Récits sapientiaux (1re partie)
Par K. Noubi
Introduction n La sapience est la sagesse des peuples. Nous examinerons, dans cette série, un certain nombre de récits empruntés à diverses régions d’Algérie.
Le croyant, disait le Prophète béni, est redevable, chaque jour que Dieu crée, de l’aumône. L’aumône, ce n’est pas seulement l’argent que l’on glisse dans la main du pauvre ou la nourriture que l’on offre au nécessiteux, c’est aussi toute bonne action que l’on fait ou toute mauvaise que l’on évite. Enlever un obstacle de la route, c’est faire une aumône, dire une bonne parole, c’est encore fait une aumône, réconcilier deux personnes, c’est toujours faire une aumône.
L’aumône, pour qu’elle soit agréée de Dieu, doit être faite, non à partir des choses dont on n’a pas besoin, mais sur ce que l’on apprécie et aime. Ainsi, on n’offre pas de la nourriture avariée, on ne donne pas de vêtements déchirés, tout ce que l’on offre doit avoir de la valeur. Il ne faut pas faire comme la vieille femme du récit kabyle qui, barattant son lait, laisse échapper dans le brasero une motte de beurre. Elle tente de la retirer et, comme elle n’y parvient pas, elle s’écrie : «Cette motte, je la donne – et pour Dieu – je la lui donne en aumône !»
Et celui qui fait l’aumône ne doit attendre de contrepartie que de Dieu. Tout ce qu’il donne, il le fait par désir de la Face de Dieu. «aâla wadj Rabbi, par la face du Seigneur !» quémandent les mendiants : mais seuls ceux qui font les bonnes actions, seuls les purs de cœur et d’intention verront, au jour de la Résurrection, la Face éclatante du Seigneur !
On raconte qu’autrefois un homme avait suffisamment récolté de blé pour se nourrir et nourrir sa famille à satiété. Voilà longtemps qu’on avait une telle abondance, et le père, habitué à rogner sur tout, a dit à sa femme :
— Femme, aujourd’hui, tu vas nous faire de la bonne galette de froment que nous mangerons avec de l’huile !
— Ne vaut-il pas mieux garder ce froment pour les jours difficiles ?
— Non, Dieu nous a comblés de ses bienfaits, il nous a donné suffisamment de grain pour que nous soyons à l’abri de la faim, il est légitime que nous en profitions ! Et puis, voilà longtemps que nos enfants n’ont mangé à leur faim !
La femme soupire :
— puisque c’est ton désir…
La femme prend le grand plat en bois, dans lequel elle roule le couscous et pétrit le pain. Elle prend également ses tamis et, après avoir passé la farine, elle se met à pétrir. Son mari et ses enfants la regardent faire, se délectant déjà de la bonne galette qu’ils vont manger dans quelques instants.La pâte pétrie est prête à être cuite. La femme l’aplatit avec la paume de ses mains, formant une grande roue. Elle la met dans le tadjine (le plat en terre) et la pose sur le brasero.
Merveilleux parfum du pain qui cuit, emplissant la maison d’une chaleur qui ouvre l’appétit. La femme retourne la galette pour la faire cuire de l’autre côté. Et, en quelques minutes, elle prend une belle couleur dorée. (à suivre…)
K. N.
10 juillet 2009
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