Histoires vraies
Trésor parisien
En 1938, on découvre, au 53 de la rue Mouffetard, à l’occasion de travaux d’assainissement, quinze kilos d’or empaquetés dans des boudins de toile très semblables à des fourreaux de parapluie.
Les ouvriers, croyant qu’il s’agit de pièces de cuivre, se les partagent afin de les offrir comme jouets à leurs enfants.
Cependant, l’un d’entre eux montra ses pièces à un ami, qui lui conseilla d’aIler consulter un bijoutier. Dès qu’on connut la vérité, le commissariat du Ve arrondissement fit garder l’immeuble. Puis on reprit les fouilles, sous le contrôle d’un huissier.
Le 28 mai, on trouve d’autres pièces et un testament, placé près du magot.
On parvient à identifier l’enfouisseur de ce trésor. On récupère quelques pièces qui s’étaient égarées dans les bistrots du quartier, on en retrouve même dans le distributeur de friandises qui trônait sur le quai de la station de métro Robespierre !
Celui qui avait enfoui ce trésor était un certain Louis Nivelle, écuyer du roi Louis XVI. Il avait fait fortune dans le papier. Son père, un avocat fameux surnommé Langue d’or, avait plaidé, en vain, pour arracher la Brinvilliers au supplice qui vint couronner sa carrière d’empoisonneuse. Dans ce cas précis, Louis Nivelle avait, dans son testament découvert par les ouvriers, désigné comme héritière universelle une de ses filles, Anne-Louise. On fit des recherches pour retrouver les héritiers de cette dernière, morte depuis plus de cent cinquante ans. Celle-ci, mariée, était morte sans héritier direct en 1801, et ce furent ses descendants collatéraux, quatre-vingt-trois héritiers issus de quatre cousins germains d’Anne-Louise, qui, juste avant la guerre de 39-45, se partagèrent ce don du ciel : 3 210 louis, 258 double-Iouis et 87 demi-Iouis, presque tous fabriqués à Paris. La vente à l’hôtel Drouot rapporta en 1939 la somme de 210 000 francs. Somme qui sera mise en dépôt à la Banque de France de Montpellier. Il faIlut attendre la paix retrouvée, dix ans plus tard, pour voir les héritiers chanceux toucher leur pactole.
Les généalogistes apprendront d’ailleurs que Anne-Louise-CIaude Nivelle, l’héritière, avait de son vivant doublement manqué de chance. Mariée à Jean-Louis Jariel de Forges, écuyer et secrétaire de Louis XV, elle s’apercevra bientôt que son époux est du genre «bizarre». Il prend un jour, comme son beau-père, la décision d’enfouir sa fortune dans un endroit secret et… meurt sans avoir eu le temps de le révéler. Anne-Louise saura simplement qu’il y a quelque part… 29 barres d’or et 150 000 livres.
En ce qui concerne le trésor de la rue Mouffetard, les pièces, mises en sac, furent considérées comme un «trésor» ; les ouvriers en touchèrent une moitié, la ville de Paris toucha l’autre.
Mais quelqu’un dut soupirer en apprenant tous ces détails : une certaine Mme Texier. Elle avait passé plus de vingt ans dans l’appartement du trésor. Dans un état proche de la misère. Un jour, son mari avait abattu une cloison, mais hélas ! ce n’était pas la bonne, et ces gens, qui étaient très pauvres, avaient dormi pendant toutes ces années sans le savoir avec la tête posée sur un fabuleux magot…
D’après Pierre Bellemare
10 juillet 2009
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