Histoires vraies
A la recherche de la bible (1re partie)
Constantin Tischendorf, le héros de notre histoire, voit le jour en 1815 en Saxe. A dix-neuf ans, il entre à l’université de Leipzig, où une vocation irrésistible le pousse vers la théologie. Pour l’instant,
il ne s’agit que d’un bon élève qui a étudié le latin et le grec. A vingt-cinq ans, Tischendorf quitte l’université pour se diriger vers l’enseignement. Son domaine favori est le Nouveau Testament, et Constantin s’applique à démontrer que celui-ci, tel que ses contemporains le connaissent, n’est qu’une fidèle traduction de textes plus anciens. A vingt-sept ans, il en publie une nouvelle édition en grec, qui le place dès lors parmi les spécialistes reconnus dans ce domaine. Mais il a, au fond de lui, une ambition irrésistible : «Je dois retrouver la forme originelle du Nouveau Testament !»
Tischendorf est armé pour cette recherche, car il manie parfaitement le latin, le grec, l’hébreu et l’araméen. Il connaît les principaux dialectes du monde antique, parmi lesquels le copte, le samaritain. De plus, il est intuitif, diplomate et doté d’une capacité de travail, d’une énergie et d’un courage phénoménaux.
L’Europe possède déjà des versions anciennes du Nouveau Testament. Le Codex Vaticanus, une version en grec, sur trois colonnes. Une copie de la version des Septante, qui est une traduction de l’Ancien Testament, établie entre 250 et 130 avant Jésus-Christ, destinée aux juifs du monde grec qui avaient perdu l’usage de l’hébreu. On date de l’an 350 cette copie qui figure dans les collections du Vatican sans discontinuer depuis l’année 1481. Pour beaucoup, c’est la version la plus ancienne et la plus fiable de la Bible. Au British Museum de Londres, il existe d’autre part un Codex Alexandrinus. S’il se trouve à Londres, c’est parce qu’en l’an 1627 le patriarche de Constantinople en a fait don au roi Charles 1er. Le texte grec qui y figure, sur parchemin, date de la première moitié du Ve siècle. Paris aussi peut s’enorgueillir d’une version ancienne de la Bible : le Codex Ephraemi. Il est en grec et copié sur une seule colonne. Au XVIIe siècle, un moine qui vit dans un couvent très pauvre met la main sur ce document. Comme il manque de parchemin neuf, matière rare et précieuse, il entreprend de gratter le texte du Codex afin d’utiliser le support pour y recopier les œuvres d’un théologien syrien nommé Ephraïm. C’est Catherine de Médicis qui apporte le texte nouveau à Paris dans ses bagages. Mais il faut attendre le XVIIe siècle pour qu’on aperçoive, sous les écrits d’Ephraïm, les restes de la Bible grattée. C’est ce qu’on nomme un palimpseste.
Des savants enthousiastes essayent de déchiffrer le texte effacé par le moine. Ils doivent y renoncer.
Tischendorf connaît ces trois versions, mais c’est sans conteste le Codex Ephraemi qui l’attire le plus. Il se rend donc à Paris, se présente et demande à le voir.
«Si vous permettez, je vais à mon tour essayer de retrouver le texte primitif, par une autre technique.»
Tous les matins, Tischendorf arrive à la Bibliothèque nationale et se penche sur le précieux parchemin. Tous les jours, il prend des notes et… miracle ! Il finit par obtenir une version du texte gratté. Comme ce travail de bénédictin l’a mis en appétit, il demande : «A présent, j’aimerais que l’on me confie le Codex Claramontanus.»
On lui apporte ce nouveau document, qui contient des lettres de saint Paul. Tischendorf parvient aussi à le déchiffrer et il en prépare la publication. Ce jeune Allemand devient soudain le sujet des conversations du monde savant. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
17 juillet 2009
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