Le couscous enchaîné (2e partie et fin)
Résumé de la 1re partie n Un soir, Bensalem intrigué par les sorties nocturnes de son chat «Laças», décide de le suivre…
Bensalem se précipita donc vers la porte de la cour, suivit sur la pointe des pieds par Lâças qui s’acheminait noblement vers le jardin familial.
Le maître marchait à pas feutrés sur ses traces. A sa stupéfaction, il vit déboucher de divers côtés d’autres chats. Ils se réunirent sous un buisson.
Et de là, il vit sortir un groupe d’hommes qui se dirigèrent vers le silo. Ils étaient vêtus comme lui d’une gandoura blanche.
Bravement Bensalem se joignit à eux. La clarté lunaire qui coulait par l’entrée de la grotte permettait de distinguer une grande gueçâa de bois, laissée par la famille au cours de ses repas d’été, qui était par terre, au milieu de la salle, et pleine de couscous.
Bensalem fut très intrigué de voir que sur le rebord assez épais de cette gueçâa se trouvait une chaîne qui épousait le contour circulaire du plat.
Il s’assit sur les talons comme tout le monde autour de la gueçâa, sans être apparemment remarqué. Mais, comme les convives muets ne se décidaient pas à mettre la main au plat, Bensalem, après avoir saisi de la main gauche la chaîne qui entourait le couscous, pour rompre le silence, se mit à lancer, suivant le rite, un sonore «bismillah» («Au nom de Dieu») avant de prendre de sa main droite une poignée de couscous.
Aussitôt un éclatement terrible ébranla l’atmosphère, comme si tous les convives pulvérisés se dissipaient en ouragan.
Bensalem, effrayé, tenait solidement sa chaîne, mais la gueçâa se soulevait elle-même de terre. Tremblant de tous ses membres, Bensalem, dès lors seul dans la grotte, se cramponnait des deux mains à la chaîne de la coupe de bois qui s’élevait, s’élevait dans les airs, l’entraînant jusqu’au plafond.
Longtemps, il resta ainsi suspendu.
Mais, peu à peu, tout rentrait dans le silence, l’ordre et la nuit. Alors, Bensalem se laissa retomber.
Le lendemain, après cette nuit bouleversante, il raconta les faits aux confrères de sa zaouia qui l’accompagnèrent à la grotte. La gueçâa des chats-djinns fut trouvée et transportée avec honneur jusqu’à la mosquée du pays où depuis elle sert dans les cérémonies de circoncision.
Tiré des Contes mystérieux d’Afrique du Nord de Jeanne Scelles-Millie
28 juin 2009
1.Contes