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“Mouloud Feraoun a introduit une nouvelle logique d’écriture”

12 juin 2009

Non classé

nterview de Mehenna Akbal, écrivain
“Mouloud Feraoun a introduit une nouvelle logique d’écriture”
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Mehenna Akbal a fait de l’étude des romans de Mouloud Feraoun une raison de vivre. Il vient de sortir aux éditions El Amel un essai sur Les chemins qui montent. Il y a deux ans, il a édité un livre sur le même auteur et actuellement, il en prépare un autre. C’est donc un passionné de Mouloud Feraoun qui se confie à notre journal.

La dépêche de Kabylie : Pourquoi cet intérêt pour l’œuvre de Mouloud Feraoun ?

Mehenna Akbal : La réponse est simple. Mouloud Feraoun est quelqu’un de très intéressant. Son parcours est digne d’intérêt. L’œuvre de Mouloud Feraoun est une œuvre d’une extrême richesse où de nombreuses approches sont également applicables. Elle ne saurait se donner à étude, à réflexion ou à critique sans une approche transdisciplinaire ou pluridisciplinaire. L’œuvre de Mouloud Feraoun interpelle des spécialistes de tous bords. Le spécialiste en littérature, le linguiste, le philosophe, le spécialiste en sciences de l’information et de la communication, l’ethnologue, l’anthropologue, le sociologue, l’historien, le spécialiste en bibliothéconomie peuvent trouver sans complexe leurs comptes. Il serait bien de réfléchir à cette problématique qui me paraît à la fois lancinante et pertinente.    

 

Les Chemins qui montent est, pour beaucoup d’observateurs, le roman le plus accompli de Feraoun. Partagez-vous cet avis ?

Il est vrai que dans Les Chemins qui montent, Mouloud Feraoun a introduit une nouvelle logique et un nouveau style d’écriture. Les Chemins qui montent, dont l’écriture fut entamée en 1953 et achevée en 1956, et qui fut publié en 1957, est un chef d’œuvre littéraire et artistique. Ce qu’on peut dire à propos de l’œuvre Les Chemins qui montent est valable pour Le Fils du pauvre, La Terre et le sang ou La Cité des roses.    

 

Vous êtes aussi très marqué par Le Fils du pauvre, pourquoi ?

Le Fils du pauvre, qui fut une de mes premières lectures, avait suscité chez moi sérieux et intérêt. Le Fils du pauvre fut durant notre enfance et notre adolescence (les enfants de mon âge et moi) bien plus qu’un repère. Le Fils du pauvre fut notre idéologie. Notre philosophie. Car avant d’être catalogué et indexé aux Editions du Seuil, Le Fils du pauvre, c’est d’abord l’œuvre de Mouloud n’Ath-Chavane, un des miens, un des nôtres. Fouroulou, c’est nous. Et, la dignité et la fierté que nous avons pu acquérir c’est à lui seul que nous les devons. La petite madeleine trempée dans le thé fait revivre à Proust, par le rappel d’une saveur oubliée, toute son enfance. Les réminiscences et les souvenirs de mon passé, que je considère à la fois proches et lointains, m’envahissent chaque fois que j’entends prononcer le nom Feraoun ou l’une de ses œuvres.

 

Performatif ? Effet d’annonce ?                 

L’élève, le lecteur, que j’étais, avait, en parallèle, à sa disposition une panoplie de repères autres que ceux proposés par Feraoun. Vallès, Gorki, Hugo, Dib,… ont fait de la misère et de la pauvreté des thèmes récurrents dans leurs œuvres. Les enfants de mon âge et moi  n’étions pas, de ce fait, en situation de consommateurs captifs d’idées. Mais, nous avions toujours nourri, par la force d’une solidarité inavouée ou par esprit de clocher, une grande prédilection pour la misère décrite et suggérée par Feraoun. La sienne ou la nôtre était différente de celle des autres. Nous nous sommes retrouvés dans son Le Fils du pauvre. Nous nous sommes reconnus. Nous nous sommes identifiés.

 

Le Fils du pauvre : Une biographie

La biographie, c’est un «écrit qui a pour objet l’histoire d’une vie particulière». Faire son autobiographie, c’est se décrire soi-même. C’est se dire soi-même. Chaque vie est une histoire. Chaque vie est un roman. Et j’ai la faiblesse de considérer que chaque vie mérite d’être connue. Qui peut nous raconter si on ne se raconte pas soi-même ? A vingt-six ans, Feraoun y avait commencé, non sans conviction, à travailler la plume à la main sur «un modeste bureau noir à deux tiroirs». L’instituteur du bled kabyle, «le pauvre Menrad est incapable de philosopher. Elle résulte du sentiment très net qu’il a de sa faiblesse. (…) Il a voulu écrire. Il a cru pouvoir écrire. (…) Il voulait tout simplement  (…) raconter sa propre histoire. (…) Loin de sa pensée de se comparer à des génies ; il comptait seulement leur emprunter l’idée, la sotte idée de se peindre.

Il considérait que s’il réussissait à faire quelque chose de cohérent, de complet, de lisible, il serait satisfait. Il croyait que sa vie valait la peine d’être connue, tout au moins de ses enfants et de ses petits-enfants.

A la rigueur, il n’avait pas besoin de se faire imprimer» (cf. Le Fils du pauvre). Il est vrai qu’un manuscrit n’a pas beaucoup de lecteurs. Mais derrière tout geste graphique, il y a cette volonté expressément manifeste d’affronter l’oubli. De marquer son passage.

Je me réjouissais à réfléchir mon image et à retrouver ma condition dans Le Fils du pauvre. Feraoun m’appartenait. Il appartenait et appartient à tous ceux qui étaient et sont comme moi. Et nous étions et sommes nombreux. Il pénétra et ne cesse de pénétrer dans le cœur du pauvre pour le consoler de sa misère et lui révéler son âme qu’il feint d’ignorer. Après Le Fils du pauvre, j’avais cherché d’autres lectures. Mais je fais à présent bien de le souligner : A travers ce geste, je n’étais pas en quête de repères.      

 

Cela à cause de ceci

Le Fils du pauvre est peut-être un roman ? A vrai dire, Le Fils du pauvre est un derrière-les-barreaux de l’imaginaire, de la symbolique, de la douceur et de la beauté. Le Fils du pauvre, c’est un feu, un lieu, une âme et un territoire qui ressemblent étrangement aux miens.

Quand on y entre, on n’en sort plus. On en devient prisonnier. C’est mon cas. Je le suis depuis ma plus tendre enfance.     

Le Fils du pauvre m’a tout dit. Tout montré. M’a guéri. Le Fils du pauvre m’a permis de me situer dans l’espace. De connaître les lieux. D’apprécier les personnes. De comprendre les situations et les problèmes.

Le Fils du pauvre a contribué à transformer ma réalité. Le Fils du pauvre m’a permis d’accéder à ma réalité et de ne pas nier mon identité. Aucune humiliation, aucun découragement ne sont nés en moi après sa lecture. Chaque mot parle de moi et me représente. Mouloud Feraoun a un pouvoir de conviction devant lequel, même à l’âge adulte, j’affiche adhésion et caution. Fait de phrases courtes,  efficaces, percutantes et directes, ce texte n’a pris aucune ride. 

Il m’avait permis d’inventer un monde. Mon monde. Un monde fait de signes et de symboles. Un monde fait de représentations symboliques. Ce monde là, je l’avais inventé en lisant et en relisant inlassablement Feraoun. Son œuvre résiste à l’usure du temps et à l’incompréhensible que ne cesse de provoquer le néant. Je garde jusqu’à présent au creux de ma mémoire des passages entiers de son œuvre. Je suis capable de les réciter intégralement.  

 

Quelle est votre appréciation du roman posthume de Mouloud Feraoun, La Cité des roses ? 

Je vous réponds par une question : quelle aurait été la réaction des milieux littéraires, des médias et des critiques français suite à la publication d’un posthume de Zola ou de Balzac ou d’un inédit de Verlaine ou de Baudelaire ? Comment serait accueilli à El-Azhar un posthume de Choukri ou de Taha Hussein ?

 

Etes-vous sur d’autres travaux si oui, lesquels ? 

Je suis sur le point de finaliser un récit, dont le titre est Mouloud Feraoun : D’une blessure narcissique au pansement médiologique, qui exige encore une centaine d’heures de travail, dans lequel j’essaye d’expliquer l’engouement, l’affection et l’amour que j’ai pour Mouloud Feraoun. Il faut en fait voir en substance deux choses : une attitude et une aptitude. La première est à renvoyer à une blessure narcissique, une blessure enfantine. La seconde est à mettre sur le compte d’un pansement médiologique.   

La première m’autorise donc à présenter Mouloud Feraoun à ma façon. Une façon délirante, un peu folle, qui obéit beaucoup plus à la logique du sentiment et du cœur qu’à celle de la réflexion pure et dure.

La seconde freine ma lancée pour m’interdire tout geste pouvant m’entraîner à outrepasser ou à transgresser les principes élémentaires qui régissent tout travail cohérent.

 

Propos recueillis par  Aomar Mohelleb

http://www.depechedekabylie.com/popread.php?id=41997&ed=1542

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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