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Slimane Azem, être artiste au temps des colonies

9 septembre 2009

Non classé

De la Mitidja au métro parisien

 09/09/09  Le temps d’Algérie

Slimane Azem, être artiste au temps des colonies

De la Mitidja au métro parisien

Slimane Azem (Slimane Aït Ouali) est né à Agouni Gueghrane en Kabylie, le 19 septembre 1919. Tout juste trois ou quatre ans à errer sans but dans une école française pour y apprendre à lire et à écrire.

Pas le temps de prendre le temps de grandir. Pas le temps d’être un gosse comme tous les autres. Qui aura eu le bonheur de savoir ce que c’est que de faire des études, de jouer, de compter les années en jours de classe et longues périodes de vacances. Quand on est Algérien, né quelque part dans un village perdu de montagne en cet an de grâce 1919, à peine quelques mois après que ses aînés aient été démobilisés ou soient carrément  morts pour la mère patrie quelque part entre Verdun et Sedan puis refourrés dans des bateaux et réexpédiés au pays natal sans même le sentiment du devoir accompli, alors on comprend très vite que, comme le chantait si admirablement bien Jacques Brel, «la vie ne fait pas de cadeau». Slimane Azem (Slimane Aït Ouali) est né à Agouni Gueghrane en Kabylie, le 19 septembre 1919. Tout juste trois ou quatre ans à errer sans but dans une école française pour y apprendre à lire et à écrire. Dès le plus jeune âge, les travaux domestiques comme pour tous les gosses de son âge : garder le maigre troupeau familial, surveiller quelques chèvres et quelques moutons sur les reliefs escarpés et ingrats qui entourent le village natal, rentrer à la tombée de la nuit non sans avoir commencé à prendre conscience de la dureté du sort qui frappe les siens tout autour de soi. Temps des labours, temps des olives, temps de ceci, temps de cela, que restait-il, diable, à consacrer à l’école et aux jeux ?!

A douze ans, perte tragique de celle qui fut son premier protecteur et son premier mentor : sa grand-mère. Une dame respectable qui l’avait surnommé l’oiseau et qui, croyante, amatrice et grande auditrice attentive des chants khouan, n’avait pas manqué de transmettre cela à son petit-fils. C’est sans doute de là que lui vient ce goût prononcé pour les fameux groupes traditionnels tambourinaires «idhebalen» qui écumaient toutes les fêtes et cérémonies tout au long de l’année et aux prestations de qui, avec un groupe d’adolescents comme lui, il se pressait, de village en village, par tous temps et toutes saisons. Mais les exigences de la vie reprennent vite le dessus et il a tout juste quatorze ans lorsqu’il doit effectuer son premier voyage pour raisons économiques hors de sa Kabylie natale. Il atterrit directement à Staouéli, où il rejoint son frère aîné, Ouali, dans l’une de ces fermes coloniales où il va s’initier au métier harassant d’ouvrier agricole. Il y est recruté comme ouvrier saisonnier et est astreint à exécuter tous les travaux demandés par les maîtres des lieux. C’est là qu’au contact des autres ouvriers agricoles adultes qui se regroupent, le soir venu, dans de misérables bicoques pour oublier leur sort, qu’il entend pour la première fois de sa vie, dire des poèmes de Si  Mohand Ou Mhand, qui, rappelons-le a eu à expérimenter les mêmes galères dans la même région des décennies auparavant. Les rares jours de congé, il part pour Alger en compagnie de son frère  Ouali. Il y découvre La Casbah, son petit peuple, sa vie si particulière, ses cafés… «Dans l’un de ces cafés, justement, le tenancier, un musicien juif du nom de Sassi, se produisait souvent».  N’ayant pas les moyens d’entrer dans le café où il faut obligeamment consommer moyennant monnaie sonnante et trébuchante, tous deux se contentaient d’écouter et de regarder depuis le trottoir. C’est aussi là qu’il découvre le phonographe qui n’arrête pas de tourner toute la sainte journée pour attirer les passants. Un autre monde. Une autre réalité. Tout autre chose que ce maigre troupeau avec qui passer de longues après-midi entières, ne s’évadant que grâce à cette flûte dont, très tôt, comme tous les bergers, il aura appris tout seul à jouer. Cette découverte d’autant de nouveaux instruments de musique va tout à la fois l’émerveiller et le stimuler.  

El ghorba

A partir de janvier 1936, et après le départ de son frère aîné Ouali, pour la France, comme des milliers d’autres Algériens à la même époque, il reste seul mais toujours dans les envions d’Alger. La famille restée au bled a trop grand besoin des quelques sous que régulièrement il lui fait parvenir. Il décide de quitter l’univers des fermes et trouve rapidement un petit boulot à la pêcherie d’Alger, «chez un petit gargotier italien ou maltais». Il ne parvient pas à s’adapter à ce genre de travail et décide encore une fois de prendre la route : direction Médéa où il se fera employer comme jardinier dans un petit village. Comme cela se pratiquait le plus normalement du monde à l’époque, c’est tout juste une année après son départ que Ouali lui fait parvenir l’argent nécessaire pour l’achat d’un billet de bateau. Les temps sont durs et deux salaires valent mieux qu’un. Ce «regroupement familial» avant la lettre permet aux deux frères, un tant soit peu, de combattre la solitude et l’exil. C’est l’aîné, Ouali, qui tient la bourse, qui calcule les dépenses et qui alloue au jeune Slimane juste ce qu’il faut pour son argent de poche. Là-bas, de l’autre côté de la Méditerranée, la famille, chaque fin de mois, attend impatiemment le passage du facteur et son annonce d’un mandat qui attend le père à la petite poste du chef-lieu. Avec cet argent de poche, il découvre le cinéma et va fréquenter pendant quelques temps l’unique salle de cinéma de Longwy où ils résident tous deux. Mais les échos de ce café des environs de La Casbah d’Alger lui reviennent et il décide de demander à son frère de lui accorder une faveur : une sorte «d’avance sur salaire» pour pouvoir s’acheter son premier instrument de musique, une mandoline. «Il commence à passer les longues soirées d’hiver à gratter sur cette mandoline, s’initiant aux sons et desquels il parvient tant bien que mal à tirer un minimum d’harmonie». C’est à ce moment-là aussi qu’il commence, apprentissage oblige, à reproduire fidèlement quelques airs déjà entendus. En 1937, son frère et lui-même se retrouvent militants du Parti du peuple algérien et le cercle de ses connaissances va s’agrandir. Puis, surprise : il est convoqué, nous sommes en 1939, au service militaire. Mais il saura en tirer profit malgré son aversion pour la discipline et l’ordre militaires. Pour meubler les soirées de la troupe nord-africaine, il va commencer à chanter en s’accompagnant de son instrument qui ne le quitte plus. Très timide et ma-ladroit au début, il va très vite s’affirmer sous les encouragements et applaudissements de ces frères maghrébins appelés comme lui à honorer leur devoir envers la mère patrie. Il parvient, au prix d’un subterfuge qui aurait pu lui coûter des années de prison, à rejoindre Paris le jour même. Nous sommes en 1940. Recommence alors une période d’errances à faire de petits boulots ici et là… il sera même colporteur. Il a pris de l’assurance et se met à fréquenter les fameux «cafés algériens» qui fleurissent à la même époque. Il s’y produit même laconiquement et très brièvement. L’essentiel est que ses compatriotes, comme lui émigrés, commencent à parler de lui et à l’encourager. C’est à ce moment-là qu’il parvient à monter son premier petit orchestre composé, comme lui, de parfaits amateurs. La chance commence à lui sourire et il peut entamer ses premières tournées surtout dans le nord de la France où il se produit chaque soir devant des parterres d’émigrés.

L’art, rien que l’art

Réquisitionné par les Allemands, il se retrouve dans la région de Cologne, affecté au service du travail obligatoire. Après la libération, il rejoint  Paris et reprend son instrument. A cette époque- là, il se contente, comme bien d’autres, de reprendre les chansons connues d’artistes déjà reconnus. Avec l’argent gagné lors de ses différentes tournées, il prend un café en gérance dans le 15e arrondissement de Paris. Ce sera le tournant. C’est là qu’il fait la connaissance de Mohamed El Kamel, artiste algérien arabophone qui va l’amener à devenir un véritable artiste professionnel. El Kamel croit tellement en Slimane Azem qu’il prend la décision de l’engager dans se troupe. Il lui apprendra «à mesurer rythmiquement ses mélodies». Il faudra attendre 1948 pour voir Slimane enregistrer son premier disque personnel. Il est déjà auteur et compositeur et le succès vient immédiatement. Suivra une discographie longue de plusieurs dizaines de disques et des récitals un peu partout en France, toujours avec ses frères émigrés pour principal public. Slimane Azem meurt d’un cancer de l’œsophage  le 31 janvier 1982.           

Par Malik-Amestan  B.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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