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Ahmed Bouda.

11 septembre 2009

Colonisation

Ahmed Bouda. De l’étoile nord-africaine au FLN le même combat

Le militant qui savait subjuguer les foules

On voit le passé meilleur qu’il n’a été On trouve le présent pire qu’il n’est On espère l’avenir plus heureux qu’il ne sera.

Mme D’Epinou

L’information est authentique. Lors de son décès, des hommes du pouvoir se déplacèrent en nombre pour assister à l’enterrement. Ils n’en croyaient pas leurs yeux en découvrant le domicile du défunt sis au neuvième étage d’un grand immeuble du Ruisseau. Ils ne cessaient de se poser la question.

Comment se peut-il qu’un militant au long cours de cette trempe habite un si modeste appartement dans une cité populaire ? Vous ne le saviez pas ?, s’était hasardé un de ses fils, froissé beaucoup plus par leur ingratitude et leur hypocrisie que par leur méconnaissance, rappelant toutefois que Ben Bella qui avait beaucoup d’estime pour Si Ahmed, malgré les embrouilles, avait mis à la disposition de la famille Bouda une superbe villa que Si Ahmed avait poliment refusée. D’ailleurs, lors de l’inhumation au cimetière de Sidi M’hamed en 1992, le premier président de la République algérienne, ému aux larmes, avait déclaré « que l’Algérie venait de perdre un homme exceptionnel, un monument du mouvement national », se souvient Nourredine, fils du défunt, qui rappelle que son père pour éviter d’escalader les 9 étages et vu sa santé précaire, préférait rester à la mosquée de Oued Kniss pour y effectuer les prières du D’hor et d’El Asr. C’est d’ailleurs là qu’il rendit son dernier souffle, prosterné, implorant son Créateur. Né en 1938, Nourredine ne l’a connu que presque 10 ans plus tard, car pris par ses activités militantes, Si Ahmed était souvent loin de sa famille. « On ne le voyait que rarement. Ce n’est qu’après l’indépendance que nous avons pu enfin jouir de son incomparable présence. » Si Ahmed Bouda est né le 3 août 1907 à Surcouf, dans un milieu paysan modeste. Il fréquenta très tôt l’école coranique. Disciple assidu de la zaouïa Cheikh El Hamami, il partagea les idées réformistes des Oulémas qu’il combattit sur le plan politique. Dès 1933, il est membre de l’Etoile nord-africaine, puis après sa dissolution, membre du PPA. En 1939, le parti le désigne comme gérant du journal Le Parlement algérien. « Il avait pris sa tâche à cœur, d’autant que les idées véhiculées par le journal prônaient l’idée de l’indépendance de l’Algérie », relève Sid Ali Abdelhamid, vieux militant de la cause nationale.

Un autodidacte doué

Si Ahmed était un autodidacte doté d’une mémoire prodigieuse, note M. Tazir Bacha. « Il n’est sorti ni de l’université de la Zitouna à Tunis ni de celle d’El Azhar du Caire, mais il était capable de débattre avec n’importe quel A’lem et de lui tenir tête en citant avec une précision phénoménale des versets du Coran et des hadiths du Prophète (QSSSL). » Son abnégation, son sacrifice au profit du parti étaient sans bornes. Il lui arrivait souvent d’envoyer sa femme et ses petits enfants en bas âge dormir chez les voisins afin d’héberger des responsables militants de passage dans l’unique chambre dont il était locataire au 8, boulevard Cervantès à Belcourt. Si Ahmed participa au premier congrès du PPA à Alger sous la présidence de Messali. C’est ce congrès qui entérina la création du MTLD, branche légale du mouvement national et qui décida, à l’unanimité, la création de sa branche armée, l’OS, tout en maintenant dans la clandestinité le PPA considéré comme la colonne vertébrale du mouvement et dont l’organisation était confiée à Ahmed Bouda. Peu après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, une répression sans précédent s’abat sur le PPA. Les principaux responsables sont arrêtés et incarcérés, Si Ahmed est envoyé dans un camp de concentration dans le Sud algérien, à Djenane Bourezgue près de Aïn Sefra. Libéré en 1943, Si Ahmed renoue avec l’activité militante débordante, notamment à Belcourt son quartier. C’est là qu’il recevait souvent Aït Ahmed. D’ailleurs, ce dernier ne tarit pas d’éloges sur les qualités de son aîné. Le témoignage du leader du FFS est significatif. « C’était mon premier contact avec lui et je compris pourquoi ce représentant de la garde nationaliste inspirait la terreur aux policiers qui le recherchaient. L’anecdote de l’inspecteur de police spécialement chargé de l’arrêter et qui prit la fuite dès qu’il le reconnut devant un guichet de cinéma, n’avait pas peu contribué à sa légende. Il avait de grands yeux saillants, dans un visage marqué par la variole. J’ai toujours vu en lui une sorte de Spartacus mâtiné d’Othello. Tragiquement solennel, même dans les gestes les plus quotidiens, il pouvait parler des jours et des nuits durant s’il trouvait un auditoire attentif. Il avait acquis tout seul une culture populaire remarquable dans les rangs de l’Etoile Nord-Africaine, puis au PPA qu’il avait vu naître. Son langage s’était nourri de l’Islam populaire, notamment à l’école coranique et dans la fréquentation des associations religieuses. Il portait également tout un patrimoine culturel dans sa façon de construire un raisonnement, d’utiliser les proverbes et le style indirect des paysans kabyles. Un jour qu’au comité central un camarade lui reprochait de parler trop et dans le vide, il répliqua : ‘‘Non, je parle toujours dans le plein’’ ».

Je parle toujours dans le plein

Ahmed Bouda était l’abnégation même. Les sacrifices qu’il s’est imposés et qu’il a imposés à sa femme et à leur ribambelle d’enfants lui valaient le respect et l’estime générale. « C’était mon père spirituel », confie Ahmed Haddanou, dit El Kaba. « C’est grâce à lui que j’ai appris le nationalisme et adhéré au PPA avant de rejoindre le comité de la jeunesse de Belcourt. J’étais jeune, mais je fréquentais les adultes. C’était lui qui m’avait recruté dans la cellule avec comme chef Abdelkader Rebbah, cousin de Lakhdar. J’étais tout le temps en contact avec Si Ahmed qui possédait un magasin au 8, boulevard Cervantès. On habitait le même immeuble. Il m’emmenait avec lui aux réunions au Clos Salembier, à la Redoute, Leveilley, Maison Carrée. Le soir, on rentrait tard et la police ne nous arrêtait pas aux barrages, pensant au père et au fils qui rentraient normalement chez eux. Comme agent de liaison, il m’envoyait prendre contact avec des responsables à La Casbah et ailleurs. Si Ahmed a été le fondateur du nationalisme à Belcourt. C’est grâce à lui que le CJB a rejoint le PPA. Directeur du journal et membre du comité directeur du PPA, il est resté le même et à l’écoute de la base. C’était un véritable tribun. Il subjuguait les foules et il était respecté pour sa sincérité, son honnêteté et ses indéniables capacités d’organisation. Il était le seul qui pouvait parler des heures dans une langue comprise par tous. Les militants du parti à travers le pays le réclamaient. Il parlait la langue du cœur. Il croyait en ce qu’il disait. C’était un monument. Il était comme ça. Entier. A prendre ou à laisser. »

La langue du coeur

Pour Abdelhamid Mehri qui l’a connu de longues années durant, « Si Ahmed est l’exemple même du sacrifice. Il s’est dévoué corps et âme pour la patrie avec un esprit désintéressé et déterminé qui lui valent aujourd’hui reconnaissance et respect ». Si Ahmed n’ignore pas les limites de son action, mais il sait réinsuffler l’énergie, l’esprit combattant. Ce superactif, à la poignée de main franche et à la silhouette sèche ne rechigne pas à aller au charbon. A dire vrai, Si Ahmed se partage depuis toujours entre la lutte et la patrie. Il a toujours œuvré pour casser les cases dans lesquelles on voulait le faire entrer pour museler ses libertés ! Il était un admirateur acharné de Messali et lorsque celui-ci a été emporté par les dérives, Si Ahmed est devenu son adversaire le plus résolu. C’est dire le caractère trempé de l’homme presque envoûté par les luttes, comme le décrit avec justesse son frère de combat Ahmed Mahsas. Si Ahmed avec sa franchise habituelle ne manquait jamais d’asséner des vérités à son interlocuteur sur son règne et sur son entourage. Boumediène qui avait une expérience sur la faiblesse des hommes qui l’entouraient, et dont certains ne s’embarrassaient pas de solliciter des villas, des appartements de grand standing et des privilèges de toutes sortes, savait que Si Ahmed habitait avec sa nombreuse famille un modeste appartement HLM au Ruisseau au neuvième étage. Aussi, chaque fois qu’il le recevait, Boumediène s’inquiétait sur ses conditions de vie, s’attendant à ce que M. Bouda lui demande soit une villa, soit un appartement plus spacieux. Mais il reçut toujours la même réponse. « Mon logement me suffit et j’en suis très satisfait. D’ailleurs, ce n’est pas pour cela que je suis venu. Je suis là pour vous donner mon point de vue sur l’état du pays et sur les moyens de remédier à certaines situations préjudiciables à son essor. » A l’indépendance, il se retira de la politique. En 1989, il a soutenu le multipartisme « qui est un bienfait (Ni’ma) qui ouvre la voie à la liberté d’expression, à la liberté d’organisation, après les années noires de la pensée unique et du parti unique. Diffusons nos idées, recommandons le bien, interdisons le mal, luttons contre l’analphabétisme, la pauvreté. »

PARCOURS
De 1907, sa date de naissance, à sa mort en 1992, Si Ahmed Bouda aura consacré toute sa vie à la lutte pour que ce pays, qu’il chérissait tant, recouvre sa liberté et son indépendance. De l’Etoile nord-africaine au FLN en passant par le PPA, Si Ahmed a milité avec abnégation et sincérité. Il est resté le même. Simple, modeste, près des petites gens. Humble parmi les humbles, il est mort dans la discrétion. « Figurez-vous qu’il n’avait pas de pension et qu’il n’a jamais demandé quoi que ce soit en contre-partie, même pas les papiers justifiant son engagement », révèle son fils. Selon le regretté Benkhedda, la devise de Bouda se résumait en deux mots : religion et patrie. Avide d’action politique, il s’engage à l’Etoile Nord-Africaine qui revendique ouvertement l’indépendance de l’Algérie et dont l’activité se poursuit dans le PPA en 1997. Il assura la direction du PPA, alors clandestin entre 1939 et 1943, avec Lamine Debaghine, Ahmed Mezerna, Embarek Fillali et Amar Khellil. Si Ahmed a laissé 6 garçons et 3 filles.

Par Hamid Tahri

El Watan du vendredi 11 septembre 2009


À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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2 Réponses à “Ahmed Bouda.”

  1. belfedhal tahar Dit :

    Les responsables algériens de l’éducation introduisent de nouvelles mesures : grippe porcine et code vestimentaire

    2009-09-10

    Le ministre de l’Education Aboubekeur Benbouzid a annoncé une nouvelle stratégie pour protéger les élèves algériens contre le virus de la grippe porcine, entre autres changements.

    Par Hayam El Hadi pour Magharebia à Alger – 10/09/09

    [FAYEZ NURELDINE/AFP/Getty Images] De nouvelles mesures visant à prévenir la propagation de la grippe porcine seront mises en oeuvre lors de la rentrée des huit millions d’élèves algériens cette année.

    Cette année scolaire sera marquée par un certain nombre de changements en Algérie, parmi lesquels des mesures importantes pour prévenir la propagation de la grippe porcine et un nouveau code vestimentaire.

    La stratégie des responsables algériens de l’éducation pour empêcher la propagation du virus H1N1 de la grippe porcine se fonde sur deux volets, a annoncé le ministre de l’Education Aboubekeur Benbouzid dimanche 6 septembre. Le premier consiste à faire de la sensibilisation auprès des élèves et du personnel enseignant, et prévoit des cours sur l’hygiène personnelle. Le second, qui n’interviendra que si l’Algérie atteint un pic de cas de grippe porcine, consiste à fermer les écoles et à faire de l’enseignement à distance via la télévision, la radio et lnternet. Cet enseignement à distance ne concernera cependant que les classes d’examens.

    Cette annonce a été accueillie avec satisfaction par le corps enseignant, les parents et les élèves de tous âges, qui feront leur rentrée dimanche.

    « Avant que ces mesures ne soient annoncées, je me demandais comment nous allions parler à nos élèves de la grippe porcine », explique Mohamed, professeur dans une école secondaire à Alger. « Nous ne sommes pas médecins, mais nous avons un rôle à jouer pour la sensibilisation. »

    « Maintenant que nous allons travailler en collaboration avec le ministère de la Santé, nous aurons les informations qu’il faut donner à nos élèves pour éviter la propagation du virus », ajoute-t-il.

    « Nous entendons dire que l’automne sera une période de propagation du virus », explique Ilhem, dont le fils entre en première année de collège. « C’est très inquiétant parce qu’en collectivité, c’est encore plus compliqué. Moi, en dépit de ces mesures qui sont certes nécessaires, je reste inquiète pour mes enfants. »

    Pour sa part, son fils Hakim semble ravi d’entrer au collège, mais est relativement peu sensibilisé au problème.

    « A la télévision, on parle beaucoup de la grippe porcine », explique-t-il. « Je sais qu’en cas de maladie, il vaut mieux éviter les embrassades et qu’il faut rester isolé. Je ne suis pas très inquiet pour autant. »

    Les mesures de prévention de la grippe porcine ne sont pas les seuls changements introduits cette année. Outre le changement de week-end et les nouvelles mesures de santé publique, le ministère de l’Education a annoncé un changement du code vestimentaire.

    A la fin de l’année dernière, le ministre Benbouzid avait envoyé une note aux responsables des écoles leur indiquant que pour l’année 2009-2010, les filles devaient porter des tabliers roses au primaire, blancs au moyen et au secondaire, tandis que les garçons devront désormais porter des blouses bleues du primaire au secondaire.

    Une décision différemment appréciée par les parents d’élèves.
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    « Je trouve que c’est une atteinte à la liberté des parents », a déclaré Nouara, une mère d’élève, à Magharebia. « Je pense avoir le droit de choisir la couleur du tablier de ma fille. »

    « D’ailleurs je n’aime pas le rose », ajoute-t-elle. « Ce n’est pas parce que c’est une fille qu’elle doit mettre du rose ; mais je n’ai pas le choix. Je vais me conformer à la décision du ministère à contrecœur. »

    Un avis que ne partage pas Djaafar, père d’un petit écolier de huit ans.

    « C’est une bonne décision que d’uniformiser la couleur », explique-t-il. « Moi je suis pour qu’on aille plus loin en imposant l’uniforme aux enfants. Cela mettra un terme aux discriminations sociales.

  2. Info DZ Dit :

    Merci pour l’article

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