Le rythme
Le retour périodique des accents toniques crée le rythme. Le rythme crée des effets divers (régularité ou irrégularité, fermeté ou dilution, équilibre ou déséquilibre…) en lien avec le sens du poème.
On distinguera un rythme binaire quand le vers ou les hémistiches sont divisés en deux moitiés égales.
« Son regard / est pareil // aux regards / des statues. »
Paul Verlaine , Poèmes saturniens, « Mon rêve familier »
« Ô rage ! Ô désespoir ! // Ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc / tant vécu // que pour cet / te infamie ? »
Pierre Corneille, Le Cid
Le rythme binaire a souvent une valeur affective, il traduit des émotions qui n’arrivent pas à se poser, qui sont extériorisées par jets.
Le rythme ternaire découpe le vers en trois mesures égales. Il exprime l’ordre, l’équilibre, l’immuabilité.
« Je marcherai / les yeux fixés / sur mes pensées. »
Victor Hugo, Les Contemplations, « Demain, dès l’aube »
« Toujours aimer, / toujours souffrir, / toujours mourir »
Pierre Corneille, Suréna
Dans le premier extrait, le découpage en trois groupes égaux évoque peut-être le balancement régulier de la marche, mais surtout l’absorption du père meurtri dans ses pensées lancinantes ; dans le second, il souligne la force contraignante du destin et l’accablement qui en résulte.
Le passage d’un rythme à un autre est souvent significatif d’un changement dans les faits ou les sentiments.
L’enjambement, le rejet et le contre-rejet produisent des ruptures rythmiques à des fins expressives.
Le rythme peut être croissant quand les groupes sont de plus en plus longs. Il traduit alors une amplification.
« Ainsi, / de peu à peu // crût / l’empire romain. »
Joachim du Bellay, Les Antiquités de Rome
« Ô ra / ge ! Ô désespoir ! // Ô vieillesse ennemie ! »
Pierre Corneille, Le Cid
Un vers a un rythme décroissant quand les segments se font de plus en plus courts. Ce rythme marque le déclin, la chute.
Et de longs / corbillards, // sans tambours / ni musique,
Défi / lent lentement // dans mon â / me ; l’Espoir,
Vaincu, / pleu / re, et l’angoi /sse atro / ce, despotique,
Sur mon crâ / ne incliné // plante son / drapeau noir.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « Spleen IV »
À un rythme régulier, cérémoniel, funèbre, succède un tempo brutalement décroissant et souligné par le contre-rejet : le désespoir absolu vient de prendre brutalement possession de l’âme du poète.
Le rythme est accumulatif quand le nombre d’accents toniques est supérieur à quatre dans l’alexandrin. Il traduit l’exubérance, la richesse de la vie.
« Le lait tom / be : adieu, / veau, / va /che, cochon, / couvée. »
Jean de La Fontaine, Fables, « Pierrette et le pot au lait »
« Nais, / grandis, / rê / ve, sou / ffre, ai / me, vis, / vieillis, / tombe. »
Victor Hugo, Les Contemplations, « Dolor »
13 juin 2009
1.POESIE, Victor Hugo