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Qu’est-ce que la philosophie ?

23 juillet 2009

1.Extraits

Jean Pierre Faye, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Armand Colin, 1997.

La philosophie a une propriété qui la distingue des autres savoirs (et peut-être du savoir en général), et des autres pratiques : on ne peut la définir sans commencer à philosopher. La question de la définition de la philosophie est

une question interne à la philosophie. Pour définir la nage ou l’histoire, il faut s’arrêter de nager ou de raconter des histoires. La philosophie, elle, ne peut être définie de manière intéressante et nouvelle que par des philosophes qui ne suspendent pas leur activité habituelle. Puisqu’il n’y a pas de méta-définition, sinon très pauvres et beaucoup trop générales (pensée critique, ou réflexive, etc.), seuls des philosophes peuvent à un moment donné proposer une définition qui n’est pas seulement celle de leur philosophie, mais celle de la philosophie telle qu’elle renaît, pourrait-on dire, à partir de leur propre travail. On ne peut définir la philosophie (qui ne se présente jamais comme telle, “ en personne ”) qu’à travers un philosopher singulier. C’est pourquoi la question de la définition de la philosophie ne pourra jamais se refermer. Ainsi, en 1991, le Qu’est-ce que la philosophie ? de Gilles Deleuze et de Félix Guattari nous proposait un portrait de la philosophie tout à fait nouveau : la philosophie, disaient-ils, est une discipline créatrice de concept. Certes, Nietzsche l’avait déjà suggéré, mais on n’avait jamais trop bien compris ce qu’il voulait dire. Il fallait un traité pour déplier et déployer cette intuition nietzschéenne. Il fallait des analyses d’exemples : le cogito, le transcendantal, etc., comme créations conceptuelles 1.

  • 2 . Tout en étant conscient des conséquences fâcheuses pour les éditeurs du (…)

2Quel est alors, aujourd’hui, l’apport de Jean-Pierre Faye ? Il nous apprend que la philosophie est voyage à travers les noms, les langues et les narrations : “ L’acte philosophique se nourrit de cette puissance narrationnelle, qu’il retourne et condense en concept ”. Le rapport de la philosophie aux récits et aux langues de ces récits est donc constitutif. La philosophie se nourrit de récits, d’histoires et de rapports. Jean-Pierre Faye nous rappelle que la première apparition du mot “ philosophous ” se trouve dans un fragment d’Héraclite : “ car il faut que les hommes en quête du sophon soient au courant de beaucoup de choses ”. Or les récits sont nombreux, et ils se disent dans de nombreuses langues. La philosophie ne surmonte ni ne dépasse jamais totalement cet éclatement premier. Il fallait donc donner à entendre et à voir (sous forme d’écritures, et de caractères, arabes ou chinois) cette pluralité première. Et nul mieux que Jean-Pierre Faye, qui est aussi poète, ne pouvait être à même de le faire. Son livre est un voyage à travers une pluralité d’espaces de pensée et de noms. Bouquet et feux de surprises et de rencontres. Fenêtres ouvertes sur des demeures de pensée oubliées et négligées dans notre installation européo-centriste. Mais c’est notre tradition même que nous méconnaissons quand nous oublions d’où nous vient, par exemple, le mot et l’idée de métaphysique. Philosopher c’est alors voyager et traduire. “ Augmenter l’espace respirable ”, tel est le projet philosophique de Faye, et il nous offre, avec ce beau traité un grand bol d’air coloré, car il nous permet de “ voir ce travail de langage et d’espace, à la faveur duquel nous percevons et pensons plus librement, avec une rigueur plus riante ”. Nietzsche et ses “ pensées multicolores ” se trouve pour une fois situé dans un paysage philosophique où le brouillard grisâtre, monochrome, koenigsbergien, s’est tout à fait dissipé 2.

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  • 1 . Gilles Deleuze et Félix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Minuit, 1991.

1La philosophie a une propriété qui la distingue des autres savoirs (et peut-être du savoir en général), et des autres pratiques : on ne peut la définir sans commencer à philosopher. La question de la définition de la philosophie est une question interne à la philosophie. Pour définir la nage ou l’histoire, il faut s’arrêter de nager ou de raconter des histoires. La philosophie, elle, ne peut être définie de manière intéressante et nouvelle que par des philosophes qui ne suspendent pas leur activité habituelle. Puisqu’il n’y a pas de méta-définition, sinon très pauvres et beaucoup trop générales (pensée critique, ou réflexive, etc.), seuls des philosophes peuvent à un moment donné proposer une définition qui n’est pas seulement celle de leur philosophie, mais celle de la philosophie telle qu’elle renaît, pourrait-on dire, à partir de leur propre travail. On ne peut définir la philosophie (qui ne se présente jamais comme telle, “ en personne ”) qu’à travers un philosopher singulier. C’est pourquoi la question de la définition de la philosophie ne pourra jamais se refermer. Ainsi, en 1991, le Qu’est-ce que la philosophie ? de Gilles Deleuze et de Félix Guattari nous proposait un portrait de la philosophie tout à fait nouveau : la philosophie, disaient-ils, est une discipline créatrice de concept. Certes, Nietzsche l’avait déjà suggéré, mais on n’avait jamais trop bien compris ce qu’il voulait dire. Il fallait un traité pour déplier et déployer cette intuition nietzschéenne. Il fallait des analyses d’exemples : le cogito, le transcendantal, etc., comme créations conceptuelles 1.

  • 2 . Tout en étant conscient des conséquences fâcheuses pour les éditeurs du (…)

2Quel est alors, aujourd’hui, l’apport de Jean-Pierre Faye ? Il nous apprend que la philosophie est voyage à travers les noms, les langues et les narrations : “ L’acte philosophique se nourrit de cette puissance narrationnelle, qu’il retourne et condense en concept ”. Le rapport de la philosophie aux récits et aux langues de ces récits est donc constitutif. La philosophie se nourrit de récits, d’histoires et de rapports. Jean-Pierre Faye nous rappelle que la première apparition du mot “ philosophous ” se trouve dans un fragment d’Héraclite : “ car il faut que les hommes en quête du sophon soient au courant de beaucoup de choses ”. Or les récits sont nombreux, et ils se disent dans de nombreuses langues. La philosophie ne surmonte ni ne dépasse jamais totalement cet éclatement premier. Il fallait donc donner à entendre et à voir (sous forme d’écritures, et de caractères, arabes ou chinois) cette pluralité première. Et nul mieux que Jean-Pierre Faye, qui est aussi poète, ne pouvait être à même de le faire. Son livre est un voyage à travers une pluralité d’espaces de pensée et de noms. Bouquet et feux de surprises et de rencontres. Fenêtres ouvertes sur des demeures de pensée oubliées et négligées dans notre installation européo-centriste. Mais c’est notre tradition même que nous méconnaissons quand nous oublions d’où nous vient, par exemple, le mot et l’idée de métaphysique. Philosopher c’est alors voyager et traduire. “ Augmenter l’espace respirable ”, tel est le projet philosophique de Faye, et il nous offre, avec ce beau traité un grand bol d’air coloré, car il nous permet de “ voir ce travail de langage et d’espace, à la faveur duquel nous percevons et pensons plus librement, avec une rigueur plus riante ”. Nietzsche et ses “ pensées multicolores ” se trouve pour une fois situé dans un paysage philosophique où le brouillard grisâtre, monochrome, koenigsbergien, s’est tout à fait dissipé 2.

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Notes

1. Gilles Deleuze et Félix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Minuit, 1991.

2. Tout en étant conscient des conséquences fâcheuses pour les éditeurs du “ photocopillage ”, on ne peut que regretter le rappel page à page, dans cette collection, du délit que constitue la reproduction, même partielle, et même à fin d’enseignement, d’un fragment du texte.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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