Le coq du Mouloud (2e partie et fin)
Résumé de la 1re partie n N’ayant pas les moyens d’acheter un coq pour le repas du Mouloud, Aïcha imagine un stratagème qui, avec la complicité de son époux, les en fera bénéficier…
Les choses se passèrent ainsi. Or, derrière les rideaux des fenêtres du patio, toutes les allées et venues sont enregistrées en silence par les voisines.
On a vu l’homme venir ; on a entendu les coups ; on l’a vu repartir et promettre de mieux servir le soir. On a surtout entendu les cris et les pleurs de la femme.
Alors, la voisine au coq somptueux sur lequel s’étaient longuement appesantis les yeux d’Aïcha, s’est présentée, a recueilli l’épouse en pleurs et l’a invitée chez elle au dîner du Mouloud. La marmite mijotait. L’odeur du bouillon était délectable.
On a attendu charitablement le retour du pseudo-«mari irascible».
Le voisin, désireux de fêter ce joyeux anniversaire religieux par une action de paix et de réconciliation, est allé gentiment inviter le mari quand il l’a vu de retour, en attente sur le seuil de sa porte :
«Viens ! Ta femme est chez nous ! On va fêter ensemble le Mouloud !»
L’homme, apparemment renfrogné, s’est assis dans le cercle familial où déjà sa femme avait pris place. Le maître de maison a découpé le héros du festin. Puis, comme il faut toujours honorer ses invités, la maîtresse de maison a placé devant sa voisine le plat où trônaient les membres du coq magnifique en lui disant :
«Fais le partage ! A toi de distribuer !…»
Alors, Aïcha «la bien capable» a considéré avec componction ce plat royal. Puis, lentement, solennellement, elle a procédé à l’affectation de chaque part :
Ed djennihat
lil-drariat
El hanqouq
lilli jabhou min es-souq
El fakhed
liradjel el meghdhadh
Ez-zemonka
lichebbat er-roumka
oua eç-ceder lia
cedri, ceder el homoum
Les deux ailerons
c’est pour les enfants ;
Le cou
c’est pour celui qui l’a porté du souq,
La cuisse
c’est pour l’homme malheureux,
Le croupion
c’est pour la beauté incomparable
la blanche poitrine c’est pour moi,
la poitrine de tous les soucis !
Tiré des Contes mystérieux d’Afrique du Nord de Jeanne Scelles-Millie
28 juin 2009
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