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Le dualisme culturel japonais

12 juin 2009

Non classé

  • “Les belles endormies” de Kawabata
    Le dualisme culturel japonais

Le dualisme culturel japonais 1029_10999

Le roman de Yasunari Kawabata “Les Belles endormies” (“Nemureri Bijo” en japonais) est écrit d’une seule traite, sous forme de tableau et de dialogues d’une saisissante beauté. Il se lit également d’une seule traite. Au bout des 124 pages en traduction française, on se rend à peine à l’évidence que la scène est achevée. Mêlant un héritage levantin fait de beauté secrète et de mystère, Kawabata, prix Nobel 1968 de littérature, offre au lecteur l’une des meilleures œuvres de fiction venues du lointain Japon.


Le vieil Eguchi découvre en cinq visites successives, dans une maison close, le corps de jeunes filles vierges qui ont été endormies au moyen d’un dangereux soporifique. Cette maison est réservée aux vieillards impuissants qui s’y rendent pour se remémorer leur passé érotique. “La longue description de ces corps de femme ainsi que des fantasmes érotiques d’un vieillards concourt à souligner encore le contraste entre la vie qui surgit de la beauté et la mort qui répond à la déchéance morale et physique”, souligne Solange Lieutenant-Simons, critique au “Magazine littéraire”. Publié en 1961, ce roman décrit la quête de vieillards en mal de plaisir. Dans une mystérieuse demeure, ils viennent passer une nuit auprès d’une adolescente endormie, mais la fille ne s’abandonne pas au sommeil naturel. Sous l’effet d’un puissant narcotique, elle dort d’une traite tout au long de la nuit. Elle ignorera même avec qui elle a passé la nuit. Les vieillards redécouvrent là une illusion de jeunesse, un élan vital sans portée pratique.
Kawabata est né le 11 juin 1899 à Osaka et se suicide en 1972. Fils d’un médecin, orphelin très jeune, il commença ses études littéraires en 1920 , à l’université de Tokyo fondant plusieurs revues auxquelles il participait activement. En 1926, il publie “La Danseuse d’Izu”, œuvre à la prose lyrique et au style bien travaillé composée de cinq nouvelles. Le thème de la mort y est omniprésent. Dans la seconde nouvelle, une jeune femme, abandonnée par son amant qui disparaît par la suite dans une mort accidentelle, cherche à retrouver l’esprit de ce dernier dans une fleur de prunier. S’interrogeant au sujet de différent courants religieux de l’Egypte ancienne, de la mythologie grecque ou du christianisme des premiers temps, l’auteur affirme ici la toute puissance du dogme bouddhique de la transmigration. Dans les années 1920, où la mode était l’écriture “prolétarienne”, Kawabata constituait une exception avec son école “sensationnistes”.
La défaite de 1945 et l’occupation américaine ont profondément bouleversé le peuple japonais. Le doute a surgi et, avec lui, une remise en question radicale de tout ce qui a fait la spécificité de la culture nipponne. La nouvelle société japonaise a du se forger un nouvel équilibre entre deux modes de vie irréductibles et contradictoires. “L’expression de ce dualisme est à la base de toute l’œuvre de Kawabata, mais, pour lui, le dédoublement du Japon moderne est devenu peu à peu insoutenable”, ajoute Lieutenant-Simons.
Ayant vécu une expérience douleureuse et traumatisante de la mort – sa mère meurt lorsqu’il avait un an-il perd son père à l’âge de deux ans et assiste à l’agonie de son grand-père à l’âge de 15 ans -, Kawabata restera à jamais marqué par ce destin tragique d’autant plus que la cellule familiale dans le Japon traditionnel est une notion sacrée. Son œuvre même subira l’influence de ce monde lugubre sous la forme d’une obsession continuelle de la destruction et de la mort. Après la deuxième guerre mondiale, Kawabata publiera ses romans les plus marquants : “Pays de neige” (1935-48), “Nuées d’oiseaux” (1949-52), “Les Grondements de la montagne” (1949-54). Très attaché aux traditions de la culture et de la famille japonaise qu’il voyait céder sous le poids d’une modernité occidentale envahissante, Kawabata voit son œuvre couronnée par le prix Nobel de littérature en 1968. Il mit fin à ses jours en 1972.
Avec Mishima Yukio, Kawabata Yasunari est l’écrivain japonais le plus traduit et le mieux connu en occident.

Amar Naït Messaoud

Extrait des “Belles endormies”
“La coloration rose due à un son chaud, plus foncée en allant vers la pointe des doigts, apparaissait avec la même nuance dans le lobe de l’oreille. L’oreille se montrait entre les cheveux. Le rose du lobe de l’oreille accusait la fraîcheur de la fille au point que le vieillard en eut le cœur étreint. Eguchi avait, pour la première fois échoué dans cette maison mystérieuse poussé par son goût de l’insolite, mais il en venait à se demander si des vieillards plus décrépits que lui ne retiraient pas de la fréquentation de cette maison des joies et des peines bien plus puissantes. Les cheveux de la fille étaient comme la nature les avait faits. Peut-être les avait-on laissés pousser  afin que les vieillards y puissent plonger leurs mains. Eguchi, le cou sur l’appui-tête, releva les cheveux de la fille et dégagea l’oreille. Les cheveux faisaient, derrière l’oreille une ombre blanche. Le cou et l’épaule étaient ceux d’une adolescente. Ils n’avaient pas la ronde plénitude de la femme.
Le vieillard détourna les yeux et parcourent la chambre du regard. Les vêtements qu’il venait de quitter étaient dans la corbeille mais, nulle part, il n’apercevait ceux de la fille. Sans doute, la femme les avait elle emportés, à moins de supposer que la fille fut entrée dans cette chambre entièrement dévêtue. A cette idée, Eguchi se sentit gêné. Il lui était loisible de la contempler tout entière. Il n’avait plus désormais à se sentir gêné, et il comprenait bien que c’était précisément dans ce but qu’elle avait été endormie, mais Eguchi n’en tira pas moins la couverture sur son épaule découverte, puis il ferma les yeux. L’odeur de la fille flottait dans l’air et, soudain, une odeur de bébé frappa ses narines. Cette odeur qu’on les nourrissons, qui rappelle celle du lait (…)”.

In “Les Belles endormies”/Yasuneri Kawabata (1961). – Albin Michel, 1986.

N° :1029     Date  2005-10-20

http://www.depechedekabylie.com/popread.php?id=10999&ed=1029

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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