CHRONIQUE DE MUSTAPHA MOHAMMEDI (Dimanche 27 Septembre 2009)
NOIR ET BLANC
Par :Mustapha Mohammedi
Nous sommes en 1951 dans le petit village de Trézel sur les hautes plaines.
Un hameau colonial comme tant d’autres avec son église surmontée de l’incontournable coq gaulois, ses bars à quat’sous, son avenue principale bordée de peupliers, sa place publique et son kiosque à musique qui s’emballe tous les 14 Juillet.
Ici la vie est réglée comme une horloge suisse pour les mômes de notre âge : batailles de boules de neige et pelote basque en hiver, chasse aux papillons au printemps, école buissonnière en été et petites larcins dans les vignes en automne.
Au-delà de cette carte postale idyllique, il faut se dire qu’il n’y avait pas un seul bourg à cette époque qui n’avait pas son idiot du village ou son malade mental et auxquels personne ne prêtait attention tant ils faisaient partie du décor de tous les jours.
Certaines agglomérations avaient, en plus de ces souffre-douleur que l’on “chambrait” de temps à autre, leur pleureuse, leur marieuse et leur boute-en-train, des bains maures.
“Ma Yamina” était les trois à la fois.
Cette grosse mémé à la peau d’ébène et visiblement très fière de son origine soudanaise et que tout le monde appelait “khalti” pouvait dans la même journée mettre une ambiance de feu dans un mariage et, quelques minutes plus tard, sangloter à chaudes larmes au chevet d’un mort. À la demande des familles. Il suffit de payer.
Très haut en couleur, le personnage imposait par la générosité de son poids, sa gouaille et l’extraordinaire facilité de son verbe.
On ne pouvait que l’aimer.
Convoquée un jour au tribunal de paix, un tribunal de première instance qui ne traitait que les petites “chikaya” sans grande conséquence, elle devait répondre d’une rixe qui a opposé son fils à un voisin.
Pour sauver la tête de sa progéniture, elle n’aura qu’un geste sorti droit du cœur.
Elle exhibera ses deux gros seins devant le juge sidéré, un candide normand qui n’a jamais vu de “machins” aussi épais.
- Mais que faites-vous malheureuse, grondera le magistrat hors de lui au milieu d’une salle pliée de rire.
- La victime, répondra-t-elle sans se démonter a tété mon sein gauche, mon fils le sein droit, tous les deux sont mes enfants.
- Chaouch faites évacuer la salle, sortez-moi cette folle et foutez-moi ces deux lascars au trou.
- Il n’y a plus de place à la prison municipale monsieur le juge, toutes les cellules sont occupées par des ivrognes qui n’ont pas encore cuvé leur vin.
- Alors envoyez-les chez le maire, il leur trouvera certainement quelque chose à faire.
M. M.
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27 septembre 2009
Blogueurs, M. MOHAMMEDI