Récits sapientiaux (22e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 21e partie n Sidi Messaoud, le saint homme de Souf, vient de «voler» un pain à l’étal d’un boulanger. Celui-ci a refusé de lui faire l’aumône d’une miche.
Le boulanger prend un bâton et s’apprête à punir le voleur quand, quelqu’un, dans la foule des badauds qui vient de s’attrouper, reconnaît le saint homme.
— Mais, c’est sidi Messaoud !
D’autres le reconnaissent également.
— Ce boulanger est fou ! Il veut donner la bastonnade à Sidi Messaoud !
— Arrête, boulanger, tu vas attirer la malédiction sur toi et sur nous !
Le boulanger qui, comme tous les soufis a entendu parler du saint homme, le lâche. Sidi Messaoud se redresse. Des gens viennent vers lui.
— Je vais payer pour toi ce pain !
— Moi, je lui en offre cinq, dit un autre.
— Et moi, je t’invite chez moi à dîner.
Le boulanger, lui, honteux, mais craignant par-dessus tout la malédiction du saint homme, s’approche de lui, l’air contrit.
— Pardonne-moi, dit-il.
— Pour une miche de pain que je te demandais pour la face de Dieu, tu as voulu me donner la bastonnade ?
Le boulanger se jette aux pieds du saint homme.
— Je ne pouvais savoir… prends tous les pains de mon étal, si tu veux !
— Je n’en ai que faire !
— Exige de moi tout ce que tu veux, je le ferai !
Sidi Messaoud le regarde.
— Je veux bien te pardonner, mais j’exige que demain, tu prépares un couscous pour tous les hommes attroupés ici !
— Je le ferai, dit le boulanger, content de s’en tirer à si bon compte.
Le lendemain, Sidi Messaoud arrive, suivi par une centaine d’hommes.
— Ma maison est ta maison, dit-il humblement au saint.
— Entrez, dit Messaoud aux convives.
Il y a du couscous et de la viande pour tous. les gues’â (grands plats en bois) circulent, et chacun peut manger à sa faim.
Le boulanger vient voir Sidi Messaoud et lui dit.
— Es-tu satisfait, saint homme ?
Mais le saint homme le foudroie du regard et dit aux convives.
— Vous avez vu cet homme ? comme il est méprisable ! je lui ai demandé un pain, par désir de la face de Dieu et il me l’a refusé, en revanche, pour me faire plaisir, il a accepté de dépenser une grosse somme ! N’aurait-il pas mieux valu qu’il donne un morceau de pain à un pauvre mendiant plutôt que de faire des dépenses inconsidérées ? Je vous laisse seuls juges !
— Son cœur est dur, disent les convives, il ne mérite plus de vivre avec nous !
Le jour même, ils le chassent du village. (à suivre…)
K. N.
11 juillet 2009
Non classé