Ici, vous serez pris entre deux mondes : celui du rêve et celui de la frénésie. Regardez de ce côté : c’est le spectacle non plus du nirvana, mais de l’action la plus bruyante et la plus naïve. Voyez vous-même.
Louis montrait la rue des Maltais.
Elle est mal pavée, modérément large. Un tramway occupe le meilleur de la chaussée. Les automobilistes, las arabatiers, les âniers, les charroyeurs, pillent le reste de l’espace, et cela ne va pas sans cris et sans injures. Une foule coassante se dispute les trottoirs étroits : la confuse cohue qui peuple les ports de la mer intérieure.
La vie européenne et la vie indigène s’affrontent là, dans le tumulte. Les épiciers djerbiens font fièrement vis-à-vis aux drapiers juifs, et les marchands de beignets aux apothicaire. Les traiteurs exposent, en face des modistes aux enseignes ambitieuses, leurs brochettes de foie grillé et des montagnes de confiseries ruisselantes d’huile. Les marchands d’oeufs pochés dans la pâte voisinent avec les dentistes, dont la vitrine, maculée de boue, est armée de mâchoires en caoutchouc rouge et d’yeux artificiels que le praticien se vante de poser ‘à la minute‘.
- chapitre : Georges Duhamel – Les rues de Tunis – page : 39 – éditeur : Mercure de France – date d’édition : 2007 -
6 juillet 2009
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