ahar Djaout :
Une impatience d’amour qui éclate les murs…
«La pluie a lavé la tombe
Les eaux déchaînées se déversent
Emportant tout sur leur passage
De sous les dalles un cri déchirant retentit
Le ciel se trouble et se fissure
Clamant la colère et l’impuissance»
Par Sabrina Azzi
Matoub Lounes.
C’est une personnalité éminemment précieuse, c’est une main féerique dotée d’une magie prodigieuse, mais aussi un esprit d’un génie qui a toujours su défendre ses conceptions. En dépit de la terrible censure qui régnait dans le pays à l’époque, voire les menaces des intégristes, il persistait à répandre ses idées courageuses…il aspirait à une Algérie où ce seraient la justice et la démocratie qui en seraient les magnats…
Cet écrivain de génie a vu le jour le 11 janvier 1954 à Oukhou, un petit village d’Azeffoun, contrée maritime qui enchante les regards, revigore l’esprit et invite les mordus de beauté naturelle à saisir leurs plumes pour dépeindre ce panorama pittoresque et tenter de donner vie à une véritable fresque reprenant tout ce qui peut réjouir les cœurs …
C’est dans cette fabuleuse région, qu’il a passé son enfance bercé par l’air frais et dorloté par l’élégance de Dame nature. Après l’Indépendance, sa famille fut obligée de s’installer à Alger ou il fait ses études primaires et secondaires, il obtint son baccalauréat, série mathématiques, en 1974 il obtint sa licence en mathématiques à l’université d’Alger où il s’est lié d’amitié avec le poète Hamid Tibouchi.
Dès son jeune âge, il montra sa passion pour la littérature notamment pour l’écriture et la poésie, à titre d’exemple en 1970, sa nouvelle Les Insoumis reçoit une mention au concours littéraire «Zone de tempêtes».
Pour son talent d’émouvoir par les mots, pour son allégorie dans ses écrits accompagnés du respect du dogme grammatical, Djaout reçoit une bourse pour poursuivre à Paris des études en sciences de l’information, il voulait tant devenir journaliste et c’est cette fonction qu’il allait exercer de retour à Alger. Depuis, ses écrits chatoient et son nom commence à être connu.
Ses premiers articles furent publiés dans le journal El Moudjahid ; il collaborait en 1976 et 1977 au supplément El Moudjahid culturel, libéré en 1979 de ses obligations militaires il a repris ses activités à El Moudjahid. Il fût responsable ensuite de 1980 à 1984 de la rubrique culturelle de l’hebdomadaire Algérie Actualité. Il publia plusieurs articles sur les peintres, notamment sur Baya, Denis Martinez, Hamid Tibouchi et bien d’autres comme il écrivit sur les écrivains algériens d’expression française (Jean Amrouche, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, Jean Sénac….) avec la force de son talent, il a pu imposer ses pensées et défendre le patrimoine culturel. En 1992, avec la collaboration d’autres journalistes, Djaout fonda l’hebdomadaire Ruptures, où furent controversés les problèmes dont souffrait l’Algérie à cette époque, ainsi que ceux de la culture et de l’identité algériennes.
Djaout publia dès 1975 un recueil de poésies Solstices barbelés et en 1978, à compte d’auteur, l’Arche à vau-l’eau.
Menacé par les groupes terroristes à maintes reprises, il refusa de poser son stylo.
Quant à ses œuvres, Djaout leur a inculqué un vocabulaire très riche, gorgé de métaphores et de tableaux, son premier roman Les Chercheurs d’os parle d’un jeune garçon qui rejoint la foule de son village pour chercher les os de son frère et pouvoir les inhumer dans son village natal (juste après l’Indépendance), ce jeune va se heurter à un univers totalement différent de celui qu’il a connu toute sa vie. Ce chef-d’œuvre fut publié en 1984 à Paris. Ce roman a obtenu le prix de la fondation Del Duca.
L’Exproprié, diversité d’écriture : poésie, chant, prose … est publié en 1981
L’invention du désert, un livre très allégorique parlant indirectement d’une personnalité historique du Maghreb. Les vigiles qui a reçu le prix Méditerranée ainsi que d’autres livres comme Le dernier été de la raison (roman), Insulaire et Cie (poèmes), L’oiseau minéral (poèmes)…
Sa production fut prolifique, il avait lutté durant toute sa vie pour une Algérie présente et prospère, il avait aspiré à un développement universel, mais hélas, un destin s’apparentant à celui de Mouloud Feraoun et à celui de bien d’autres qui ont donné toutes leurs forces pour une Algérie rêvée, le guettait.
Tahar Djaout fût grièvement blessé lors d’un attentat le 26 mai 1993 près de son domicile, il décéda quelques jours après, inaugurant la longue liste des journalistes et intellectuels algériens assassinés Federico Mayor, directeur de l’UNESCO déclara juste après son assassinat
«Lorsqu’un journaliste et un créateur, un homme du verbe et de l’imaginaire est frappé par les balles de l’intolérance et les poignards du sectarisme, il est du devoir de l’Unesco de manifester son indignation d’élever sa voix pour condamner la violence aveugle. Tahar Djaout a promu l’identité culturelle de son pays et affirmé sa foi dans la parole et le dialogue».
Il a su créer son propre style, de la poésie et du rêve dans sa prose tout en maintenant la clarté et la lucidité qui lui permettait de critiquer le réel d’une manière imaginaire. Lors de son arrestation, son exécuteur interrogé sur les mobiles du crime, devait répondre : «Il a une plume redoutable, ses écrits ont une grande influence sur les musulmans».
Sabrina Azzi
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12 juin 2009
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