El Watan PANAF
La littérature africaine entre mythes ancestraux et modernité
Comment a évolué la littérature africaine depuis la première édition du Festival panafricain en 1969 ? Entre les mythes locaux, ceux apportés par l’école coloniale et les parcours personnels, la question est revenue sur le tapis de la seconde édition du festival
Aussitôt le coup d’envoi donné, le symposium sur les littératures africaines, qui se tient à la Bibliothèque nationale, annonce la couleur. Sa portée est avant tout réflexive et il s’agit pendant deux jours, le 15 et 16 juillet, de réunir un panel d’écrivains africains autour d’une même table pour parler de leurs expériences de l’écriture. Quelles conceptions, préoccupations, joies, quels enjeux et obstacles ont-ils dans leur travail de créateurs littéraires ?
La parole a été donnée aux écrivains sur la question de leur imaginaire et des mythes qui le travaillent. Un débat riche, dynamique et passionné a émergé des interventions aussi différentes que divergentes. Ainsi, pour la Camerounaise Calixthe Beyala « L’écrivain africain est une construction qui ne commence pas avec l’école des blancs mais pendant son enfance nourrie de mythes locaux », aussi la modernité se construit sur le mythe ancestral. Anouar Benmalek, plus tranchant, parle du danger des mythes ancestraux qui sont « au même temps une source et les pires ennemis qu’il faut savoir assassiner pour en créer d’autres ». Le mythe ancestral ainsi perçu serait un poids de la tradition qui pèse sur certains écrivains au point de les pousser à l’exil « pour que la parole se libère », affirme l’écrivain algérien.
Le Togolais Sami Tchak a, quant à lui, su concilier les deux. Pour lui, mythes ancestraux et modernité se rencontrent, s’entremêlent pour donner une mythologie personnelle à l’écrivain « Je ne suis pas juste nourri des mythes de mon ethnie mais aussi des mythes fondateurs d’autres nations à travers les lectures, et cela va du Mali, au Sénégal jusqu’à Rome…c’est la lecture de tous ces mythes qui m’a amené à l’écriture ». Il insiste toutefois sur le fait que la modernité elle-même soit un mythe variable lié aux individus. Eugène Ebode surprend l’assemblée en ramassant le tout sous un beau jeu de mots à travers un clin d’œil à Camus.
L’écrivain camerounais cite le mythe de Sisyphe qui déboucherait sur le mythe décisif « celui du phoenix parce que renaissant et universel mais dont le point d’envol reste l’Afrique ». L’intervention de l’écrivain congolais Alain Mabancko est ferme et radical. Il s’insurge contre le concept de « mythologie ancestrale africaine » qui pour lui n’existe pas et relève plutôt de « la mythomanie » puisque « L’Afrique ne détient pas le monopole des mythes ancestraux, à chacun son mythe qui en allant à la rencontre des mythes des autres produit l’écriture », la question serait donc plus complexe que cela et moins cartésienne.
Enfin, la modératrice du débat, l’Ivoirienne Tanella Boni qui gérait difficilement les ardeurs des uns et des autres, a tranché « chaque écrivain est habité par les mythes de son environnement et par ceux qu’il se forge tout au long de sa vie ».
Edition web du 18 juillet 2009
Par
18 juillet 2009
Non classé