Récits sapientiaux (2e partie)
Résumé de la 1re partie n Un homme a fait une bonne récolte, il veut que sa femme – une fois n’est pas coutume –, fasse une galette de froment.
Elle s’apprête à la saisir la galette pour la rompre quand on frappe à la porte. L’homme se lève et va ouvrir.
— Par Dieu, j’ai faim !
C’est un mendiant. Il est vêtu de haillons et il semble si affamé qu’il tremble de tous ses membres. Il dévore des yeux la galette.
Sans hésiter l’homme la prend et la donne à l’homme.
— Prends, Dieu nous a comblés de ses bienfaits !
Le mendiant prend la galette, remercie et s’en va. Les enfants, qui ont vu partir le pain dont ils pensaient se régaler, prennent une mine attristée.
— Allons, dit le père, je ne pouvais refuser cette galette à ce pauvre mendiant !
Et, se tournant vers son épouse.
— Pétris-en une autre !
La femme, sans rien dire, verse de nouveau de la farine de froment dans son écuelle, elle la tamise, puis la pétrit. Comme par magie, une boule de pâte blanche jaillit de ses mains expertes, boule qui devient une galette bien ronde. Elle la met à cuire et elle s’apprête à l’enlever, pour le plus grand plaisir des enfants, quand on frappe à la porte. Les enfants se regardent, redoutant que quelqu’un vienne encore leur prendre leur galette.
Le père va ouvrir et se retrouve devant une femme traînant trois enfants.
- L’aumône, par désir de la Face de Dieu, dit-elle.
La femme regarde son mari : il ne va pas encore donner cette galette ! si les mendiants ont droit à l’aumône, les gens de la maison ont droit, eux aussi, à manger ! Mais l’homme, après avoir hésité un moment, prend la galette toute chaude et la donne à la femme.
— Prends et va en paix.
La mendiante partie, la femme lève les mains au ciel ;
— Il est écrit que nous ne mangerons pas de galette de froment !
— Ne dis pas cela, dit l’homme sévèrement, cette galette ne nous était pas destinée. Pétris-en encore une autre.
La femme proteste mais elle s’exécute. Et alors que la galette vient de cuire, on entend frapper à la porte.
— Faites-moi l’aumône, par la Face de Dieu !
Et la troisième galette prend le même chemin que les deux précédentes. La femme va en pétrir encore quatre autres et toutes les quatre partent dans les besaces de mendiants !
La nuit est maintenant tombée. La femme, qui a pétri sept galettes, est épuisée. Le père dit tristement à ses enfants :
— Il est écrit qu’aujourd’hui, nous ne mangerons pas de galette. Mais demain, si Dieu veut, votre mère vous en préparera.
Et on se met au lit pour dormir. Il faut préciser qu’autrefois, les parents dormaient avec les enfants dans le même lit. A défaut de s’être rempli le ventre de bonne galette, on se serre pour se donner chaud. (à suivre…)
K. N.
10 juillet 2009
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