- Premier colloque international des écrivains arabes en exil
Des intellectuels racontent le déchirement…
Dans le cadre de la manifestation « Alger capitale de la culture arabe, 2007″, le premier colloque international consacré aux écrivains arabes exilés, s’est tenu, dimanche dernier, à la Bibliothèque nationale d’El Hamma.
La littérature de l’exil n’est pas un phénomène propre à l’époque moderne, mais c’est au 20ème siècle qu’elle a pris de l’ampleur et s’est imposée, d’emblée, à la conscience des écrivains et des théoriciens.
Cette ampleur est due, entre autres, à des circonstances sociales, historiques et politiques particulières, telles que, l’indépendance des anciennes colonies qui vont retomber tout de suite dans la dépendance, la montée en force de régimes dictatoriaux et totalitaires qui contraindront nombre d’écrivains à l’exil. La littérature de l’exil, par sa violence fondatrice, est une littérature de deuil, une littérature du ressentiment, mais l’écrivain, que l’exil ne réduit pas au silence, se rapatrie grâce au travail de mémoire et à la puissance de la langue. Ce colloque, organisé conjointement avec le Centre arabe de la littérature géographique d’Abu Dhabi, durera cinq jours. Il a pu réunir 72 écrivains originaires du Maghreb et du Machrek, résidant dans divers pays européens et d’Amérique.
Ces penseurs et hommes de lettres vont pouvoir exprimer leurs souffrances et leurs malheurs, vis-à-vis de cette situation exaltante mais pénible qui est due à un exil volontaire ou forcé. De plus, ils essayeront de mettre l’accent sur les raisons de leur exil, qui n’est autre qu’une fuite de la soumission pour la recherche de la liberté d’expression. Cela fait plus d’un siècle que des écrivains d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine, fuient vers les pays d’Europe et d’Amérique du Nord pour pouvoir créer librement et en toute sécurité. Ces exilés ont été obligés un jour, de quitter leur patrie où la plume est considérée comme étant plus dangereuse que les armes à feu. Rencontré en marge de cette rencontre, M. Benaârab Abd Elkader, écrivain, poète et professeur à la faculté de Paris, nous a déclaré à propos de l’organisation de ce colloque que, “c’est une bonne initiative, que de faire se rencontrer des écrivains qui parlent de l’exil et qui sont eux-mêmes exilés. Par ailleurs, je suis un peu frappé par l’absence des écrivains francophones, je signale la limite peut être involontaire de ces écrivains, et cela m’amène à parler de la culture algérienne », a-t-il expliqué, tout en ajoutant, qu’il a « toujours ressenti une grande souffrance du mépris et de l’isolement des écrivains arabes et francophones, en dépit de ces écrivains qui sont Algériens et qui développent des sensibilités communes. Je suis étonné que ces personnages soient ignorés à ce point-là ».
En outre, et pour ce qui est de la littérature française, M. Benaârab a affirmé que « c’est une littérature enfermée sur elle-même, et qu’elle oublie de s’ouvrir sur les autres, à l’instar de la littérature arabe. L’expérience de l’une et de l’autre peut être plus riche s’il y avait une interpénétration, une meilleure connaissance. Sur ce plan, est-ce que L’intellectuel algérien est toujours prisonnier de son passé historique colonial ? »
L’intellectuel, au lieu de son obéissance au pouvoir, doit exprimer librement ces pensées, sa sensibilité, sa vision du monde. Il doit aussi connaître sa société, la réalité de cette société, et ces spécificités. Pouvoir de toute manière traduire ce particularisme et d’une manière générale, ce n’est pas la peine de se voiler la face, car la culture algérienne et l’ensemble de la culture française, berbère et arabe, nier ce fait, la serait une façon de confirmer le dogme du pouvoir. “Il faut noter, qu’à travers ce colloque, l’intérêt majeur de cette rencontre est de nous faire connaître ce qu’est l’écriture de l’exil, le vécu de l’exilé, son ressentiment, son malaise… Or, l’expression de l’exil n’est pas l’apanage des écrivains arabes, ou langue arabe. Nous partageons tous le malheur de l’expérience de l’exil. Cette rencontre aurait été beaucoup plus riche, si on lui avait aussi associé des écrivains d’autres diverses expressions, et peut être pour confronter l’expérience des uns et des autres.” S’agissant des causes de l’émigration ou de l’exil, il a déclaré « évidemment, l’émigration par définition, est soumise à des facteurs économiques. » L’émigré n’existe que par le travail. L’exilé est poussé pour des raisons politiques qui l’ont poussé à fuir sa société d’origine parce qu’elle est insuffisante et quelque peu répressive. Mais quant au vécu des deux, (l’émigré et l’exilé), ils “partagent le même désarroi, malaise et malvie.”
A une question sur l’Union des écrivains algériens, Benaârab estimera que « l’Union suit une politique de division, de manque d’ouverture.» Elle reflète bien l’imaginaire de l’écrivain algérien. C’est bien dommage que cette Union ne puisse pas sortir forte et puissante par sa Fédération quelle que soit sa façon d’exprimer le réel. Enfin, il est à noter l’absence totale d’auteur en langue amazigh, ainsi que la présence très limitée de ceux d’expression francophone.
Kafia Aït Allouache
12 juin 2009
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