Mariages à l’algérienne (7e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 6e partie : La qabla ou matrone, qui procède à l’accouchement, apporte avec elle un cadenas et, dès que la fille naît, elle lui écarte les jambes, prend son cadenas et le ferme symboliquement.
C’est une tradition, encore répandue dans certaines régions d’Algérie, de «fermer», comme on dit la fillette qui naît, aux influences pernicieuses. Alors qu’ailleurs, dans certains pays d’Afrique, on recourt à l’excision du clitoris, opération qui traumatise la fille et la rend invalide à jamais. Ici, on recourt à un rite symbolique.
La qabla ou matrone, qui procède à l’accouchement, apporte avec elle un cadenas et, dès que la fille naît, elle lui écarte les jambes, prend son cadenas et le ferme symboliquement.
«Je te ferme, dit-elle alors dans une incantation, à toute tentative d’aller avec un garçon jusqu’à ce que ce cadenas soit ouvert et que tu puisses, de façon licite, aller chez celui qui sera ton mari !»
Le cadenas est ensuite remis à la mère de la petite, qui doit alors le garder jalousement jusqu’à ce que sa fille se marie.
A quelques jours du mariage, voire parfois la veille, le cadenas est montré à la jeune femme, qui doit alors, en utilisant le procédé de la fermeture, procéder à l’ouverture.
Tout se passe généralement en secret, sans que les hommes le sachent. Les jeunes filles voient parfois le cadenas, mais ce n’est pas toujours nécessaire : il suffit qu’elle sache qu’elle est «protégée» et qu’elle le sera jusqu’à son mariage.
Autrefois, on fabriquait des cadenas en bois, avec de jolies clefs, mais cette tradition s’est perdue et aujourd’hui, on se contente de cadenas du commerce.
En général, on choisit des cadenas neufs, parce qu’ils n’ont été utilisés par personne. Parfois, le cadenas est remis à la fille qui va l’utiliser pour sa propre fille.
Le cadenas est généralement mis dans la boîte à bijoux des mères. Mais parfois, par honte des hommes, on le cache soigneusement. La perte du cadenas peut entraîner parfois des drames parmi les jeunes filles qui se marient. Voici une histoire authentique.
C’est le premier accouchement de Zahia. On a fait venir la qabla ou accoucheuse traditionnelle du village, il y a aussi la belle-mère de la jeune femme, Fatima, qui tient à assister à l’accouchement.
Dès que le nouveau-né commence à venir au monde, Fatima se tortille pour voir le sexe de l’enfant.
— Mon Dieu, pourvu que le premier enfant de mon fils soit un garçon !
Mais la qabla s’exclame : «C’est une fille !»
La belle mère soupire.
— Alors que Dieu nous donne un beau gendre !
La qabla prend la fille et la montre à la belle-mère.
— C’est une jolie fille. Elle attirera les garçons !
— Vite, vite, dit la belle-mère… il faut le cadenas !
— J’ai oublié d’en prendre un !
— Et moi, j’ai celui que ma pauvre mère a utilisé pour moi !
Elle plonge sa main dans la poche et en tire un cadenas ! (à suivre…)
K. N.
27 juin 2009
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