Récits sapientiaux (21e partie)
Par K. Noubi
Image n Le jour s’est levé depuis un moment et les gens commencent à se diriger vers le souk où de nombreuses boutiques sont déjà ouvertes.
Sidi Messaoud est un saint connu du Souf où il possède une belle mosquée. Les anecdotes à son sujet sont nombreuses et on les cite pour illustrer des moralités.
Un jour, Sidi Messaoud est arrivé dans un village du Souf où les gens ne le connaissaient pas. Comme il a traversé de longues distances, il est recouvert de poussière et surtout affamé. Voilà deux jours qu’il a épuisé la kesra, la galette de pain levée aussi mince qu’une feuille, et sa dernière poignée de dattes. Son ventre crie famine et s’il ne mange pas, il ne tardera pas à défaillir.
Le jour s’est levé depuis un moment et les gens commencent à se diriger vers le souk où de nombreuses boutiques sont déjà ouvertes. Sidi Messaoud s’approche d’un local, fait de planches et de tiges de palmiers. C’est la baraque d’un boulanger et il vient d’aligner, sur son étal, des miches de pain. Son aide vient de les ramener du fournil et elles sont encore chaudes. Le boulanger remarque Sidi Messaoud dont les yeux brillent de convoitise. Il se met à sourire et demande gentiment :
— Tu veux acheter une miche ?
Sidi Messaoud le regarde et dit d’une voix humble.
— Je voudrais bien !
— Je vais t’en donner une !
— Je n’ai pas d’argent !
Le boulanger fronce les sourcils et change de ton.
— Si tu n’as pas d’argent, tu n’auras pas de pain !
— Je viens de faire un long voyage, j’ai faim. Ne peux-tu pas m’en donner une, par désir de la Face de Dieu ?
— Va-t-en, je ne nourris pas les fainéants !
— Par désir de la Face de Dieu, répète le saint homme. J’ai faim, une miche de pain ne te ruinerait pas !
— Si tu ne déguerpis pas, je vais te bastonner !
Sidi Messaoud recule. Mais dès que le boulanger a le dos tourné, il s’approche de nouveau de l’étal et s’empare d’un pain.
— Au voleur ! crie le boulanger Sidi Messaoud prend la fuite. Le boulanger le poursuit.
— Arrêtez-le ! arrêtez-le !
Le fugitif tente de gagner une ruelle du village où il pourrait se cacher, mais comme il est affaibli par la fatigue et par la faim, le boulanger le rejoint.
— Je le tiens !
Il lui met la main au collet et le secoue violemment.
— Tu vas payer pour ton geste !
Sidi Messaoud le supplie :
— Ne me fais pas de mal, j’ai faim, tu ne craindrais pas Dieu ?
— Tu vas payer, je te dis ! (à suivre…)
K. N
11 juillet 2009
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