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LA VÉRITÉ

14 juillet 2009

Non classé

LA VÉRITÉ

Idéalisme et réalisme, je vous aime, 
Comme l’eau et la pierre vous êtes 
parties du monde, 
lumière et racine de l’arbre de la vie. 

Non, ne me fermez pas les yeux.
lorsque j’aurai cessé de vivre,
j’en aurai besoin pour apprendre
pour regarder et comprendre ma mort. 

Il me faut ma bouche
pour chanter après qu’elle aura disparu.
Et mon âme, et mes mains, mon corps
pour continuer à t’aimer, ma chérie. 

C’est impossible, je le sais, pourtant je l’ai voulu
J’aime ce qui n’a que des rêves.
J’ai un jardin tout de fleurs qui n’existent pas
Je suis résolument triangulaire.
Et je regrette encore mes oreilles,
mais je les ai enveloppées pour les laisser
dans un port, sur un fleuve à l’intérieur
de la République de Malaguette. 

Je suis las de porter la raison sur l’épaule
Je veux inventer la mer quotidienne
Un jour j’ai reçu la visite
d’un peintre de talent qui peignait des soldats
Tous étaient des héros et le brave homme
les peignait en plein feu sur le champ de bataille
mourant comme à plaisir 

Et il peignait aussi des vaches réalistes,
si réalistes et si parfaites, si parfaites
qu’on se sentait, rien qu’à les voir, mélancolique
et prêt à ruminer jusqu’à la fin des siècles. 

Horreur et abomination ! J’ai lu
des romans-fleuves de bonté
et tant de vers
à la gloire du Premier Mai
que je n’écris plus désormais
que sur le Deux du même mois. 

Il semble bien que l’homme
bouscule fort le paysage
et cette route qui avait un ciel auparavant
maintenant nous écrase
de son entêtement commercial. 

Il en va de même avec la beauté,
et comme si nous refusions de l’acheter,
ils l’emballent à leur goût et à leur mode. 

La beauté, laissons-la danser
avec ses courtisans les plus inacceptables,
entre le plein jour et la nuit;
ne la contraignons pas à avaler
comme un médicament la pilule de vérité. 

(Et le réel ? Il nous le faut, sans aucun doute,
mais que ce soit pour nous grandir,
pour nous rendre plus vastes, pour nous faire frémir,
pour rédiger ce qui pour nous doit être
l’ordre du pain tout autant que l’ordre de l’âme.) 

Sussurez ! tel est mon ordre
aux forêts pures,
qu’elles disent en secret ce qui est leur secret,
et à la vérité: Cesse donc de stagner,
tu te durcis jusqu’au mensonge.
Je ne suis pas recteur, je ne dirige rien,
et voilà pourquoi j’accumule
les erreurs de mon chant. 

Pablo Neruda

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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12 Réponses à “LA VÉRITÉ”

  1. Artisans de l'ombre Dit :

    Il meurt lentement
    celui qui ne voyage pas,
    celui qui ne lit pas,
    celui qui n’écoute pas de musique,
    celui qui ne sait pas trouver
    grâce à ses yeux.

    Il meurt lentement
    celui qui détruit son amour-propre,
    celui qui ne se laisse jamais aider.

    Il meurt lentement
    celui qui devient esclave de l’habitude
    refaisant tous les jours les mêmes chemins,
    celui qui ne change jamais de repère,
    Ne se risque jamais à changer la couleur
    de ses vêtements
    Ou qui ne parle jamais à un inconnu

    Il meurt lentement
    celui qui évite la passion
    et son tourbillon d’émotions
    celles qui redonnent la lumière dans les yeux
    et réparent les coeurs blessés

    Il meurt lentement
    celui qui ne change pas de cap
    lorsqu’il est malheureux
    au travail ou en amour,
    celui qui ne prend pas de risques
    pour réaliser ses rêves,
    celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
    n’a fui les conseils sensés.

    Vis maintenant !

    Risque-toi aujourd’hui !

    Agis tout de suite!

    Ne te laisse pas mourir lentement !

    Ne te prive pas d’être heureux !

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  2. Artisans de l'ombre Dit :

    Le poète

    Avant je circulais dans la vie, un amour
    douloureux m’entourait: avant je retenais
    une petite page de quartz
    en clouant les yeux sur la vie.
    J’achetais un peu de bonté, je fréquentais
    le marché de la jalousie, je respirais
    les eaux les plus sourdes de l’envie,l’inhumaine
    hostilité des masques et des êtres.
    Le monde où je vivais était marécage marin:
    le fleur brusquement, le lis tout à coup
    me dévorait dans son frisson d’écume,
    et là où je posais le pied mon coeur glissait
    vers les dents de l’abîme.
    Ainsi naquit ma poésie, à peine
    arrachée aux orties, empoignée sur
    la solitude comme un châtiment,
    ou qui dans le jardin de l’impudeur en éloignait
    sa fleur la plus secrète au point de l’enterrer.
    Isolé donc comme l’eau noire
    qui vit dans ses couloirs profonds,
    de main en main, je coulais vers l’esseulement
    de chacun, vers la haine quotidienne.
    je sus qu’ils vivaient ainsi, en cachant
    la moitié des être, comme des poissons
    de l’océan le plus étrange, et j’aperçus
    la mort dans les boueuses immensités.
    La mort qui ouvrait portes et chemins.
    La Mort qui se faufilait dans les murs.

    (extraits: Chant général, Les fleurs du Pinataqui, p.381
    Gallimard, Collection Poésie.)

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  3. Artisans de l'ombre Dit :

    Je prends congé, je rentre
    chez moi, dans mes rêves,
    je retourne en Patagonie
    où le vent frappe les étables
    où l’océan disperse la glace.
    Je ne suis qu’un poète
    et je vous aime tous,
    je vais errant par le monde que j’aime :

    dans ma patrie
    on emprisonne les mineurs
    et le soldat commande au juge.
    Mais j’aime, moi, jusqu’aux racines
    de mon petit pays si froid.
    Si je devais mourir cent fois,
    c’est là que je voudrais mourir
    et si je devais naître cent fois
    c’est là aussi que je veux naître
    près de l’araucaria sauvage,
    des bourrasques du vent du sud
    et des cloches depuis peu acquises.

    Qu’aucun de vous ne pense à moi.
    Pensons plutôt à toute la terre,
    frappons amoureusement sur la table.
    Je ne veux pas revoir le sang
    imbiber le pain, les haricots noirs,
    la musique: je veux que viennent
    avec moi le mineur, la fillette,
    l’avocat, le marin
    et le fabricant de poupées,
    Que nous allions au cinéma,
    que nous sortions
    boire le plus rouge des vins.

    Je ne suis rien venu résoudre.

    Je suis venu ici chanter
    je suis venu
    afin que tu chantes avec moi.

    ( extrait de « El Canto General »)

    À propos du »»El Canto General ««
    par Guy Wagner

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  4. Artisans de l'ombre Dit :

    Tu ne ressembles à personne depuis que je t’aime.
    Laisse-moi t’étendre parmi les guirlandes jaunes.
    Qui inscrit ton nom avec des lettres
    de fumée parmi les étoiles du Sud ?
    Ah laisse-moi me souvenir comment
    tu étais alors, quand tu n’existais pas encore. [...]
    Maintenant, maintenant aussi, petite,
    tu m’apportes du chèvrefeuille,
    et jusqu’à tes seins en sont parfumés.
    Pendant que le vent triste galope en tuant des papillons
    moi je t’aime, et ma joie mord ta bouche de prune.
    Ce qu’il t’en aura coûté de t’habituer à moi,
    à mon âme esseulée et sauvage, à mon nom que tous chassent.
    Tant de fois nous avons vu s’embraser
    l’étoile du Berger en nous baisant les yeux
    et sur nos têtes se détordre
    les crépuscules en éventails tournants.
    Mes paroles ont plu sur toi en te caressant.
    Depuis longtemps j’ai aimé ton corps
    de nacre ensoleillée.
    Je te crois même reine de l’univers.
    Je t’apporterai des fleurs joyeuses
    des montagnes, des copihues,
    des noisettes foncées, et des paniers
    sylvestres de baisers.
    Je veux faire avec toi
    ce que le printemps fait avec
    les cerisiers.

    (extrait, L’AMOUR EN RIME)

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  5. Artisans de l'ombre Dit :

    LE TIGRE

    je suis le tigre.
    je te guette parmi les feuilles
    aussi grandes que des lingots
    de minerai mouillé.

    le fleuve blanc grandit
    sous la brume. te voici.

    tu plonges nue.
    j’attends.

    alors d’un bond,
    feu, sang et dents,
    ma griffe abat
    ta poitrine, tes hanches.

    je bois ton sang, je brise
    tes membres, un à un.

    et je reste dans la forêt
    à veiller durant des années
    tes os, ta cendre,
    immobile, à l’écart
    de la haine et de la colère,
    désarmé par ta mort,
    traversé par les lianes,
    immobile sous la pluie,
    sentinelle implacable
    de mon amour, cet assassin.

    (extrait, LES VERS DU CAPITAINE )

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  6. Artisans de l'ombre Dit :

    LE REFRAIN DU BOUQUETIER

    Fleur le marécage et source le roc:
    Ton âme embellit out ce qu’elle touche.

    La chair passe mais ta vie reste, entière,
    dans ma poésie de sang et de soie.

    Il faut être doux sur toute les choses;
    le chacal vaut moins que le papillon.

    Tu es un ver qui oeuvre et élabore
    et pour ton cocon pousse les mûriers.

    Pour te laisser tisser ta soie céleste
    la ville a un air tranquille et agreste.

    Ver au travail, soudain te voilà vieux;
    la douleur du monde enraie tes anneaux !

    Sur la mort débouche ton âme nue
    qui se fait ailée, aiglonne ou colombe!

    La terre, elle; garde tes actes vierges,
    ver, mon compagnon, tes soies intouchées.

    Vis à l’aube et vis au soleil couchant,
    adore le tigre et le corpuscule,
    comprends la poulie autant que le muscle!

    Épuise tes jours, frère, compagnon,
    non dans le divin mais lié a l’humain,
    non dans les étoiles mais dans tes mains.

    Car la nuit viendra qui te changera
    aussitôt en terre, en vent ou en feu.

    Laisse pour cela s’amadouer tes portes,
    laisse sous leur cintre entrer tous les vents.

    Ouvre ton jardin à celui qui passe,
    tends au voyageur la fleur de ta vie!

    Ne te montre pas dur, ladre, obstiné,
    fais-toi fruitadelle, sans crochets ni haies!

    Il faut être doux et s’offrir à tous,
    pour vivre il n’y a pas d’autre façon

    d’être la douceur. S’offrir a autrui
    comme les sources s’offrent à la terre.

    Ne pas avoir peur. Ne pas réfléchir.
    Donner pour recommencer à donner.

    Celui-là qui s’offre n’a pas de fin:
    il abrite en lui la pulpe divine.

    Comme s’offrent sans fin, frère, mon frère,
    les eaux des fleuves à la mer !

    Que dans ta vue mon chant doré que désires.
    Que ton noble vouloir fasse clarté ce que tu vois.
    Que ta vie suive cette voie.

    - Mensonge, mensonge, mensonge !

    (extrait, LES PREMIERS LIVRES Hélios et les chansons)

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  7. Artisans de l'ombre Dit :

    III

    nous avons dû, ma sauvageonne,
    nous ressaisir du temps perdu
    et revenir sur nos pas pour, de baiser en baiser,
    abolir la distance de nos vies,
    récupérant ici ce que sans joie
    nous avions donné, découvrant
    là le chemin secret
    qui rapprochait tes pas des miens,
    et ainsi, sous ma bouche,
    voici que tu revois la plante insatisfaite
    de ta vie qui allonge ses racines
    vers mon coeur et vers son attente.
    une à une, les nuits,
    entre nos villes séparées,
    s’ajoutent à la nuit qui nous unit.
    le jour de chaque jour,
    sa flamme ou son repos
    soustraits au temps, elles nous livrent,
    et ainsi se trouve exhumés
    dans l’ombre ou la clarté notre trésor,
    et ainsi nos baisers embrassent-ils la vie:
    tout l’amour se tient enclos dans le nôtre:
    toute la soif s’achève dans notre enlacement.
    nous voici enfin face à face,
    nous nous sommes trouvés,
    rien n’a été perdu.
    et lèvre à lèvre nous nous sommes parcourus,
    mille fois nous avons troqué
    entre nous la mort et la vie,
    tout ce que nous portions en nous
    comme autant de médailles mortes
    nous l’avons jeté à la mer,
    tout ce que nous avions appris
    nous a été bien inutile:
    nous avons commencé,
    nous avons terminé
    à nouveau mort et vie.
    nous sommes là, nous survivons,
    purs d’une pureté que nous avons créée,
    plus vaste que la terre qui n’a pu nous fourvoyer,
    et éternels comme le feu qui brûlera
    tant que la vie ne cessera.

    ( extrait, ODE ET GERMINATIONS )

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  8. Artisans de l'ombre Dit :

    RÉSIDENCE SUR LA TERRE (extraits)

    »» en librairie ««

    Lamentation lente

    Dans la nuit du coeur
    la lente goutte de ton nom
    glisse et tombe et brise et déploie
    en silence son eau.

    Légère sa blessure exige quelque chose
    et sa déférence courte et infinie,
    comme le pas d’un être qui s’égare
    soudain entendu.

    Soudain, soudain perçu
    et dans le coeur répandu
    avec l’insistance triste et le déploiement
    d’un rêve froid d’automne.

    La roue épaisse de la terre
    fait rouler sa jante humide d’oubli
    coupant le temps
    en d’inaccessibles moitiés.

    Ses dures voûtes couvrent ton âme
    répandue dans la terre froide
    avec ses pauvres étincelles bleues
    volant dans la voix de la pluie.

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  9. Artisans de l'ombre Dit :

    IL N’Y A PAS D’OUBLI

    Si vous me demandez où j’étais
    je dois dire : « Il arrive que ».
    Je dois parler du sol que les pierres obscurcissent,
    du fleuve qui en se prolongeant se détruit :
    je ne connais que les choses perdues par les oiseaux,
    la mer laissée en arrière, ou ma soeur qui pleure.
    Pourquoi tant de régions. pourquoi un jour
    se joint-il à un jour ? Pourquoi une nuit noire
    s’accumule-t-elle dans la bouche ? Pourquoi des morts ?
    Si vous me demandez d’où je viens, je dois parler
    avec les choses brisées,
    avec des ustensiles trop amers,
    avec de grandes bêtes souvent pourries
    et avec mon coeur tourmenté.

    Ce ne sont pas les souvenirs qui se sont croisés
    ni la colombe jaunâtre qui dort dans l’oubli,
    mais des visages avec des larmes,
    des doigts dans la gorge,
    et ce qui s’effondre des feuilles :
    l’obscurité d’un jour écoulé,
    d’un jour nourri de notre triste sang.

    Voici des violettes, des hirondelles,
    tout ce que nous aimons et qui figure
    sur de douces cartes à longue traîne
    où se promènent le temps et la douceur.
    Mais ne pénétrons pas au-delà de ces dents,
    ne mordons pas aux écorces que le silence accumule,
    car je ne sais que répondre :
    il y a tant de morts,
    et tant de jetées que le soleil rouge transperçait,
    et tant de têtes qui frappent les bateaux
    et tant de mains qui ont enfermé des baisers,
    et tant de choses que je veux oublier

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  10. Artisans de l'ombre Dit :

    LE WINNIPEG ET AUTRES POÈMES

    J’ai aimé dès le début le mot Winnipeg. Les mots ont des ailes ou n’en ont pas. Les mots rugueux restent collés au papier, à la tables, à la terre. le mot Winnipeg est ailé. Je l’ai vu s’envoler pour la première fois sur le quai d’un embarcadère, près de Bordeaux.

    Le Winnipeg était un beau vieux bateau, auquel les sept mers et le temps avaient donné sa dignité. On peut affirmer qu’il n’avait jamais transporté à son bord plus de soixante-dix à quatre-vingts personnes. Le reste avait été constitué par des cargaisons de cacao, de coprah, de sacs de café de riz, par des chargements de minerais. Cette fois pourtant un affrètement plus important l’attendait: l’espoir.

    Sous mes yeux et ma direction, deux mille hommes et femmes devait embarquer. Ils arrivaient des camps de concentration, de régions inhospitalières des désert, des terres africaines. Il venaient de l’angoisse, de la défaite, et ce bateau allait les recevoir et les emmener sur le continent américain, jusqu’aux côtes du Chili qui les accueillait. C’étaient les combattants espagnols qui avaient franchi la frontière française pour un exil qui dure depuis plus de trente ans.

    La guerre civile – et incivile – d’Espagne agonisait de cette manière: des gens à demi prisonniers étaient entassés dans des forteresse quand ils ne s’amoncelaient pas pour dormir à même le sable. L’exode avait brisé le coeur su plus grand des poètes, don Antonio Machado. Ce coeur avait cessé de battre à peine franchies les Pyrénées. Des soldats de la République, dans leurs uniformes en lambeaux, avaient porté son cercueil au cimetière de Collioure. C’est là que cet Andalou qui avait chanté comme aucun autre les campagnes de Castille repose encore.

    Je n’avais pas songé, en me rendant du Chili en France, aux contretemps, obstacles et adversités que je rencontrerais au cours de ma mission. Mon pays avait besoin de compétences, d’homme à la volonté créatrice. Nous manquions de spécialistes. La mer chilienne m’avait demandé des pêcheurs. Les mines réclamaient des ingénieurs. Les champs, des ouvriers pour conduire les tracteurs. Les premiers moteurs Diesel m’avaient chargé de recruter des mécaniciens spécialisés.

    Rassembler ces être dispersés, les désigner dans les camps les plus éloignés et les acheminer jusqu’à ce carré de jour bleu, devant l’océan de France où se balançait tranquillement le Winnipeg, fut une affaire sérieuse et complexe, une entreprise dans laquelle le dévouement côtoyait souvent le désespoir.

    Un organisme de solidarité, le SERE, fut fondé. L’aide venait, d’une part, des derniers fonds du gouvernement républicain et, d’autre part, d’une institution qui garde pour moi tout son mystère: les quakers.

    Je me déclare abominablement ignorant en matière de de religions. Ce combat contre le péché constitue l’essentiel de leurs préoccupation m’a écarté, dans ma jeunesse, de tous les credos, et l’attitude superficielle d’indifférence que j’ai alors adoptée a persisté ma vie durant. Mais je dois à la vérité de dire que ces magnifiques sectateurs apparaissaient sur le môle et qu’ils payaient à chaque Espagnols la moitié de son billet pour la liberté, sans faire aucune distinction entre les athées et les croyants, les pécheurs et les pêcheurs. Depuis, quand je lis quelques part le mot quaker, je salue respectueusement par la pensé de leur mouvement.

    Les trains arrivaient sans arrêt à l’embarcadère. Les femmes reconnaissaient leurs maris à travers les portières des wagons. Ils avaient été séparés depuis la fin de la guerre et ils se revoyaient pour la première fois devant le bateau qui les attendait. Jamais il ne m’avait été donné d’assister à des retrouvailles, des sanglots; des baisers, des étreintes, des éclats de rire aussi dramatiquement délirants.

    De longues tables s’alignaient pour la vérification des papier et de l’identité, et pour le contrôle sanitaire. Derrière celles-ci, mes collaborateurs, secrétaires, consuls, amis, formaient une sorte de tribunal du purgatoire. Aux yeux des émigrants je dus, exceptionnellement ce jour-là, prendre les traits de Jupiter. Je décrétais le oui ultime, le non définitif. N’étant guère partisan du second, je répondais toujours par oui.
    Je fus pourtant sur le point de signer un refus. Par bonheur, je compris à temps.
    Un Castillan, un paysan à blouse noire tire-bouchonnée aux manches, venait de se présenter devant moi. Cette large blousse flottante était celle des ruraux de la Manche. L’homme, planté là avec sa femme et ses sept enfants, avait un certain âge, le visage tanné et creusé de rides.

    En examinant les renseignements fournis par sa carte d’identité, je lui demandai, surpris:
    - Le liège, c’est votre métier?
    - Oui, monsieur, me répondit-il, gravement.
    - Alors, il y a erreur. Qu’est-ce que vous iriez faire au Chili? Là-bas, il n’y a pas de chênes-lièges.
    - Eh bien, monsieur, il y en aura, me répliqua le paysan.
    - Montez, lui dis-je. C’est d’hommes comme vous dont nous avons besoin.

    Avec la même fierté qui lui avait inspiré sa réponse, le paysan se mit à gravir la passerelle du Winnipeg, suivi de ses sept enfants et de son épouse. Beaucoup plus tard, l’argument de cet Espagnol imperturbable se révéla exact: il y eut – et, bien entendu, il y a toujours des chênes-lièges au Chili.

    Presque tous mes protégés, pèlerins partant pour des terres inconnues, étaient maintenant embarqués, et je me préparais à prendre un peu de repos après cette tâches difficile, lorsque je vis se prolonger mes émotions. Le gouvernement chiliens, soumis aux pressions et aux attaques, m’adressait le message suivant: INFORMATION PRESSE AFFIRMENT EFFECTUER IMMIGRATION MASSIVE ESPAGNOLS. PRIÈRE DÉMENTIR OU ANNULER VOYAGE ÉMIGRÉS.

    Que faire?
    Il y avait une solution: convoquer la presse, lui monter le bateau rempli a craquer de ses deux mille Espagnols, lire le télégramme d’une voix solennelle. Et cela fait, me tirer sur place une balle dans la tête.

    Ou encore: accompagner mes émigrant et débarquer au Chili avec l’appui de la raison ou de la poésie.

    Avant de prendre une décision, je décrochai le téléphone pour m’entretenir avec le ministre chilien des Affaires étrangères. EN 1939, une communication téléphonique était difficilement déchiffrable. Pourtant mon indignation et mon angoisse furent entendues à travers océans et cordillères et le ministre m’approuva. Après une petite crise de cabinet, le Winnipeg, avec ses deux mille Républicains qui chantaient et pleuraient, leva l’ancre et mis le cap sur Valparaiso.

    Que la critique efface toute ma poésie, si bon lui semble. Mais ce poème dont j’évoque aujourd’hui le souvenir, personne ne pourra l’effacer .

    (NÉ POUR NAÎTRE Cinquième Cahier Réflexions Depuis l’ Île-Noire)

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  11. Artisans de l'ombre Dit :

    LA LUTTE POUR LE SOUVENIR

    Mes pensées se sont peu à peu éloignées, mais ayant abordé un sentier accueillant, je repousse les contrariétés tumultueuses et je m’arrête, les yeux fermés, grisé par un parfum de passé que j’ai conservé, durant mon petit corps à corps avec la vie. J’ai vécu hier, uniquement. Aujourd’hui a cette nudité qui attend la chose désirée, ce cachet provisoire qui vieillit en nous sans amour.

    Hier est un arbre aux longs branchages, à l’ombre duquel je suis allongé, abandonné à la mémoire.

    Soudain, je regarde, étonné: en longues caravanes, des voyageurs sont arrivés dans le même sentier; les yeux endormis dans le souvenir, ils fredonnent des chansons et évoquent ce qui fut. Et je crois deviner qu’ils se sont déplacés pour s’arrêter, qu’ils ont parlé pour se taire, qu’ils ont ouvert leurs yeux stupéfaits devant la fête des étoiles pour les fermer et revivre l’enallé…

    Étendu dans ce nouveau chemin, avec les yeux avides et fleuris des jours lointains, j’essaie vainement d’enrayer le fleuve du temps qui ondoie sur mes faits et gestes. Mais l’eau que je parviens à recueillir reste prisonnière des bassins secrets de mon coeur, dans lesquels, demain, devront s’enfoncer mes veilles mains solitaires.

    (LE FLEUVE INVISIBLE, Premiers Poèmes)

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  12. Artisans de l'ombre Dit :

    IL MEURT LENTEMENT CELUI QUI….

    Il meurt lentement
    celui qui ne voyage pas,
    celui qui ne lit pas,
    celui qui n’écoute pas de musique,
    celui qui ne sait pas trouver
    grâce à ses yeux.

    Il meurt lentement
    celui qui détruit son amour-propre,
    celui qui ne se laisse jamais aider.

    Il meurt lentement
    celui qui devient esclave de l’habitude
    refaisant tous les jours les mêmes chemins,
    celui qui ne change jamais de repère,
    Ne se risque jamais à changer la couleur
    de ses vêtements
    Ou qui ne parle jamais à un inconnu.

    Il meurt lentement
    celui qui évite la passion
    et son tourbillon d’émotions
    celles qui redonnent la lumière dans les yeux
    et réparent les coeurs blessés

    Il meurt lentement
    celui qui ne change pas de cap
    lorsqu’il est malheureux
    au travail ou en amour,
    celui qui ne prend pas de risques
    pour réaliser ses rêves,
    celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
    n’a fui les conseils sensés.

    Vis maintenant!

    Risque-toi aujourd’hui!

    Agis tout de suite!

    Ne te laisse pas mourir lentement!

    Ne te prive pas d’être heureux!

    Pablo Neruda « Prix Nobel de Littérature 1971″

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

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