- Assia Djebar élue à l’Académie française
Le sacre de l’Algérie qui avance
La romancière et cinéaste Assia Djebar a été élue jeudi passé à la plus prestigieuse institution littéraire de France, l’Académie française. C’est un événement capital non seulement sur le plan culturel, mais aussi sur les plans civilisationnel et politique, sachant que celle qui portera la toge académique est une femme algérienne contre la discrimination basée sur le sexe comme elle représente la frange la plus éclairée de la société algérienne et qui a besoin de la reconnaissance des siens d’abord et des institutions culturelles internationales ensuite.
Il se trouve que, dans la médiocrité ambiante et la perte de repères culturels viables, notre écrivain — à l’instar des éléments de l’élite exilée ou décimée par le terrorisme islamiste — est frappé d’ostracisme et de défiance à la mesure du pesant de “poudre” qu’elle vaut, pour paraphraser Kateb Yacine.
A la veille du choix du récipiendaire du prix Nobel de Littérature 2004 auquel Assia Djebar était candidate, nous écrivions dans “La Dépêche de Kabylie” du 7 octobre dernier : “Quel que soit le verdict de l’Académie suédoise quant au prochain récipiendaire du prix Nobel de littérature, la seule évocation du nom d’Assia Djebar comble de bonheur et emplit de fierté tous les Algériens jaloux de leur pays, des acquis de la culture universelle et des valeurs d’émanicipation de la femme”.
Le choix du jury du Nobel étant autre — la partialité et le manque de transparence de ce noble aréopage ont conduit Jean Paul Sartres en 1964 à refuser ce prix —, l’auteur des “Enfants du nouveau monde”, celle qui fut appelée, peut-être trop superficiellement, la Françoise Sagan algérienne voit, huit mois plus tard, son ciel briller de mille étoiles, les étoiles de l’institution fondée par Richelieu en 1635. Généralement, la toge académique est mieux perçue et plus valorisée au sein de la classe intellectuelle et du monde littéraire. Elle ouvre la porte de “l’immoralité” telle qu’elle était conçue par les pères fondateurs.
Parmi les illustres étrangers qui ont siégé à l’Académie française, il y a Léopold Sédar Senghor, ancien président du Sénégal et champion du concept de négritude. Avec l’élection d’Assia Djebar, c’est “la famille qui avance”, telle que la voulait Tahar Djaout, qui est en train d’inscrire sur le fronton des lieux les plus prestigieux de la pensée le nom de l’Algérie ; l’Algérie du labeur, de l’authenticité et la modernité. L’Algérie du combat des femmes contre l’injustice du Code de la famille et contre l’obscurantisme moyenâgeux dont les premières victimes sont les femmes. Notons également que c’est par le moyen du “butin de guerre” qu’est la langue française — longtemps tenue en suspicion par une idéologie arabo-islmaiste débilitante et un pouvoir hégémonique — que notre pays entre dans l’auguste assemblée des Immortels. Une belle revanche de l’histoire qui honore non seulement l’Algérie mais aussi tout le Maghreb dont la littérature est l’une des plus riches de l’aire culturelle francophone, comme elle inaugure sans doute une ère d’ouverture de la prestigieuse académie aux femmes et aux hommes des autres horizons qui ont eu à se distinguer par un apport culturel et intellectuel de qualité.
Amar Naït Messaoud
N° :922 Date 2005-06-18
http://www.depechedekabylie.com/popread.php?id=5339&ed=922
12 juin 2009
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