L’extrait suivant est issu du recueil « Le journal d’un fou et autres contes » paru aux éditions de l’Erable (1971).
(…) Merveilleux est le Dniepr, quand, dans un jour paisible, ses ondes coulent en liberté et sans bruit à travers les bois et les monts. Nulle agitation, nul tapage. On regarde, et on ne sait si marche ou ne marche pas sa majestueuse masse ; et on s’étonne, car il semble couler sous un miroir, et son ruban vert bleu, à la largeur sans mesure, à la longueur sans fin, s’avance et ondule à travers la verdure.
Le soleil brûlant aime à s’y mirer du haut du ciel et à plonger ses rayons dans la fraîcheur des eaux de cristal, et à y refléter clairement les bois qui couvrent les rives. Les buissons verdoyants s’empressent pêle-mêle avec les fleurs des champs sur le bord des eaux, et, s’inclinant, y regardent, non pour se voir et se flatter de leur aspect fleuri, mais pour sourire au fleuve et le complimenter. Ils n’osent regarder au milieu même du Dniepr; personne, sauf le soleil et le ciel bleu, ne l’examine; l’oiseau vole rarement jusqu’au milieu du Dniepr! Il est splendide; aucune rivière au monde ne peut se comparer à lui.
Merveilleux encore est le Dniepr par une chaude nuit d’été, lorsque tout est endormi : homme, bête et oiseau; quand Dieu seul majestueusement contemple le ciel et la terre et secoue son manteau, d’où tombent les étoiles; les étoiles étincellent et brillent sur le monde, et toutes se reflètent dans le Dniepr. Il les reçoit toutes dans son sombre sein ; et aucune ne lui échappe – à moins de s’éteindre dans le ciel. Une forêt noire aux corneilles assoupies, des montagnes jadis éboulées, en surplomb, s’efforcent de le couvrir de leur ombre longue – c’est en vain ! Rien au monde ne peut couvrir le Dniepr! Son flot bleu coule, toujours bleu, au milieu de la nuit comme en plein jour; on le distingue d’aussi loin que peut porter l’oeil humain. Se dorlotant et se resserrant plus près des rives à cause du froid de la nuit, il a parfois un flot argenté qui brille comme les raies d’un sabre damasquiné; mais il se rassoupit de nouveau, toujours bleu. Merveilleux alors est le Dniepr, et nulle rivière ne lui est comparable au monde! (…)
2 septembre 2009
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