- Mireille Calmel
La littérature comme remède
Les mots peuvent sauver et changer le destin de l’individu. Il suffit d’y croire et de se lancer dans l’aventure de la création.
Elle écrit des livres qui ont plein de succès. Le Lit d’Aliénor s’est vendu à 800 000 exemplaires en France, Le Bal des Louves suit cette trace. Mireille Calmel est un phénomène de l’édition.
« Tant que j’écrirai, je ne mourrai pas.
» Ce pari, vital, Mireille Calmel l’a tenu depuis ses 11 ans. Trois ans plus tôt, elle était hospitalisée après s’être réveillée avec » une jambe énorme et des ganglions un peu partout « . Aucun spécialiste n’est parvenu à établir le bon diagnostic sur cette mystérieuse maladie qui enflamme les muscles de manière chronique.
Née à Martigues, d’un père contremaître à la mine et d’une mère laborantine, Mireille Calmel passe son enfance et son adolescence au creux des draps, environnée de tubes et de cachets. Condamnée à mourir sans savoir pourquoi, elle se plonge à corps perdu dans la littérature. Elle dévore les livres de la bibliothèque, fait ses universités à l’hôpital, connaît par coeur » Le Petit Prince « , découvre Anatole France. L’écriture lui vient naturellement. « Inventer des histoires me donnait une vision à long terme « , dit-elle, et le meilleur moyen d’exorciser la peur et de gagner du temps. A 11 ans, elle finit son premier livre, une histoire de pirates de trois cents pages. A 15 ans, le deuxième est terminé. Il sera publié à compte d’auteur. » J’ai fait très tôt ce que d’autres ont fait plus tard : j’ai commencé par une autobiographie dans laquelle j’ai raconté toutes ces années passées à l’hôpital ». A 15 ans, alors que Mireille est au plus mal, sa mère la retire de l’institution. Miracle de l’amour : elle guérit ! Sa vie prend un rythme qu’on dirait presque normal. Elle poursuit sa scolarité à travers le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Et elle lit, comme une enragée, vingt à trente romans par semaine, grâce au bibliobus. Le club France Loisirs, qui met la littérature à la portée du plus grand nombre, étanche aussi sa soif d’apprendre. Elle avoue un faible pour Cyrano et Kant, qu’elle déchiffre sans dictionnaire philosophique. Elle se plonge dans Platon, Dumas, Umberto Eco, Hubert Reeves, tant d’autres encore…
« L’existence de Mireille a sa petite musique bien à elle, avec son statut de handicapée, son RMI et son sens de la débrouille », estime le magazine le Point. On la disait stérile. Elle met au monde deux enfants. Au fil des entretiens, elle revient volontiers sur son enfance. Elle évoque avec nostalgie sa » mamée « , laissée-pour-compte, aveugle et réprouvée, que sa famille adopta sur le tard. » Sans y voir goutte, elle passait le fil dans le chas de l’aiguille. Elle me disait : « Il suffit d’imaginer pour voir. « C’est ainsi qu’elle a aiguisé ma perception. «
Jeune fille, elle se lance dans la chanson et le théâtre, tout en écrivant. Et c’est l’incroyable aventure du » Lit d’Aliénor « , roman historique consacré à la duchesse d’Aquitaine, reine de France au côté de Louis VII puis remariée à Henri II Plantagenêt, souverain d’Angleterre. Ce qui passionne Mireille Calmel, c’est ce que taisent les historiens. Elle s’est enfermée quatre ans à la Bibliothèque nationale pour éplucher chroniques et relations duXIIe siècle. » J’ai envoyé mon texte à une vingtaine d’éditeurs. Un seul m’a répondu, Bernard Fixot. Il a décidé de lancer l’ouvrage en club. » France Loisirs a accepté et Bertelsmann – la maison mère – a proposé le livre à ses filiales européennes, qui l’ont adopté. Aussitôt après ce succès phénoménal, Mireille Calmel attaque « Le bal des Louves », un récit » vrai à 70 %, », composé de deux forts volumes, qui fait la part belle aux contes et légendes d’Auvergne recueillis par ses soins de la bouche de conteurs de la région. A peine sortis, les deux tomes enregistrent un triomphe. A présent, cette romancière infatigable caresse l’idée d’un nouveau livre, qui, de fait, reviendrait à ses premières amours. » A Paris, dit-elle, je visite souvent le musée de la Marine ». Quatre fois par an, le club France Loisirs propose un roman en avant-première à ses abonnés, lequel roman est, trois mois après, mis en vente en librairie. » Le lit d’Aliénor » a remporté un succès colossal (420 000 exemplaires) qui n’a en rien entamé ses ventes futures. Et Bernard Fixot commente : » Moi, j’y ai cru d’emblée. Ce qui m’a frappé ? Son côté scenic railway avec rebondissements, surprises et changements de perspective, un je-ne-sais-quoi du Zevaco des « Pardaillan », qu’accessoirement elle ne connaissait pas », c’est là un bel encouragement d’un éditeur qui n’arrête pas de faire des miracles.
« J’ai très vite pris un stylo lorsque je me suis retrouvée face à mes peurs: Ecrire était le moyen de traduire tout ce que j’étais alors incapable de dire. Un jour, j’ai caché le nom d’un auteur sur un livre et j’ai affirmé à ma voisine : Tant que j’écrirai, moi je ne mourai pas: comme si j’avais trouvé une raison suffisante de vivre que la mort ne pouvait détruire.
Je ne sais pas si cela m’a sauvé, mais cela m’a aidé à me battre, cette certitude qu’un jour je serai un écrivain, que j’étais née pour cela », raconte cette écrivaine de talent.
« Ma seule organisation à l’époque tournait autour de ma subsistance et de l’équilibre de mes enfants. J’écrivais, je recherchais, je vivais en fonction d’eux, de leur emploi du temps, de leurs besoins. Je serai toujours une maman avant tout le reste, peut-être parce qu’on m’avait assuré que jamais je n’aurai d’enfant, je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, à cette époque, je venais de divorcer, je n’avais pas de ressources. Je donnais des cours de théâtre dans une association, dans des écoles, je chantais le week-end pour animer des repas ou des soirées. Parfois c’était un pur bonheur, mais souvent c’était alimentaire. L’écriture venait en dilettante, comme une évidence, mais pour ce livre j’ai dû enfoncer beaucoup de portes, rencontrer des gens, créer des réseaux relationnels pour que mon travail soit pris au sérieux, que l’on m’aide dans mes recherches. Cela m’a demandé beaucoup d’énergie, de patience, mais c’était au coup par coup, parce que le plus important, c’était d’être là pour mes enfants quand ils avaient besoin de moi: J’étais un écrivain qui chantait, qui jouait, qui vibrait et qui maternait. Malgré les moments difficiles, cela m’a nourri et rendu heureuse », ajoute-t-elle. Oui, les mots peuvent apporter le grand bonheur.
Farid Ait Mansour
http://www.depechedekabylie.com/popread.php?id=31842&ed=1374
12 juin 2009
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