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L’amertume de Naipaul

12 juin 2009

Non classé

  • Elle est contenue dans l’un de ses derniers livres
    L’amertume de Naipaul

Avec le temps, on arrive à se poser les véritables questions. Prix Nobel de littérature V.S Naipaul raconte son regard vis-à-vis des utopies occidentales.

Le livre est intitulé Semences magiques. Sorti aux éditions Plon à Paris, ce texte fait mouche. La réputation de misanthrope de V.S. Naipaul, prix Nobel de littérature 2001, ne faiblira pas, à la lecture de Semences magiques, la suite de son roman la Moitié d’une vie. Comme dans le précédent volume, l’écrivain britannique d’origine indienne, et né à Trinidad, s’interroge sur la place qu’un homme peut occuper dans le monde quand il est exilé, tiraillé entre des cultures et des valeurs différentes, incapable de faire des choix. Son héros, Willie Chandran, appartient à cette catégorie : après des débuts remarqués en littérature, ce jeune Indien, débarqué à Londres à la fin des années 50, a suivi une de ses admiratrices au fond de la brousse africaine.

Dix-huit ans après, il rentre seul en Europe, à Berlin, où sa soeur, émigrée elle aussi, le convainc de rejoindre un groupe de guérilleros dans son pays natal. Funeste retour en Inde où il découvre l’envers bien peu romantique de la guérilla, les semaines de désoeuvrement, les opérations foireuses, la tyrannie des petits chefs et la petitesse des combattants. Au bout de sept ans, il se rend aux Autorités et croupit en prison d’où il finira par sortir son passé d’écrivain prometteur. Revenu à Londres, il pense trouver dans l’architecture une nouvelle passion, mais ce n’est pas évident. « On se le demande, tant Willie Chandran semble ne rien contrôler de sa vie, réduite à une succession de hasards qui l’ont de plus en plus éloigné de lui-même », fait remarquer le quotidien Libération. «Je me sens perdu, dit-il encore. Je ne sais pas quelle cause je sers ni pourquoi je fais ce que je fais.» Questionnement récurrent chez Naipaul, exilé lui-même, qui a mis l’errance et l’identité au coeur de son oeuvre et qui, au fil des ans, devient plus amer, plus pessimiste encore. Etranger à lui-même et partout étranger, Willie Chandran traverse le monde sans le voir et sans qu’on le remarque : «C’est la seule chose à quoi j’ai travaillé toute ma vie, avoir l’air chez moi, n’étant chez moi nulle part». On retrouve dans Semences magiques un autre thème cher à l’auteur, celui de la désillusion et de l’anti-idéalisme. Bien qu’originaire du tiers-monde et sans concession pour les sociétés occidentales, V.S. Naipaul n’a jamais porté dans son coeur les révolutionnaires. Le portrait qu’il en dresse ici noircit à loisir des êtres complexés, mesquins, qui cherchent surtout à se venger de leurs frustrations personnelles : «On ne fait pas plus vaniteux et haineux que les inférieurs qui veulent leur revanche.» Les guérilleros de la forêt indienne vivent cachés, se noient dans des débats idéologiques fumeux, vivent dans une bulle irréelle dont ils ne sortent que pour forcer des paysans rétifs, à tuer pour l’exemple des propriétaires terriens. Leurs chefs leur font croire à des succès imaginaires mais n’arrivent à rien, et l’exaltation des débuts fait bientôt place à la routine et l’ennui, que les plus lucides ne cherchent qu’à fuir. Parmi ces soldats perdus, Willie Chandran noue quelques amitiés sans lendemain, avant d’ouvrir les yeux à son tour et de déserter. On ne tue pas le malheur avec un fusil, «on tue seulement des gens». La critique est féroce contre ces révolutionnaires, vivant «en vase clos», prisonniers d’une conception «fantasmagorique» de la réalité où il suffirait de proclamer la prochaine destruction du vieux monde pour que tombent aussitôt ses murailles. «Je suis parmi des aliénés, comprend Willie, je suis moi-même devenu un aliéné.» La fin du roman n’est pas plus radieuse : sur un mode tout aussi crépusculaire, le retour de Willie Chandran à Londres montre la difficile réinsertion dans une société devenue méconnaissable trente ans après, la société du grand brassage mondial, où notre piètre héros va se mettre en quête de nouvelles «semences magiques», histoire de nourrir encore quelques illusions. Mais le coeur n’y est plus : «Bien que je sois un rescapé, libre de mes mouvements, sain de corps et d’esprit, c’est aussi comme si je purgeais une condamnation à la prison à perpétuité.» Est-ce parce que l’écrivain est très loin, très distancié de son antihéros ? Semences magiques surprend par son ton froid ; presque atone : la description est clinique, les protagonistes sont quasi sans os ni chair, et parlent comme des manuels politiques. Seul personnage un peu réel dans cette galerie typologique : l’ami anglais de Willie Chandran, avocat englué dans des affres professionnelles et sentimentales très concrètes, au contraire de Chandran lui-même, ectoplasme ballotté au gré des idéaux du moment, en définitive aussi inconstant qu’inconsistant. Depuis plusieurs années, V.S. Naipaul exprime ses doutes sur la capacité du roman à rendre compte du monde d’aujourd’hui, de sa complexité et de ses bouleversements. Semences magiques illustre jusqu’au risque ce scepticisme. Ce livre change des autres écrits de cet auteur qui avait une certaine idée du tiers-monde et de ces errances.

 

Farid Ait Mansour

http://www.depechedekabylie.com/popread.php?id=32094&ed=1378

 

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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