EL Khabar a lu pour vous
A trois degrés vers l’Est, de Chawki Amari (éditions Chiheb)
Une anthologie de l’Algérie qui se cherche
Après Le Faiseur de trou, sorti en 2007, chez Barzakh, l’écrivain et journaliste Chawki Amari récidive, cette fois chez Chiheb, avec un recueil de treize bonnes nouvelles
Fidèle à sa réputation iconoclaste, notre confrère algérois, natif de Sidi M’hamed nous promène dans sa ville, sur des chemins toujours décalés par rapport à cet axe maléfique qu’est la route « moutonnière », une artère principale que notre agitateur d’idées évite depuis qu’il a son permis de conduire. Il est clair que la vue, la plus belle d’Alger, ne peut être perçue qu’à partir des terrasses fleuries qui dominent cette baie mythique. Pour l’auteur, comme d’ailleurs pour tout le monde, la vie, elle-même, y est précisément tout aussi meilleure ! Qu’à cela ne tienne, comme toujours chez Chawki Amari, il fait toujours bon vivre : ses lecteurs ne peuvent qu’acquiescer et opiner du bonnet avec le sourire en coin. Dans Vérités verticales, l’auteur explore, de manière caustique, la crise du logement, à Alger. Un drame épouvantable qui rappelle Jacques Prévert et son café crime arrosé sang, la couleur caractéristique du thriller. Une vraie histoire de fous. Dans C’était écrit dans le journal, Chawki nous livre une ambiance de The Day after où l’homme est, une fois encore, un loup pour l’homme, où tous les chemins mènent à Rome. Et même à Alger, une ville fantôme qui, lors de « La journée de rien », a encore ses rues très peuplées. Enfant de la ville dont le brouhaha se confond avec embarras, Chawki Amari s’interroge sur Alger, une question, du reste, capitale ( !) pour de nombreux algériens : « Sommes-nous condamnés à aimer l’enfer, à ne plus pouvoir vivre ailleurs ? » Un dilemme existentiel qui consiste, selon l’auteur, à manifester sa réprobation contre la fermeture d’une usine polluante dont les riverains se sont accoutumés à la longue, à l’épaisse fumée qu’elle dégage. Hé oui, on s’habitue à tout, paraît-il. Même à l’Algérie. Celle-ci est, convenons-en, une sacrée dope ! Dans A trois degrés vers l’Est, le cartographe lui, n’y va pas de main morte, ni même par quatre chemins. Il y trace bêtement « à la règle » les frontières d’un monde complexe, transverse, multidimensionnel, très proche du chaos. Un trait droit et rectiligne pour le Tanezrouft et un autre pour le Ténéré. Et le tour est joué par le Gaulois qui se prend pour Astérix, dans le mauvais rôle du colonisateur, une pâle copie d’empereur romain. Cette nouvelle est à lire et à relire, elle, qui a donné le titre, voire la trame à l’ensemble de l’ouvrage A trois degrés vers l’Est est assurément le plat de consistance, un morceau d’anthologie de l’Algérie qui se cherche. Peut être bien, un manifeste patriotique. En tous cas, il y est question de repères …géographiques. Géologue de formation, Chawki Amari nous y apprend (et cela n’a rien à voir) que l’endroit habité le plus méridional de l’Algérie, c’est-à-dire le plus au sud du pays est In Ghassane, un campement nomade. Il arrive, ainsi, qu’en raison des pluies, cette « agglomération » en vienne à bouger et devient parfois l’endroit habité, le plus au nord…du Mali. Enfin, qu’à cela ne tiennent, l’essentiel et la seule certitude à avoir, dans le cas d’espèce, est que dans ce livre tout est dérision et tout est dérisoire. En un mot, c’est du sérieux. Bien évidemment, l’actualité n’est jamais très loin. Et pour cause ! Le trafic des déchets ferreux semble avoir inspiré l’auteur dans le mythe du sculpteur de clous. Autre signe des temps. Tu voles et tu achètes. Tu achètes et tu vends des bribes de réalité. Bref, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transfert. De vraies histoires de fous que l’auteur raconte à la manière fantastique d’Edgar Allan Poe, dont il est visiblement pétri de lectures. Incarnation s’il en est, du « nouveau roman algérien », Chawki Amari démontre, dans cet ouvrage que la Nouvelle, un genre souvent boudé par ailleurs, peut constituer en Algérie un art littéraire majeur et qui a encore de beaux jours. Car dans un pays où tout est à écrire, le meilleur reste, bien sûr, à venir.
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26 août 2009
1.Lu pour vous