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La bataille des écritures

12 juin 2009

Non classé

  • Patrick Rambaud
    La bataille des écritures

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La littérature est un déferlement continu d’imagination. Mais ces flots de fiction demandent de la maitrise et du talent.

Il écrit des livres osés. Patrick Rambaud a du gout pour l’épopée. Il sait raconter des histoires prenantes.  Balzac en a rêvé. Rambaud l’a fait.

Prenant le relais d’Honoré qui promettait à la belle Hanska de l’ «initier à toutes les horreurs, à toutes les beautés d’un champ de bataille»,

Patrick Rambaud, Prix Goncourt 1997 pour La Bataille (celle d’Essling en l’occurrence), restitue aux boulevards de Paris la figure de ces maréchaux qui l’encerclent comme une place forte et fait monter l’odeur du sang jusqu’à l’arc de Triomphe.

Essling, un jour de 1809, accentue la métamorphose de l’empereur libérateur en tyran et ouvre, selon l’historien Louis Madelin, «l’ère des grandes hécatombes qui allaient, dès lors, marquer les campagnes de l’Empereur: 40 000 morts en 32 heures, le long du Danube furieux qui emporte les ponts. Une boucherie emplumée entre les villages d’Essling et d’Aspern. Cette furia, Rambaud la donne à voir en Technicolor et Dolby Stéréo avec une distribution de premier ordre: Napoléon sur un sapin juché comme une décoration de Noël, injuste, colère et tempêtant.”

Lannes qui mourra, Saint-Hilaire qui mourra, Massena, Davout, Berthier qui mourront mais plus tard, le peintre Louis-François Lejeune qui signa les pantalons rouges des aides de camp, le soldat Fayolle, le soldat Pacotte, le soldat Paradis, Espagne, Périgord… Tous promis à la mort. L’auteur saisit la masse humaine, de l’état-major à la piétaille, et restitue à chacun sa place dans la tuerie. Caméraman inspiré, il court du plus grand au plus petit, de l’universel de la terreur où le combattant n’est plus qu’une bête décapitée poursuivant son carnage, au détour d’un viol à la sauvette. Il entrelace les destins et les sentiments, brode des romances où le futur Stendhal fabrique sa réputation d’amoureux sans suite, tisse une ébauche de tyrannicide et entretient de vieilles haines entre les fidèles de l’Empereur qui se souvenait qu’il faut diviser pour régner. Stratège, génie des ponts et chaussées, chirurgien en campagne, cantinier donnant du bouillon de cheval au Français et des têtes crues aux prisonniers autrichiens, pilleur, sabreur, Rambaud est partout. Sa Bataille est un combat splendide pour la littérature romanesque.

« La seule raison de ce roman, c’est d’essayer de prendre une période qui, dans tous les livres, est traitée en dix lignes. Mon premier bouquin, La Bataille, je le dois à Balzac. Il répétait sans arrêt qu’il allait faire un livre sur la bataille d’Essling, mais il n’a jamais écrit qu’une demi-ligne au dos du manuscrit du Médecin de campagne. Mon idée, c’était donc de faire le truc de Balzac. Et puis, une fois que j’ai commencé à creuser, à fouiller, j’ai eu envie de rester dans cette époque. Dans Il neigeait, je me suis intéressé à la retraite de Russie, parce qu’on la connaît très mal. On croit que les soldats français sont tous morts de froid, alors que la moitié d’entre eux avaient déjà péri avant d’atteindre Moscou. De même, la Berezina n’est pas une défaite, puisque l’armée passe et tranche en deux une armée russe de l’autre côté. C’est la curiosité qui me pousse à écrire des livres: à quoi ressemblait Moscou avant l’incendie ?

Comment s’est déroulé cet incendie? Ensuite j’ai cherché un troisième épisode situé à la fin de l’Empire. Les Cent-Jours? Battus, rebattus, et déjà traités par Aragon. Waterloo? J’avais déjà fait une bataille, ça me suffisait amplement.

Sainte-Hélène? Impossible. Il me restait donc ces dix ou onze mois qu’on ne traite jamais. Un vrai temps mort… D’ailleurs j’ai eu beaucoup de mal à rassembler de la documentation. Mais finalement j’ai trouvé des mémoires, des bouquins bizarres, des choses que je n’avais pas prévues », confie le romancier au magazine Lire. C’est dommage que l’histoire n’inspire pas beaucoup les écrivains algériens.

« Je n’ai aucun point de vue, franchement. Et plus ça va, moins j’en ai. C’est un fantastique personnage, évidemment. La vie de ce bonhomme est quand même assez rare, et ses comportements sont étranges, car lui-même ne sait pas où il va. Je ne veux rien démontrer, j’essaie seulement de le montrer tel qu’il était d’après les gens qui l’ont connu. Il a quand même inspiré une littérature considérable: un livre par jour depuis sa mort, je crois. Effrayant, effrayant », dit-il à propos de Napoléon.

Il y a aussi le personnage d’un espion: « Son nom est celui d’un personnage de L’éducation sentimentale : il y a beaucoup de noms no mands dans Flaubert. Et son prénom est celui du personnage joué par Jean Renoir dans La règle du jeu, un de mes films préférés. Le grand principe, c’est que pour être vraisemblable dans un roman, un nom doit avoir été porté. Sinon ça ne marche pas.

Dans Gilles, Drieu la Rochelle invente des noms, et ça loupe à chaque fois! Balzac regardait les enseignes, mais si on l’imite aujourd’hui, on risque un procès. Je suis passé pendant des années, à côté d’ici, devant une enseigne remarquable: «Louis Lendormi, assureur». On croirait le titre d’un conte de Marcel Aymé. Mais impossible de la reprendre. Alors je me sers souvent d’un petit bouquin sur ma famille, qui débute au XVIe siècle.

اa me permet d’avoir les prénoms d’époque. Et en cas d’ennui, je peux toujours dire: c’est un ancêtre! Tenez, au XVIIIe siècle: Claudine Pacotte. Le nom ne suffit pas: il faut le prénom qui va avec. A propos, vous savez que sous la Révolution on donnait beaucoup de noms de fruits et de légumes? C’est ainsi qu’un gamin s’est appelé Cornichon. Mais «cornichon» est devenu une insulte vers 1810, et le type a voulu à tout prix changer de prénom », souligne l’écrivain.

« Mon problème, c’est que j’ai envie de faire beaucoup trop de choses. Je songe depuis longtemps à un livre sur Tchouang-Tseu, un vieil ami qui a vécu au IIIe siècle avant notre ère, dans une Chine pas encore constituée, à l’époque des royaumes combattants. Mais ça me tente bien aussi de repartir faire un petit tour

du côté du Directoire: le 13 Vendémiaire, la nomination de Bonaparte en Italie. J’y mettrai en

scène beaucoup de gens passionnants comme Barras ou Mme Tallien, des aventuriers fous, des gredins pas possibles… C’est une époque où les gens se réveillent après Thermidor, c’est l’après-guerre, l’invention du restaurant. Une belle période, bien bordélique », reconnaît l’écrivain dont la vie a été chamboulée par le prix Goncourt.

Auparavant, l’écrivain avait énormément écrit. « J’ai dû écrire une trentaine de livres en tant que nègre, sans parler des articles de presse. Mais jamais de romans: les souvenirs de vieilles comédiennes, d’un chirurgien… C’est très intéressant d’essayer de retrouver le ton d’une personne qu’on enregistre au magnétophone. Cela continuait un peu le journalisme: je mettais en forme les propos de gens qui n’avaient pas la technique pour articuler un livre. Une sorte de menuiserie. », affirme cet auteur singulier. « Non, il n’y a rien d’horrible. Quelquefois, on écrit le livre de quelqu’un qui se retrouve chez Pivot et qui est convaincu de l’avoir écrit lui-même.

اa n’a rien de sulfureux, c’est juste rigolo. Mais je ne peux pas vous donner de noms. Il y a le secret professionnel: ça ne se fait pas », ajoute-t-il. Décidemment le métier d’écrivain fait faire de drôles de gymnastiques…

 

Farid Ait Mansour

http://www.depechedekabylie.com/popread.php?id=29354&ed=1336

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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