L’enjambement, le rejet, le contre-rejet
Ces trois termes marquent les différences existantes entre les longueurs respectives du vers et de la phrase. Ces différences de longueur peuvent prendre trois formes :
- L’enjambement, quand la phrase ne s’arrête pas à la fin du vers, mais déborde jusqu’à la césure ou à la fin du vers suivant. Il marque en général un mouvement qui se développe, un sentiment qui s’amplifie, un temps qui s’étire…
« Nous avons aperçu les grands ongles marqués
Par les loups voyageurs que nous avions traqués. »
Alfred de Vigny, Les Destinées, « La mort du loup » - Le rejet, lorsqu’un ou deux mots de la phrase sont placés au début du vers suivant. Selon Littré, cette forme d’enjambement est « l’état ou le défaut du vers qui enjambe sur le suivant. L’enjambement est surtout usité dans la poésie familière ; ailleurs on ne l’emploie guère que pour produire un effet. » Dans la poésie classique, les écrivains ont essayé de faire coïncider l’énoncé avec le vers ou l’hémistiche ; ils ne s’autorisaient l’expansion sur le vers suivant qu’exceptionnellement à des fins expressives.
« Même, il m’est arrivé quelques fois de manger
Le berger. »
Jean de La Fontaine, Fables, VII, 1
En revanche, cette forme de l’enjambement est fréquente dans la poésie romantique.
« Comment vous nommez-vous ? Il me dit : – Je me nomme
Le pauvre. »
Victor Hugo, Les Contemplations (V, 9), « Le mendiant »
Ce rejet au début du vers suivant crée un effet de mise en valeur. - Le contre-rejet, quand la fin d’un vers contient quelques éléments de la phrase qui se développe au vers suivant.
« Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automne
Faisait voler la grive à travers l’air atone. »
Paul Verlaine, Poèmes saturniens
Le contre-rejet crée une rupture rythmique, qui sollicite l’attention du lecteur ou de l’auditeur.
13 juin 2009
1.POESIE