Une ville, une histoire
Récits sapientiaux (74e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 73e partie n La pureté des intentions – nniya – est une vertu capitale. Tout ce que l’on fait, dit la sagesse populaire, doit se faire sous son égide.
Rien ne vaut la bonne foi, dit la sagesse populaire. La bonne foi ou les bonnes intentions, c’est la nniya. C’est d’elle que procède la foi, car, dit-on, tout ce qui vient d’elle vient du cœur, c’est-à-dire sans calcul. S’agit-il d’accomplir un acte de la vie religieuse, comme la prière, le jeune ou le pèlerinage, il faut d’abord exprimer sa bonne foi ou l’intention de faire réellement la chose, sans subir de contrainte. Autrefois, aux premiers temps de l’Islam, les conversions obtenues de force, sans l’expression de cette nniya, étaient nulles et non avenues.
«Les actes, disait le Prophète, dans un hadith célèbre, procèdent des bonnes intentions. ‘’Inna’ma al-‘amâl bi- nniyât’’».
La nniya passe parfois pour de la bêtise. Il est courant, en effet, d’appeler les personnes faciles à berner, les gens trop crédules de «nniya’», mais cette nniya, qui fait parfois rire, est recherchée par les pieux personnages. «Ah, disait le calife Omar, si seulement j’avais la foi des vieilles femmes !» Cette foi, si simple, si sincère, qui ne se pose pas de questions complexes, n’est-ce pas là, justement, la vraie foi ?
Un récit, que l’on retrouve partout en Algérie, met en scène une femme simple qui vivait en ermite dans la montagne. Elle s’est retirée pour éviter de mal se comporter avec les gens et de ne pas avoir à s’emporter. Dans les régions berbérophones, on dit qu’elle ne parlait que son dialecte berbère et ignorait tout de la langue arabe, dans les autres régions, on dit qu’elle était simple d’esprit et qu’elle n’arrivait même pas à retenir ses prières. Quoi qu’il en soit, elle ne retient pas les paroles qu’il faut prononcer durant la prière. Mais sa foi est très vive et, assise sur un rocher, à longueur de journée, elle lance cette oraison :
«Oh mon Dieu, je t’adore de toutes mes forces…’»
Dieu Tout-Puissant écoute cette prière, lancée inlassablement, et il répond à ses besoins. Ainsi, dit la légende, tous les jours, la pieuse femme trouve toujours sa boisson et sa nourriture.
Elle mange, elle se désaltère et, levant les bras au ciel, remercie son Seigneur.
— Merci pour la substance que tu m’assures !
Et retrouvant encore plus d’énergie dans cette nourriture spirituelle, elle reprend sa prière, inlassablement :
«Mon Dieu, je t’adore de toutes mes forces !»
Dans certaines régions, cette femme passe pour une sainte et on va parfois lui rendre visite.
— Femme de Dieu, lui demande-t-on, invoque pour moi Dieu très Haut !
L’ermite lève les mains au ciel et lance.
— ش Dieu vient au secours de Tes serviteurs !
Et elle achève sa prière par ces mots :
«Mon dieu je t’adore de toutes mes forces !»
Et Dieu répond toujours à sa fidèle servante.
Parfois, on lui apporte des vivres, on lui donne même de l’argent, mais elle refuse de le prendre.
— A quoi cela pourrait-il me servir ? Dieu me donne chaque jour ma subsistance (à suivre…)
K. N.
5 janvier 2010 à 11 11 58 01581
Que c’est beau ! La Niya ! Pour ma part, j’ai une autre histoire que je vous conterais bien :
« Il était une fois quelqu’un qui avait une foi inébranlable en Dieu, mais il était tellement simplet qu’il ne connaissait rien de la religion, ni de la prière, de la Zakkat, du Hadj, du jeûne. Il ne savait ni lire, ni écrire. Il était métayer chez un gros propriétaire terrien qui mourut et ses richesses furent dilapidées par ses descendants. Alors l’homme qui avait la foi en Dieu perdit son emploi et il dut faire « disette » et « abstinence » forcée du fait de son chômage. Il jouait impeccablement du pipo, c’est tout ce qu’il savait faire. Lorsqu’il perdit son emploi, il leva les mains aux cieux et dit : « Oh ! Mon Dieu donne-moi du travail et je te jouerais du pipo tout au long de l’année sans discontinuer. Dieu entendit sa prière et il trouva un emploi. Il travaillait toute la semaine et ne s’arrêtait que le vendredi, son jour de repos hebdomadaire. Il partait de bonne heure ; il s’asseyait sur un rocher, face à la mer et commençait à jouer du pipo tout au long de la journée, jusqu’aux prémisces du crépuscule. Un jour, alors qu’il passait devant les rochers, un pêcheur qui était dans sa barque en train de pêcher lui dit : « Alors, mon brave ! J’ai remarqué que tu viens tous les Vendredis et que tu joue à la flûte du matin jusqu’au coucher du soleil ! L’homme à la fois répondit : « Mais j’ai fait une promesse à Dieu de lui jouer de la flûte toute la journée s’il me donnait du travail. Ma prière a été entendue et je joue de la flûte pour Dieu mais malheureusement, je ne peux le faire tous les jours de la semaine car je travaille alors, j’en profite pour jouer seulement le Vendredi ». Le pêcheur lui dit : » Mais mon ami ! C’est malséant de jouer de la flûte pour Dieu, il n’en a que faire et puis c’est « Haram » pêché ! Tu dois prier ! Faire des génuflexions et des prosternations en psalmodiant quelques versets du Coran ! L’homme répondit qu’il ne connaissait traître mot de ce qu’il lui disait. Alors le pêcheur commença à lui apprendre la Sourate « El Fatiha » et il lui dit : « Apprends-la bien et récites-la à chaque prière » et il s’en alla laissant « l’homme à la foi » en train de répéter et d’apprendre « la Fatiha ». Le pêcheur s’était éloigné de la côte et continuait à pêcher lorsqu’il vit devant sa barque l’homme qu’il avait quitté auparavant qui lui demandait la suite de sourate « El Fatiha » en ces termes : « Louange à Dieu……. »il avait oublié la suite et demandait au pêcheur qu’est-ce qui venait après. Le pêcheur, médusé, lui dit : « Comment est-tu venu jusqu’à moi? Mais à pied dit-il ! Alors le pêcheur lui dit : » Tu n’as pas besoin d’apprendre, continue à jouer de la flûte pour Dieu et il comprit que cet homme était la foi personnifiée et que Dieu en faisait un parmi ses « Saints » « Aoulya’e Allah Essalihines ».
13 août 2011 à 23 11 24 08248
Merci pour cette version! Ce récit se retrouve dans toutes les religions. Une des versions que je possède est publiée dans « Contes et traditions d’Algérie Flies France. Paris 2006″. Elle m’a été racontée par mon ami Karass Ethmane, que Dieu le protège.
Cordialement
Nora Aceval