelles qui caractérisent une société. Un tantinet tautologiques, ils sont autant utiles par leurs obsessions ou leurs oublis que par leurs données. Une sociologie de la lecture, quant à elle, ne saurait se passer de l’observation attentive des façons de faire individuelles, de l’écoute minutieuse de chacune des histoires de plaisirs ou de déplaisirs provoqués par la confrontation des hommes et des textes.
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27 septembre 2009
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